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La naturalité des processus chimiques

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  • C'est quoi la nature d'un composé chimique ?

    Un composé chimique ou corps composé, en chimie, est une substance chimique pure composée d'au moins deux éléments chimiques différents.
    Les atomes formant les assemblages des composés chimiques sont liés entre eux par des liaisons chimiques, qui peuvent être de différentes natures.

  • Pour bien des consommateurs qui veulent des remèdes ou des aliments « naturels », la chimie est l'autre de la nature.
    Son extérieur, voire son antithèse.
    Comment peut-on dire d'une science de la nature qu'elle est dans un rapport d'exclusion avec son objet.
[1] Naturalisation des processus chimiques : idée selon laquelle le « chimisme », avant de désigner un ensemble d'opérations artificielles réalisées par le savant en laboratoire, désigne l'un des niveaux de réalité les plus fondamentaux de la matière ou nature, voire l'élément premier, le plus simple de la matière

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La naturalité des processus chimiques

l'actualité chimique - septembre 2011 - n° 35522Chimie et natureLa naturalitédes processus chimiquesDes philosophes du XVIIIe siècle à aujourd'huiMai Lequanujourd'hui, les philosophes et historiens de la chimie,mais aussi la société civile, le grand public, ont tendanceà considérer les réactions chimiques comme 1) des opéra-tions artificielles de l'industriel ou du chimiste en laboratoire,et 2) qui produisent des substances dangereuses, nocives.Bernadette Bensaude Vincent, dans son ouvrage Faut-ilavoir peur de la chimie ? (Le Seuil, 2005), a établi les raisonspour lesquelles la chimie est actuellement perçue commepoison et source de pollution, et ce depuis la phase d'indus-trialisation des sociétés d'Europe occidentale.

Le chimiquefait peur, inspire le soupçon en raison de sa puissance et deson caractère artificiel.Mais il n'en a pas toujours été ainsi.

En particulier, à la findu XVIIIe et au début du XIXe siècle s'est développée une phi-losophie dite de la nature, dont l'existence fut très limitéedans l'espace et le temps, puisqu'elle constitue un momentspécifique de la pensée allemande, qui s'étale des années1780 aux années 1830, et dont l'influence continue de se fairesentir, en philosophie comme en science, jusqu'au milieu duXIXesiècle.

Or cette philosophie allemande de la nature (Phi-losophie der Natur ou Naturphilosophie), représentée notam-ment par Kant, Schelling, Fichte et Hegel, procède à unenaturalisation des processus chimiques [1].

Pour ce courantphilosophique, le " chimisme » (Chemismus) désigne l'en-semble des processus et réactions (d'analyse et de synthèse)naturels se produisant au sein de la matière tant inorganiquequ'organique, avant de désigner des opérations artificiellesréalisables par l'homme.

Cette philosophie souligne, defaçon exceptionnelle dans l'histoire des idées, la naturalitédes processus chimiques, en tant que transformations quali-tatives des corps.

Elle inscrit les phénomènes chimiquesdans le cadre théorique plus vaste d'un dynamisme universelde la nature traversant toute la matière, tant minérale quevivante.

Elle ne pense pas la nature comme un monde sainet pur, par opposition à l'art humain jugé malsain et impur.Pour cette philosophie, la naturalité du chimisme se situe au-delà de la distinction même entre naturel et artificiel, la naturedésignant ici le réel sensible, le monde des phénomènesspatio-temporels tels qu'ils s'offrent à notre connaissance(sans aucune connotation écologique), voire la puissancedynamique universelle de production des phénomènes.

Enparticulier, le philosophe allemand Schelling (1775-1854) voitdans la nature une puissance vivante infinie, sorte d'orga-nisme universel animé intérieurement par une " âme dumonde » (concept qu'il emprunte au philosophe grec Platon).Pour la philosophie de la nature de Schelling, les substanceschimiques résultent de processus dynamiques naturelsneutres, qui ne sont en eux-mêmes ni sains ni nocifs, ni bonsni mauvais.

Schelling arrache le chimisme et la chimie(science des processus chimiques) à tout jugement moral devaleur, et affirme qu'il y a du chimisme partout dans la nature :le chimisme est omniprésent dans tout phénomène naturel,même si tout n'est pas réductible à du chimisme.La Naturphilosophie allemande des XVIIIe et XIXe sièclesconstitue ainsi un moment exceptionnel dans l'histoire desreprésentations de la chimie, dans la mesure où elle envisageles processus chimiques du point de vue de leur naturalité, etrompt ce faisant avec toute une tradition, laquelle accentueau contraire la dimension technique, artisanale de l'artefact,du factice, de l'artificiel en chimie, tradition qui domineaujourd'hui encore notre vision de la chimie et de ses produits,et qui explique la peur en partie irrationnelle que nous avonsde la chimie.Mais pourquoi l'idée d'une naturalisation des processuschimiques n'a-t-elle pas perduré au-delà de la moitié duXIXesiècle, tant parmi les philosophes de la nature que parmiles savants, physiciens ou chercheurs en sciences naturelles(Naturforscher) ? C'est parce que la philosophie allemande dela nature (Naturphilosophie) a été discréditée et vivementcritiquée dès le XIXe siècle à la fois par les philosophes et parles scientifiques (physiciens et chimistes).

En effet, elle a faitpresque immédiatement l'objet de deux critiques croisées : On lui a très vite reproché d'enfermer la nature, ses phéno-mènes et les sciences de la nature dans des schémas et desconcepts trop métaphysiques, trop spéculatifs, trop abs-traits, trop formels, et donc de se couper et de la réalité empi-rique de l'expérience des savants et des doctrines de cesderniers.

Par exemple, philosophes et savants reprochent àla Naturphilosophie de Schelling dans les années 1800-1806de projeter en surplomb, de façon arbitraire et artificielle, descatégories métaphysiques abstraites sur la nature et sur lessciences de la nature et d'interpréter notamment les proces-sus dynamiques naturels (magnétisme, électricité, chimisme)comme des niveaux, moments ou puissances au sein d'unédifice métaphysique, spéculatif et complexe.

Les schémaset concepts de la Naturphilosophie ont semblé aux savants,aux scientifiques (Naturforscher) d'alors, et plus encore àceux de la fin du XIXe siècle, beaucoup trop complexes et éloi-gnés de la réalité empirique des expériences menées en labo-ratoire et inapplicables à la réalité des théories explicativesproduites par les savants eux-mêmes.

Selon ces critiques, laNaturphilosophie se serait rendue malgré elle (malgré sonprogramme initial et son intention profonde) sourde aux expé-rimentations menées sur la matière naturelle et aveugle à laplupart des théories issues des sciences mêmes.

Cette phi-losophie a ainsi pâti de la complexité technique de son voca-bulaire et de l'aridité de ses raisonnements.

La seconde raison qui permet d'expliquer l'éclipse histo-rique de l'idée d'une naturalisation des processus chimiquesest que la philosophie allemande de la nature forme un corpsde doctrines éclatées.

Elle a en effet souffert de son carac-tère fortement hétérogène, voire des tensions existant enA23l'actualité chimique - septembre 2011 - n° 355Chimie et natureson sein.

En effet, ce qu'on appelle " philosophie allemandede la nature », loin de constituer un courant de pensée cohé-rent, homogène, unifié, rassemble des auteurs extrêmementdifférents.À cause de cette extrême variété des sous-courants, laNaturphilosophie n'est pas parvenue de façon générale àexercer une influence durable dans les sciences expérimen-tales positives (physique et chimie) et son influence ne s'estguère étendue au-delà des années 1850-1860.

Exemple detensions (voire de contradictions) internes à la Naturphiloso-phie : certains Naturphilosophen contestent la validité de larationalité mise en oeuvre dans les sciences positives de lanature ; d'autres au contraire cherchent à se rapprocher dumodèle méthodologique des sciences et à faire de la philoso-phie de la nature elle-même une science de la nature à l'instarde la physique ou de la chimie expérimentale d'alors [2].[1]Naturalisation des processus chimiques : idée selon laquelle le" chimisme », avant de désigner un ensemble d'opérations artificiellesréalisées par le savant en laboratoire, désigne l'un des niveaux de réalitéles plus fondamentaux de la matière ou nature, voire l'élément premier,le plus simple de la matière naturelle ou de la nature matérielle.[2] Pour en savoir plus sur les raisons de l'échec de la Naturphilosophieallemande en général dans sa prétention à incarner une nouvelle sciencespéculative moderne de la nature et sur sa faible influence historique(courte et ponctuelle) dans les sciences du XIXe siècle, et en particuliersur les raisons de l'abandon assez précoce du modèle " naturphilo-sophique » de naturalisation des processus chimiques, voir l'article deDietrich von Engelhardt, " Grundzüge der wissenschaftlichen Naturfors-chung um 1800 und Hegels spekulative Erkenntnis » (Philosophia natu-ralis, 1971, 13(3), p. 290) et l'ouvrage d'Emmanuel Renault, Philosophiechimique.

Hegel et la science dynamiste de son temps (Presses Univer-sitaires de Bordeaux, 2002, p. 93-115).Mai Lequanest maître de conférences en philosophie à l'UniversitéLyon 3*.*Institut de recherches philosophiques de Lyon, Université JeanMoulin Lyon 3, 1 rue de l'Université, BP 0638, F-69239 LyonCedex 02.Courriel : mai.lequan@univ-lyon3.fr