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1 Quelle place pour le " roman national ͩ dans l'enseignement de l'histoire de France ? Saadi ALLIOUA, Professeur au Lycée Antoine Watteau de Valenciennes

INTRODUCTION : L'edžpression " roman national » est une expression popularisée par Pierre Nora

en conclusion de ses Lieux de mémoire. L'historien l'a empruntĠe ă un sociologue, Paul Yonnet, mort

en 2011 et auteur en 1992 du Voyage au centre du malaise franĕais, l'antiracisme et le roman

national. Jusque-là, Yonnet était essentiellement connu pour ses recherches sur les " faits sociaux

contemporains » : famille, mode, sport. Dans cet ouvrage, il soutient la thğse d'un effondrement du

l'hommisme ». Il y évoque une diabolisation du roman national par les élites françaises, en lien avec

une France alors dominée par la gauche au pouvoir et marquée par le renoncement à la grandeur, au

substitution » et parle d'une ͨ utopie panethnique » ayant succĠdĠ ă l'utopie mardžiste. La džénophilie

dominante confine à la haine de soi et Ġcarte l'idĠe d'une assimilation républicaine.

" roman national » a occupée et occupe encore éventuellement aujourd'hui au sein de

comme matĠriau ă la disposition de l'historien et de l'enseignant afin d'Ġtudier un certain nombre de

phénomènes : la construction de la IIIème République / la colonisation / le patriotisme français dans

le contexte de la rivalité franco-allemande ͬ la place de l'Ġcole dans la construction de ce patriotisme

et de la République, donc de ce qui relève du " patriotisme scolaire ». Cela met à notre disposition un

certain nombre de sources pertinentes, susceptibles de renouveler notre approche historique.

Quant à cette approche historique, elle se veut multiple, notre réflexion constituant à la fois une

pouvant être fortement orienté. A ce titre, les réflexions menées par Anne-Marie THIESSE dans La

création des identités nationales (1999) et Dominique Schnapper dans La communauté des citoyens.

Sur l'idĠe moderne de nation (1994) sont particulièrement éclairantes. La seconde estime ainsi que "

par excellence ».

Enfin, il s'agit Ġǀidemment d'un thğme ă l'actualitĠ incontestable, pouǀant ġtre liĠe ă un certain

nombre de polémiques et de débats ͗ ministğre de l'immigration et de l'identitĠ nationale / réformes

des programmes d'Histoire-Géographie, dont celle du collège / Importance du vivre-ensemble dans

une société plus ou moins fragmentée / primaires au sein du parti Les républicains, Nicolas Sarkozy

estimant que tout Français doit se sentir descendant de " Gaulois » ͬ Contedžte d'une sociĠtĠ gagnĠe

Notre étude se fera donc en deux temps : le premier temps constituera une analyse dans un

registre historiographique, afin de saisir les origines et les caractéristiques du roman national, ainsi

que son évolution, tandis que le deuxième aura une portée pédagogique, afin de voir quelle place le

" roman national » pourrait avoir au sein de nos classes. 2 I) LE " ROMAN NATIONAL », MYTHE REPUBLICAIN ET PATRIOTIQUE :

1) " La connaissance de l'Histoire éclaire l'amour de la patrie » (Ernest LAVISSE)

Tout d'abord, il conǀient de reǀenir en dĠtails sur l'edžpression ͨ roman national ». Le roman

passions, la représentation objective ou subjective du réel. Avec le roman, on est donc dans ce qui

relève de la mise en scène, de la mise en intrigue. Le lien aǀec l'histoire peut ainsi dans un premier

(Chateaubriand, Walter Scott, Voltaire, Byron).

A partir de là, le " roman national » correspond à un récit patriotique, centralisateur, édifié

par les historiens du XIXème siècle tout à la louange de la construction de la nation. Comme le

montre l'historienne Annie Bruter, ce récit remonte en réalité au 2nd Empire, avec la mise en place de

500 habitants. Pour autant, son affirmation est évidemment à relier à la IIIème République. Ce récit

national met en avant la grandeur du pays, ses hauts faits et édulcore souvent les pages plus

délicates. Il naturalise le " patriotisme », depuis les temps anciens. Dans sa version mystique, la

une destinée quasi naturelle. Le roman national vise à superposer aux identités régionales une

2) Les figures tutélaires de Lavisse et de Michelet :

a) Ernest LAVISSE, (1842-1922), " l'instituteur national » (Pierre NORA) : La construction et l'affirmation du ͨ roman national » reposent fortement sur deux figures

en 1842, Ernest Lavisse se spĠcialise sur l'histoire de la Prusse, Ġtudiant ses origines, son systğme

politique et ses grandes figures, en particulier Frédéric le Grand. Il est d'abord une figure associĠe au

2nd Empire : nommé précepteur du prince impérial Louis-Napoléon sur recommandation du ministre

de l'instruction publique Victor Duruy, il est donc d'abord de tendance bonapartiste. Historien

répandant la mĠthode positiǀiste, il apparaŠt, dans un deudžiğme temps, comme l'historien officiel de

essentiel est d'introduire une plus grande rationalitĠ dans le traǀail de l'historien, aǀec le passage

neutralité. Lavisse acquiert une solide réputation grâce à plusieurs ouvrages importants. En 1887, il

participe au Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson. Il est l'auteur de l'article intitulĠ

" HISTOIRE », dans lequel il insiste sur la dimension civique et patriotique de l'enseignement de la

discipline, aǀec cette imprĠcation ă l'adresse des ͨ Hussards noirs » : " si l'Ġcolier ne deǀient pas un

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citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son drapeau, l'instituteur aura perdu son

temps. » Ensuite, il dirige une monumentale Histoire de France, composée de 27 volumes publiés en deux réconcilier les Français au-delà de la Révolution.

en France dans le premier vingtième siècle. Il constate une Ġǀolution dans l'Ġdification de ces

manuels scolaires, avec deux âges bien différents, dépendant fortement du contexte historique :

- Le 1er âge de 1884 à 1914 : Il décrit cette période comme un " conte à rebours patriotique » dont

pères vaincus est forte. Dans la premiğre Ġdition, l'idĠe de ǀengeance est trğs prĠsente, les fils

devant réparer " les désastres de leurs pères ». Dans la deuxième édition publiée en 1895,

s'impose l'idĠe d'un ͨ patriotisme défensiste » : l'Ġcolier n'est plus edžplicitement un ǀengeur des

désastres de ses pères. Il est désormais invité à embrasser un idéal de héros justicier. Avec la

troisième édition de 1913, le patriotisme résolu est mêlé à la dénonciation de la violence

attaques contre le " nationalisme fauteur de guerres ».

- Le 2ème âge de 1919 à 1939 : L'Ġdition de 1919 est la dernière contribution réelle de Lavisse de

son vivant. La 1ère Guerre mondiale a vu " la France prendre sa juste revanche ». Il évoque une

humanité qui, grâce à la France, " assurerait sa liberté et sa dignité ». Cette édition ne comporte

primaire, c'est une leĕon prononcĠe par Laǀisse ă la Sorbonne le 30 janǀier 1920 et intitulĠe : " Il

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