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à la plume coriace... ce perdu de

I imagination . . . (Le Mariage de M. Mississipi) i DURRENMATT dramaturge baroque de la justice D

URRENMATT

a écrit quelque part que "Guillaume Tell était le seul Suisse que le monde entier connaisse vraiment». Je ne suis pas sûr que Diirrenmatt ne soit bientôt aussi célèbre, dans le monde du théâtre tout au moins, que lo fameux héros à la pomme ; moins de quarante ans (il est né dans le canton de Berne le 5 janvier

1921), il a pris, avec une toute autre philosophie et en utilisant des

moyens scéniques totalement différents, la place laissée vacante par la mort de Bertolt Brecht. Premier dramaturge de langue allemande, il est joué aujourd'hui à Londres comme à New-York, à Varsovie comme

à Tokyo, bien qu'il n'ait encore écrit que huit oeuvres dramatiques. La première, qui fit scandale à Zurich, "Il est écrit», est une satire

violente - parait-il - des Anabaptistes. Le héros, suivant le précepte

évangélique,

les premiers seront les derniers, ne va-t-il pas jusqu'aimer les rats de sa prison ? Ecrite en 1946, alors que Durrenmatt poursuivait Berne ses études de théologie et de philosophie (son père était pas- teur), jouée en 1947, cotte pièce le décida à s'orienter vers le théâtre. Ce protestant coriace », comme il se dénomme lui-même, qui jusque là hésitait entre une carrière de peintre ou de philosophe, va désormais nous donner une oeuvre abondante (aux pièces de théâtre s'ajoutent des oeuvres radiophoniques, des scénarios, des romans policiers - la

Panne,

la Promesse - un essai etc...) et paradoxale dont les deux ca ractères marquants sont, à mon sens: l'architecture baroque où la notion de "grotesque» joue un rôle important et l'obsession de la Justice,

qu'il s'agisse de la justice humaine ou de la justice divine. Diirrenmatt a écrit lui-même (voir la Vie du C.D.E. N" 20) qu'un pro

testant ne pouvait écrire les mêmes oeuvres qu'un catholique. Partant d'un détail particulier. Durrenmatt en déduit des lois universelles, sans plan préconçu, nous dit-il. C'est ainsi que l'idée de "La Visite de la Vieille Dame» (1956) lui vint alors qu'il effectuait de fréquents

Romulus le Grand

au CD.E.: l'Empe reur mangeant ses oeufs entre ses deux valets de chambre. (Photo Carabin) voyages par chemin de fer entre Neuchâtel où il réside et Beme où sa femme suivait un traitement médical. Il se demanda pourquoi le train s'arrêtait à certaines gares et pas à d'autres ? Pour quelles raisons, un train pourrait un jour, exceptionnellement, s'arrêter à l'une de ces gaivs sade justice resté impuni. On voit le mécanisme créateur par lequel l'idée de justice est venue

se greffer, pour Durrenmatt, sur le simple fait d'un train "brûlant» une gare. Dans le développement même de la pièce, il obéit aux mêmes principes et il explique beaucoup moins une situation qu'il ne la dé voile; "J'ai montré que la vieille était riche en la faisant transporter dans une chaise à porteurs par des gangsters qu'elle avait fait libérer sous caution du Sing-Sing. Et Alfred III apprend qu'il va mourir lorsqu'il volt les habitants de la ville porter des souliers jaunes achetés à crédit, signe qu'ils ont accepté l'idée de le tuer pour toucher le milliard de

la Vieille Dame». * Créée au Schauspielhaus de Zurich (l'un des théâtres préférés de Dùr-

renmatt avec le Kammerspiele de Munich), "la Visite de la Vieille

Dame»

qui obtint à Paris en 1957 le Prix Molière, marque dans l'oeuvre de Durrenmatt, un accomplissement. Elle succède à "l'Aveugle» (Bâle

1948) dont l'auteur ne veut plus entendre parler, à "Romulus le Grand»

8 (Bâle 1949) qu'il est inutile de présenter à nos spectateurs de l'Est Romulus le Grand: décor du 1"' acte ( théâ tre

Ludowy à Nowa-

Huta,

Pologne). (Photo X)

puisqu'il fut créé en français par le C.D.E. il y a deux ans, et au "Mariage de M. Mississipi» (Munich 1952). Cette Georges Vitaly, est la pièce de Durrenmatt qui va le plus loin dans l'exploration des possibilités dramatiques de la Justice, "Un Ange à Babylone» (Munich 1954) est celle sans doute qui va le plus loin dans la construction baroque; trop loin peut-être pour le goût français; on ne peut s'empêcher de penser à un "Soulier de Satin» négatif, je veux dire calviniste, où les personnages ignorent la grâce et traversent la pièce, immuables, sans risquer salut ou damnation. Mais ici aussi, "le pire n'est pas toujours sûr», puisque une créature belle et pure, venue des ci eux, et destinée à réconforter l'homme le plus malheureux de cette malheureuse terre, ne trouve pas "acquéreur» - la compétition restant ouverte entre le Roi de Babylone... et le roi des mendiants. La

Visite de la Vieille Dame

à .. . New York: réalisation

de Peter Brook avec Alfred Lunt

et Lynn Fontaine. (Photo ITI) Durrenmatt poète de la scène, Durrenmatt créateur de nouvelles con

ventions théâtrales, Durrenmatt inventeur de mythes (connaissez-vous un dramaturge qui ait créé une parabole plus saisissante sur le pouvoir de l'argent que "la Visite de la Vieille Dame»?) est également un satiriste percutant. N'est-ce pas lui qui a prononcé ce jugement "tran chant sur la critique : " Personne ne coupe plus facilement les têtes que celui qui n'en a pas »? Si Romulus donnait déjà un aperçu de sa verve, il semble que sa dernière reuvre " Frank V, opéra pour une banque privée» (Zurich 1959) soit en ce domaine son chef-d'oeuvre. Euite en collaboration avec Burkhard (compositeur mondialement célèbre de " Oh ! mon papa ! »), cette opérette narre comment une banque zurichoise obéissant à la logique de l'argent devient une asso ciation de gangsters dont voici les deux règles d'action fondamentales : Deux choses surtout font la fierté de notre firme : nous n'avons jamais fait d'affairo honnête et nous n'avons jamais rendu d'argent ». •

Friedrich

Durrenmatt n'a pas fini de nous surprendre, de nous séduire, de nous choquer... et peut-être de nous instruire. Car, excepté Ionesco, je ne vois par d'autie auteur vivant qui aujourd'hui soit comme lui un dramaturge doublé d'un moraliste. Et c'est sans doute un signe des temps qu'ils aient redécouvert l'un et 1 autre que le rire est le plus efficace des sermons. 10 J.C. MARREY I Maquette de Serge Creuz pour un des costumes de

Claire

Zahanassian (Photo

Drussel)

LA VISITE

DE LA VIEILLE DAME Tragi-comédie en trois actes de FRIEDRICH DtfRRENMATT TEXTE FRANÇAIS DE J. P. P 0 RR ET

MISE EN

SCÈNE

D'HUBERT

GIGNOUX

DÉCORS ET COSTUMES DE SERGE CREUZ

MUSIQUE

DE

SCÈNE LES VISITEURS CLAIRE ZAHANASSIAN née Wascher, milliardaire, Valentine TESSIER t SES MARIS VII à IX Jacques BORN LE

VALET DE CHAMBRE Claude PETITPIERRE D

'A N DRÉ ROOS TOBV KOBY LOBV

ROBY \

aveugles Jacques LENOBLE / Jean-Michel MOLE ] mâcheurs de chewlng-gum ^'wUlJmHL LES HOTES ,LL Hubert GIGNOUX SA

FEMME Georgelte LACHAT SA

FILLE Claudine BERTIER SON FILS Michel BERTHELOT LE MAIRE paul BRU SA FEMME Alix ROMERO LE

PASTEUR Jean SCHMITT LE PROVISEUR André POMARAT LE MEDECIN Abbés FARAOUN L'ADJUDANT DE GENDARMERIE Bernard ROUSSELET 1er CITOYEN Paul BRECHEISEN 2ème CITOYEN Max VIALLE LE PEINTRE Jean YVANE LE

CHEF DE GARE Abbcs FARAOUN UNE

SERVEUSE UNE JEUNE FEMME Manie BARTHOD LES AUTRES SPEAKER Jacques LENOBLE REPORTER I Jean-Michel MOLE REPORTER

II AUx ROMERO LE CHEF DE TRAIN Michel BERTHELOT L'HUISSIER Bernard ROUSSELET Directeur de scène : Michel Veilhan

Régisseur

Gilbert Amphoux Electricien ; Charles Barath Machinistes : WUIy

Pflhl, Pierre Pomarat Peinture du décor : Marcel Schwarz avec la colla- J Réalisation de costumes : Simone Farrah, boration de Marie-Hélène Butel pour les accessoires. Raymond Bléger, Denise Loewenguth. Construction du décor : André Philippon . Coiffes réalisées par Mad. Vogue et Jancel. Roland

Graff, André W.mmer. ' | Enreg.strement de la musique de scène par des musi-. | ciens de I orchestre de Radio-Strasbourg sous la Postiches de chez Chaplain et Lith<£a. direction d A. Roos Les articles de pêche ont été aimablement prêtés par les Ets PREISER, les appareils photographiques par la Maison MEYER et WANNER, la caméra par le CONSORTIUM PATHE DEUX

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