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Chrétien de Troyes Le Chevalier de la charrette

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Le monologue représente la plupart du discours dans le Chevalier de la charrette de Chrétien. (rédigé vers 1170) texte dans lequel Lancelot apparaît pour 



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Chrétien de Troyes Le Chevalier de la charrette Classiques

Chrétien de Troyes Le Chevalier de la charrette Classiques abrégés 5è Résumé par chapitre Le cimetière du futur Lancelot la jeune fille le père et son fils qui les suivent à distance Un moine Une église très belle Vers l'heure de none (15 h) Le chevalier de la charrette lit les noms de ses compagnons sur des tombes Il

Comment s'appelle le chevalier de la charrette?

Chrétien de Troyes, Lancelot ou le chevalier de la charrette (éditions Flammarion, étonnants classiques) Cliquer sur un des chapitres ci-dessous pour découvrir les différentes épreuves subies par Lancelot

Qui a écrit le chevalier à la charrette ?

On trouve aussi : Le Chevalier à la charrette 2 ; Lancelot ou le Chevalier à la charrette 3 ; Le roman du Chevalier de la Charrette 4 . Sceau de Marie de France (1145-1198). Le texte est le troisième roman de Chrétien qui est conservé. Avant cela, Chrétien avait déjà traduit des textes latins et écrit trois romans.

Qui a écrit le roman Lancelot ?

Lancelot ou le Chevalier de la charrette est un roman courtois en vers de Chrétien de Troyes, écrit entre 1176 et 1181 à la demande de Marie de Champagne. Ce roman rédigé en vers octosyllabiques nous est connu par trois manuscrits différents 1.

Comment s'appelle l'épreuve à caractère sacrificiel de Lancelot ?

Lancelot finit donc par monter dans la charrette, après une hésitation « de deux pas », révélant son caractère faillible. La deuxième épreuve à caractère sacrificiel est la traversée du Pont de l'Épée, qui lui permettra d'aller dans le royaume de Bademagus (père de Méléagant) pour sauver la reine Guenièvre.

L'ESTHÉTIQUE DU RAISONNEMENT DE LANCELOT (THE AESTHETICS OF LANCELOT'S REASONING) by Shiyuan Ma B.A, The University of British Columbia, 2019 A THESIS SUBMITTED IN PARTIAL FULFILLMENT OF THE REQUIREMENTS FOR THE DEGREE OF MASTER OF ARTS in THE FACULTY OF GRADUATE AND POSTDOCTORAL STUDIES (French) THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA (Vancouver) April 2021 © Shiyuan Ma, 2021

The following individuals certify that they have read, and recommend to the Faculty of Graduate and Postdoctoral Studies for acceptance, a thesis entitled: L'esthétique du raisonnement de Lancelot submitted by Shiyuan Ma in partial fulfillment of the requirements for the degree of Master of Arts in French Examining Committee: Dr. Patrick Moran, Professor, Department of French, Hispanic and Italian Studies, UBC Supervisor Dr. Anne Salamon, Professor, Department of French, Hispanic and Italian Studies, UBC Supervisory Committee Member Dr. Daniela Boccassini, Professor, Department of French, Hispanic and Italian Studies, UBC Supervisory Committee Member ii

Résumé Dans Le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes et La Mort Artu anonyme, l'analyse du raisonnement de Lancelot à travers son discours a prouvé qu'il y a une cohérence dans la manière dont il est esquissé et, de surcroît, une progression cohérente dans le développement de son intellection. De l'analyse du monologue dans Le Chevalier de la Charrette, au dialogue dans ce même livre et La Mort Artu, le raisonnement de Lancelot ne sort pas de l'orbite de la claritas et tourne autour de la forme cyclique ; il devient de plus en plus synthétique et englobant à cause de la complication accumulée à travers les événements. Ce caractère synthétique se développe jusqu'à pouvoir bouleverser l'univers du raisonnement d'Arthur et devenir comparable au raisonnement exemplaire du chef du royaume. iii

Résumé vulgarisé Le présent travail considère le discours de Lancelot dans les deux romans composés au Moyen Âge, Le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes et La Mort Artu anonyme. En combinant les études existantes sur la langue médiévale et sur le portrait de Lancelot, la présente étude illustre les caractéristiques du raisonnement de Lancelot à l'égard de la rhétorique et de l'esthétique médiévale. iv

Préface This thesis is original, unpublished, independent work by the author, Shiyuan Ma. v

Table des matières Résumé iii ..........................................................................................................................................Résumé vulgarisé iv ..........................................................................................................................Préface v ............................................................................................................................................Table des matières vi .........................................................................................................................Liste des figures ix ............................................................................................................................Reconnaissance x ..............................................................................................................................Dévouement xi ...................................................................................................................................INTRODUCTION 1 .........................................................................................................................L'INTÉRÊT DE RECHERCHE 1 ......................................................................................................LE CORPUS 3 ....................................................................................................................................LE CONCEPT D'ESTHÉTIQUE 4 ....................................................................................................HYPOTHÈSE 4 ..................................................................................................................................LA MÉTHODOLOGIE 5 ...................................................................................................................CHAPITRE I : LE MONOLOGUE 7 ............................................................................................1.1 LE CHEVALIER PENSIF 7 ....................................................................................................1.1.1 Le postulat initial 8 ..........................................................................................................1.1.2 La vérité que le héros trouve à l'intérieur 9 ......................................................................1.1.3 L'introversion et l'" introspection » 10 ............................................................................1.1.4 " L'autonomie esthétique » 12 .........................................................................................1.1.5 Le cycle doublé 13 ...........................................................................................................1.1.6 Le retour parallèle au cadre discursif et au cadre narratif 14 ...........................................1.1.7 La chevalerie, la dialectique et la clergie 16 ....................................................................1.2 & 1.3 LA DÉPLORATION AMOUREUSE 18 .......................................................................La fin'amor de Lancelot 19 ..................................................................................................1.2.1 La personnification de la mort 20 ....................................................................................1.2.2 Le postulat initial : la réparation et le pardon 21 .............................................................vi

1.2.3 L'appel à Dieu, le témoin impartial qui incarne la justice 22 ..........................................1.2.4 L'harmonie cyclique entre la motivation et l'acte 22 .......................................................1.2.5 La compréhension appropriée : l'abnégation et " deüst » et " verai » 23 ........................1.2.6 La vision impartiale de la fin'amor 24 .............................................................................1.2.7 L'échelle progressive vs. l'état statique de la fin'amor 26 ................................................La fin'amor de la reine 27 .....................................................................................................1.3.1 La spontanéité et la franchise de la reine 29 ....................................................................1.3.2 L'échappatoire de la féodalité 30 .....................................................................................1.3.3 L'amour profane et l'autorité 31 .......................................................................................CHAPITRE II : LE DIALOGUE 35 ..............................................................................................2.1 LA COURTOISIE ET LA CHEVALERIE 35 .........................................................................2.1.1 La pré-perception et la prudence 35 .................................................................................2.1.2 La prudence et la courtoisie 38 ........................................................................................2.1.3 La courtoisie et l'efficacité 40 ..........................................................................................2.2 L'ÉQUILIBRE ENTRE L'INCERTITUDE ET LA VÉRITÉ 43 ............................................2.2.1 La prédisposition contrite 43 ............................................................................................2.2.2 L'art de la suspension 44 ..................................................................................................Pour les disputes 44 ..............................................................................................................Pour l'incertitude 45 .............................................................................................................2.2.3 L'épuisement physique vs. la victoire dans la vengeance 47 ...........................................2.2.4 Gauvain - Le manque de calme 49 ..................................................................................2.3 LA DIALECTIQUE ET LES RELATIONS INTERPERSONNELLES 53 ............................2.3.1 La franchise stimulante 53 ...............................................................................................2.3.2 Le maintien de l'équilibre 55 ............................................................................................2.3.3 La dialectique libre - le maintien de l'indépendance 57 ..................................................2.3.4 Le double entre Lancelot, Uther Pendragon et Arthur 60 ................................................CHAPITRE III : LE CHEF DU ROYAUME VS. LE MAÎTRE DU RAISONNEMENT 65 ....3.1 ARTHUR VS. LANCELOT 65 ...............................................................................................vii

3.1.1 La relation avec Dieu et la relation avec le royaume 66 ..................................................3.1.2 La logique animée 71 .......................................................................................................3.1.3 " Sa terre » et " son ami charnel » 74 ..............................................................................3.1.4 Le récipiendaire du pouvoir souverain : Lancelot et Escalibor 76 ...................................3.1.5 Lancelot et la vengeance de Dieu - l'endurance du raisonnement de Lancelot 78 .........Conclusion 80 ....................................................................................................................................La claritas 80 .................................................................................................................................La forme cyclique 82 .....................................................................................................................Bibliographie 85 ................................................................................................................................viii

Liste des figures Figure 1 Le raisonnement de Lancelot ..................................................................71 Figure 2 Le raisonnement d'Arthur ......................................................................71 ix

Reconnaissance Je tiens d'abord à remercier le professeur Patrick Moran, qui a dirigé ma thèse ; ses conseils, sa bienveillance, sa compréhension et la liberté qu'il m'a accordée ont été inestimables. Sans lui, je n'aurais pas pu m'intéresser à la littérature arthurienne, puisque c'est lui qui m'a introduit et enseigné La Mort Artu pour la première fois dans ma vie ; je n'aurais ni pu écrire une thèse de maîtrise sur ce même sujet quand j'étais étudiante internationale à l'Université de la Colombie-Britannique puisque rien ne m'aurait donné cette possibilité sans lui. Tous mes remerciements vont aux membres du comité de thèse, la professeure Anne Salamon et la professeure Daniela Boccassini, dont les remarques et suggestions m'ont été très précieuses. Ma dette envers elles dépasse la simple soutenance, puisqu'au fil de séminaires, de lectures et d'échanges de courriels leurs avis ont enrichi cette étude à de multiples reprises. Je remercie aussi tous les gens qui m'ont croisée dans ma vie. Leur beauté m'a inspirée dans nombre d'aspects. Enfin je remercie ma famille, mes amis, Lesley et Tom et les chatons Rumble et Ahri, qui me soutiennent et m'aiment inconditionnellement depuis des années. x

Dévouement Pour l'amour et la sagesse xi

INTRODUCTION Le Moyen Âge central (XIe

-XIIIe

siècle) se focalise sur la sphère de l'être humain en valorisant son excellence physique et spirituelle, à la différence de notre temps où l'excellence est fréquemment liée aux matières hors du corps et de l!esprit. La compréhension des choses non-quantifiables, par exemple, le processus de l'émotion et de l'intellection, ou disons le raisonnement, est très intéressant à étudier pour les lecteurs modernes. L!un des legs le plus remarqué de cette période est la littérature arthurienne, qui présente une société médiévale avec son âge d!or et son déclin, son idéologie féodale et les problèmes qui en découlent. En réaction à cette société complexe et dynamique, les personnages principaux de cette littérature formulent un raisonnement tout aussi complexe et dynamique. À travers les discours des personnages, les auteurs présentent aux lecteurs modernes des modes de raisonnement délicats, complexes, et en même temps lucides et précieux. Lancelot, le chevalier renommé qui excelle en valeurs chevaleresques dans Le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes et La Mort le roi Artu anonyme, représente, en plus de l'esthétique de la société féodale par ses actes guerriers, l'esthétique de son art de la pensée et du langage à travers son discours. Dans les monologues et les dialogues, on découvre les fils de son raisonnement, à travers lesquels on voit ses motivations, l!outillage mental et la méthodologie que Lancelot emploie. Le but de ma recherche est de retrouver cette esthétique du raisonnement de Lancelot dans ces deux romans. L!INTÉRÊT DE RECHERCHE Les actes ne justifient pas nécessairement les motivations de ces actes. Une étude de l!analyse des actes ne peut se rendre concrète qu!après avoir étudié les motivations des personnages dont 1

ces actes émanent. On s!interroge donc : quelle est la source fiable où se trouvent ces motivations ? La mentalité de l'époque moderne diffère de celle du Moyen Âge ; les lecteurs modernes ne comprennent pas exactement le raisonnement des personnages venant d!une société comme celle du Moyen Âge, même éclairci à travers l'écriture de l!auteur. Dans ce cas, les discours, y compris le monologue et le dialogue, constituent la source primaire à travers laquelle les motivations des personnages émergent. Les études sur la langue dans un cadre discursif telles que Poétique du dialogue médiéval de Corinne Denoyelle, Chrétien De Troyes, la griffe d'un style de Danièle James-Raoul, et Speech and Thought Presentation in French: Concepts and Strategies de Sophie Marnette, nous fournissent la base de recherche sur la poétique du discours médiéval, le style de Chrétien de Troyes, et la relation entre les paroles et les pensées. Il nous manque encore une étude sur le style des dialogues dans La Mort Artu, et une étude complète sur les discours dans les deux romans qu!on a choisi d'étudier. Cela signifie qu'il faut que nous nous appuyions sur les études existantes sur des exemples limités et que nous essayions d'identifier et de catégoriser nos exemples qui ne sont pas examinés directement dans les études existantes, c'est-à-dire qu'il faut nous livrer à une étude comparative et innovante, surtout en ce qui concerne La Mort Artu. Les études sur le personnage de Lancelot dans un cadre narratif, telles que La Mort le Roi Artu de Karen Pratt et La Reine et le Graal de Charles Méla, sont nombreuses ; elles nous offrent des perspectives diverses pour esquisser le portrait de Lancelot. Quant à l'étude de l!esthétique médiévale, Art and Beauty in the Middle Ages d!Umberto Eco, elle expose plusieurs concepts pertinents qui alimentent notre étude. 2

L'état de la recherche nous montre qu!il y a des recherches indépendantes sur les discours (cadre discursif) et sur les motivations (cadre narratif), mais peu combinent les deux approches et peu se focalisent sur l!esthétique du raisonnement. L'étude actuelle sur les discours comme les motivations dans la littérature arthurienne devrait être développée davantage. Je vise à jeter un pont entre les deux champs d'études, afin de passer des actions de Lancelot à ses motivations et de retourner aux actions, pour découvrir les caractéristiques de son raisonnement. LE CORPUS Le corpus de ma recherche est constitué par Le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes (rédigé vers 1170) texte dans lequel Lancelot apparaît pour la première fois dans la littérature arthurienne, et la Mort Artu (rédigée vers 1225) qui est le dernier roman médiéval majeur à traiter de Lancelot en français. C!est cette position initiale et conclusive dans la tradition arthurienne française autour de Lancelot qui a motivé le choix de ces deux textes. Mais il faut signaler d!abord que le Lancelot de la Charrette et celui de la Mort Artu offrent deux versions différentes (mais proches) d!un même personnage traditionnel. Le choix de mon corpus est basé sur l!hypothèse que le personnage de Lancelot tel qu!il est dépeint dans la Mort Artu est tributaire de la manière dont Chrétien construit le personnage dans la Charrette ; la proximité des deux Lancelot, dans les deux romans, est le signe que les auteurs de romans arthuriens au Moyen Âge ont à coeur de conserver les traits définitoires des personnages tels qu!ils ont été établis dans les versions précédentes, selon une esthétique qui valorise la tradition plutôt que la rupture. Pour former un portrait de Lancelot relativement complet, j'ai choisi ces deux romans comme les oeuvres primaires de mon étude : la Charrette, roman en vers, et la Mort Artu, roman en prose, 3

qui forment un corpus de deux sous-genres narratifs différents et offrent un aperçu divers des discours de Lancelot. LE CONCEPT D!ESTHÉTIQUE Dans ce mémoire, je ne vise pas à différencier les différents sens d!esthétique (même si je croiserai inévitablement ces domaines). Esthétique, dans mon mémoire, signifie d!abord (surtout dans le chapitre I) les caractéristiques du raisonnement de Lancelot. Au maximum, le terme signifie la beauté d!une certaine harmonie. Dans le chapitre II, je commence à affiner et à approfondir mon analyse des caractéristiques où les esthétiques du raisonnement deviennent de plus en plus évidentes. Dans le chapitre III, je compare le raisonnement de Lancelot avec celui d!Arthur pour que la forme esthétique du raisonnement de Lancelot devienne plus complète et englobante. Enfin, dans la conclusion, je résumerai mes découvertes de ces caractéristiques par rapport à l!esthétique médiévale. En d!autres termes, la logique de mon mémoire s!appuie sur trois cadres analytiques qui dépendent l!un de l!autre : le cadre discursif, le cadre narratif, et le cadre esthétique. Je partirai toujours du premier cadre discursif, puis je traverserai le cadre narratif, et enfin j!arriverai au cadre esthétique, parce que l!intérêt de ma recherche est de me fonder dans la source primaire qui est la plus fiable et la plus originelle. HYPOTHÈSE Mon postulat initial est qu'il y aurait une cohérence entre le raisonnement du Lancelot de La Charrette et le raisonnement du Lancelot de La Mort Artu, puisque ce dernier roman est considéré comme tributaire du premier roman ; comparé avec le raisonnement de Lancelot dans le premier roman, celui qui apparaît dans ce dernier atteint une certaine maturité, et se montre 4

plus réfléchi dans les situations complexes. L!esthétique de son raisonnement ainsi obtiendrait une certaine endurance, ainsi qu'une clarté qui renverrait à l!esthétique médiévale. LA MÉTHODOLOGIE Ma recherche est basée sur la théorie de l'interconnexion entre l'environnement social et ses individus : l'esthétique du raisonnement des individus s'adapte à l'idéologie de la société et la représente. Les discours, avant ou après les actions, ou même au milieu de celles-ci, en révèlent les motivations cachées. Dans ma recherche, j'analyserai les discours des individus à l'égard de l'art du langage en tant que rhétorique, et les motivations et les mécanismes de pensée derrière ces discours en tant que communication intime en rapport critique, souvent conflictuel, avec l'ordre social. C!est donc un point de vue non seulement linguistique, mais aussi socio-historique, puisque l!univers fictionnel entretient un rapport analogique avec la société féodale. Je divise mon étude selon le genre discursif, le monologue (Chapitre I) et le dialogue (Chapitre II), et je termine avec une comparaison du discours d!Arthur et de Lancelot (Chapitre III). Je présente des exemples pertinents des discours de Lancelot et les analyse par rapport aux discours des autres personnages, à l'égard de l'usage linguistique tels que la rhétorique et la forme du genre discursif, et à l'égard de l'influence de l'idéologie féodale socio-historique dans le monde arthurien. Je tiendrai compte en même temps de plusieurs sous-thèmes ci-dessous : le style de Chrétien de Troyes, la totalité du Cycle Vulgate, les pensées médiévales et l'idéologie du Moyen Âge, la transition de la tension entre les attentes sociales et les passions amoureuses à l'art de raisonner et de déraisonner, et le soutien mutuel entre les expositions des valeurs chevaleresques par les actes et par les paroles. À la fin de ces analyses, dans la 5

conclusion, pour rassembler les découvertes des trois chapitres, je résumerai les points de l'esthétique du raisonnement que j'aurai prouvés et les mettrai en perspective dans l!ensemble du corpus de ma recherche. 6

CHAPITRE I : LE MONOLOGUE Le monologue représente la plupart du discours dans le Chevalier de la charrette de Chrétien ; et la technique du raisonnement, la dialectique, se manifeste à maints endroits. Pourtant, celle-ci se déploie parfois difficilement. Elle doit être nuancée pour les différents personnages à cause de la justesse de dialectique, bien que le monologue soit, de nature, un dialogue avec soi. Dans la Charrette, Chrétien emploie largement le monologue comme appareil narratif, mais la Mort Artu anonyme n'en fait pas autant. Selon D. James-Raoul, Chrétien a une prédilection pour le monologue et l'ajoute au moment d'esquisser les portraits de personnages exceptionnels (743). En plus, Chrétien a inventé deux innovations importantes, " la parfaite intégration des monologues dans l'histoire contée et la peinture de la subjectivité réflexive » (743). Les exemples qu'on analysera ci-dessous examineront ces idées de près dans le but de découvrir les couches esthétiques du raisonnement à l'intérieur des monologues. On se focalisera sur l'esthétique de la forme du monologue dans la première section, " Le chevalier pensif », et l'esthétique thématique dans le discours du monologue dans la section suivante, " La déploration amoureuse ». 1.1 LE CHEVALIER PENSIF Le raisonnement de Lancelot chez Chrétien en particulier est caractéristique de l'art du monologue intérieur dialogué. D. James-Raoul révèle la motivation de Chrétien pour cette méthode : il procède ainsi " pour approcher la psychologie de son personnage et montrer comment celui-ci progresse vers une décision difficile à prendre. » (746). Un exemple de ce type de monologue peut être relevé quand Lancelot hésite devant la demoiselle qui l'appelle au 7

secours, mais qui lui donne l'hospitalité seulement à condition qu'il couche avec elle. Lancelot monologue ainsi : Li chevaliers a l'uis s'areste et dit : " Dex, que porrai ge feire ? Meüz sui por si grant afeire con por la reïne Guenievre. Ne doi mie avoir cuer de lievre quant por lu sui an ceste queste. Se Malvestiez son cuer me preste et je son comandemant faz, n'ateindrai je pas ce que je chaz : honiz sui se je viens remaing. Molt me vient or a grant des d'aine quant j'ai parlé del remenoir, molt en ai le cuer triste et noir, or en ai honte, or en ai duel tel que je morroie, mon vuel, quant je ai tant demoré ci. Ne ja Dex n'ait de moi merci, se jel do mie por orguel, et assez mialz morir ne vuel a enor que a honte vivre. Se la voie m'es tout delivre, qu'elle enor i avroie gié, se col me donoient conjié de passer outre sanz chalonge ? Donc i passeroit, sanz mançonge, ausi li pires hom qui vive. Et je ou que ceste chetive me prie merci molt sovant, et si m'apele de covant et molt vilmant le me reproche. (v. 1096-1125, p. 110) Ce discours peut être divisé en deux parties par thème : le discours initial (v. 1096-1101) et le discours argumenté (v. 1102-1125). La contradiction de ce discours est le conflit entre le secours à porter à la reine et le secours inattendu à porter à la demoiselle. On verra ci-dessous comment Lancelot progresse pour résoudre ce conflit interne d'une partie à l'autre. 1.1.1 Le postulat initial Dans le discours initial, il démarre son raisonnement fondé sur le postulat-ci : " Ne doi mie avoir cuer de lievre / quant por lu sui an ceste queste » (v. 1100-1101). Plus précisément, Lancelot interroge d'abord sa confusion (v. 1097) ; puis il se rappelle de son but ultime, le sauvetage de la reine (v. 1098-1099) ; enfin il érige le principe de la conduite appropriée à suivre : il ne doit pas être lâche (v. 1100-1101). Le rappel du sort de la reine " Meüz sui por si 8

grant afeire / con por la reïne Guenievre » implique un sens important parce que c'est là où le raisonnement progresse. D. James-Raoul constate : Couramment, les monologues amoureux sont sous emprise délibérative (que faire ?) autant qu'épidictique : ils sont toujours le lieu d'une remémoration de l'être aimé, fondamentalement élogieuse, et, conjointement, d'un blâme que le locuteur s'adresse à soi. (747) On voit que la première phrase de cette partie correspond au trait délibératif des monologues amoureux : " Dex, que porrai ge feire ? ». Les éléments épidictiques se voient dans la deuxième partie. Ce qui est pertinent est que la remémoration de l'être bien-aimé non seulement apparaît naturellement dans les monologues amoureux, mais elle a un effet directeur dans l'esprit de Lancelot : c'est-à-dire, de trouver la raison pour laquelle il est parti et à s'attacher à ce postulat initial afin de se préparer pour le raisonnement plus complexe. Ainsi le prélude d'un postulat pareil dans la première partie amène Lancelot à retrouver l'éthique de son action ; il ne se perdra donc pas dans la deuxième partie du raisonnement, le discours argumenté, qui mêle des émotions et des facteurs contingents dans un contexte plus spécifique. 1.1.2 La vérité que le héros trouve à l'intérieur La deuxième partie de ce monologue constitue la majorité de l'ensemble. C'est ainsi qu'il commence le raisonnement en détail et déploie ses pensées contradictoires. Il y a cinq propositions en se : " Se Malvestiez son cuer me preste », " se je viens remaing », " se jel do mie por orguel », " Se la voie m'es tout delivre » et " se col me donoient conjié ». Il est clair que 9

lorsque Lancelot monologue, les trois interlocuteurs d'origine de l'imagination active de 1Lancelot - la raison, l'amour et Dieu - sont en jeu : ils discutent sous forme dialectique et aident le héros à se débrouiller de sa confusion et à en tirer la vérité. La dialectique est donc le mode de pensée que Lancelot emploie pour résoudre les contradictions internes et trouver la vérité quand il n'y a pas de soutien externe. C. Denoyelle confirme la condition de la dialectique en disant : " La forme dialectique ne peut se développer que dans une situation où la vérité n'est pas évidente. » (335). De même, Marie-Louise Ollier parle de " débats-vérité » : " À la complexité nouvellement vécue de la nature, riposte ainsi une dialectique qui juge plus efficace que le raisonnement abstrait le jeu des réparties concrétisées par la voix. » (107). Elle confirme l'avantage du monologue comparé avec le dialogue pour chercher la vérité sous forme dialectique, et voire introduit l'efficacité particulière attribue au raisonnement non " concrétisé par la voix ». Cela ouvre une autre dimension d'analyse du raisonnement, qui connecte aux qualités du penseur telles que l'introversion et l'introspection que nous allons étudier ensuite. 1.1.3 L'introversion et l'" introspection » La recherche de la vérité à l'intérieur relevée par le débat dialectique ci-dessous se connecte au portrait spécial dépeint par Chrétien - Lancelot a un portrait d'un personnage introverti. L'acquisition de la vérité à l'intérieur a besoin de l'introversion comme état d'esprit et l'" introspéculation » comme approche d'esprit ; les trois s'entrainent l'une l'autre. Dans L'interprétation courant des trois interlocuteurs comme allégoriques me peut poser problème pour décrire le 1méchanisme du raisonnement de Lancelot. D'abord, le classement de Dieu comme élément allégorique est douteux ; deuxièmement, comme nous allons prouver ensuite que le raisonnement de Lancelot a un effet dirigeant vers la vérité, " interlocuteurs allégoriques » ne me semblent pas montrer suffisamment cet effet parce que l'allégorie est un concept éventuellement séparé du raisonnement humain, qui prend l'intermédiaire de la religion chrétienne, ce qui égarerait notre analyse vers une interprétation biblique. Puisque notre analyse se focalise sur le raisonnement de Lancelot, nous choisissons de laisser l'attribut " allégoriques » ici et mettons " d'origine de l'imagination active de Lancelot ». 10

l'exemple de la demoiselle imprudente, Lancelot est contraint à intro-spéculer et à s'orienter vers un raisonnement dialectique sans interlocuteur. De même, l'épisode célèbre du gué défendu quand Lancelot s'oublie dans les pensées de l'amour de Guenièvre est un exemple pertinent du monologue " introspéculatif » de Lancelot : " Et ses pansers est de tel guise / Que lui meïsmes en oblie, » (v. 714-715, p. 88). L'introversion de son raisonnement reflète son désir extrême de savoir plus, ici de se souvenir de sa dame ; l'" introspéculation » en revanche, démontre l'approche qu'il emploie pour mener ce raisonnement. Ch. Méla dit : " Ce n'est pas un hasard si la figure choisie est celle du Chevalier Pensif ; elle est par excellence celle du fin amant, de l'amant parfait [...]. » (31). L'impossibilité de retrouver la dame pour le fin amant demande un esprit " introspéculatif » de celui-ci pour qu'il puisse deviner ce qui manque. Autrement dit, dans la fin'amor, la séparation fréquente du fin amant et de sa dame nécessite le caractère pensif, l'introversion et l'introspection du part de ce premier, ici Lancelot. Idéalement, il faut que la dame ait également ce mode de pensé pour que les deux puissent se communiquer à distance et contruire la confiance entre eux, mais dans le Chavalier de la Charrette, la reine l'apprend et l'acquiert un peu tard, après son erreur. Pourtant, il est correct que les caractéristiques 2mentionnées se lient directement à l'excellence du fin amant parce qu'elles sont les appareils dont il peut dépendre pour monter plus haut dans l'échelle progressive de la fin'amor vers la vérité que la dame symbolise. 3 Voir section 1.3.0 La fin'amor de la reine. 2 Voir section 1.2.7 L'échelle progressive vs. l'état statique de la fin'amor311

1.1.4 " L'autonomie esthétique » Les qualités mentionnées qu'on trouve dans l'exemple du gué défendu et l'exemple de la demoiselle impudente démontrent que Lancelot exerce une certaine individualité dans son raisonnement et son comportement. Le mode de pensée de Lancelot a donc une esthétique différente des autres personnages. C. Denoyelle souligne : À la différence d'un monologue sans interlocuteur qui ne se rattache à rien dans la vie réelle, le dialogue n'a pas la liberté d'atteindre une autonomie esthétique et sa fonction persuasive prime. (178) Le choix du monologue au lieu du dialogue pour nombre de ses raisonnements dans la Charrette devrait signifier quelque sens plus profond. L'" autonomie esthétique » du monologue concorde avec son portrait narratif par son indépendance en tant que chevalier solitaire. Elle se manifeste non seulement dans ses actes et ses pensées, mais aussi dans ses discours. Le fait que le monologue de Lancelot atteint une " autonomie esthétique » prouve non seulement la particularité du genre discursif auto-réflexif, il renforce aussi l'idée de " la figure irremplaçable », comme Ch. Méla le constate : " Ainsi s'évoque, dans le sentiment de son 4absence, la figure irremplaçable du héros manquant. » (43). L'esthétique autonome au cadre de la forme du discours est inséparable de l'esthétique de l'" irremplaçable » au cadre narratif de l'histoire ; cela montre que Lancelot maîtrise l'harmonie nécéssaire pour résoudre les contradictions au fond de son âme, par le mode de son raisonnement, le genre de son discours, et Lancelot dans La Charrette est irremplaçable parce que dans le cadre narratif, la longue période de l'absence du 4héros dès le commencement jusqu'à l'épisode du prêt de cheval, indique un certain sens d'" irremplaçable » puisqu'il faut un héros qui intervient dans la quête de la reine ; de plus, son anonymat aussi, un déssin spécial de la narration, rend son image mystérieuse comparée avec les autres personnages, ce qui renforce l'idée d'" irremplaçable ». 12

sa façon d'agir. Le monologue est la forme de discours idéale pour dépeindre le raisonnement du fin'amant parfait. 1.1.5 Le cycle doublé L'ensemble de l'exemple de la réflexion de Lancelot sur la demoiselle impudente montre les étapes du raisonnement de Lancelot : 1. l'interrogatoire initial " Dex, que porrai ge feire ? », 2. le rappel du devoir ultime " con por la reïne Guenievre », 3. la décision préliminaire " Ne doi mie avoir cuer de lievre », 4. la discussion détaillée et 5. la réponse finale " Donc i passeroit, sanz mançonge, / ausi li pires hom qui vive ». D. James-Raoul identifie ce monologue entier comme " exemplaire du genre délibératif : question initiale, réponse finale » (746). Et elle ajoute ses idées qui identifient et concluent les enjeux du raisonnement que Lancelot utilise. Pourtant, il vaut encore la peine de souligner le retour discursif emblématique dans ce monologue et de l'analyser de plus près, car je pense qu'on peut y discerner en fait un mouvement discursif non pas simplement linéaire, mais aussi et plutôt un mouvement circulaire. Ce mouvement circulaire se prouve par trois aspects : 1. la forme du discours, le monologue, démontre que le raisonnement fut achevé sans interlocuteur sauf Lancelot lui-même ; l'endroit du mouvement du raisonnement ne quitte pas son esprit ; 2. Que le postulat initial établisse la 5décision hypothétique à l'avance signifie déjà un cycle du raisonnement qui a son propre début, " ex, que porrai ge feire ? » et sa fin " Ne doi mie avoir cuer de lievre » ; 3. L'argument plus détaillé dans la deuxième partie signifie un deuxième cycle qui a son début " se [...] » et sa fin " Donc i passeroit, sanz mançonge, / ausi li pires hom qui vive. ». Ce cycle-ci a plus de précision que le premier, comme les propositions en se étendent l'argumentation dans les scénarios Voir la section suivante 1.1.6, j'identifie l'approche du monologue de Lancelot common monos pros monon.513

imaginés. En fait, il n'y a pas de différence majeure entre les deux conclusions, sauf que la seconde apporte plus de précisions. Ainsi on voit que le raisonnement de Lancelot indique deux mouvements cycliques qui débutent sur un même point d'interrogation et finissent par une destination plus précise. Son raisonnement dans le monologue ressemble donc à un escalier en spirale. 1.1.6 Le retour parallèle au cadre discursif et au cadre narratif Bien que subtil, ce doublement du cycle discursif dans cet exemple du monologue de Lancelot nous montre un concept médiéval prééminent, celui de cycle. En fait, ce concept fait écho aussi au thème et au cadre narratif concernant les aventures. Poirion parle de cette esthétique littéraire du roman d'aventure : " Ce qui nous amène à considérer cet autre élément du récit d'aventure qui est le retour au point de départ. L'aventure n'est pas un processus ouvert, mais est appelée à prendre fin. » (117). De manière plus générale, Donald Maddox souligne l'esthétique du retour : Ainsi le " chevalier élu » doit-il " passer lui-même, dans sa quête d'aventure, les trois stades dialectiques, pour finalement résoudre la contradiction existante : éloignement de la cour dont l'harmonie est détruite ; isolement dans la quête de l'aventure (avec le motif constant du refus de rester à la cour) et enfin le retour, culminant dans la ' Joie ' de l'harmonie retrouvée ». (342) Dans le cadre du récit, Lancelot, au moment du monologue ci-dessus, se situe dans le deuxième stade, " isolement dans la quête de l'aventure », car à cause de l'enlèvement de la reine par Méléagant du pays de Gorre, Lancelot s'est mis en quête pour libérer la reine. Pourtant il y a une autre mini-aventure qui est l'appel au secours de la demoiselle, qu'on peut considère comme structure fractale ; Lancelot est donc mis dans un autre isolement dans la quête. C'est ainsi que Chrétien redouble l'esthétique du motif du retour narratif. 14

Dans le cadre discursif, la forme du monologue de seul à seul est un retour puisque Lancelot ne communique pas avec une autre personne réelle. On peut également appeler cette approche du raisonnement comme monos pros monon de Plotin. Julia Kristeva le décrit : 6Plotin fait du même [monos] un autre même [monon]. II creé une unité clivée mais harmonisée que symbolisent les mains jointes de la prière. Avant d'être une invocation, une demande, ou une imploration, cette posture subjective nouvelle est, dans sa topographie propre indiquant simplement la relation de soi à soi par l'intermédiaire de l'Un. (111) Le raisonnement de Lancelot dans les monologues peut coincider avec cette approche et les interlocuteurs qu'il imagine feraient partie de son propre esprit. Les échanges entre monos et monon créent ainsi les petits retours dans son propre esprit " clivée ». La forme discursive (le 7monologue monos pros monon) montre donc l'esthétique similaire de celle au cadre narratif. Ensuite, à l'intérieur du monologue, il raisonne d'une manière symbolique selon " trois stades dialectiques » : 1. il s'éloigne dans un coin pour réfléchir ; 2. puis il dialogue avec lui-même pour appeler la raison ; 3. enfin il retourne au point de départ de sa confusion et atteint la décision. Sans parler de l'appel court au tout début du postulat initial qui suit le même schéma tripartite, le motif du retour apparait clairement dans son monologue. Ainsi, Lancelot raisonne de la même façon que le récit procède d'un point de vue générique. Son esthétique discursive correspond 8donc à l'esthétique narrative ; et le parallèle du langage et des exploits renforce son portrait de Il faut signaler que monos pros monon ne signifie pas vraiment la coupure entre l'être et le monde extérieur, 6comme Kevin Corrigan dit : " To be "in oneself," by contrast, is to be "alone" in a different sense, that is, self-gathered and self-dependent, not like the impassive Stoic sage according to Zeno of Citium, but self-dependent in an integral way: [...]. Consequently, even at the level of practical affairs, to be "alone" does not mean to be removed from every human consideration, but rather to be capable of more consideration. » (32). De même, la forme du monologue ne signifie pas la coupure avec les signes extérieurs qui peuvent éventuellement former un dialogue avec cet être, mais plutôt l'approche spéciale pour mener un raisonnement réfléchi. La symbolisation des mains jointes de la prière mentionnée par J. Kristeva serait plus pertinent pour expliquer 7l'approche de Lancelot et de Guenièvre pour résoudre le conflit dans la fin'amor dans les section suivantes 1.2 & 1.3 " La déploration amoureuse ». Dans le roman d'aventure, le commencement de l'aventure est pour prendre fin (Poirion, 117). 815

héros qui représente la chevalerie idéale. En effet, à travers ces retours cycliques discursifs et génériques, comme D. Maddox l'ajoute, et selon les quatre derniers vers 1128-1131, Lancelot devient de " libérateur » à " rédempteur » (342) (voir aussi les vers 1900-1903). Cela, en fait, ajoute une autre couche d'élément esthétique, c'est celle de parapsychologique, en plus de l'esthétique du retour cycliques discursifs et génériques. Chrétien, ainsi, dépeint plusieurs couches des éléments esthétiques de la création de son héros, et accroît la profondeur esthétique du roman. 1.1.7 La chevalerie, la dialectique et la clergie Un autre exemple qui montre plus clairement la dialectique du raisonnement de Lancelot, se trouve au moment où il réfléchit avant de monter dans la charrette : Mes Reisons, qui d'Amors se part, li dit que del monter se gart, si le chastie et si l'anseigne que rien ne face ne anpreigne dom il ait ne reproche. N'est pas el cuer mes an la boche Reisons qui ce dire li ose. Mes Amors est el cuer anclose, qui li comande et semont. que tost an la charrete mont. Amors le vialt et il i saut, que de la honte ne li chaut puis qu'Amors le comande et vialt. (v. 365-377, p. 66) Les concepts personnifiés Amors et Reisons constituent les éléments essentiels du raisonnement de Lancelot. Pourtant, cet exemple-ci est différent de l'exemple de la demoiselle impudente parce qu'ici on ne trouve pas clairement l'identité de la voix narrative. Il se peut que ce soit Chrétien qui prend le rôle de déployer le raisonnement de son héros en écrivant en discours rapporté pour créer un certain effet spécial. S. Marnette constate : In addition, some characters' monologues in Direct Discourse are in fact schizophrenic discussions between two personae, e.g. the reasonable side of the character (reason) and the unreasonable one (love). In certain cases one could even argue for interpreting this dialogic monologues as an actual discussion between the character and the narrator. What 16

is important here is not the authenticity of monologues but rather the narrator's skill in accurately portraying different forces at work within the characters' mind. (214) Il est possible que pour ces paroles il s'agit d'une discussion entre le narrateur et les charactères ; mais dans le cas de Lancelot, il me semble qu'il est un peu exagéré de dire que cette discussion de Lancelot est " schizophrenic » comme suggéré par S. Marnette parce que la logique du raisonnement ici est clair. Par contre, on peut dire que l'ambiguïté de cet exemple indique parfaitement l'habilité de la narration de Chrétien pour entrer dans les pensées de Lancelot et décrire comment il raisonne. La question plus loin serait : est-ce que cette manière de raisonnement, la dialectique, est due aux habitudes de pensée de l'auteur, Chrétien de Troyes, comme héritier de son époque ? Ou est-ce qu'elle est délibérée de la part du narrateur dans sa création du héros ? Zumthor constate que la pensée dialectique était le signe de la plus haute pédagogie, en disant : " les arts libéraux constituent ainsi la plus haute pédagogie scientifique et littéraire. [...] arts du langage (grammaire et rhétorique), de la pensée (dialectique) et du nombre (arithmétique géométrie astronomie musique). » (56). La manière du raisonnement dans les discours de Lancelot coïncide avec l'éducation la plus haute de cette époque. Un portrait de Lancelot exprime donc l'idéal d'un homme à l'époque de l'auteur comme Poirion le soutient : " Chez Chrétien de Troyes, l'aventure concerne un nom, un homme, le héros de la maîtrise de soi qui constitue, à cette époque, la plus haute valeur humaine. » (123). En plus, Frappier, dans son étude de l'exemple d'une oeuvre anonyme, Aucassin et Nicolette, il révèle un concept très intéressant à appliquer à Chrétien - " l'union de la clergie et de la chevalerie. » (149). On peut même y ajouter l'exemple de Lancelot de notre corpus : comme le confirme la citation antérieure de Zumthor, 17

l'art du raisonnement et l'art du discours se fondent dans la bravoure du chevalier (56). Ainsi le mariage symbolique entre la chevalerie et la clergie se manifeste dans la Charrette et le monde littéraire à cette époque. 1.2 & 1.3 LA DÉPLORATION AMOUREUSE Le style de Chrétien manifeste une esthétique distinctive, surtout au sujet de l'amour. Selon Auberbach, ce style se construit d'un mélange magique des moeurs de la société courtoise avec les idylles (132). Effectivement, il résulte des multiples couches esthétiques du raisonnement. 9Jusqu'ici, on a prouvé l'esthétique du raisonnement de Lancelot dans le parallèle du discours et des aventures, la beauté autonome, etc. ; on peut en percevoir aussi la grâce et le charme à travers le fil du raisonnement. De plus, Auberbach constate : " We find the style in its greatest brilliance where the subject matter is the dalliance of true love. Between these scenes of dalliance come antithetical reasonings over emotions involved, seemingly naive yet of accomplished artistry and grace. » (132). Au sujet du badinage amoureux, D. James-Raoul constate une unicité intéressante de Chrétien : l'enjeu de la fausse nouvelle de la mort de l'amant et la méprise ; les amants vivants s'endeuillent pour leurs bien-aimés, qui sont en vie en réalité (743). Elle en observe l'immense effet théâtral ainsi que la continuation de ce charme jusqu'au moment de la découverte du quiproquo. On va étudier un exemple représentatif de la " dalliance Auerbach dit : " The grace and attractiveness of this style - whose charm is freshness and whose danger is silly 9coquetry, trifling, and coldness - can hardly be found in such purity anywhere in the literature of antiquity. Chrétien did not learn it from Ovid; it is a creation of the French Middle Ages. It must be noted, furthermore, that this style is by no means restricted to love episodes. In Chrétien, and also in the later romance of adventure and the shorter cerse narrative, the entire portrayal of life within feudal society is tuned to the same note, not only in the twelfth but also in the thirteenth century. In charmingly graceful, delivately painted, and crystalline verses, knightly society offers its own presentment; thousands of little scenes and pictures describ its habits, its views, and its social tone for us. There is a great deal of brilliance, of realistiv flavor, of psychological refinement, and also a great deal of humor in these pictures. » (132)18

of true love » (le badinage du vrai amour), la déploration dramatique de Lancelot ; puis on le comparera à celle de Guenièvre, afin d'illustrer les nuances de leur raisonnement. La fin'amor de Lancelot Après la fausse nouvelle de la mort de Guenièvre, Lancelot cherche à se suicider, sans succès. Il commence cette longue lamentation en disant : Et quant il mal ne se puet faire, Se dit : " Ha, vix Morz desputaire ! Morz, por Deu, don n'avoies tu Tant de pooir et de vertu Qu'ainz que ma dame m'oceïsses ? Espoir por ce que bien feïsses, Ne volsis feire ne daignas, Par felenie m'espargnas, Que ja ne t'iert a el conté. Ha, quel servise et quel bonté ! Con l'as or an boen leu assise ! Dahez ait qui de cest servise Te mercie ne gré t'an set ! Je ne sai li quez plus me het, Ou la vie qui me desirre Ou Morz qui ne me vialt ocirre. Ensi l'une et l'autre m'ocit, Mes c'est a droit, se Dez m'aït, Que maleoit gré mien sui vis, Que je me deüsse estre ocis Des que ma dame la reïne Me mostra sanblant de haïne, (v. 4338) Ne ne le fist pas sanz reison, Einz i ot molt boene acheson, Mes je ne sai quez ele fu. Mes se ge l'eüsse seû, Einz que s'ame alast devant Dé, Je le li eüsse amandé Si richemant con li pleüst, Mes que de moi merci eüst. (v. 4346) Dex, cist forfez, quez estre pot ? Bien cuit que espoir ele sot Que je montai sor la charrete. Ne sai quel blasme ele me mete Se cestui non, cist m,a traï. S'ele por cestui m'a haï, Dex, cist forfez por coi me nut ? Onques Amors bien ne conut Qui ce me torna a reproche, Qu'an ne porroit dire de boche Riens qui de par amors venist Qui a reproche apartenist, Einz est amors et corteisie Quanqu'an puet feire por s'amie. Por m'amie nel fis je pas, Ne sai comant je die, las, Ne sai se die amie ou non, Ne li os metre cest sornon, mes tant cuit je d'amor savoir, Que ne me deüst mie avoir Por ce plus vil, c'ele m'amast, Mes ami verai me clamast Quant por li me senbloit enors A feire quanque vialt Amors, Nes sor l charrete monter. Ce deüst ele amor conter, Et c'est la provance veraie, Amors ensi les suens essaie. Ensi conuist ele les suens. Mes ma dame ne fu pas buens Cist servises, bien le provai Au sanblant que an li trovai, Et tote voie ses amis Fist ce don maint li ont amis Por li honte et reproche et blasme, S'ai fet ce geu dom an me blasme 19

Et de ma dolçor m'amertume, Par foi, car tex est la costume A cez qui d'amor rien ne sevent Et qui enor an honte levent, Mes qui emor an honte moille Ne la leve pas, einz la soille. Or sont cil d'Amors nonsachant Qui ensi la vont desachant, Et molt ansus d'Amors se botent Qui son comandemant ne dotent. (v. 4392) Car sanz faille molt en amande Qui fet ce qu'Amors li comande, Et tot est pardonable chose, S'est failliz qui feire ne l'ose. » (v. 4317-4396, p. 302-306) En gros, le discours peut être divisé en trois parties concernant les trois sortes de temps en ordre chronologique : le passé (v. 4317-4338), le présent (v. 4339-4381) et le futur (v. 4382-4396). Dans la première partie, Lancelot commence sa discussion de la mort qu'il n'est pas arrivé à saisir ; dans la deuxième, il cherche les causes qui peuvent induire les méprises de la reine ; dans la dernière partie, Lancelot parvient à conclure qu'il faut pardonner les erreurs qu'on fait sous le commandement d'Amour. L'ensemble du monologue lui permet de se pardonner ses erreurs et d'abandonner l'idée du suicide. 1.2.1 La personnification de la mort Chaque partie du discours de Lancelot présente sa propre échelle de raisonnement, comme une petite dialectique avec son enjeu respectif. La première partie (v. 4317-4338) qui se focalise sur les événements du passé, se compose d'un monologue dialogique avec la mort personnifiée. Lancelot commence par exprimer son mécontentement envers celle qu'il a échoué à saisir (v. 4318) et finit par le mérite dont elle lui a donné par Dieu en ne le laissant pas se suicider, malgré la nécessité de la mort dès l'instant où la reine lui a témoigné de la haine (v. 4334-4335). Ainsi Lancelot passe de l'ingratitude au remerciement pour la bonté de Dieu. La méthode qu'il utilise pour surmonter l'idée du suicide, et qui l'entraine à enfin établir sa approche rationnelle, est par nature dialectique, parce qu'il dialogue avec son interlocuteur, la mort personnifiée, au long de sa 20

plainte (v. 4318-4329). Au vers 4330, l'analyse rationnelle se manifeste ; Lancelot tient compte de la vie dans son dialogue avec la mort personnifiée " deputaire », et distingue sa propre sentimentalité des deux éléments : " la vie qui me desirre » ou " Morz qui ne me vialt ocirre » (v. 4331-4332). Les deux éléments le font souffrir et mourir également l'un comme l'autre, mais, l'implication de " la vie qui me desirre », bien qu'affligeante, invite Lancelot à évaluer le sens de sa vie que Dieu a épargnée. Cette partie, qui se compose d'un dialogue avec la mort personnifiée non-réciproque, conduit Lancelot à évoluer de ses expressions vers des réflexions sur l'événement. La personnification est donc un appareil poétique et constitue l'ensemble de l'esthétique du raisonnement de Lancelot. 1.2.2 Le postulat initial : la réparation et le pardon Dans la deuxième partie (v. 4339-4381), l'analyse rationnelle de Lancelot à l'égard des causes possibles [de ...] se développe en détail. Démarrant sa phrase avec une double négation " Ne ne le fist pas sanz reison », Lancelot débarque sur la dialectique avec un autre sujet, la cause de la haine de Guenièvre, au lieu de la mort personnifiée dans la première partie. Il a surmonté la phase émotionnelle provoquée par la fausse nouvelle de la mort de Guenièvre, et entre dans la phase rationnelle, afin de relativiser le problème entre eux. Les vers 4339-4341 montrent la certitude de Lancelot - il faut une cause légitime bien que non juste pour que la reine ait eu cette attitude. Cela montre aussi la capacité de Lancelot à tenter de comprendre des choses ignorées, comme dans l'exemple du dialogue avec le gardien du gué défendu : Lancelot se prédispose à accepter les reproches non-compris (voir le chapitre 2 sous Les deux prédispositions). Donc, dans ce monologue, malgré le manque d'un interlocuteur actif réel, Lancelot parvient à réaligner sa mentalité bloquée vers un courant de causes possibles. Dans les vers 4342-4346, Lancelot 21

exprime le souhait d'une réparation de lui-même, si cela était possible et si la reine l'avait pardonné. Ainsi Lancelot aborde le sujet du pardon après la recherche des causes. L'ensemble des vers 4339-4346 prépare Lancelot, avant de dérouler la recherche analytique des causes, à positionner l'importance du pardon et de la réparation pourvu que la compréhension mutuelle s'établisse. 1.2.3 L'appel à Dieu, le témoin impartial qui incarne la justice La recherche de la cause spécifique n'est effectuée qu'au vers 4347 " Dex, cist forfez, quez estre pot ? ». Dans les vers 4348-4351, Lancelot se rappelle de sa seule conduite qui peut susciter le mépris. Commençant au vers 4352, Lancelot justifie sa conduite par son dévouement fidèle à Amour ; et il montre qu'il ne mérite pas le traitement de la reine. La clé de cette conclusion est son appel à Dieu, qui apparaît au début du vers 4347 et au vers 4353. À cause de ce changement subtil, Lancelot oriente son interlocuteur implicite, de la mort personnifiée dans la première partie (v. 4317-4338), vers son propre jugement préliminaire (v. 4342-4346), enfin vers Dieu impartial qui incarne la justice (v. 4353). Ainsi, il se raisonne d'un point de vue neutre et impersonnel ; et cette échelle du raisonnement de plus en plus sans préjugé l'aide à former sa propre analyse de l'événement du vers 4354 jusqu'à la fin de son monologue. Ici l'appel à Dieu convoque clairement l'esprit rationnel de Lancelot pour témoigner son raisonnement. 1.2.4 L'harmonie cyclique entre la motivation et l'acte Du vers 4354 au vers 4375, Lancelot étale son raisonnement dans une hypothèse aux vers 4354-4355 : " Onques Amors bien ne conut / Qui ce me torna a reproche, ». D'abord, comme dans les autres situations, Lancelot se prédispose à mériter des reproches sans qu'il ne les comprenne, ce qui lui permet de procéder à son raisonnement sans préjugé en faveur de lui-22

même. Il faut signaler que ces phrases sont tout de même du point de vue de l'accusateur qui ne se limite pas seulement à la reine, mais désigne un public indéterminé : aux vers 4356 et 4360, Lancelot s'adresse à l'accusateur non-déterminé " an ». Ainsi, on voit le sens du lien causatif entre la motivation et l'acte pour Lancelot : c'est l'amour qui motive l'acte de Lancelot et à l'inverse l'amour doit donc justifier l'acte issu de celui-ci par la constance entre eux. Plus spécifiquement, la cohérence entre sa motivation et son acte doit assurer la compréhension correcte de la part de la personne pour qui cet acte est entrepris : la reine aurait compris son amant, Lancelot, si elle comprenait ce cycle harmonieux. Ainsi on voit que l'harmonie cyclique entre la motivation et l'acte lui permet d'établir la nécessité d'une compréhension mutuelle entre lui et la reine, avant d'analyser le méfait. 1.2.5 La compréhension appropriée : l'abnégation et " deüst » et " verai » Ensuite, dans les vers 4359-4372, Lancelot raisonne sur la compréhension appropriée que son amie devrait atteindre. Il l'a fait réalisé en listant ses incertitudes. Les vers 4360-4364 contiennent quatre mots qui signifient la négation : " nel [...] pas », " Ne sai » en deux fois et " Ne li os ». Tous ces mots désignent ce que Lancelot pourrait ignorer, mais qui ne devait pas être jugé mauvais, car Lancelot, qui préfère souvent l'incognito dans les deux livres qu'on étudie, distingue la motivation de la présentation de celle-ci. Pour lui, le nom " amie » comme une preuve de sa motivation n'est pas nécessaire dans le cycle dialectique qui se suffit de la motivation et de l'acte ; en plus, le nom implique un certain sens de possession qui signifie l'ajout non nécessaire ou même blasphématoire pour un être sublime comme l'indique le verbe " metre » dans " metre cest sornon ». Ces paroles de l'abnégation réduisent encore l'amour-23

propre de Lancelot qui est néanmoins déjà si humble envers son amie. C'est donc son humilité qui éclaircit devant lui les causes possibles auparavant ignorées. Ainsi, en commençant par les causes possibles ignorées, son humilité renforce le pouvoir de persuasion de la suite de son raisonnement dans les vers 4365-4373, ce que la reine devait comprendre au lieu de la méprise et du mépris. Les mots qu'il utilise comme " ne [...] deüst » (v. 4366), " ami verai » (v. 4368), " deüst » (v. 4372), " la provance veraie » (v. 4373), montrent la compréhension appropriée de l'ensemble de la motivation et de l'acte de Lancelot, notamment la vraie connaissance du cycle constant et harmonieux de ces deux éléments-là. La reine a-t-elle échoué à comprendre l'harmonie de ce cycle car elle l'a mal jugé en raison de l'hésitation de deux pas devant la charrette ? On analysera cette question dans le prochain exemple, le monologue de la reine. En attendant, on se demande : si les deux amants atteignent la même compréhension de la nature de l'amour, y-a-il des points communs entre eux à l'égard de leur vie à l'extérieur de la fin'amor ? Et au fond de cet amour, que fait la dialectique ? 1.2.6 La vision impartiale de la fin'amor Ce n'est qu'aux vers 4376-4380 que Lancelot commence à traiter clairement les réactions de la reine qui ne manifestent pas la compréhension appropriée qu'il a raisonnée à l'instant. Il faut aussi noter qu'avant ce commentaire, aux vers 4374-4375, il a conclu la vraie manière de se conduire selon la fin'amor : " Amors ensi les suens essaie, / Ensi conuist ele les suens. ». On sait que la cause du mépris de la reine est l'hésitation, non pas le déshonneur ; c'est donc la question de l'absolu qui est pour elle en jeu dans cette méprise. Dans une certaine mesure, Lancelot se place dans une attitude plus dialectique qu'absolue car au cour de l'hésitation, il est en train d'évaluer l'importance de son honneur chevaleresque avec celle du bonheur de l'amant. Jusqu'ici 24

dans ce monologue dialectique, on voit qu'il garde une compréhension intégrale de la fin'amor ; il montre son approche réaliste de sa vie, en réfléchissant à la fois à l'importance de l'honneur chevaleresque et à l'amour courtois. Pour lui, la fin'amor est un phénomène lié à la société, et il la raisonne en dialoguant avec les règles de la société. Auerbach parle de la représentation de la réalité dans la littérature des romans courtois : A self-portrayal of feudal knighthood with its mores and ideals is the fundamental purpose of the courtly romance. Nor are its exterior forms of life neglected-they are portrayed in leisurely fashion, and on these occasions the portrayal abandons the nebulous distance of fairy tale and gives salient pictures of contemporary conditions. (131) L'hésitation de Lancelot reflète ce portrait de la chevalerie recherché ; il s'oblige à garder les moeurs et l'idéal de la société féodale. Comme Auerbach le constate, la condition contemporaine est prééminente dans la formation du portrait chevaleresque. Mais, même si c'est l'intrigue désirée pour esquisser le portrait essentiel du chevalier, pourquoi Chrétien ajoute-t-il l'épisode essentiel du mépris de la reine, créant ainsi plus de confusion sur la valeur chevaleresque ? La reine n'aurait-elle pas compris tout de suite la raison de l'hésitation ? Auerbach dit : Courtly realism offers a very rich and pungent picture of the life of a single class, a social stratum which remains aloof from the other strata of contemporary society, allowing them to appear as accessories, sometimes colorful but more usually comic or grotesque; so that the distinction in terms of class between the important, the meaningful, and the sublime on the one hand and the low-grotesque-comic on the other, remains strictly intact in regard to subject matter. The former realm is open only to members of the feudal class. (132) Puisque dans le monde du roman courtois, les classes sont divisées en deux et qu'elles sont extrêmement séparées, monter dans la charrette rabaisserait la classe de Lancelot à l'autre extrémité du monde de la société, ce qu'on voit par des regards du public. Tout au long avant et après être monté, Lancelot ne cesse pas de se soucier de perdre dans la classe inférieure même si 25

son souci est dissimulé ; par contre, on trouve que la reine ne se soucie pas de la honte causée par un rabaissement social parce qu'elle a une vision maximaliste de la fin'amor : l'amant doit être prêt à s'anéantir complètement et à renoncer à toute gloire si elle le demande. Les vers 4382-4388 dévoilent le vrai déshonneur que Lancelot ressent du mépris. Ensuite dans les vers 4389-4392, Lancelot implique en définitive que la reine est " d'Amors nonsachant » puisqu'elle est " qui ensi la vont desachant, ». Comme nous avons dit, il s'agit de la différence entre l'absolu et la dialectique à l'égard de la fin'amor. Il se peut que la reine ne soit pas suffisamment dialectique en tenant compte des deux aspects de la fin'amor, mais Lancelot, le meilleur chevalier élu à l'unanimité dans la Charrette et aussi La Mort Artu, garde ensemble les deux concepts, l'absolu et la dialectique, en même temps : il est entièrement fidèle à la reine, et il tient compte du rôle social. 1.2.7 L'échelle progressive vs. l'état statique de la fin'amor La vision impartiale de la fin'amor dans la Charrette s'explique aussi par deux différents sens de temps - le temps synchronique et le temps diachronique, ce qui est révélé à travers les quatre derniers vers du discours de Lancelot. Selon le vers 4393 et le vers 4394, il y a une connexion entre " amande » et " Amors » : l'amour augmente les valeurs de la personne impliquée. Ainsi la fin'amor n'est pas immobile, elle a la fonction de la réparation d'un tort, un effet accumulé diachronique. En plus, selon les deux autres vers, l'honneur de la fin'amor dépend du courage de pardonner. Ainsi, pour Lancelot, la fin'amor crée l'échelle d'un progrès lié à la réparation de torts et à la cultivation de bonnes valeurs ; la fin'amor produit une bonté diachronique. Il faut se rendre compte qu'il n'y a pas pour Lancelot de distinction entre les rôles ; l'échelle progressive s'applique aussi bien à lui qu'à la dame. Pourtant, la reine garde plutôt une vision de la fin'amor 26

statique. Il est possible de confondre ce développement partagé avec l'enjeu de la soumission totale et de l'autorité absolue, qui est, en fait, un effet synchronique de la fin'amor. Ce sont aussi différents aspects de la fin'amor : le progrès concerne l'effet ; la fidélité absolue concerne la nature. Ainsi, le sens de la fin'amor pour Lancelot s'étend vers une infinité du temps et ne manque pas de ponctualité non plus. Lancelot maintient la compréhension co-existante ou bien contradictoire de la fin'amor, au contraire de celle de la reine qui reste plutôt monotone et statique. C. Denoyelle dit : Les romans de ce corpus [...] sont soutenus par des idéologies qui ne sont pas remises en cause. La hiérarchisation des personnages et leur répartition actancielle entraînent une hiérarchisation des vérités. Un discours mensonger s'oppose à un discours véridique et il est normal de ne pas leur accorder le même poids argumentatif. (336) Considérant la qualité du raisonnement, on peut supposer que la vérité concernant la fin'amor subsiste plutôt chez Lancelot ; la nature de la loyauté totale de la fin'amor n'exclut pas son effet d'un progrès spirituel, surtout quand la force de l'amour subvertit et contredit les règles de la société où les amants vivent : c'est à l'inverse l'épreuve la plus essentielle pour attester laquotesdbs_dbs7.pdfusesText_13

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