[PDF] Une ville et ses urbanistes: Beyrouth en reconstruction





Previous PDF Next PDF



Une ville et ses urbanistes: Beyrouth en reconstruction

???/???/???? américaine de Beyrouth à l'occasion du colloque Building the City ... 16 Aucun article n'est consacré à l'urbanisme dans l'ouvrage de Jean ...



CODE CIVIL MAURICIEN

EDITORIAL NOTE: The French Civil Code was extended to Mauritius under the maternité dans le cas où



Code des obligations et des contrats notamment les articles 77

https://rabat.eregulations.org/media/Doc%20maroc.pdf



LES CONTRATS DE SERVICE

Ils existaient à l'époque du Code civil qui traite expressément du contrat d'entreprise



Guide pratique dutilisation du code général de la propriété des

2111-14 du CG3P- Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins 



CODE PENAL

condamné a été soit gardé à vue



Code général des Impôts 2020

91 Article 6 de la loi de finances n° 73-16 pour l'année budgétaire 2017 de vente à réméré sous réserve du respect des conditions suivantes :.



AVANT-PROJET DE REFORME DU DROIT DES CONTRATS

de la cession de créance désormais abordé aux articles 1321 et suivants du Code civil. L'on retrouvera ici



75e ANNIVERSAIRE DU CODE DE COMMERCE LIBANAIS (1942

du Code civil français). Cette coutume du droit commercial français a été intégrée dans l'article 24 alinéa 2 du Code des obligations et des contrats.



Pouvoir et production urbaine à Tripoli Al-Fayh?a (Liban): quand l

???/???/???? Le chapitre suivant est l'occasion de se pencher sur la question des ... ameublement ferraille

Une ville et ses urbanistes: Beyrouth en reconstruction >G A/, ?Hb?b@yyyyjNRN ?iiTb,ffi?2b2bX?HXb+B2M+2f?Hb?b@yyyyjNRN am#KBii2/ QM k3 T` kyy8 >GBb KmHiB@/Bb+BTHBM`v QT2M ++2bb `+?Bp2 7Q` i?2 /2TQbBi M/ /Bbb2KBMiBQM Q7 b+B@

2MiB}+ `2b2`+? /Q+mK2Mib- r?2i?2` i?2v `2 Tm#@

HBb?2/ Q` MQiX h?2 /Q+mK2Mib Kv +QK2 7`QK

i2+?BM; M/ `2b2`+? BMbiBimiBQMb BM 6`M+2 Q` #`Q/- Q` 7`QK Tm#HB+ Q` T`Bpi2 `2b2`+? +2Mi2`bX /2biBMû2 m /ûT¬i 2i ¨ H /BzmbBQM /2 /Q+mK2Mib b+B2MiB}[m2b /2 MBp2m `2+?2`+?2- Tm#HBûb Qm MQM-

Tm#HB+b Qm T`BpûbX

lM2 pBHH2 2i b2b m`#MBbi2b, "2v`Qmi? 2M `2+QMbi`m+iBQM

ú`B+ o2`/2BH

hQ +Bi2 i?Bb p2`bBQM, ú`B+ o2`/2BHX lM2 pBHH2 2i b2b m`#MBbi2b, "2v`Qmi? 2M `2+QMbi`m+iBQMX :ûQ;`T?B2X lMBp2`bBiû

Université de Paris I

Département de géographie

École doctorale de Paris Centre

Une ville et ses urbanistes :

Mémoire présenté en vue de l'obtention du doctorat

Par Eric VERDEIL

Sous la direction de M. Pierre Merlin, professeur à l'université Paris I

Date de la soutenance : le 4 décembre 2002

Autres membres du jury :

M. Marc Bonneville, professeur à l'université de Lyon II M. Marcel Roncayolo, directeur de recherches à l'EHESS M. Pierre Signoles, professeur à l'université François Rabelais de Tours

M. Jade Tabet, architecte

M. Stéphane Yerasimos, professeur à l'université Paris VIIIhalshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

Université de Paris I

École doctorale de géographie de Paris

Une ville et ses urbanistes :

Mémoire présenté en vue de l'obtention du doctorat

Par Eric VERDEIL

Sous la direction de M. Pierre Merlin, professeur à l'université Paris I

Date de la soutenance : le 4 décembre 2002

Autres membres du jury :

M. Marc Bonneville, professeur à l'université de Lyon II M. Marcel Roncayolo, directeur de recherches à l'EHESS M. Pierre Signoles, professeur à l'université François Rabelais de Tours

M. Jade Tabet, architecte

M. Stéphane Yerasimos, professeur à l'université Paris VIIIhalshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

2halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

3

SOMMAIRE

Introduction

Première Partie

La reconstruction de Beyrouth : idéologies et politiques

Chapitre 1 : La modernité imposée

Chapitre 2 : Les futurs controversés du centre-ville Chapitre 3 : La reconstruction dans l'agglomération de Beyrouth

Deuxième partie

Fondations et déceptions. L'urbanisme libanais de l'Indépendance à la guerre Chapitre 4 : L'État libanais et l'urbanisme au temps de l'indépendance Chapitre 5 : Urbanisme, aménagement du territoire et développement sous la présidence de Fouad Chehab Chapitre 6 : Formes de mobilisation des " urbanistes libanais » face à l'aménagement urbain Chapitre 7 : La société libanaise et l'urbanisme au début des années soixante-dix

Troisième partie

Cultures professionnelles, bouleversements sociaux et urgences politiques. Urbanisme et urbanistes entre guerre et reconstruction Chapitre 8 : La guerre et les mutations de la commande. Renouvellements institutionnels et professionnels Chapitre 9 : Reconstructions manquées au centre-ville Chapitre 10 : La banlieue sud-ouest, un laboratoire de l'urbanisme beyrouthin Chapitre 11 : Le littoral, dernier horizon de l'urbanisme beyrouthin Conclusion généralehalshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

4halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

5

REMERCIEMENTSCette thèse et une partie de ma formation universitaire sont grandement redevables à

l'enseignement de Pierre Merlin au magistère Aménagement et au DEA Aménagement et

urbanisme dont il assurait la direction. La diversité des thématiques auxquelles j'ai ainsi été

introduit, dans le cadre de l'Institut français d'urbanisme, a stimulé et alimenté mes

questionnements, y compris parfois par réaction aux idées professées. Je dois également à Pierre

Merlin d'avoir effectué mon service national en coopération à Beyrouth. Enfin, durant

l'élaboration de cette thèse, son exigence de rigueur et de clarté a représenté un aiguillon

permanent. La précision de ses lectures des versions successives du manuscrit et ses critiques parfois rudes m'ont permis de mener à bien la rédaction. Je lui adresse mes profonds remerciements. Marcel Roncayolo a suivi mon parcours depuis ma maîtrise et mes interrogations

brouillonnes de jeune normalien. La lecture de ses travaux et ses séminaires m'ont orienté sur la

voie d'une géographie curieuse de l'épaisseur du temps. Qu'il soit remercié pour son accueil

toujours chaleureux et pour ses réflexions fécondes. Cette recherche est le fruit d'allers et retours entre Paris et Beyrouth, à l'occasion desquels

j'ai contracté de multiples dettes. Celle envers le Centre d'études et de recherches sur le Moyen-

Orient contemporain est immense. J'y ai récolté les fruits mûris pendant dix années de travail

collectif et ai eu la chance d'y travailler ces deux dernières années comme chercheur responsable

de l'observatoire urbain. Que soient sincèrement remerciés Henry Laurens, actuel directeur, pour

sa compréhension et pour ses commentaires lors d'une laborieuse fin de rédaction ; Jean

Hannoyer et Jean-Luc Arnaud, qui me permirent de mettre le pied à l'étrier ; et Elizabeth Picard

pour ses conseils lors des enquêtes et pour sa confiance lors de ma candidature au CERMOC. Ma connaissance de l'urbanisme libanais et de la reconstruction de Beyrouth est largement tributaire de la générosité dans le travail d'Eric

Huybrechts, successivement

responsable de l'observatoire puis directeur du CERMOC, toujours prêt à partager sa passion

exigeante pour le Liban. Valérie Clerc, son épouse, m'a apporté son soutien lorsque nos enquêtes

se croisaient. Leur hospitalité fut chaleureuse. Qu'ils reçoivent le témoignage de ma profonde

reconnaissance et de mon amitié. Le soutien et les encouragements de mes camarades chercheurs et doctorants y furent très précieux. La disponibilité, l'intelligence et la gentillesse du personnel du CERMOC sont également pour beaucoup dans l'achèvement de ce travail : Nada Kettaneh, Nada Khodr-Chalabi,

Amira Zakher, Roula Safi, Basile Khoury, Nazira Chami et Nagi al-Kazzaz.halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

6 Malgré le manque de moyens des différentes administrations libanaises, je fut toujours bien reçu, tant au sommet qu'à la base, lors de mes recherches. Que toutes ces personnes, trop nombreuses pour être nommées individuellement, soient chaleureusement remerciées. Ma

gratitude va également aux ingénieurs et architectes qui ont longuement accepté de répondre à

mes questions, parfois à plusieurs reprises. Cette thèse évoque une part de leur histoire, et n'aurait

pu être écrite sans eux, dont certains sont devenus des amis. Je tiens à mentionner particulièrement Mohammad Fawaz pour son extrême disponibilité. Je remercie spécialement

pour leur accueil dans la société libanaise Ziad Akl et Paula Samaha, à l'Institut d'urbanisme de

l'Académie libanaise des Beaux-Arts. Au-delà même du soutien que m'a apporté le CERMOC, j'ai eu la chance de travailler dans les conditions financières et matérielles extrêmement favorables. Ma tâche en fut

grandement facilité. Encore élève de l'École normale supérieure en commençant cette recherche,

j'ai bénéficié d'une mission grâce à la confiance et à l'amitié de Fernand Verger. À l'Institut

français d'urbanisme, où j'étais allocataire-moniteur, le directeur Jean-Paul Duchemin et les autres

enseignants m'ont laissé une grande liberté pour organiser mes missions de recherche au Liban.

Je remercie également les chercheurs et le personnel de l'équipe du laboratoire " Théories des

mutations urbaines » pour leur accueil et leur aide. Pour mes déplacements, j'ai reçu le soutien

financier du programme Aires culturelles du ministère de la Recherche, celui de l'Université

américaine de Beyrouth à l'occasion du colloque Building the City, Building the Nation et celui de

l'Agence universitaire de la francophonie dans le cadre du programme du CERMOC Interface entre

l'agriculture et l'urbanisation sur le littoral libanais. Que ces institutions et leurs responsables soient

remerciés. Je voudrais exprimer également ma reconnaissance à de nombreuses personnes pour les conseils offerts et les discussions communes qui m'ont aidé dans la construction de mon objet de recherche. Cela s'adresse en particulier à Pierre Signoles, Jade Tabet, Alain Sinou, Joe Nasr,

Agnès Favier, Sébastien Velut, Minjid Maizia, Guy Duvigneau, Frédéric Viguier et Jérôme Tadié.

Plusieurs généreux lecteurs m'ont fait bénéficié de leurs précieux conseils et remarques

différents stades de ma rédaction. Ainsi Taoufik Souami, Mercedes Volait, Walid Bakhos, Sylvain

Venayre, Mona Harb el-Kak et Tristan Khayat. Qu'ils soient profondément remerciés. Enfin, je remercie ma famille : mes parents et mes beaux-parents, pour leur soutien et leur

confiance ; Marie et Rémi, pour leur patience et leur gaieté ; Chantal, qui a tant porté dans cette

épreuve : notre complicité est une grande force.halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1. LE THÈME : HISTOIRE DE L'URBANISME ET RECONSTRUCTIONS " Si l'on s'en tient [...] au système d'idées qui inspirent ou rationalisent la pratique [de l'urbanisme] (le

système d'idées est souvent construit a priori, comme justificatif d'une opération, mais dans une situation

historique déterminée), il relève de trois analyses. L'urbanisme moderne n'élimine pas l'imaginaire : comment ces

" idées » s'articulent-elles avec les sociétés ? L'urbanisme exerce une fonction par rapport au système

sociopolitique : comment est-il déterminé, délimité et dévié par cette fonction et quelle est la marge réelle

d'autonomie ? Enfin quelles sont dans une conjoncture et dans une société concrètes, les rapports de force et les

moyens qui réduisent, déforment le champ des réalisations ou ouvrent des failles exceptionnelles ?1 »

L'intérêt de ce programme d'étude proposé par Marcel

Roncayolo est d'abord

d'identifier un objet pour l'analyse. Accompagnant la " crise » de l'urbanisme classique planificateur, une dilution du champ d'analyse des politiques urbaines se produit en effet depuis une vingtaine d'années

2. Le paradigme de la gouvernance se substitue à celui de la

planification " par en haut ». Partant du double constat de l'échec de ces pratiques et de l'apparition de nouvelles doctrines de gouvernement des villes, les nouvelles analyses montrent la diversité des acteurs qui interviennent, les pratiques complémentaires ou concurrentes qui produisent la ville, déboulonnant de son podium le discours de l'urbanisme en majesté et son héraut, l'urbaniste. L'appellation même d'urbanisme, comme transformation volontaire de

l'espace urbain découlant de l'application de procédures rationalisées, s'en trouve contestée. Et

le chercheur qui s'y intéresserait court le risque de se voir accuser d'occulter une partie essentielle du réel. Le projet de cette recherche est pourtant né, à Beyrouth, de l'observation empirique des effets sur le terrain, dans le contexte de la " reconstruction », d'un ensemble d'idées d'urbanisme qui donnait à cette ville une forme nouvelle, détruisant une partie de la ville

ancienne. De là l'attrait pour la démarche proposée par Marcel Roncayolo. L'identification de

ces champs d'analyse propose non seulement un objet et une démarche de recherche mais désigne aussi le système d'idées de l'urbanisme comme un moyen pertinent pour comprendre le devenir historique des sociétés urbaines. Contre l'idée que l'urbanisme n'aurait qu'une signification technique et normative étroite, il postule que cet objet n'est ni moins noble ni 1

Marcel Roncayolo, La ville et ses territoires, Paris, Gallimard, Folio, 1997 [1ère éd. 1990], pp.167-168.

2

Pour une illustration du paradigme classique de l'urbanisme et sa défense, voir par exemple Pierre Merlin,

L'urbanisme, Paris, PUF (QSJ), 1ère éd. 1991, 127 p. Sur les transformations récentes des politiques urbaines, voir

Jean-Pierre Gaudin, Les nouvelles politiques urbaines, Paris, PUF (QSJ), 1993, 127 p.halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

8 moins légitime que d'autres discours ou pratiques qui ressortiraient directement au politique ou au social. On peut avancer l'hypothèse que la reconstruction de Beyrouth constituait l'un

de ces moments cruciaux du devenir d'une société, ce qui justifie de s'attacher au(x) système(s)

d'idées d'urbanisme qui inspirai(en)t manifestement les pratiques que l'on pouvait y observer. L'affirmation que l'urbanisme, au sens d'un système d'idées orientant les pratiques de l'aménagement urbain, constitue un champ pertinent de recherche n'est pas contradictoire

avec le discours sur la " crise » de l'urbanisme et l'élargissement du débat sur sa pertinence et

sur sa légitimité, voire sur son dépassement, qui insistent sur le renouvellement des acteurs et

des méthodes de gestion urbaine. Ces recherches montrent en effet que l'urbanisme est l'une des formes, historiquement situées, prises par les politiques urbaines. Cela a deux

implications. Il convient, dans une histoire sociale de l'urbanisme, de s'attacher aux déterminations

historiques qui conduisent à l'émergence des discours et des pratiques urbanistiques et

éventuellement, à leur affaiblissement. L'un des écueils à éviter serait de postuler que la

chronologie de l'urbanisme au Liban, dans son avènement comme dans son éventuelle

disparition, serait identique à celle que l'on peut observer en France et plus généralement dans

les pays occidentaux ou encore dans des pays voisins et proches du Liban par la culture ou le mode de développement. En particulier, l'actualité de l'urbanisme au Liban devra être

rapprochée du contexte de sortie de guerre. La deuxième implication a trait à la nécessité

d'identifier d'éventuelles modalités de gestion urbaine alternatives à l'urbanisme et de préciser

comment elles s'articulent avec lui. Si l'on replace la définition programmatique de Marcel Roncayolo dans les courants

successifs qui ont marqué l'étude de l'urbanisme, elle apparaît comme le dépassement et la

synthèse de deux démarches d'analyse de l'urbanisme qui se sont développées parallèlement,

sinon concurremment, entre la fin des années soixante et les années quatre-vingt. La première,

dont les recherches de Françoise Choay représentèrent en France le modèle, s'est fondée sur

l'examen des systèmes idéologiques recélés par le corpus des grands textes de l'histoire de

l'urbanisme

3. Elle postulait une relation entre ces productions discursives et la mise en oeuvre

de projets d'aménagement, ce qui fondait leur analyse critique en vue de dévoiler leurs

présupposés idéologiques et sociaux. Attribuant à ces " grands » textes un statut qu'on peut

qualifier de programmatique ou du moins matriciel, ce premier courant d'étude de l'urbanisme

justifiait qu'on s'attardât sur les producteurs de ces idées et sur les idées elles-mêmes plutôt

3

Les deux principaux textes de référence de Françoise Choay sont L'urbanisme, utopies et réalités, une anthologie,

Paris, Ed. du Seuil, (Points) 1980 [1ère éd. 1965], 448 p. et La règle et le modèle. Sur la théorie de l'architecture et de

l'urbanisme, Paris, Ed. du Seuil, 1980 (Espacements).halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

Introduction

9

que sur les rapports sociaux dans lesquels s'inscrivaient les pratiques urbanistiques. À l'inverse,

le deuxième courant classique des études d'urbanisme, issu de la sociologie d'inspiration marxiste, inscrivait la production urbanistique dans la dépendance de rapports de domination économique et définissait l'urbanisme comme un outil de reproduction sociale au service de l'État 4. Le dépassement de ces deux paradigmes ou postures de recherche s'effectue au nom d'une prise en compte des temporalités multiples, différenciées et non nécessairement

convergentes des acteurs, des structures sociales et des systèmes d'idées et de représentations

sociales. Comme l'écrit encore Marcel Roncayolo,

" Placer, en amont, des structures définitivement constituées soit de la pensée, soit de la société,

aboutirait à une théorie des reflets soit purement idéaliste, soit banalement matérialiste qui ne rend compte ni des

décalages ni des interactions.5 » Ce souci des temporalités conduit à envisager une démarche généalogique qui implique une mise en perspective sociale et historique des politiques urbaines, dont l'urbanisme. Il faut

ici appliquer ce principe de méthode à une période spécifique, une reconstruction. Depuis une

vingtaine d'années, une vaste littérature historique et urbanistique a pris pour objet les reconstructions urbaines après les guerres ou les catastrophes

6. Le postulat qui justifie le

rapprochement de ces différentes situations est qu'elles sont soumises à des déterminations similaires, propres à ce type de moment historique. Autrement dit, ce qui rend les reconstructions comparables, n'est-ce pas, à la limite, le fait de ne s'inscrire que dans une temporalité unique, celle de la sortie de guerre ? L'urbanisme des reconstructions serait donc

exceptionnel et il relèverait moins des politiques urbaines ordinaires et de leurs temporalités

que d'impératifs politiques nationaux liés à ce moment particulier. 4

Les principaux auteurs sont ici, en langue française, Manuel Castells, La question urbaine, Maspéro, Paris, 1970 et

Jean Lojkine, La politique urbaine dans la région parisienne, 1945-1971, Paris-La Haye, Mouton, 1972.

5

Marcel Roncayolo, op.cit., p. 164.

6

Pour en rester ici à des travaux à visée comparative et/ou synthétique, on peut citer : Actes, Ier colloque

International sur les villes reconstruites, Ville de Brest, 1983 ; Barakat S., Calame J., Charlesworth E. (eds.), Urban

Triumph or Urban Disater, PRDU, The University of York, 1998 ; Barjot D., Baudouï R., Voldman D., Les

reconstructions en Europe (1945-1949), Bruxelles, Ed. Complexe, 1997 ; Diefendorf J.M. (dir.), Rebuilding's Europe's

Bombed Cities, St. Martin's Press, New York, 1990 ; Dieudonné P. (coord.), Villes reconstruites du dessin au destin,

Paris, L'Harmattan, 1994, 2 vol. ; Hudeman R. et Walter F. (eds.), Villes et guerres mondiales en Europe au XXème

siècle, Paris, L'Harmattan, 1997 ; Tabet J. (ed.), Reconstruction of War Torn Cities : Proceedings of the UIA's International

Conference, Beyrouth, Ordre des Ingénieurs et des architectes, 1999. Citons également deux synthèses plus

restreintes dans l'éventail des cas considérés mais plus approfondies par leurs analyses : Danièle Voldman, La

reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954, histoire d'une politique, Paris, L'Harmattan, 1997 et, non publié, Joseph

L. Nasr, Reconstructing or Constructing Cities ? Stability and Change in Urban Form in Post-World War II France and

Germany, PhD Dissertation in City and Regional Planning, University of Pennsylvania, UMI, Ann Arbor, MI,

1997, 2 vol., 366p.halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

10 De fait, c'est d'abord un contexte qui fait une reconstruction. Ce contexte est indissociablement physique, en raison des destructions, et politique puisqu'une autorité se trouve en charge de l'acte de reconstruire. La désorganisation de la vie économique et sociale due aux destructions entraîne des revendications d'un retour à la normale. Une pression

s'exerce sur les autorités publiques pour aboutir à des décisions réparatrices rapides. Ces

décisions portent la marque des rapports de force entre groupes sociaux sur la scène politique.

Les moments de reconstruction constituent des situations où l'intervention politique " par en

haut » est légitimée ; elle oscille alors le plus souvent entre deux tendances qui se combinent

dans une pondération variable : la re-fondation qui inscrit une rupture avec l'ordre passé et le

retour à la normale. Ce rapport au passé constitutif des moments de reconstruction est

propice à une forte idéologisation des décisions. Les choix revêtent alors autant d'importance

que les déterminations liées aux contraintes techniques du moment. L'urbanisme est l'un des principaux domaines de l'action publique dans les moments de reconstruction. La raison n'en est pas seulement mécanique, pour répondre à des dommages physiques affectant le tissu urbain, les immeubles et les infrastructures. Les reconstructions constituent des moments de revalorisation de l'urbanisme et de la planification

en tant qu'ils représentent aux mains d'autorités publiques des outils que renforce justement le

contexte d'urgence. Dans une telle situation, l'urbanisme se trouve chargé de connotations

lourdes, où s'exprime l'intensité des attentes. La reconstruction urbaine désigne également

implicitement la reconstruction de la société dont l'urbanisme serait l'un des instruments

privilégiés. L'élimination des ruines et la production d'un nouvel espace urbain, fréquemment

assimilées, par une métaphore médicale, au pansage des plaies et à une chirurgie réparatrice,

ouvriraient la voie à la refondation de la société, à la réconciliation et à l'unité. Elles incarnent

un nouveau départ. Toutefois, cette connotation de l'urbanisme de reconstruction tient-elle davantage du contexte historique ou de la nature de l'urbanisme ? L'invocation de sa fonction guérisseuse n'est-elle pas justement l'une des constantes les plus marquantes de l'urbanisme ? Ainsi, la spécificité du moment reconstructeur ne serait pas un obstacle pour étudier l'urbanisme, bien au contraire. L'examen de la littérature sur l'urbanisme des reconstructions suggère en effet que les

approches ne diffèrent guère, au fond, des démarches et des questions soulevées par Marcel

Roncayolo dans notre incipit. Deux grands types de questionnements se distinguent. Le premier concerne les mécanismes de décisions qui conduisent à la définition d'un projet d'urbanisme pour la reconstruction. Elle s'effectue généralement dans une tension entre le

désir d'une réhabilitation dans l'état original, parfois mythifié - ce serait le modèle de Varsoviehalshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

Introduction

11 ou encore de Saint Malo - et celui d'une modernisation des structures urbaines, au regard

duquel la reconstruction fait figure d'opportunité à saisir - ce serait lors le modèle du Havre

7. Ce clivage en recoupe généralement un autre, entre habitants et ayants droit d'un côté, planificateurs et urbanistes de l'autre. Et bien souvent, il prend une expression politique opposant forces locales - dont le gouvernement municipal - et forces extérieures, dont le gouvernement central

8. Nous sommes alors ramenés aux deux premières des trois questions

posées par Marcel Roncayolo : l'urbanisme et les urbanistes sont convoqués pour donner

forme à des desseins politiques. Cela soulève le problème du suivisme des idées d'urbanisme

par rapport à l'idéologie politique et renvoie donc à celui de la marge d'autonomie du technique par rapport à l'instance politique. Dans le même temps, le conflit entre planificateurs et habitants ou usagers renvoie également au décalage entre l'urbanisme, comme construction culturelle et idéologique, et les constructions culturelles et idéologiques qui prennent corps dans diverses parties de la société. Le second champ d'interrogation au sujet de l'urbanisme des reconstructions a trait aux changements de la forme et de la société urbaine engendrés par la mise en oe uvre des

projets de réaménagement. D'une manière générale, alors que les ambitions sont souvent

radicales, on constate l'importance des continuités dues à la pérennité des structures sociales,

en particulier celles, invisibles, du droit et de la propriété ; ainsi qu'à la difficulté de

mobilisation des moyens financiers nécessaires au grand bouleversement. Plusieurs auteurs en arrivent à cette conclusion

9. Cet axe de réflexion est justement le troisième de ceux identifiés

par Marcel Roncayolo. 7

Sur l'opposition entre Saint-Malo et le Havre, et les limites de cette opposition, on lira la synthèse de Joseph

Nasr, " 'La réalité de la perception' : changements morphologiques dans deux villes reconstruites (Saint-Malo et le

Havre), in Villes et guerres mondiales en Europe au XXème siècle, Rainer Hudemann et François Walter (dirs.), Paris,

l'Harmattan, 1997, pp.177-192. Sur Varsovie, voir Jerzy Majeuwski, " Le charme soviétique de la vieille ville de

Varsovie », in Villes reconstruites du dessin au destin, P. Dieudonné, coord., Paris, l'Harmattan, 1994, vol.I, pp.55-58

et Marek Tomiszek, " La reconstruction de Varsovie : utopie, pastiche ou mystification ? », ibid., pp.345-352.

8

L'exemple du plan Dorian, proposé pour la reconstruction de Tours, illustre cette tension et son ressort

sociologique et politique : Michel Lussault, " La pesanteur d'un modèle : l'échec du plan Dorian de reconstruction

de Tours », in ibid., pp.317-330. 9

Comme Danièle Voldman : " Malgré ce qui est souvent proclamé, les plans de reconstruction tiennent compte

de l'histoire de la ville, de son site, de sa mémoire. De la situation extrême où l'on veut conserver une partie des

ruines comme mémoire et patrimoine [...], en passant par le pastiche historique [...], jusqu'à l'autre extrême où

l'on assiste à une reconstruction de l'histoire [...], les plans de reconstruction - laboratoires de doctrines et de

réalisations urbanistiques - s'adaptent aux contingences et à une triple existence du réel. Exigences de la mémoire

et le l'histoire, puisque l'on peut considérer que même la négation du passé est une présence/absence ; exigences

financières et juridiques, en particulier par le délicat problème des indemnisations et des expropriations qui ont

accompagné d'une façon ou d'une autre tous les plans de reconstruction ; voeux des habitants enfin, qui rejettent

des projets trop contraires à leurs habitudes [...] », in ibid., p.169-170.halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005

12 En somme, les analyses traitant de l'urbanisme des reconstructions, malgré la particularité de ce type de moment historique, portent sur des questions semblables, de sorte que l'urbanisme de l'exceptionnel se ramènerait le plus souvent à l'ordinaire de l'urbanisme.

Plutôt que de se méfier d'une éventuelle différence de nature de l'intervention urbaine due au

contexte, ne conviendrait-il pas en fait de considérer que les situations de reconstruction sont en réalité les plus propices à la mise en oe uvre de vastes opérations d'urbanisme ? C'est ce que relève Danièle Voldman au terme d'une revue de nombreux cas de ce type :

" La volonté de transformer le tissu urbain au nom d'une rationalité urbanistique a rarement débouché

sur des opérations d'envergure en période " normale » : il a fallu, dans tous les cas présentés [durant le colloque],

que des cataclysmes détruisent la ville pour les projets antérieurs débouchent sur des réalisations concrètes.

[Deux paragraphes plus loin :] Faut-il considérer que les cataclysmes sont une condition nécessaire pour

transformer les tissus urbains ? Les pouvoirs publics et les urbanistes-architectes peuvent-ils intervenir dans de

vastes opérations autrement que dans l'urgence par une planification concertée ou tout autre procédure ?10 »

De ces remarques se déduisent deux orientations pour cette recherche. La première a

trait à l'intérêt de poser l'hypothèse d'une continuité, du point de vue du système des idées

d'urbanisme, entre les périodes " normales » et celles de reconstruction. Ce qui derechef

ramène l'analyse dans une durée qui fait éclater le cadre temporel de la reconstruction, duquel

il est impératif de s'échapper pourvu qu'y soient identifiés les signes qui ramènent à ce passé.

En second lieu, cette mise en perspective nécessaire ne signifie pas que ce passé détermine le

présent de la reconstruction. Au contraire, si l'importance de facteurs antérieurs est ainsi mise

en évidence, ce n'est que dans une conjoncture précise que se mettent en place finalement les projets d'urbanisme. Une seconde hypothèse complète donc nécessairement la première et

postule l'existence d'une pluralité de temporalités où s'inscrivent les causalités dont la

combinaison rend compte de l'enclenchement des réalisations d'urbanisme.

2. ENTRE SORTIE DE GUERRE ET HISTOIRE URBAINE : LA RECONSTRUCTION

DE BEYROUTHRepérer, dans une reconstruction, les linéaments d'une histoire sociale de l'urbanisme

implique de se confronter au cas de la capitale libanaise dans le contexte de l'après-guerre. Le

premier enjeu est sans doute de préciser en quoi la démarche proposée et les hypothèses qui la

justifient renouvellent les regards portés sur ce moment historique. Deux thématiques antebellum qui

paraît de prime abord lointain. Cette importance n'est pas en fait surprenante : elle s'accorde avec ce qu'une vaste

littérature sur les reconstructions a déjà constaté depuis des années : la prépondérance des continuités », article

" Reconstruction », in Reconstruction et réconciliation au Liban. Négociations, lieux publics, renouement du lien social,

Huybrechts E., Douayhi Ch. (dirs.), Beyrouth, CERMOC, 1999, pp.14. 10 Danièle Voldman, op.cit., p.168-169.halshs-00003919, version 1 - 28 Apr 2005quotesdbs_dbs32.pdfusesText_38
[PDF] La Formation Un atout gagnant au bénéfice de l individu comme de l entreprise.

[PDF] Séminaire Enseigner les faits religieux dans une école laïque A la rencontre des œuvres et des lieux de culte

[PDF] Présentation du dispositif Agrilocal

[PDF] 2013/6098 PROJET DE DELIBERATION AU CONSEIL MUNICIPAL DU 20 DECEMBRE 2013

[PDF] N 13 Décembre Des résultats académiques à améliorer

[PDF] BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL ÉPREUVE DE MATHEMATIQUES. EXEMPLE DE SUJET n 2

[PDF] PROJET DE TERMES DE REFERENCE POUR LA CONDUITE D UNE ETUDE SUR LA TRAÇABILITE DES DEPENSES PUBLIQUES DANS LE SECTEUR DE L ENVIRONNEMENT

[PDF] ATELIER N 2 QUELLES SONT LES CONDITIONS A REUNIR POUR DEVELOPPER L OFFRE DE LOGEMENTS? 2 Le financement et la structure des opérations

[PDF] Analyse de proposition

[PDF] DU COLLEGE AU LYCEE. Bienvenue au Lycée Marlioz

[PDF] ARRÊTÉ NESMY MANIGAT MINISTRE. Vu la loi du 8 mai 1989 portant adaptation des structurelles organisationnelles du Ministère de l Éducation Nationale ;

[PDF] La réforme de la taxe professionnelle : comprendre le texte adopté

[PDF] LA STRUCTURE MULTI-ACCUEIL LES P TIOUS LE PERSONNEL

[PDF] AVEC LE PRÊT RÉNOVATION PARTIES COMMUNES, PRÉSERVEZ VOTRE PATRIMOINE EN FINANÇANT VOS TRAVAUX IMPORTANTS DE RÉNOVATION OU D EMBELLISSEMENT

[PDF] PETITE ENFANCE RÈGLEMENT INTÉRIEUR CRECHE COLLECTIVE MUNICIPALE PAUL CHOLLET. Hôtel de Ville Place Docteur Esquirol 47916 Agen Cedex 9