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CAMUS, Le premier homme

Analyse (la pagination est celle de l’édition du ‘’Livre de poche’’) _____ La genèse de l’œuvre En 1932, le professeur de philosophie de Camus, Jean Grenier, qui signala d’ailleurs que son élève manifestait une étrange «fixation au meurtre», lui fit lire ‘’Les vies des douze Césars’’ de Suétone



Caligula - Cercle Gallimard de lenseignement

Caligula d’Albert Camus présente exercices de recherche et d’analyse Caligula d’Albert Camus 1 › Maîtriser le contexte historique et littéraire



La fabrique de Caligula

Nous enchaînerons en effet sur une analyse diachronique des facteurs qui ont nourri le work-in-progress, et tâcherons du coup de mesurer l’impact poïétique de chacun de ces facteurs Suivra finalement un examen plus littéraire, qui interprétera la version définitive de Caligula à la lumière des précédentes Nous montrerons en quoi elle



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Caligula existant dans la culture occidentale Nous passerons ensuite à l'analyse des changements de ces images accomplis par Rostworowski et Camus, à l'analyse de la réalisation dramaturgique du thème Finalement, nous procéderons à une interprétation des motifs retrouvés – ce sera aussi une sorte de couronnement de notre exposé



La Peste - Camus 1) Présentation de lauteur

demain Tout le monde connaît la famine, c'est un fléau » (II,9) De l'annonce du fléau, Caligula passe à l'incarnation de la peste : « c'est moi qui remplace la Peste » (IV, 9) Dans l'imaginaire de Camus, la notion de fléau et le symbole de la peste sont indissociables de la représentation du mal



RÉFLEXIONS SUR LA GUILLOTINE

Albert Camus, Réflexions sur la guillotine (1957) 4 OEUVRES D'ALBERT CAMUS Récits-Nouvelles L'ÉTRANGER LA PESTE LA CHUTE L’EXIL ET LE ROYAUME Théâtre CALIGULA LE MALENTENDU L'ÉTAT DE SIÈGE LES JUSTES Essais NOCES LE MYTHE DE SISYPHE LETTRES À UN AMI ALLEMAND ACTUELLES CHRONIQUES 1944-1948 ACTUELLES II, CHRONIQUES 1948-1953



EXPOSE : L’étranger d’Albert Camus

Cependant, il poursuivait son œuvre littéraire à un ryhtme soutenu avec, notamment, la création de ses pièces le Malentendu et Caligula et la publication de son roman la Peste (1947) qui inaugurait le cycle de la révolte et de la solidarité, où s’inscrivent l’État de siège (1948) et les Justes (1949) mais surtout l’essai

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CALIGULA D'ALBERT CAMUS

ET KAJUS CEZAR KALIGULA DE KAROL HUBERT

ROSTWOROWSKI

DEUX REALISATIONS DRAMATURGIQUES DU THEME.

Thèse de Maitrise

Soumise

Au Département de La Langue Française

à l'Université Catholique de Lublin, Pologne Par

Justyna M. Japola

L'Université Catholique de Lublin, Pologne

Juin 2001

Droits d'Auteur 2001

de Justyna M. Japola

Table de Matières

1. Préliminaires........................................................................

.....................................5

2. Caligula dans l'histoire.........................................................................

...................16

2.1 La relation de Suétone: Vies des douze césars...........................................................17

2.2

Caligula ou le pouvoir à vingt ans de Roland Auguet..................................................23

2.3 La réception du personnage de Caligula au moment de la création des deux pièces...30

2.4 Caligula - une vision objective?........................................................................

.........35

3. Le personnage de Caligula dans les relations interpersonnelles - analyse actantielle 37

3.1

Caligula

d'Albert Camus........................................................................ ...................40 3.2 Cezar Kajus Kaligula de Hubert Karol Rostworowski.................................................59

4. Réalisations du thème.........................................................................

....................71

4.1 Caligula - tyran irrationnel........................................................................

...............73

4.2 Caligula - intellectuel........................................................................

.......................87

4.3 Caligula - homme........................................................................

...........................102

4.4 Caligula - metteur en scène........................................................................

............115

4.5 Récapitulation........................................................................

................................129 ....................................138 i

Introduction

Le sujet de la présente étude - Caligula en tant que thème - est bien intéressant pour des raisons non seulement théoriques et littéraires mais aussi - philosophiques ou même existentielles. Cette approche nous garantit de parcourir une aventure fascinante à la recherche de l'identité, de l'origine, de l'évolution et des éléments constitutifs de ce phénomène que nous risquons d'appeler justement le thème de Caligula. Nous allons voir comment le héros légendaire du début de notre ère peut entrer en jeu avec le lecteur/spectateur contemporain au tout commencement du troisième millénaire, comment il ne se laisse pas réduire à une seule image- simplification (injuste!), mais réclame - en le suggérant de façons différentes - l'affirmation de la richesse de toutes ses incarnations possibles. Tout homme en face du thème de Caligula aura la chance non seulement de connaître un personnage historique (intéressant en tant que tel), mais aussi, grâce à ses apparitions littéraires, grâce au fait qu'il reflète l'atmosphère des époques différentes avec leurs problèmes spécifiques et qu'il sert en même temps de porte-parole de la sensibilité de chaque auteur, de s'enrichir par la rencontre avec un héros enfermant en lui une "réalité" métaphysique, le secret profondément humain, prêt à être découvert. Pour réaliser ces possibilités nous allons soumettre à une analyse approfondie le personnage de l'empereur romain du I er siècle après Jésus-Christ tel qu'il apparaît dans les pièces de théâtre de Rostworowski et de Camus. Nous remarquons tout de suite, que les deux oeuvres naissent dans deux réalités diverses. Ce qui les distingue c'est, d'abord, le temps de leur création. Cezar Kajus Kaligula de Karol Hubert Rostworowski a été créé en 1917 et Caligula d'Albert Camus (sa version définitive) en 1945. Puis, les auteurs, Camus et Rostworowski, appartiennent à de différentes époques pas seulement littéraires mais aussi sociales et intellectuelles. Cependant, on peut constater que les deux pays, la Pologne et la France , ne sont pas tellement "éloignés" l'un de l'autre - ils se trouvent à la portée de la culture occidentale qui puise l'inspiration dans ses racines grecques et romaines. Quant aux époques en question, écartées l'une de l'autre de quelques vingt-cinq ans, elles ont un trait commun important: la réalité d'une catastrophe de guerre mondiale. Nous n'oublions pas que les deux auteurs ont choisi la forme dramatique. Il faut cependant noter que notre objectif n'est pas de parler du caractère spécifiquement théâtral de la présentation du personnage de Caligula. Dans la perspective de nos propos, le fait que l'empereur apparaisse dans les oeuvres de théâtre, n'est pas considéré comme question essentielle. Notre but sera d'abord de présenter un compte rendu des images de Caligula existant dans la culture occidentale. Nous passerons ensuite à l'analyse des changements de ces images accomplis par Rostworowski et Camus, à l'analyse de la réalisation dramaturgique du thème. Finalement, nous procéderons à une interprétation des motifs retrouvés - ce sera aussi une sorte de couronnement de notre exposé. On y aura recours aux oeuvres littéraires et 2 aux courants philosophiques différents, à tout ce qui semble "coopérer" avec le thème en question et réunir ses éléments constitutifs. L'étude présente comportera quatre chapitres d'importance inégale. Dans le premier, qui contient les principales explications terminologiques, nous chercherons à définir la notion du thème en l'opposant à celle du motif et à trouver la relation qui lie les deux termes. Le chapitre deuxième présentera le personnage de Caligula tel qu'il apparaît dans l'histoire. Il aura pour but de faire observer qu'il n'existe pas une seule image de l'empereur dans les relations des historiens (aussi bien de l'époque que contemporains). Au contraire, ces relations se montrent une source appréciable des visions contradictoires. Dans le chapitre troisième nous effectuerons l'analyse actantielle du personnage de Caligula dans les oeuvres examinées. Nous nommerons d'abord tous les actants et indiquerons leur rôle dans les pièces, pour trouver ensuite la position dans laquelle se trouve le héros principal par rapport aux forces agissantes. Le quatrième chapitre sera essentiellement une approche ayant pour but de découvrir la caractéristique du thème de Caligula dans toute sa complexité. Nous allons nous baser sur plusieurs textes que nous citerons au fur et à mesure. Il faut noter cependant que c'est l'oeuvre philosophique d'Albert Camus qui nous apportera l'appui capital dans notre analyse. La bibliographie renseignera sur les ouvrages d'auteurs en question et de ceux qui ont été utilisés pour faire avancer notre travail: oeuvres théoriques, monographiques et encyclopédiques. Nous n'avons pas cru nécessaire de citer la liste complète des études consacrées aux auteurs et aux pièces dont nous nous occupons. Quant à l'état de recherches sur Caligula, personnage aussi bien historique que littéraire, il n'est pas très impressionnant. Vu le fait que dans la 3 présente étude nous n'abordons qu'un aspect étroit concernant les deux oeuvres,

il faudrait peut-être écrire une monographie spécialisée consacrée entièrement à

la comparaison plus globale des deux pièces en question. 4

1. Préliminaires

Peut-on parler de Caligula en tant qu'un mythe toujours vivant, toujours actuel? Comment l'histoire de ce César connu pour sa cruauté folle peut-elle influencer l'homme d'aujourd'hui? Ce drame du début de notre ère peut-il avoir une importance quelconque à l'époque de la primauté de la science et de la technique, et plus encore - au temps de la postmodernité?

On peut être tenté de dire que c'étai

t bien sûr important mais - autrefois, dans les trois trimestres de notre siècle marqués par les guerres mondiales: le modernisme - oui, l'existentialisme - de même, mais pas la postmodernité 1 . C'est vrai, il y avait des auteurs s'intéressant à ce sujet, écrivant des pièces sur le César atroce qui torturait la Rome. Mais on n'en écrit plus. Pourquoi donc aborder ce sujet encore une fois? La solution de ce problème se montrera peut- être plus facile au moment où nous considérerons Caligula pas seulement comme un personnage connu dans l'histoire, mais - comme un thème littéraire. 1 Nous admettons que, dans un sens, Rostworowski appartient à l'époque de la modernité (qui attaque la morale bourgeoise corrompue mais ne retrouve que l'esprit décadent au plus profond de sa propre âme), et Camus - de l'existentialisme (époque "inquiète" par le manque de sens

quelconque de la vie humaine - conséquence de la "mort de Dieu"). Quant à notre époque - de la

fin du XX siècle, elle est postmoderne dans le sens où elle proclame la "mort de l'homme" et se

débarrasse ainsi de toutes les valeurs. Toute activité rationnelle est ainsi mise en question.

Préliminaires

Acceptons le point de vue de Raymond Trousson

2 qui dit qu'étudier les thèmes (considérés comme expression des légendes ancestrales de notre culture), se pencher sur le secret de leurs mutations infinies, c'est aussi apprendre à connaître sa propre odyssée dans ce qu'elle a de plus élevé et souvent de plus tragique. Dans toute conscience éprise de justice il y a une Antigone, dans toute révolte un Prométhée (...). Ces héros sont en nous et nous sommes en eux; ils vivent de notre vie, nous nous pensons sous leur enveloppe. (...) nos mythes et nos thèmes légendaires sont notre polyvalence, ils sont les exposants de l'humanité, les formes idéales du destin tragique, de la condition humaine. 3

On revient alors à

ces héros comme aux pôles de notre être et de notre culture, parce qu'ils incarnent ce qu'il y a en l'homme d'éternel et d'indéfiniment transmissible, la mesure de son humanité, sa grandeur et sa faiblesse, ses combats contre lui-même et les dieux. 4 Nous allons quand même nous occuper des questions moins existentielles ou personnelles, et plus littéraires. C'est justement l'étude de Caligula en tant que thème qui permettra de découvrir dans le personnage analysé 5 une richesse des aspects bien contemporains, des symboles de la culture occidentale, des signes éternels de l'aventure humaine. Pour cela nous nous sentons en partie excusée d'avoir utilisé dans le titre de ce tte étude le mot "thème". Nous allons, à mesure que notre travail progresse, essayer de justifier l'utilisation de ce terme par rapport au personnage de Caligula. 2 R. Trousson, Thèmes et mythes. Questions de méthode, Bruxelles 1981, pp. 8-9. 3

Ibidem, p. 8.

4

Ibidem, p. 9.

5

Puisque l'on peut dire que dans le cas de deux pièces en question le thème étudié sera le

personnage de Caligula. 6

Préliminaires

Au début, il convient de trouver une bonne définition de la notion analysée. Pour éviter des confusions possibles, nous allons suivre les solutions terminologiques proposées par l'auteur déjà mentionné ci-dessus 6 Tout d'abord nous allons distinguer la notion du "thème" de celle du "motif", les deux notions étant souvent confondues 7 , puisqu'elles sont liées d'une relation pas très intelligible. D'après Trousson 8 , le motif est une sorte de toile de fond, c'est un concept large et général qui détermine soit une attitude, comme par exemple la révolte, soit une situation de base dans laquelle on ne trouve pas encore de personnages individualisés 9 , telle que la situation d'un homme entre deux femmes, le conflit entre un père et un fils etc. L'absurde, l'amour malheureux, de même que la révolte métaphysique ou la cruauté sont des motifs. Le thème est réalisation concrète et individuelle d'un motif (on passe de ce qui est général vers ce qui est concret). Le motif du séducteur se réalise (se concrétise) dans le personnage de Don Juan, le motif de la haine entre deux frères, dans le thème d'Abel et Caïn. On voit bien qu'un seul motif peut être réalisé par plusieurs thèmes. On retrouve le conflit de deux frères aussi bien dans les personnages d'Etéocle et Polynice. Dans le sens inverse, un thème peut "contenir" en soi de motifs différents. Caïn n'est pas seulement un fratricide. Il réalise aussi bien le motif de l'homme rejeté par Dieu. Les personnages qui 6 Qui est considéré comme spécialiste en thématologie. 7

Cf. R. Trousson, Thèmes et mythes, op. cit., chapitre troisième: Une terminologie ambiguë, pp. 15-

20. Cf. aussi: 1 P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris 1980, p. 421. 2 The Bedford Glossary of

Critical and Literary Terms, Éd. Ross Murfin, Supryia M.Ray, Bedford Books, Boston, New York

1997, p. 400.

8

R. Trousson,

Un problème de littérature comparée: les études de thèmes. Essai de méthodologie, Éd. Minard - Lettres Modernes, Paris 1965. Surtout le chapitre premier: Thèmes ou motifs?, pp. 11-23. (Traduction polonaise de ce chapitre: R. Trousson, Tematy czy motywy? in: Antologia zagranicznej komparatystyki literackiej, réd. H. Janaszek-Iwanikova, Warszawa 1997, pp. 192- 200.)
9

R. Trousson, op. cit., p. 12.

7

Préliminaires

réalisent un motif, qui forment donc un thème concret, donnent l'origine à une tradition littéraire 10 . Quant au motif, il n'a en soi rien de "littéraire" 11 . Les motifs appartiennent à l'histoire, à la psychologie, à la psychanalyse ou même à la politique. Quelle relation découvrirons-nous entre les deux notions en question?

Laquelle est plus fondamentale, première?

La réponse qui s'impose tout d'abord est de dire que ce sont les motifs, des choses non-littéraires, qui déterminent le niveau des thèmes - niveau littéraire. Motif, quelque chose d'abstrait, non incarnée dans un personnage, relève de l'expérience humaine. Et c'est cette expérience seulement que l'on peut considérer comme matière littéraire. Il n'y a pas de littérature sans expérience (il est possible qu'un frère en tue un autre sans qu'une telle situation soit présente dans la littérature; mais pas inversement - la fiction dépend, de façon ou d'autre, de la vie 12 ). Les motifs précéderaient donc les thèmes. Puisque, comme le dit

Trousson, c'est l'oeuvre littéraire qu

i se dégage d'un motif général, et qui a sculpté, dans la roche difforme du concept, la situation et les personnages appelés, dorénavant, à constituer un thème 13 . Ainsi, pour lire convenablement un thème on devrait trouver pour lui ce qu'il y a de base, les motifs dont il est concrétisation. Pour expliquer la réalisation du thème de Caligula, on devrait fouiller dans l'histoire, examiner la psychologie de Caligula historique, et seulement après analyser des apparitions littéraires de ce thème. 10 On retrouve le personnage de Caïn entre autres chez Byron, Victor Hugo, Leconte de Lisle, John

Steinbeck etc.

11

Cf. R. Trousson, op. cit., pp. 13-4.

12 Toute oeuvre d'art naît en fonction de ce qu'ont vécu et expérimenté les artistes. 13 R. Trousson, Thèmes et mythes, op. cit., p. 24. 8

Préliminaires

Pourtant, il semble qu'il faille plutôt distinguer deux situations possibles. Premièrement, on aurait effectivement affaire d'abord à une idée générale, une attitude ou une situation de base, sans personnages individualisés (comme par exemple l'idée de séduction). C'est seulement quand cette idée est réalisée dans une oeuvre littéraire (au moment où l'on écrit le premier Don Juan), quand elle est incarnée dans un personnage fictif, que le nom de ce personnage devient un thème. On peut imaginer pourtant une autre possibilité: la situation où d'abord il y a des personnages historiques ou un événement historique (histoire d'Abel et Caïn par exemple). Ce personnage (sa vie) est tellement marquant que son nom donne l'origine à un thème - quelque chose de "littéraire" (on perçoit dès lors Abel et Caïn comme un thème, qui va réapparaître dans la littérature). Ce thème nous renvoie à un motif précis (de la haine entre deux frères). On "oublie" tous les autres motifs possibles jusqu'au moment où la situation change, quand on se rend compte que le thème en question, qui semblait nous envoyer - uniquement - à des motifs bien déterminés, envoie aussi bien à des motifs totalement différents. (Caïn n'est plus tellement fratricide que l'incarnation de l'homme rejeté par Dieu.) Dans ce cas, ce serait un thème (ou - sa perception différente) qui aurait donné naissance à des motifs nouveaux. (Même si l'on accepte que tout thème provienne d'une situation non-littéraire, il y en a pourtant qui bientôt commencent à vivre leur propre vie. Ainsi, on pourrait dire qu'ils ne dépendent plus de motifs, mais qu'ils les créent.) Le rapport entre les deux notions n'est certainement pas évident. 9

Préliminaires

Nous allons risquer la thèse selon laquelle la relation entre thèmes et motifs est celle de survenance 14 . Bien que cette relation soit normalement perçue comme strictement philosophique, il nous semble souhaitable de l'appliquer (ou de l'adapter) à ces deux notions théoriques de littérature 15 Survenance est une relation entre deux niveaux de propriétés. L'essentiel de ce rapport est le fait qu'un des niveaux en question peut être présent seulement quand l'autre y existe déjà: une chose possède la première propriété 16 si (et parce que) cette même chose est caractérisée par l'autre propriété, celle de "base", plus fondamentale. Nous disons de quelqu'un qu'il est bon, seulement si en même temps il est gentil ou généreux ou s'il possède d'autres traits de caractère de la sorte. Nous disons qu'un chien est vivant seulement en fonction de son comportement que nous pouvons observer ou parce que nous sommes capables de constater une spécifique organisation physique de son organisme. De même, une mélodie est une propriété survenante par rapport à une séquence donnée de notes. L'idée principale de la relation en question est celle, que de deux niveaux de

propriétés, l'un est fondamental, c'est-à-dire au moment où il est fixé, l'autre l'est

14

Originalement en anglais: supervenience; notion introduite à la philosophie de l'esprit par Donald

Davidson en 1970 (d'après Dictionary of Philosophy of Mind, http://artsci.wustl.edu/~philos/MindDict/supervenience.html). Je dois la traduction française

à l'amabilité de Mme Sandra Laugier, Professeur à l'Université de Picardie (Faculté de

philosophie, sciences humaines et sociales) et Chercheur associé à l'Institut d'Histoire et Philosophie des Sciences et Techniques (CNRS-Paris I), sandra.laugier@wanadoo.fr. 15

L'élaboration profonde de cette idée nous apporterait peut-être des solutions intéressantes du

problème. Malheureusement, les limites de l'étude présente ne nous permettent pas de le faire

ici. Si nous sommes tentés de l'aborder au moins, c'est pour deux raisons suivantes: 1 nous n'avons pas trouvé de bonne définition de la relation en question; 2 parmi ceux qui essaient de la décrire quand même, personne n'a osé lui donner un nom concret. Nous supposons qu'au

moment où une telle relation est nommée, elle peut devenir un problème en soi qui réclame une

étude particulière. Ainsi, si notre approche n'apporte pas de solutions définitives, mais contrairement, pose des problèmes nouveaux, nous pouvons nous sentir bien satisfaits. 16 Que l'on va appeler propriété survenante, c'est-à-dire celle qui reste dans la relation de survenance 10

Préliminaires

aussi, automatiquement. Il suffit alors de s'occuper du niveau de base: le niveau supérieur en sort précisément en fonction du niveau fondamental (et rien d'autre n'est nécessaire). Pour en revenir à notre exemple musical: un compositeur n'a qu'à se préoccuper pour le choix des notes et du tempo - cela suffit pour que la mélodie telle qu'il l'avait voulue se fasse jour 17 . Il y a bien sûr des cas où cela n'est pas aussi simple. La discussion la plus connue - et toujours inachevée - est celle dans la philosophie de l'esprit: il y en a qui disent 18 que la propriété d'être vivant, ou d'être conscient, possédée par un être humain par exemple, est une propriété survenante sur une organisation complexe neurophysiologique. Il suffit que Dieu crée des êtres gratifiés de cette organisation physique pour qu'ils deviennent automatiquement des êtres vivants et conscients. Il n'y a besoin d'aucun "souffle" de la vie 19 Si l'idée principale mentionnée ci-dessus est correcte, il en résulte que deux choses qui restent identiques par rapport au niveau fondamental, doivent être identiques au niveau supérieur. Mais ce n'est pas le cas dans le sens inverse: deux choses qui sont identiques par rapport au niveau supérieur ne doivent pas forcement être identiques par rappor t au niveau fondamental. Deux hommes peuvent être vertueux mais posséder des traits de caractère différents. Des phénomènes de genre A sont survenants par rapport aux phénomènes de genre B si les différences au niveau A exigent des différences au niveau B. Pour en donner un exemple, George Edward Moore soutenait que la beauté est une propriété survenante sur des propriétés non-esthétiques: si un tableau est 17

C'est bien sûr une situation plutôt simple. Peut-être qu'il n'y a vraiment rien de mystérieux dans

le fait qu'une mélodie naisse d'une séquence de notes donnée. 18

Les partisans du physicalisme.

19 Ce point de vue est rejeté entre autres par les partisans du dualisme et du fonctionnalisme. 11

Préliminaires

beau, et un autre ne l'est pas, on a certainement affaire à des différences du niveau extra-esthétique. La beauté d'un tableau n'est donc pas quelque chose d'uniquement subjectif. Il y a des éléments du niveau non-esthétique qui sont responsables du niveau esthétique, mais - ce qui est le plus important - sans que ces derniers se réduisent aux premiers! La relation de survenance semble rendre possible la situation dans laquelle une propriété dépend des autres, mais où l'on ne peut pas l'expliquer entièrement en fonction de ces autres propriétés 20

En résumé, on parle de relation de

survenance pour expliquer des rapports jusqu'alors incompréhensibles entre des choses: comment par exemple est-il possible qu'à la base de certains traits physiques complexes apparaisse la vie? On fait appel à la survenance pour ne pas avoir qu'à se contenter d'une explication magique 21
, ou pour ne pas recourir à la religion. L'attrait de l'idée de survenance consiste dans le fait qu'elle offre une solution "intermédiaire" entre une réduction totale du niveau supérieur au niveau fondamental, et de l'autre côté un dualisme total, qui ne permet en fait aucune relation entre les deux niveaux. Qu'est-ce qui se passe au moment où nous appliquons une telle solution "philosophique" à notre problème de théorie de littérature? Le niveau de motifs se montrera-t-il fondamental par rapport à celui de thèmes? Si c'est le cas, ce sont les thèmes qui surviennent sur les motifs. Ils en dépendent, d'une façon ou d'une autre, mais ce n'est pas une dépendance strictement causale. Il n'est certainement pas possible de réduire un thème à un ensemble précis de motifs 20 Cf. B. Loewer, Supervenience of the Mental, in: Routledge Encyclopedia of Philosophy, V. 9, éd. E. Craig, Routledge, London 1998, pp. 238-240. 21

Pour ne pas dire qu'une propriété du niveau supérieur apparaît accidentellement quand des

propriétés du niveau de base sont organisées d'une certaine façon. 12

Préliminaires

dont il serait réalisation. Au niveau des thèmes, certains motifs y sont bien sûr réalisés, mais il y a encore autre ch ose. (Peut-être s'agit-il de cet esprit créateur dont nous parlent Cl. Pichois et A.-M. Rousseau 22
Une telle approche, où nous considérons la relation entre thème et motif comme celle de survenance, nous suggère des questions différentes auxquelles il sera nécessaire de répondre. Est-ce possible de déterminer le niveau fondamental pour la thématologie? 23
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