Dans le même temps, ont été reconsidérés la place de l’anthropologue, son engagement et son implication dans la situation de communication qui définit le « terrain », ainsi que ses effets théoriques sur les significations de la description et de l’interprétation (Althabe, 1990 ; Bazin, 1996).
Cette « mondialisation réellement existante » complexifia davantage les flux de marchandises, de personnes et d’informations, changeant la donne des relations entre espaces mondiaux fragmentés, au niveau local et mondial.
En effet, un monde globalisé représente la configuration parfaite pour que l’anthropologie fleurisse, puisque l’une des valeurs essentielles de notre discipline est le respect de la différence. Une discipline qui fait l’éloge de la pluralité et de la diversité se doit d’encourager ces prises de position en son sein.
En période de guerre – comme nous l’avons mentionné précédemment – l’anthropologie peut être appelée, même dans des régimes non autoritaires comme par exemple en Amérique du Nord, à adopter des rôles similaires, voire à devenir une source de renseignements sur l’ennemi. L’importance de l’anthropologie dans la construction nationale est bien connue.
2Sans remonter très loin dans le temps, on admettra que lhistoire de lanthropologie a été bouleversée et réorientée par trois processus qui ont parcouru les dernières décennies et dont on peut situer lamorce entre la sortie de la Seconde Guerre mondiale (années 1940-1950), les grandes décolonisations (années 1960-1970), et la fin de la guerre froid
4Deuxièmement, limage dun monde fini, et jusquà présent unique (la planète Terre), comme cadre englobant, homogénéisant, dépassant les contextes locaux ou nationaux, a mis en question le périmètre de ce qui « nous » est commun, allant des classiques « communautés villageoises » ou « communautés ethniques » à la « communauté européenne » et à la « c
5Troisièmement, et comme pour prolonger et résumer ces deux crises du « je » et du « nous », sest posée la question des frontières des espaces, des cultures et, plus confusément, des identités, dans/de la mondialisation. Le grand récit mondial du « sans frontiérisme » élaboré dans les années 1970-1980 a été une expression de cette crise, mais aussi
10Le contexte politique et la crise morale du premier monde des années 1960 sont déterminants, on le voit aux États-Unis comme au même moment en France. La « démolition » nord-américaine a été une révolution plus morale et politique quépistémologique, si lon en croit la contextualisation quen font aujourdhui les protagonistes de lépoque (Rabinow et
16La découverte de « nouveaux terrains » est aussi marquée par la recherche de nouvelles relations avec et dans le domaine, de façon à saccorder avec la prise en compte des contextes et de leurs transformations mentionnés plus haut, leurs conflits et leurs hétérogénéités. Ces enquêtes sont marquées par une proximité et une familiarité bien plus gra
17Quest-ce que le contemporain de lanthropologie ? Cest dabord la trace de ce qui est en train darriver dans le moment et la situation de lenquête, et donc sa présence réfléchie dans le texte de lanthropologue. La trace du mouvement, du changement, du premier souffle de là-venir. Pour trouver comment ce principe est mis en œuvre dans lanthropologie
22À partir du moment critique que je viens dévoquer à grands traits, sest construite en France lidée que l« anthropologie du contemporain » définissait une anthropologie alternative dune autre laquelle serait, par contraste, restée « classique » et ainsi référentielle pour les uns (ceux qui sy rattachent comme à un « âge dor » évoqué ci-dessus par
23Cette partition nest pas satisfaisante pour lesprit, et elle ne lest pas non plus pour lenquête de terrain, où quelle se déroule. Car, reproduire ce clivage entre une anthropologie classique et une autre contemporaine, cest encore reproduire au sein de lanthropologie, le principe du grand partage, dualiste et culturaliste voire civilisationnel, e
28Enfin, la troisième erreur consiste en une myopie qui empêche de voir que les temps, les lieux et les contextes ont changé. Un certain passéisme ethnique de lanthropologie est ici en jeu, comme si une éternelle ethnologie des ethnies devait survivre à la transformation du monde. Un de ses effets présents est dentretenir lidée dune vérité identita
30Toute lanthropologie est aujourdhui concernée, les questions abordées ici relèvent dune dimension générale et partagée, une épistémologie de la pratique des anthropologues. Elles regardent la conception et le choix des objets, des méthodes et des concepts grâce auxquels les anthropologues peuvent comprendre, encore, le monde qui nous entoure, que
31Cest dans ce cadre politique global, inégal et conflictuel, et dans un contexte de savoirs eux-mêmes en cours de mondialisation, critique et parfois polémique, mais dont on admettra au moins la vitalité et la diversité, que sest opéré, que sopère encore le tournant contemporain de lanthropologie. Il est inachevé, on laura compris, mais on pourra
Agier, Michel, 2004, La Sagesse de lethnologue, Paris, Éditions de lŒil neuf. Balandier, Georges, 1955a, Sociologie actuelle de lAfrique noire. Dynamique sociale en Afrique centrale, Paris, Presses universitaires de France (5e édition, 1992). Balandier, Georges, 1955b, Sociologie des Brazzavilles noires, Paris, Fondation nationale des sciences poli
Agier, Michel, 2012, « Penser le sujet, observer la frontière. Le décentrement de lanthropologie », LHomme, n° 202-203, p. 51-75. Albert, Bruce, 1997, « Situation ethnographique et mouvements ethniques. Réflexions sur le terrain post-malinowskien », dans Michel Agier (dir.), Anthropologues en dangers. Lengagement sur le terrain, Paris, Jean-Michel