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ARGUMENTAIRE SCIENTIFIQUE
Novembre 2014
DOCUMENT DE TRAVAIL SOUMIS AVANT CORRECTION ORTHOGRAPHIQUE ET TYPOGRAPHIQUERECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE
Les recommandations de bonne pratique (RBP) sont définies dans le champ de la santécomme des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à
rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données.Les RBP sont des synthèses rigoureuses de l"état de l"art et des données de la science à un
temps donné, décrites dans l"argumentaire scientifique. Elles ne sauraient dispenser le
professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient,qui doit être celle qu"il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations et
des préférences des patients.Cette recommandation de bonne pratique a été élaborée selon la méthode résumée en
annexes 1 et 2. Elle est précisément décrite dans le guide méthodologique de la HAS
disponible sur son site : Élaboration de recommandations de bonne pratique - Méthode " Recommandations pour la pratique clinique »Grade des recommandations
A Preuve scientifique établie
Fondée sur des études de fort niveau de preuve (niveau de preuve 1) : essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur ou méta-analyse d"essais comparatifs randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menéesB Présomption scientifique
Fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de
preuve (niveau de preuve 2), comme des essais comparatifs randomisés de faible puissance, des études comparatives non randomisées bien menées, des études de cohorte.C Faible niveau de preuve
Fondée sur des études de moindre niveau de preuve, comme des études cas-témoins (niveau de
preuve 3), des études rétrospectives, des séries de cas, des études comparatives comportant des
biais importants (niveau de preuve 4).AE Accord d"experts
En l"absence d"études, les recommandations sont fondées sur un accord entre experts du groupede travail, après consultation du groupe de lecture. L"absence de gradation ne signifie pas que les
recommandations ne sont pas pertinentes et utiles. Elle doit, en revanche, inciter à engager desétudes complémentaires.
Ce document a été validé par le Collège de la Haute Autorité de santé en novembre 2014.
© Haute Autorité de santé - 2014
Les recommandations et leur synthèse sont téléchargeables sur www.has-sante.frHaute Autorité de santé
Service documentation - information des publics
2, avenue du Stade de France - F 93218 Saint-Denis La Plaine Cedex
Tél. : +33 (0)1 55 93 70 00 - Fax : +33 (0)1 55 93 74 00 Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 3Table des matières
Abréviations et acronymes ................................................................................................................................. 5
Introduction ..................................................................................................................................... 6
1 Prévention, repérage et diagnostic précoce des différentes formes de
dépressions à l"adolescence .............................................................................................. 9
1.1 Contextualisation de la démarche diagnostique et thérapeutique chez un adolescent
présentant une symptomatologie dépressive .................................................................................. 9
1.2 Historique et définitions .................................................................................................................. 17
1.3 Particularité symptomatiques de l"épisode dépressif caractérisé à l"adolescence ........................ 28
1.4 Diagnostic différentiel ..................................................................................................................... 33
1.5 Facteurs de risque de dépression et de suicidalité à l"adolescence .............................................. 37
1.6 Intérêt de la prévention, et du dépistage systématisé de la dépression et de la suicidalité à
l"adolescence .................................................................................................................................. 45
2 Prise en charge initiale de l"adolescent présentant un trouble dépressif unipolaire .... 60
2.1 Choix des objectifs et coordination des soins ................................................................................ 61
2.2 Prise en charge somatique ............................................................................................................. 67
2.3 Psychothérapies (thérapies relationnelles) .................................................................................... 67
2.4 Thérapies psycho-corporelles (relaxation psycho-corporelle), exercice physique et hygiène
du sommeil ..................................................................................................................................... 83
2.5 Traitements par antidépresseurs seuls et combinés ..................................................................... 85
2.6 Dépression, anxiété, agitation, anxiolytiques, hypnotiques et autres traitements sédatifs ......... 116
2.7 Dépression, symptômes psychotiques et antipsychotiques ........................................................ 117
2.8 Dépression, bipolarité, lithium et anticonvulsivants ..................................................................... 118
2.9 Dépression, agitation, troubles du comportement " perturbateurs », aggressivité et
psychotropes ................................................................................................................................ 119
2.10 Dépression, Oméga 3 et millepertuis ........................................................................................... 120
2.11 Traitements physiques ................................................................................................................. 120
2.12 Dépression, Interventions sur l"environnement et hospitalisation ................................................ 121
Annexe 1. Méthode de travail ....................................................................................................................... 127
Annexe 2. Recherche documentaire............................................................................................................. 130
Annexe 3. Facteurs de risques constitutionnels de dépression et de suicidalité à l"adolescence. .............. 145
Annexe 4. Facteurs de risque néonataux de dépression à l"adolescence ................................................... 147
Annexe 5. Facteurs de risque individuels de dépression et suicidalité à l"adolescence. ............................. 148
Annexe 6. Facteurs de risque environnementaux de dépression et suicidalité à l"adolescence. ................ 164
Annexe 7. Facteurs modérateurs et interactions de facteurs de risque de dépression et de suicidalité à
l"adolescence. ................................................................................................................................................ 171
Annexe 8. Revue de la littérature concernant les interventions de dépistages de la dépression et du
risque suicidaire chez les adolescents. ......................................................................................................... 175
Annexe 9. Échelle d"intentionnalité suicidaire de Beck................................................................................. 184
Annexe 10. Questionnaire " TSTS-CAFARD » .......................................................................................... 185
Annexe 11. Échelle ADRS .......................................................................................................................... 186
Annexe 12. Échelle CES-D10..................................................................................................................... 188
Annexe 13. Questionnaire HEADSS .......................................................................................................... 189
Annexe 14. Echelles de mesure ................................................................................................................. 190
Annexe 15. Revue de la littérature concernant les interventions psycho-éducatives préventives de la
dépression et du risque suicidaire chez les adolescents .............................................................................. 195
Annexe 16. Revue de la littérature concernant l"efficacité des antidépresseurs vs placebo ..................... 202
Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 4Annexe 17. Revue de la littérature sur les effets indésirables (suicidalité et autres) : antidépresseurs
vs placebo ou contrôle ................................................................................................................................... 234
Références ................................................................................................................................. 249
Participants ................................................................................................................................. 269
Fiche descriptive ......................................................................................................................... 272
Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 5Abréviations et acronymes
AACAP . American Academy of Child and Adolescent PsychiatryADRS .... Adolescent Depression Rating Scale
AMM ..... autorisation de mise sur le marché
AUC ...... area under the curve (aire sous la courbe) CES-D ... Center For Epidemiologic Studies Depression Scale CDRS-R Children"s Depression Rating Scale, Revised CFTMEA classification française des troubles mentaux de l"enfant et de l"adolescentDSM ...... Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux) EDC ...... épisode dépressif caractériséESPT..... état de stress post-traumatique
FDA ....... Food and drugs administration
HAS ...... Haute Autorité de Santé
HDRS .... Hamilton Depression Rating Scale
HEADSS Home, Education/employment, peer groupActivities, Drugs,Sexuallity, andSuicide/depression
IRSNA ... inhibiteur de la recapture de la séreotonine et de la noradrénaline ISRS...... inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine K-SADS-PL Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia for School-Age Children--Present andLifetime Version
MG ........ médecin généraliste
NICE ..... National Institute for Health and Care Excellence NNT ....... " number needed to treat » (nombre de patients à traiter) NNH ...... " number needed to harm » (nombre de patients à traiter pour nuire)OPP ...... ordonnance de placement provisoire
TADS (étude) Treatments for Adolescents with Depression StudyTCC ....... thérapie cognitivo-comportentale
TDAH .... trouble de déficit de l"attention avec ou sans hyperactivitéTIP ........ thérapie interpersonnelle
TOP ....... trouble oppositionnel avec provocationTS ......... tentative de suicide
TSTS-CAFARD : Traumatologie Sommeil Tabac Stress - Cauchemars Agression Fumeur Absentéisme
Ressenti Désagréable de la vie de famille
Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 6Introduction
Situation clinique
À l"adolescence, il existe différentes formes de manifestations dépressives réparties sur un large
spectre. Ainsi, des sentiments dépressifs modérés et transitoires peuvent apparaître normalement
à l"adolescence (fréquence de 30 % à 45 %) (1) mais la souffrance de l"adolescent peut aussi
prendre la forme d"un véritable trouble dépressif constitué par la survenue d"un épisode dépressif
caractérisé (EDC) - encore appelé " épisode dépressif majeur ». Cet EDC est défini selon les
critères diagnostiques des classifications nationale (CFTMEA) et internationales (CIM-10, DSM-5 1)(cf. chapitre 1.2). Le trouble dépressif unipolaire se caractérise par la survenue d"au moins un EDC
sans que cela soit explicable par un trouble du spectre schizophrénique et sans que le sujet n"ait
présenté d"antécédent d"épisode maniaque, hypomaniaque ou mixte.La prévalence sur 1 an de l"EDC de l"enfant est faible (< à 1 %) puis augmente avec la puberté
jusqu"à 4-8 % chez l"adolescent (12-18 ans) et le jeune (15-24 ans). La prévalence cumulée sur
l"ensemble de l"adolescence atteint ainsi 15 à 20 % (2, 3). Les données disponibles en France en
2005 chez le jeune (15-24 ans) rapportent une prévalence de l"EDC de 3,8 % sur 1 an, et de
12,4 % sur toute la vie (8,2 % EDC léger/modéré et 4,2 % EDC sévère) (4). Une étude concernant
des adolescents français en classe de troisième en 2003-2004 avait montré une prévalence de
l"EDC sur 12 mois de 9,6 % : léger (1,5 %), modéré (6,4 %) et sévère (1,7 %) (5). Si certains EDC
évoluent vers une rémission rapide - 40 % présentent une rémission dans l"année (6) -, l"EDC de
l"adolescent signale souvent l"entrée dans une maladie chronique : à 12 mois 50 % présentent
encore les critères d"un EDC (6), environ 40 % des enfants présentant un trouble dépressif auront
une forme récurrente (7) et 20 à 30 % évolueront vers un trouble bipolaire (8, 9). Une dépression
persistant au moins un an à l"adolescence est prédictive d"une dépression persistant également au
moins un an à l"âge de jeune adulte (OR = 3,16 ; IC : 1,86 à 5,37) (10).Á cette période de la vie marquée par des transformations spectaculaires, qui affectent tous les
aspects de la personne (physiologique, cognitifs et sociaux), la gravité de cette maladie est liée à
son impact durable sur toutes ces dimensions du sujet en construction : aggravation decomorbidités physique et psychiatrique (troubles anxieux, trouble des conduites, consommation à
risque de substances psychoactives par exemple), impact psychologique scolaire et professionnel durable. En outre, et bien que les comportements suicidaires ne s"associent pas systématiquementà la dépression, les idées suicidaires font partie des symptômes de l"EDC chez l"adolescent et
l"EDC s"associe à une augmentation du risque suicidaire. Un tiers des adolescents présentant un
EDC feraient une tentative de suicide et 2-8 % d"entre eux décèderaient de suicide dans les dix
ans qui suivent (6, 7, 11). Or, les tentatives de suicide se répètent dans 1/3 des cas et le suicide
est la deuxième cause de mortalité en France chez le jeune de 15-24 ans, soit environ 600 décès
par an et un taux de décès de 6,7 pour 100 000, ces chiffres étant très certainement sous-estimés
de 20 % (12).Or, la dépression, et a fortiori la dépression de l"adolescent n"est reconnue, et adéquatement
traitée que chez la moitié des personnes atteintes de dépression, y compris celles bénéficiant d"un
suivi par un médecin de premier recours ou dans les hôpitaux. En outre, la majorité des patients
souffrant de dépression sont suivis par un médecin de premier recours (13-15). Il est par
conséquent nécessaire d"aider les professionnels en relation avec les adolescents et en particulier
les médecins de premier recours, à repérer la souffrance dépressive de l"adolescent, diagnostiquer
1 Les données de l"argumentaire reposent sur des études issues des définitions des versions précédentes de la classifi-
cation internationale du DSM, notamment le DSM-IV-TR.Dans la traduction française du DSM-IV-TR, la terminologie employée pour nommer un épisode dépressif caractérisé est
" épisode dépressif majeur » : le terme " majeur » n"est pas ici synonyme de sévérité.
La traduction française officielle du DSM-5 n"est pas encore disponible. La définition de l"EDC et les intitulés des mani-
festations dépressives présentés respectivement dans les tableaux 2 et 4 sont des propositions de traduction.
Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 7et évaluer l"intensité de la manifestation dépressive, notamment dans le cas de l"épisode dépressif
caractérisé, repérer une crise suicidaire, instaurer une prise en charge adaptée à l"adolescent et
l"orienter vers des soins spécialisés si nécessaire. Thème et contexte d"élaboration de la recommandation de bonne pratiqueLa Haute Autorité de Santé (HAS) a été saisie par la Direction générale de la santé (DGS) pour
élaborer des recommandations de bonne pratique (RBP) sur le diagnostic et la prise en chargedes troubles dépressifs de l"adolescent en soins de premier recours. Cette demande a été faite
initialement en complément du plan " Santé des jeunes » visant notamment à mieux répondre à la
souffrance psychique et au risque de la crise suicidaire chez les jeunes les plus vulnérables, et cette RBP fait partie du programme de prévention du suicide 2011-2014. Cette recommandationconcerne donc les adolescents (entre 12 et 18 ans) souffrant de manifestations dépressives,
notamment l"épisode dépressif caractérisé (EDC) inscrit dans un trouble dépressif unipolaire.
L"objectif d"amélioration des pratiques de cette recommandation est de : · repérer les manifestations dépressives et mieux identifier l"EDC ;· instaurer des soins adaptés à l"intensité, aux caractéristiques de la manifestation dépressive et
à la situation singulière ;
· mieux orienter vers les soins spécialisés si nécessaire ;· repérer les comorbidités et prévenir les complications des manifestations dépressives.
Limite de la recommandation
Le thème de cette recommandation de bonne pratique portant sur la repérage, le diagnostic et la
prise en charge en soins de premier recours, elle n"aborde donc pas la globalité de la stratégie de
soins de façon exhaustive qui est du ressort du médecin spécialiste en psychiatrie.Patients ou usagers concernés
Cette recommandation concerne les adolescents (entre 12 et 18 ans) souffrant de manifestationsdépressives, notamment l"épisode dépressif caractérisé (EDC) inscrit dans un trouble dépressif
unipolaire.Professionnels concernés
Les professionnels de santé devant mettre en oeuvre ces recommandations sont lesprofessionnels de premier recours : médecins généralistes, médecins et infirmiers scolaires,
pédiatres, urgentistes et gynécologues. Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 8Position du groupe de travail :
Au-delà de toute hypothèse étiologique, les manifestations dépressives (somatiques, biologiques,
psychologiques, comportementales) s"inscrivent dans la vie relationnelle. Entre l"adolescent et le praticien, une relation de soin se co-construit dans des consultations respectueuses desparticularités de l"adolescence. Toute évaluation ou intervention prend son sens et son efficacité
au sein de cette structure relationnelle. En conséquence, ce n"est que lorsque cette relation a pris
forme qu"une intervention thérapeutique peut prendre sens pour l"adolescent (relation thérapeutique).Toute manifestation ou plainte dépressive nécessite une approche empathique (disponibilité) et
compréhensive (poser les bonnes questions), base de l"engagement dans une alliance de soins (relationnels avant médicamenteux).Par ailleurs, l"efficience des interventions thérapeutiques (même pharmacologiques) est
indissociable de l"organisation des soins. Cette affirmation est d"autant plus vraie quel"étiopathogénie du trouble est polyfactoriel et que chacune des interventions prise isolément
présente une taille d"effet faible, ce qui est le cas ici. Par conséquent, étudier la pertinence clinique
d"une intervention devrait prendre en compte sa place dans la synergie des soins. Or, d"une partles données stratégiques manquent comparativement aux données expérimentales. Et d"autre
part, l"analyse ne peut que se référer à une organisation et des moyens " idéaux » de soins, sans
considération des particularités territoriales pourtant susceptible de changer le rapport
efficacité/tolérance d"une même intervention. Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 91 Prévention, repérage et diagnostic précoce des
différentes formes de dépressions à l"adolescence1.1 Contextualisation de la démarche diagnostique et thérapeutique
chez un adolescent présentant une symptomatologie dépressiveQuelque soit la problématique, le cadre de soin que l"on se donne et la qualité de l"environnement
relationnel est primodial dans le soin des adolescents et ce dès la première rencontre.
Premièrement, il est artificiel de scinder l"évaluation diagnostique de la prise en charge
thérapeutique. À partir du moment où une personne de l"entourage est interpellée par un
adolescent qui manifeste une symptomatologie dépressive, et qu"elle entreprend une démarched"accompagnement vers le soin, le processus thérapeutique est déjà engagé : le dévoilement, les
tentatives de clarifications, l"énonciation d"hypothèses diagnostiques et de son soucis de soin, la
transmission de ses représentations concernant le soin psychiatrique engagent le processus
thérapeutique. Deuxièmement, le cadre (c"est-à-dire l"ensemble des données fixes, invariantes qui
définissent l"espace où se déroule le soin et par corrolaire, l"espace où il ne se déroule pas ; (16)
doit être adapté pour favoriser le soin. Face à une problématique psychique, les adolescents, dans
leur grande majorité, ne recourent pas au soin et formulent difficilement une plainte directe. Dans
ces circonstances, les barrières structurelles et le contexte de la première rencontre avec l"aidant
puis le consultant conditionne le repérage et la prise en charge. En particulier, la qualité de
l"interaction entre l"adolescent en souffrance, son entourage et le médecin de premier recours est
susceptible de modifier l"expression symptomatique et constitue l"un des premiers instruments
diagnostics et thérapeutiques. Troisièmement, l"adolescence est une étape du développement qui
remanie les relations avec l"entourage. Soigner un adolescent implique de prendre en charge safamille (et/ou son entourage). La place de la famille et les règles de confidentialité devront être
clarifiées dès la première consultation. Quatrièmement, à cet âge, aucun symptôme n"est
pathognomonique d"un épisode dépressif caractérisé. Chaque manifestation potentiellement
symptomatique d"un EDC doit être explorée et interprétée en l"intégrant dans le contexte
environnemental et relationnel déployé autour de l"adolescent, dans lequel elle s"exprime.
Finalement, après une restitution adaptée des éléments recueillis, l"adolescent et sa famille
participeront à la définition des objectifs thérapeutiques (17).1.1.1 Attitudes diagnostiques et thérapeutiques : deux pôles indissociables
Le but des premiers entretiens cliniques est double avec d"une part l"évaluation globale de la clinique psychiatrique (sémiologique, nosographique, psychopathologique, psychodynamique,individuel, relationnel, etc.) et d"autre part thérapeutique. L"exploration de la symptomatologie et
des facteurs de risque doit permettre une évaluation diagnostique et pronostique, cependant, denombreux éléments de la consultation présentent un potentiel thérapeutique et sont susceptibles
d"éclairer en retour la clinique : la manifestation d"un souci de soin, la transmission de ses
représentations sur le soin et la maladie mentale, le dévoilement de la souffrance, l"énonciation et
les tentatives de clarification, le partage du monde interne avec une personne investie d"un statut de soignant et ayant des réactions adaptées (17).Se contenter d"une évaluation sans attitude thérapeutique constituerait une démarche non
seulement stérile, mais surtout intrusive et dangereuse. Elle serait susceptible d"ignorer une partie
de la psychopathologie manquant ainsi son objectif initial. En effet, la théorie, et en particulier la
théorie du soin sur lequel s"appuie le clinicien influence sa façon de percevoir les symptômes.
L"aller retour permanent entre les symptômes " bruts » exposés par l"adolescent et sa théorie de
référence offre au clinicien une meilleure compréhension des symptômes et de la situation. Cette
cohérence théorique, centrée sur le patient, adaptée à l"adolescence et supportant une
intention de soin, est essentielle pour éviter une rencontre aliénante-qui à partir des seuls
éléments recueillis de manière brute échouerait à entendre la singularité de la situation-pour faire
émerger l"ensemble de la symptomatologie et pour l"efficacité thérapeutique (1, 17). Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 10 Selon Marcelli, en dehors des situations d"urgence, l"évaluation durera ainsi 2-3 mois, avec uneconsultation tous les 10-15 jours en moyenne, la dimension thérapeutique impliquant qu"à chaque
fois le consultant puisse faire une restitution adaptée des éléments recueillis afin d"éclairer
l"adolescent et sa famille sur sa souffrance et favoriser la définition l"objectif thérapeutique et la
mise en place des stratégies thérapeutiques (17).1.1.2 Comportement de recours au soin à l"adolescence
Une part importante de la population ne se plaint pas directement et n"a pas recours au soin face à
une souffrance psychique. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne l"adolescent. D"abord, le comportement de recours au soin en France des personnes présentant un EDC estcontrasté. Face à un EDC gênant le fonctionnement au quotidien (33000 observations sur 44 sites
entre 1999 et 2003), 28 % de la population (tous âges confondus) n"a pas recourt au soin (dont35 % n"ont même pas recours à un soutien relationnel) et seul 35 % recoure aux soins médicaux
(les sujets restants ayant recours à des soins " traditionnels » (18). Selon l"étude Depression
Research in European Society (DEPRES I et II) menée en 1995 dans 6 pays européens, plus de 2personnes déprimées sur 5 n"ont pas consulté, et parmi celles souffrant d"un EDC, plus d"un tiers
n"a pas eu recours aux soins. Quand ils consultent, les sujets déprimés s"adressent préférentielle-
ment à leur généraliste (51 %), tandis que moins de 10 % s"adressent à un psychiatre. Le motif de
consultation est rarement la dépression elle-même (19, 20).Ensuite, selon des données épidémiologiques australiennes, les adolescents apparaissent
comme la classe d"âge ayant le moins recours aux soins : classe d"âge ayant le rapport le plusélevé entre la prévalence de trouble mental (26,4 % sur 12 mois) et l"utilisation des structures de
soin (9,9 %) (21).En outre, concernant les adolescents suicidants, de même, seuls 10 % vont intégrer le système
de soin, le plus souvent par le biais des urgences. À la sortie de l"hôpital, seuls deux de ces dix
jeunes vont poursuivre les soins. Le plus souvent, ces adolescents suicidants et suicidaires neveulent pas consulter de professionnels au sujet de leur problématique suicidaire (22, 23). Gautier
et Johnston (24) soulignent les caractéristiques communes entre les adolescents suicidants et
non-compliants en terme de fonctionnement et de mode de relation à autrui : recours à l"agir,
recherche de maîtrise, quête d"une existence autre que celle lié à la maladie et la souffrance.
Finalement, selon Jacobi (25) alors que la demande de l"adulte se fonde souvent sur une plainte, l"adolescent se désiste souvent de toute plainte directe au contact de l"adulte susceptible del"aider. Cette attitude apparaît comme un " geste de survie », qu"il faut respecter, à un âge où tout
rapprochement avec l"adulte est vécu comme un risque (pour l"autonomie, d"intrusion, etc.). Ainsila plainte est rarement verbalisée directement et emprunte plutôt la voie indirecte de
comportements (ou conduites) agi(e)s. L"aménagement de la relation devra permettre de faireémerger et évoluer cette plainte souvent très autocentrée dans les premiers temps. Plainte qui
évoluera souvent au fur et à mesure de la prise en charge (25).1.1.3 Barrières structurelles et relationnelles au soin de la maladie mentale
Une série de facteurs structurels, culturels, relationnels et individuels freinent la demande de soin et la compliance au traitement des adolescents déprimés (21, 26-35). ► Facteurs structurels· Le coût des soins.
· Le manque d"accessibilité et temps d"attente pour les soins psychiatriques. · Le manque de ligne téléphonique permettant un avis spécialisé rapide.· La difficulté de l"accessibilité par les transports, en particulier, en zone rurale. L"intérêt de struc-
tures d"accueil de proximité est rapporté. Manifestations dépressives à l"adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles / Novembre 2014 11 · Le manque de structures spécialisées pour l"accueil des jeunes. Dans ce sens, on rapportel"intérêt des maisons des adolescents créées depuis 2004 pour faciliter l"accès aux soins (36).
► Facteurs socio-culturels · Le manque de connaissance des structures et de la santé mentale dans la communauté et en particulier, l"ignorance du parcours de soins à effectuer dans un contexte de crise. Un niveausocioculturel " élevé », le fait d"avoir des parents capables de décrire avec des termes corrects
un trouble mental est un facteur favorisant. · Le manque de cohérence entre les institutions et les valeurs de la famille.quotesdbs_dbs12.pdfusesText_18[PDF] choisi un chiffre entre 1 et 9
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