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THÈSE DE DOCTORAT DE L'UNIVERSITÉ DE LYON
Université Lumière Lyon 2
École Doctorale n° 483
Histoire, Géographie, Aménagement, Urbanisme, Archéologie,Science Politique, Sociologie, Anthropologie
Discipline : sociologie
Des machines et des hommes :
Enquête sur la prostitution masculine entre
hommes via Internet.Thomas Lavergne
Soutenue publiquement le 19 octobre 2021
Devant le jury composé de :
Estelle Bonnet, Maîtresse de conférences, Lyon 2, co-directrice de la thèse Michel Bozon, Directeur de recherche INED, chercheur émérite, président Christophe Broqua, Chargé de recherche au CNRS, Paris Nanterre, examinateur Catherine Deschamps, ǯENSA de Nancy, rapporteure Fabien Granjon, Professeur des Universités, Paris 8, rapporteur Corinne Rostaing, Professeure des Universités, Lyon 2, directrice de la thèse 1Résumé
Si " la prostitution » est actuellement constituée en France comme un problème public, ce
que -sexuel entrepour se faire Internet comme interface de rencontre. A la croisée de la sociologie du travail, de la
déviance, du numérique et des études de genre, ce travail propose, dans une perspective
s de ivité. Il examine en carrière etcomme mise en scène de soi propre aux sites Internet, et analyse les interactions interfacées et
normes de conduites dans la rde quarante escort-boys afin de restituer leurs vécus, leurs usages des plateformes et leurs pratiques.
dansdes savoir-être et savoir-faire spécifiques, induisant un travail émotionnel, que le passage de la rue
nfin, cette recherche montre que si la prostitution masculine est largement absente des discours politiques, e à distance, et qui impacte tant le rapport àMots clés : prostitution masculine, internet, interactions interfacées, sexualités, stigmate, déviance,
escorting, gay, numérique, genre, travail.Abstract
If "prostitution" is currently constituted in France as a public problem, this phenomenon is often only presented under the angle of a relationship between men and women. This thesis proposes to explore the practices and paths of men who have sexual relations with men in exchange for financialremuneration, and who use the Internet as a meeting interface to do so. At the crossroad of sociology
of work, deviance, digital and gender studies, this works proposes, by an interactionist perspective,
to explore the different stages and configurations of this type of sex work, from the carrier entry to
the management of time, passing by the stratetegies used on the creation of an electronic avatar used as a digital native way of self-presentation, to the analy interface and the norms of conduct that happen in the face-to-face encounter. This PhD thesis isbased on the qualitative and quantitative analysis of digital espaces and online profiles, but also on
the speech of forty escort boys, in order to reconstruct their life and work experience, their usageof the platform and also their practices. The thesis shows the plurality of their paths, their
motivations such as the meaning given to their engagement in prostitutional practices, but it also makes emerge the activity as a service profession imposing a number of specific know-hows and skills that urges an emotional work that the transition from the street to the screen seems to have reinforced. That reinforcement happen temporal stretch, as well as the specific logic created by the use of online platforms. Finally, thethesis shows that if male prostituition is largely absent from political, media and scientific
discourses, it remains an activity fueled with a two sided stigma (immoral or victim prostitute) that
needs to be put at a distance and in which impacts the relationship between escort-boys and their relatives or even possible projections. Keywords: male prostitution, internet, interfaced interactions, sexuality, stigma, deviance, escorting, gay, gender, digital, work. 3Remerciements
Il y a eu toutes ces personnes qui ont accepté de participer à cette recherche, eurent la pour partager leurs vécus, leurs ressentis, leursréflexions fascinantes et la patience de répondre à mes interrogations. Sans eux, ce travail
Il y a eu Corinne Rostaing qui a dirigé ce travail avec le cadrage et la rigueur nécessaire, la
doctorat, et dont le soutien, le discernement, les réflexions averties et les encouragements nt de ce travail. inspiré par leurs écrits : Michel Bozon, Catherine Deschamps, Fabien Granjon, Christophe Il y a eu les membres de deux équipes du centre Max Weber avec qui forger un esprit critique au cours des nombreux séminaires, notamment doctoraux organisés par Bruno Milly et Gilles Herreros. Ils ont su créer un espace de dialogue bienveillant qui a nourri monde commun, éprouver les oscillations et les mouvements de découragement que le partage rend surmontable, raviver le goût de la recherche. Je pense à la douceur de Jeanne, Bastien. Je pense à Marine pour notre connivence, sa lucidité et sa maitrise du monde académique, son goû devenue une amie.Et au départ, il y eut
faire avancer et qui a su A Miguel et sa tendresse, sa patience et sa lumière sans qui ce projet aurait été chimère.Il y a eu ces personnes qui ont partagé ma vie, Guillaume pour la stabilité et la bienveillance
son pragmatisme et sa clairvoyance, Sidney pour son intérêt attentif et son écoute, Marie-Ange pour sa sagacité.
Il y a eu Julie pour sa détermination communicative, Fanny pour avoir toujours été à mes insuffle et les rires nécessaires, Lauranne pour sa force inspirante, Alice comme une boussole sur le sens de mon engagement, Simon pour son épaulement, Léa pour les brises estivales, Betty pour ses tentatives et sa curiosité, Louise et Louise pour les premiers intérêt sincère, Elsa pour sa force, sa douceur enveloppante et son soutien, Emma pour sapassion. Il y a eu tou·te·s les bruxellois·es qui se reconnaitront, et qui malgré les difficultés
de cette dernière année abstruse ont donné de la gaieté aux moments mornes. Il y a Marion et son support, sa foi en moi qui dépasse la mienne, ses relectures et son vement, pour sa passion réflexive et nos échanges nourrissants, émotionnellement comme intellectuellement. A ces deux-là qui donnent du sens et du sel à la vie. Avant elles et eux, il y a eu mes parents, leur amour inconditionnel et leur appui dans chacun de mes choix. Ma mère pour sa compréhension humaine, son empathie et le goût transmisA mes frères et
ma reconnaissance et mes remerciements. 5Table des matières
REMERCIEMENTS ...................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION ......................................................................................................................................... 9
PARTIE 1 ͗' ............................................................................................................. 63
CHAPITRE 1 : PROSTITUTION MASCULINE ENTRE HOMMES : CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE ETMUTATION SPATIALE .............................................................................................................................. 65
I- DU SODOMITE A L'HOMOSEXUEL ............................................................................................................. 66
I-2 Pédéraste, uraniste, homosexuel : criminel ou aliéné ? .................................................................. 70
II- LE JESUS ET LA TAPETTE : CONSUBSTANTIALITE ENTRE HOMOSEXUALITE ET PROSTITUTION ................................... 77
II-2 L'homosexualité ou la prostitution : une même réalité ................................................................. 82
II-4 Amalgame persistant : quelques exemples au XXème siècle ........................................................... 95
III- LA PROSTITUTION MASCULINE EN FRANCE DES ANNEES SOIXANTE A NOS JOURS ............................................... 101
III-1 De la répression à la " libération ».............................................................................................. 101
III-2 De la séparation entre homosexualité et prostitution aux changements spatiaux .................... 110
CONCLUSION : ............................................................................................................................................ 127
CHAPITRE 2 : SE CONNECTER : DU CHERCHEUR AUX ESCORTS .............................................................. 131
I- CIRCONSCRIRE LES ESPACES : INTERNET COMME TERRAIN DE RECHERCHE ....................................................... 133
II- DE LA PRISE DE CONTACT A LA CONDUITE DES ENTRETIENS .......................................................................... 159
III- DE LA CONNAISSANCE DES ESPACES A L'ENTREE EN CARRIERE ....................................................................... 181
III-1 Les différentes sources d'accès ................................................................................................... 182
CONCLUSION : ............................................................................................................................................ 218
CHAPITRE 3 : PRESENCE EN LIGNE : LA FABRICATION DES IDENTITES SEXUELLES EROTIQUES A DES FINSCOMMERCIALES .................................................................................................................................... 223
I- ÉCRIRE LE CORPS ET SES TECHNIQUES ...................................................................................................... 226
I-1 Identité sexuelle et pratiques performées ..................................................................................... 230
I-2 Des pratiques pour des corps ........................................................................................................ 241
I-3 Érotisation ethnique et stéréotypes raciaux des masculinités ...................................................... 248
I-4 Des items et des hommes : des classifications catégorielles aux stratégies des acteurs .............. 262
II- REPRESENTATION VISUELLE DE SOI : (DE)MONTRER PAR L'IMAGE ................................................................. 269
II-1 Contexte et fonction : Le statut des photos étudiées ................................................................... 272
II-2 Comment montrer le corps : intentions et réflexivité quant aux choix des images ..................... 276
III- LE MONTAGE DES COMPLEXES VERBO-ICONIQUES : DU DISPOSITIF DE SEXUALITE AUX SCENARIOS SEXUELS ............ 287
CONCLUSION : ............................................................................................................................................ 301
PARTIE 2 ͗'CHAMBRE ................................................................................................. 303
CHAPITRE 4 : LES INTERACTIONS INTERFACEES ENTRE ESCORTS ET CLIENTS ......................................... 305
I- FILTRER LES DEMANDES ....................................................................................................................... 306
I-1 Gestion des interactions : la partie invisible de l'iceberg .............................................................. 306
I-2 Les filtres physiques : entre dégoût et compassion ....................................................................... 314
I-3 Filtrer les pratiques ....................................................................................................................... 323
I-4 Filtres conversationnels ................................................................................................................. 340
II- LA NEGOCIATION DES TARIFS ................................................................................................................. 348
II-1 Définir des tarifs : de la difficulté des premières fois à la conscience d'un marché ..................... 349
II-2 Variations des tarifs ..................................................................................................................... 358
III- DIRE AVANT DE FAIRE : LA CO-CONSTRUCTION D'UN SERVICE A PARTIR DES ECHANGES VERBO-ICONIQUES ............ 366
III-1 Du regard aux mots..................................................................................................................... 366
III-2 Les ruptures d'interaction : à la vie comme à l'écran ? ............................................................... 373
CONCLUSION : ............................................................................................................................................. 378
CHAPITRE 5 : LA RENCONTRE EN FACE A FACE ...................................................................................... 381
I- TRAVAIL RELATIONNEL DANS LA RENCONTRE EN FACE A FACE ....................................................................... 385
I-2 Techniques relationnelles .............................................................................................................. 394
II- LES TECHNIQUES DU CORPS .................................................................................................................. 417
III- L : TRAVAIL EMOTIONNEL PROFOND ......................................................................... 442
III-1 De la dissonance émotionnelle au changement idéologique ...................................................... 442
III-2 Une pratique " consciente » : entre gestion émotionnelle et organisation du travail ................ 452
CONCLUSION : ............................................................................................................................................ 461
PARTIE 3 : DE LA CHAMBRE A LA SPHERE PUBLIQUE ............................................................................. 465
CHAPITRE 6 : APRES LA RENCONTRE : LA GESTION DE LA CARRIERE ..................................................... 467
I- À LA RECHERCHE ET AU MAINTIEN D'UNE CLIENTELE .................................................................................. 468
I-1 Un tarissement inéluctable ........................................................................................................... 468
I-2 Mobilités professionnelles et opportunités géographiques .......................................................... 473
II- REPUTATION EN LIGNE : L'IMPORTANCE DU LIVRE D'OR .............................................................................. 487
III- ARRET ET REPRISE DE L'ACTIVITE : UNE CARRIERE EN POINTILLE .................................................................... 501
CONCLUSION .............................................................................................................................................. 513
CHAPITRE 7 : LA GESTION DU STIGMATE .............................................................................................. 515
I- DU STIGMATE DE PUTAIN A CELUI DE VICTIME : UNE QUESTION DE SEXE ? ...................................................... 516
I-1 Le stigmate de putain : entre éternel féminin et hiérarchisation sexuelle .................................... 516
I-2 Le statut de victime : un stigmate genré ? .................................................................................... 524
II- CACHER SA DIFFERENCE : LA GESTION DES INFORMATIONS .......................................................................... 534
II-1 Manier les faux-semblants ........................................................................................................... 535
II-2 Le dévoilement ............................................................................................................................. 548
III- STRATEGIES DE DETACHEMENT FACE AUX STIGMATES ................................................................................. 574
III-2 La critique des normes ................................................................................................................ 586
CONCLUSION .............................................................................................................................................. 600
EPILOGUE ͗' .................................................................................... 603
I- 'UNE CATEGORIE L'AUTRE ......................................................................................................................... 604
7II- VERS DES PARCOURS DE VIE : PORTRAITS CHOISIS ...................................................................................... 615
II-1 Diego ............................................................................................................................................ 615
II-2 Baptiste ........................................................................................................................................ 627
II-3 Yacine ........................................................................................................................................... 637
II-4 Zacharie ....................................................................................................................................... 649
CONCLUSION .............................................................................................................................................. 662
CONCLUSION ........................................................................................................................................ 665
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 679
ANNEXES : ............................................................................................................................................. 703
1- PRESENTATION DES ESCORTS RENCONTRES .............................................................................................. 703
2- INFORMATIONS DES PROFILS DES ESCORTS RENCONTRES ............................................................................. 705
9INTRODUCTION
Hey, babe
Take a walk on the wild side
Loo Reed.
incrustées dans ma mémoire. Enfant, le visage collé à la fenêtre de la voiture, je les voyais
sur les boulevards proches du parc quand nous rentrions la nuit. Elles faisaient alors partie regard clermontois. Il y a aussi des sons et à travers eux les mots qui chantent les filles de joie dans de Brel. Sting supplie Roxanne de ne pas allumer sa lumière rouge, quand des ombres dans la rue invitent Milord à entrer prendre ses aises. Les prostituées de la Nouvelle-Orléans plument les garçons chez The Animals, tandis que la créole Lady Marmelade fait crier Jo voulez-vous coucher avec moi ce soir ». Fruits onvoque des femmes en talon haut et en tenuefont vaciller nos représentations, écrite à la première personne par celles qui osent nous
donner à entendre des récits disruptifs, la puissance des textes de Grisélidis Réal, de
Virginie Despentes ou de Nelly Arcan. Alors, pourquoi des machines et des hommes ? Il cette étude. Le sous-économico-sexuels.
sera question achat du corps,par les actes répétés de jouissance dont la Moïra de Julien Green, présentée comme la louve
grande putain babylonienne », se défendait dans une dernière lettre avant sa mort : Je ne suis pas la sale fille que vous croyez tous. J'en ai assez d'être une machine à jouir (Green, Moïra greffées, organes artificiels et autres utopies révolutionnaires harawayiennes, ni de ent sur les rapports prostitutionnels. Comme le note le philosophe italien Simone Regazzoni il existe un " rapport essentiel » entre la représentation explicites des corps et les écrans, la " chose porno de visibilité écranique " comme exposition télé- charnelle des corps qui excède une ontologie du corps propre. » (Regazzoni, 2013, p.129). des corps qui se rencontre dans un espace physique, mais dans des projections pas douter, ce nou Quant aux hommes, il faudrait dire que paradoxalement, la volonté dans laconstitution de ce sujet initié durant mon master était de livrer une réflexion sur la sexualité
des femmes, sur le sacré dont elles seraient investies, sur les réactions de réprobation, de
dégoût, de pitié que suscite le commerce de leurs corps. Alors étudiant dans un master deux définitions en sont offertes dans le Dictionnaire critique du féminisme. Le premier,rédigé par la militante abolitionniste Claudine Legardinier, affirme que " placées en
service de la sexualité déresponsabilisée des hommes » (Legardinier, in Hirata et al, 2000,
p.162) ; le second, de Gail Pheterson, avance que le droit des femmes est indissociable des luttes pour la reconnaissance des droits des prostituées, est soutient que " la prohibition deces phénomènes [prostitution et proxénétisme] ne signifie pas pour les femmes un arrêt de
la violence, mais bien un accroissement du contrôle social et policier, du harcèlement physique et des privations économiques » (Pheterson, in Hirata et al, 2000, p.169). Droit à disposer de son corps contr cadre hétéro 11 politiques publiques encadrant la prostitution, sur les discours mis en place pour légitimer la réprobation du commerce sexuel, que s'est conceptualisée cette recherche. Et ce n'est pastant par rapport à ce que les textes législatifs, les rapports gouvernementaux, les médias ou
encore les ouvrages ou articles scientifiques disaient des hommes vendant des prestations sexuelles que sur les mots manquant d'en parler et qui, à mon sens, Au- comme exhorte à le faire Christophe Broqua : Seuls les chercheurs qui optent pour une " participation sexuelle » sont conduits à rendreélucidé ou dénoué par un travail de réflexion méthodologique, le lien biographique qui
unit le chercheur à son objet est le plus souvent tu, sans doute pour satisfaire au principe scientifique. Il est pourtant pro s sa restitution. (Broqua, 2000, p.152)Sans doute ne me serais-
gay. Au plus loin que je me souvienne, la première représentation cinématographique ce en tant que spectateur fut àfrançais trois ans après sa sortie aux États-Unis, à la suite du succès fulgurant de Titanic,
Basketball Diaries,
-titre. Le film dépeignait une spirale infern toutes sortes de drogues. Les joues creusées et le teint pâle comme marque de son affliction, déchéance. Et puis il y eu My Own Private Idaho, , Speedway Junky, Notreparadis. Les scénarios proposés étaient semblables : un jeune garçon à la dérive se
retrouvait à la rue dans une détresse psychique, une précarité économique, corrélé à un
de découverte sexuelle et indépendance sauvage, ces films dépeignai forme de solidarité masculine des marginaux aux vies bancales, fraternité de destin dontprostitution des garçons représentait la destinée des homosexuels et des drogués, voir des
les pages noircies ou les écrans de cinéma sur la vie de garçons que je ne croisais nulle part
venait remplir un vide, dessinaient des imaginaires, des corps impalpables et imperceptibles par ailleurs. Si la prostitution masculine est invisible dans les débats tenus dans l'arène publique et dans lprêtent attention, contribuant sans doute à sa méconnaissance et au manque d'intérêt portés
à cette réalité. Ce qu'on ne voit pas est en effet difficilement accessible à une prise en
considération. Pour autant, la littérature de Proust, Genet ou Cocteau, les films de Rainer Werner Fassbinder, John Schlesinger, Bruce LaBruce, James Bidgood, André Téchiné ou magnificence héroïque,fantasmée et érotique du garçon de joie. Entre ange dévoyé, bête de plaisir sexuel, voyou
objet de désir,sujet des amours masculins, magnifié ou raillé. Alors, quelle place accorde-t-on à la
prostitution masculine, qui sont ces hommes, comment fonctionne leur activité, quel sensdonnent-ils à leurs pratiques, et enfin, qu'est-ce que cela nous révèle sur la prostitution aux
prises avec le système de genre qui, ici comme ailleurs, semble sous-jacent aux différentes dynamiques de pouvoir et de savoir ? Dans cette introduction, nous reviendrons rapidement sur les régimes de gouvernementalitédu commerce du sexe et les différentes législations en la matière afin de mettre à jour la
difficulté de penser, dans les termes de la légitimation des mesures mises en place, les hommes prostitués. Catalyseur dans ma motivation à entreprendre cette recherche, ces situé, reflet de positionscharriant des représentations utiles à la compréhension du phénomène. Ceci nous conduira
à prendre en compte la manière dont les études en sciences sociales sur la prostitution 13 rsection de la sociologie du genre et des sexualités, nous intéresser plus particulièrement aux m de ce travail.Les politiques appliquées à la prostitution
Le sexe ça ne se juge pas seulement, ça sMichel Foucault, .
Il convient de revenir rapidement sur la législation française en la matière pour éclairer
ce qui a interpellé et conduit à entamer cette recherche. Le débat qui sévit entre les partisans de point de vue moral et symbolique, qui sous-itiques publiques mises en place pour encadrer cette réalité. Ainsi, les régimes de gouvernementalité quant à cette question ont subi nombre de modifications à travers le temps et les contextes locaux. Les systèmes de justification et de légitimation, reposant enreligieuses, registre le plus souvent usité avant le XXème siècle. Sont classiquement définis
trois régimes juridiques encadrant la prostitution : - Le régime prohibitionniste organisation et son exploitation. Ce régime incrimine les proxénètes ou lesauteur·e·s de traite des êtres humains mais aussi les personnes prostitué·e·s et leurs
clients qui sont appréhendés comme des délinquants. Les politiques prohibitionnistes soumettent à des sanctions pénales tous les acteurs participant à la transaction marchande. - Le régime réglementariste : la prostitution est considérée comme un " mal nécessaireprostitué·e·s se fait dans un cadre défini, spécifique à chaque forme, soumis à des
e santé publique. - Le régime abolitionniste prostitution, mais pas les personnes prostitué·e·s ni leurs client·e·s. En effet, les politiques abolitionnistes tolèrent la prostitution mais interdisent toute forme de proxénétisme, que ce soit le proxénétisme de contrainte, de soutien, de protection,āās. Ce régime
degrés variables en fonction des époques et des contextes nationaux. Lesprostitué·e·s sont considéré·e·s comme des victimes ou des inadapté·e·s, approche
sous- de mettre un terme au corpus de règles qui contribuait à enfermer les prostituées (maisons closes cartes sanitaires fichiers de police).Après une période réglementariste, la France devient en partie abolitionniste en 1946 après
l'adoption de la loi dite Marthe Richard1. Si cette loi conduit à la fermeture des maisons de1960 de la Convention Internationale des Nations Unies " Pour la répression de la traite
» du 2 décembre 1949,
assurant dès lors la suppression des fichiers sanitaires maintenues en 1946. La prostitutiondevient une activité libre et la lutte contre le proxénétisme une priorité. Cinquante ans plus
avril 2011 réaffirmant la positio (p.290). Le rapport d'information donnera lieu à la résolution de loi du 6 décembre 20112 qui outre la réaffirmation de la position abolitionniste (entendue désormais comme1 Dite " Marthe la Vertueuse
seconde guerre mondiale) et désormais conseillère municipale. Avec le soutien du ministre de la Santé
publique et de la population Robert Prigent, le 13 décembre 1945 verra la fermeture des maisons closes
i dite Marthe2 Résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution, 6 décembre 2011.
Texte adopté n°782 " Petite loi » : http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0782.asp 15abolition de la prostitution) passant par la nécessité de lutter contre le proxénétisme et par
ssionnelle, introduit la que la prostitution ne pourra régresser que grâce à un changement progressif des mentalités et un patient travail de prévention, s et de la société tout entière. ». Un confirmant cette constatation, Najat Vallaud Belkacem alors ministre des droits des3, elle exprime les critiques adressées à la morale
consensualiste à travers la question rhétorique : " Qu'est-ce que le consentement dans unrapport inégalitaire ? ». Elle définit alors la prostitution comme " une atteinte à la dignité
des femmes, et une violence faite aux femmes ». Signant ce que recouvre désormais le terme abolition, elle arguait dans une interview donnée au Journal du Dimanche : " Mon pas de savoir si nous voulons abolir la prostitution - la réponse est oui - mais de nous donner les moyens de le faire.4 » Si le rapport de 2011 voulait tirer un constat de la situation multiforme de lalogements des prostituées, comprendre les entrées en carrière et les violences, les nouveaux
Commission des lois constitutionnelles,
ration générale de la République mais par la Délégation , sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, le rapport de la députée Maud Olivier (2013 (a)) a plus vocation à analyser un phénomène mais bien à révéler de manière emphatique une réalité abjecte. Les titres des deux parties constituant le rapport sont à ce titre éloquents : " et indirects » et " La lutte contre le système prostitutionnel qui parcourt les nouvelles positions du gouvernement français quant à la prostitution, est3 Émission France culture du 15/11/2012 : Sur les docks par Irène Omélianenko, Prostitution (4/4) " Abolition
de la prostitution : osez le débat », un documentaire de Meta Tshiteya et Nathalie Salles.4 Interview de Najat Vallaud-Belkacem par Anne-Laure Barret pour le Journal du Dimanche du 23 juin 2012 :
interview-521763. xes,passant alors par une proposition de loi sur la pénalisation des clients5. Le rapport
septembre 2013 met ainsi en avant les changements conceptuels faceà la responsabilité du client, les considérations philosophiques de dignité humaine
introduites par la convention onusienne de 1949 et l'exigence de protection des femmes en entend participer à la politique de lutt entre les femmes et les hommes. Il a pour objet de faire prendre conscience que la démunies et une exploitation des pmanière individuelle ou dans des réseaux réalisant des profits très élevés, la traite se
prostitution qui sont culpabili voit tantôt comme des dépravées tentant les hommes, tantôt comme des marginales ou des marginaux en dehors de la société. Les développements de la première partie mettent rême majorité des cas, les personnes prostituées sont des ; et proposer des actes de nature sexuelle contre rémunération. Avec ces informations,culpabilité ? Les associations féministes ont récemment scandé contre le viol : " La honte
doit changer de camp ». De la même façon, en matière de prostitution, nous devons faire en sorte que ce ne soient plus les personnes prostituées qui soient stigmatisées pour leur situation, mais bien ceux qui en profitent, à savoir les proxénètes et les clients de la prostitution. (Olivier, 2013 (a), p.97) les sexes, traversé par des considérations telles que : Enfin, la prostitution, traduction de rapports archaïques et inégalitaires entre les hommes La prostitution inclut toutes les violences : violences physiques avec les actes de barbarie et la torture, violences économiques avec le racket et Dans une société encore patriarcale, elle traduit une volonté de domination et (Olivier, 2013 (b), p.234) Ces rapports soulignent ainsi la manière dont la prostitution, présentée tautologiquement créé une souffrance spécifique chez les jeunes femmes et un sentiment de toute puissance chez les jeunes hommes. Toutes les femmes ayant des relations sexuelles monnayées, quels que les hommes prostitués puissent être victimes (sous certaines conditions), la prostitution : " Enfin, ce phénomène contrevient au principe5 et rappelle le tour de force de la juriste Catherine Mac Kinnon, figure de
proue des années 90 et , présentant les s murs mais souségalité entre les sexes.
17 sont en quasi-totalité des hommes » (Olivier, 2013 (a), p.12). Ainsi, la France entre dans un régime de victimisation tel que défini par Amélie Maugère modèles précédemment cités celui de la professionnalisation et de la victimisation. Dans les " régimes de professionnalisation : les prostitué·e·s bénéficient de protection sociale et payent des taxes les entremetteurs sont perçus comme des commerçants. On hommes d'affaires » et de travailleurs et travailleuses du sexe. Les " régimesde victimisation » incriminent quant à eux les proxénètes de soutien et de contrainte à la
manière des régi des délinquants. Ces politiques condamnent ainsi l'achat de services sexuels, seul·e·s lessouligne que dans tous les modèles, excepté celui de la professionnalisation, le droit
entretient une vision de la prostitution comme fléau social. Ces différents modèles peuvent conception de la morale sexuelle adoptée. Les modèles réglementaristes et de professionnalisation entretiennent un rapport avec une morale sexuelle " consensualiste » (le consentement comme morale sexuelle formelle) tandis que les trois autres adoptent une morale sexuelle " prescriptive ou substantive » (existence d'un droit de regard du pénal sur 6. Les politiques publiques françaises actuelles en matière de prostitution et les moyens quede référentiel, à la fois dans les objectifs que se donne l'État de réglementer un mal
nécessaire, dans la volonté de voir disparaître un système violent et pernicieux, mais aussi
dans la philosophie qui sous-tend les différents modèles, passant d'un ordre moral consensualiste à une morale éthique substantialiste de dignité humaine. Nous pouvons également observer un exceptionnel bouleversement dans les conceptions genrées6 -delà de la dimension pénale, la dimension cognitive de ces modèles passe par
l'action sociale. Les régimes abolitionnistes et de victimisations s'accompagnent de mesures de réinsertion et
d'accompagnement, de même les politiques réglementaristes ne se caractérisent pas uniquement par l'adoption
d'une morale consensualiste mais ont également pour fond la garantie de l'ordre public et de la santé publique
par les règlements instaurés. traduisant le phénomène. La prostitution est vue, dans les phases précédanthétérosexuels, articulée autour de la virilité et de sa jouissance. La figure de la prostituée
vénale et vicieuse se trouve opposée à la construction positive de son client7 les femmes prostituées sont constituées, dans les discours abolitionnistes, comme victimes victime même si elle est consentante8plus " monsieur tout le monde » mais esclavage » des femmes pour e vénale et pernicieuse mais la victime dun système d'exploitation. La prostitution devient le miroir grossissant d'un système entre les sexes9. La nouvelle positiond'une activité sexuelle rémunérée est finalement adoptée, après de vifs débats, via la loi n°
2016-444 du 13 avril 2016. Aussi, la France est entrée pleinement dans un régime de
victimisation comme défini par Maugère.La prostitution dans une société hétéropatriarcale peut alors être perçue comme
7 En effet, durant la deuxième moitié du XIXème et la première du XXème siècle, la prostituée est considérée
comme une femme vénale, stigmatisée. On cherche à cette époque à identifier les caractères ataviques qui les
distinguent des autres femmes (notamment avec l'ouvrage de Cesare Lombroso La femme criminelle et laprostituée de 1896) et à les soumettre à un fort contrôle face au péril vénérien et à la débauche, capables de
contaminer le reste de la sphère sociale.8 que la mise en
" le fait, de quelque façon que ce soit, de bénéficier d peut mettre cette dernière en danger. Un amant pas assez rpeut connaitre les cellules françaises. À se transformer en générosité ou en sociabilité, le liquide des rues fait
prendre des risques. Ces restrictions de liberté amicale et affective renforcent le stéréotype selon lequel, même
préférence -soi devient également une prison sociale. » (Deschamps, 2006, p.196)9 Si les postures abolitionnistes se sont homogénéisées, Lilian Mathieu (2014) rappelle dans son ouvrage
décortiquant la croisade morale des tenants de ce mouvement e et des actions menées des mesures reflétant davantage la gestion 19 hommes et femmes. Comme invite Lilian Mathieu à le faire en conclusion de son ouvrageSociologie de la prostitution
es de services -sexuelles : La prostitution est de longue date dénoncée comme un privilège masculin. L'emploi de ceterme se révèle pourtant ambigu. S'il s'agit de dénoncer l'injustice d'une pratique
avantageuse, mais réservée à certains les hommes tout en excluant les autres les femmes , le rétablissement de l'égalité devrait logiquement passer par le développement d'une offre sexuelle (masculine mais aussi féminine) adressée à une clientèle de femmes. Ce n'est évidemment pas ce que réclament les partisans de l'abolition de la prostitution. Leur souhait est plutôt de voir les comportements sexuels masculins s'aligner sur ceux définis comme spécifiquement féminins en l'occurrence porteurs d'une forte chargeaffective et matériellement désintéressés. L'enjeu, ne cessent-ils de rappeler, est bien de
soustraire la sexualité de la sphère des échanges marchands. (Mathieu, 2015, p.109) En outre, réduire la prostitution à une forme dsystème inégalitaire entre les sexes en vient à essentialiser les prostituées comme victimes
ontologiques. En l'occurrence, un des effets les plus retors de cette argumentation autourde la dignité humaine est bien de désemparer les prostitué·e·s de la possibilité d'un réel
consentement en le déclarant non pertinent dans les relations contractuelles que la personnede ne pas permettre aux prostituées de donner un " vrai » accord à la relation sexuelle. Les
individus sont alors dépossédés à consentir dès lors que leurs actions sont définies comme
que de permettre sa garantie. Derrière les positions argumentatives, Maugère dévoile la mise en nouvelle forme de police de comportements privés, un regard inquisiteur surquotesdbs_dbs17.pdfusesText_23[PDF] Homosexualités conformisme rampant et nouvelles
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