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RAPPORT DU CORSCI

SUR LES MOTIVATIONS ET CAUSES

D"ABANDON DU DOCTORAT

Octobre 2006

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Rapport du Corsci sur les motivations

et causes d"abandon du doctorat 1 Du 18 mai au 9 juin 2006, le Conseil du Corps scientifique (Corsci) a réalisé, par

l"intermédiaire de ses représentants dans les différentes Facultés, une enquête auprès des

membres du corps scientifique sur les motifs qui pourraient les inciter à arrêter leur doctorat.

Dans la mesure du possible, des anciens membres du corps scientifique ayant effectivement arrêté leur doctorat ont également été contactés.

Les trois questions suivantes, ou de légères variantes de celles-ci, leur ont été posées par e-

mail2 :

1. Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à entreprendre une thèse de

doctorat ?

2. Quelles sont les raisons qui pourraient vous amener (ou vous ont amené) à

abandonner vos recherches ?

3. Quelle est, selon vous, la valeur d"une thèse de doctorat sur le marché de l"emploi ?

Il est probable que le principe même d"une telle enquête et la formulation de la deuxième question n"aient pas incité les doctorants satisfaits de leur encadrement de recherche à répondre. Le taux de réponse de personnes exprimant leur satisfaction est d"ailleurs

négligeable. Les résultats présentés dans ce rapport ne reflètent, par conséquent, en aucune

manière l"organisation de la recherche dans l"ensemble de l"Université. L"enquête ne permet

que de dégager les principales causes de l"insatisfaction des doctorants là où celle-ci existe.

Or cette insatisfaction semble fort variable d"un secteur à l"autre et, au sein des secteurs, d"une Faculté, voire d"un département, à l"autre. Par ailleurs, l"absence de données

statistiques rend l"importance des problèmes identifiés par l"enquête difficile à quantifier.

Le Corsci est donc conscient des limites de l"exercice auquel il s"est livré mais ne dispose pas des ressources, notamment humaines, pour mener une enquête plus approfondie.

Les résultats présentés ci-dessous nous semblent cependant être fort instructifs en raison de la

forte convergence des réponses reçues. Au-delà de certaines spécificités locales et, semble-t-

il, de variations dans le nombre de personnes insatisfaites, les principaux motifs d"insatisfaction et de démotivation des chercheurs sont identiques dans l"ensemble de

l"Université. Par ailleurs, la rapidité avec laquelle les personnes sollicitées ont répondu à

l"enquête peut être perçue comme un indice de l"acuité de leur insatisfaction.

1 Le présent rapport a été élaboré par L. de Briey (ISP), C. Van Wynsberghe (ESPO), N. Bonbled (DRT),

C. Canazza (DRT), B. De Muynck (AGRO), M. Ghanem (SC), V. Ramon (FSA), S. Soares Frazão (FSA) et

C. Vandermeeren (AGRO). Le point relatif au " Plan scientifique individuel » (infra, 4.1.2) est largement

inspiré de la deuxième partie du mémoire de N. Kruyts intitulée Réflexions pédagogiques sur le troisième cycle

en AGRO (DES en Pédagogie Universitaire, pp. 23-38).

2 À l"exception de l"Institut Supérieur de Philosophie, pour lequel les questions ont été posées oralement lors

d"une réunion du personnel scientifique. 3

Les trois premières sections du document présentent, successivement, les principales réponses

reçues aux questions susmentionnées. Dans une quatrième et dernière section, le Corsci s"est

efforcé de dégager différentes propositions susceptibles d"apporter des réponses aux causes

d"insatisfaction décrites. Le Corsci estime également que la mise en oeuvre du plan de développement représente une occasion unique d"améliorer l"organisation de la recherche au sein de l"Université.

TABLE DES MATIERES

1. Les motivations de la réalisation d"une thèse de doctorat

1.1. La passion de la recherche

1.2. L"attractivité du métier de chercheur

1.3. Autres motifs

2. Les motifs susceptibles de conduire à l"arrêt du doctorat

2.1. L"isolement et l"encadrement insuffisant du doctorant

2.2. L"encadrement inadéquat du doctorant

2.3. Le poids des tâches d"enseignement, administratives ou logistiques

2.4. Le manque de soutien financier

2.5. La précarité du statut

2.6. L"absence de résultats

2.7. L"exigence de résultats rapides

2.8. L"" étudiantisation » du doctorant

3. Le manque de valorisation du doctorat

3.1. La valorisation interne

3.2. La valorisation externe

4. Propositions

4.1. Propositions dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de développement

4.1.1. Pyramide des chercheurs

4.1.2. Plan scientifique individuel

4.2. Proposition de rappel de certains principes relatifs aux frais encourus par le doctorant

4.3. Propositions de décisions relatives à l"organisation et à la valorisation du doctorat

4.3.1. Création d"une base de données relatives à la réalisation d"une thèse en vue d"une meilleure

compréhension des causes d"abandon

4.3.2. Valorisation externe du titre de docteur

4.3.3. Amélioration du système actuel des défenses " facultaires » et de leur publicité

4.3.4. Création d"une cérémonie annuelle pour les nouveaux docteurs ainsi que d"un book

4.3.5. Développement d"un service spécifique du Centre d"information et d"orientation (CIO) dédié à

l"accompagnement professionnel des futurs ou jeunes docteurs 4

1. Les motivations de la réalisation d"une thèse de doctorat

1.1. La passion de la recherche

De manière remarquable, le principal motif qui a incité les personnes interrogées à entamer un

doctorat est une authentique passion pour la recherche, en général, et leur sujet de thèse, en

particulier. La réalisation d"une recherche doctorale est ainsi, bien souvent, sa propre finalité. Elle est perçue comme un travail intellectuellement intéressant et stimulant qui permet de mettre en oeuvre une capacité de raisonnement abstrait et d"acquérir une grande expertise dans des

problèmes complexes et/ou une compréhension fine de la réalité sociale. Cette passion pour la

recherche s"exprime également dans un goût pour l"innovation et le désir de participer, à son

échelle, au progrès de la connaissance scientifique.

1.2. L"attractivité du métier de chercheur

Un deuxième motif qui apparaît dans la plupart des réponses est l"attractivité du métier de

chercheur en tant que tel. La recherche universitaire semble être considérée comme une profession attrayante notamment en raison de sa " gratuité ». Nombre de chercheurs, de manière cohérente avec leur passion pour la recherche, apprécient la possibilité de pouvoir s"engager dans une

profession relativement épargnée par les contraintes de rentabilité économique associées à un

emploi dans le privé. En sciences humaines tout particulièrement, la recherche apparaît, de plus, comme l"une des seules possibilités de profession permettant de valoriser les

compétences spécifiques acquises durant ses études plutôt que d"être considéré comme un

universitaire polyvalent. En outre, le fait que le doctorat permette de choisir son sujet de travail, de mener son projet avec une grande autonomie et dans une grande flexibilité (horaires, rythme de travail,...) est grandement apprécié. Enfin, la recherche doctorale est considérée par de nombreux répondants comme un travail

valorisant d"un point de vue personnel dans la mesure où l"on signe des articles, où l"on se fait

connaître, etc. et représente un défi personnel stimulant.

1.3. Autres motifs

Un des motifs souvent cités est que faire un doctorat postpose la recherche d"un emploi dans le monde non-universitaire. Ces répondants affirment leur peur du marché du travail (qui exige souvent une certaine expérience professionnelle), en particulier du secteur privé, et

veulent échapper à cette vie active pour laquelle ils se sentent mal préparés. Ils se tournent dès

lors vers l"université pour acquérir une première expérience professionnelle. Il apparaît

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d"ailleurs que, pour certains chercheurs, un mandat scientifique a représenté la première offre

d"emploi qui leur était proposée. Dans un contexte économique parfois difficile, ils l"ont accueilli comme une belle opportunité. L"enseignement ou la possibilité d"associer les missions d"enseignement et de recherche sont également mentionnés régulièrement, bien que dans une moindre mesure.

Une expérience positive lors de la réalisation du mémoire, voire une relation d"estime et de

confiance avec le promoteur, incite également à s"engager dans un doctorat. Un autre motif de réalisation du doctorat cité occasionnellement est le fait que celui-ci

constitue une condition d"accès à la carrière académique ou à certaines fonctions (notamment

dans le secteur pharmaceutique). En sciences exactes, le doctorat peut constituer une plus- value pour obtenir un poste en recherche et développement et, parfois, pour un poste à responsabilités. La portée internationale de la recherche semble également attractive, que ce soit par le biais de coopérations avec des chercheurs étrangers, avec des organismes de grande renommée ou d"opportunités de déplacements ou d"expériences à l"étranger. De manière plus anecdotique, l"obtention du titre de docteur est perçue par l"un ou l"autre chercheur comme une source de valorisation personnelle et sociale. Enfin, il faut souligner que l"inscription au doctorat est perçue par certains comme une obligation contractuelle (pour obtenir une bourse par exemple) sans qu"il y ait nécessairement

l"intention de mener la thèse à bien. Le véritable objet du contrat de travail peut alors être

l"encadrement pédagogique ou la réalisation d"une recherche plus circonscrite financée par des ressources extérieures.

2. Les motifs susceptibles de conduire à l"arrêt du doctorat

Plusieurs motifs incitant à l"arrêt du doctorat ressortent de l"enquête. Celui cité le plus

fréquemment est le sentiment qu"il sera difficile de valoriser le doctorat tant au sein du monde

académique qu"à l"extérieur de celui-ci. Ce motif est lié aux réponses à la troisième question

de l"enquête et sera donc traité plus spécifiquement dans la prochaine section. Les autres motifs sont présentés ci-dessous.

2.1. L"isolement et l"encadrement insuffisant du doctorant

Le deuxième motif le plus souvent mis en évidence est l"isolement et l"encadrement insuffisant du doctorant. Les doctorants qui invoquent ce motif mentionnent le peu de contacts et d"interactions avec des personnes compétentes par rapport aux recherches poursuivies, à commencer par le promoteur, mais aussi parfois un manque de travail en équipe. En sciences humaines tout

particulièrement, il semble que la relation plus ou moins " filiale » qui unissait auparavant le

6 doctorant à son promoteur ait disparu, mais qu"aucune autre forme d"encadrement ne s"y soit substituée. La recherche est alors décrite comme un travail désespérément solitaire.

Les doctorants ne perçoivent pas toujours les objectifs à atteindre et les critères d"évaluation

de ce qui constituerait une bonne thèse. Ils peuvent également manquer de lignes directrices quant à la méthode adéquate pour atteindre le niveau d"exigence requis. Un manque de

présence ou une certaine indifférence de la part de l"encadrant mène en outre à un sentiment

d"inutilité, à une perte d"intérêt pour le sujet, ou encore, à l"impression d"un manque

d"originalité et de nouveauté. Par ailleurs, ce manque d"encadrement, dû notamment à la surcharge de tâches pesant sur le promoteur, rend difficilement acceptables un échec à l"épreuve de confirmation ou des critiques importantes lors de la défense de thèse : le doctorant ne comprend pas pourquoi ces remarques n"ont pas été formulées plus tôt. Une meilleure organisation de la recherche, favorisant le travail en équipe ou, mieux, en réseau est ainsi souhaitée afin de pouvoir entrer davantage en contact avec des personnes partageant les mêmes intérêts de recherche. Le rôle du promoteur ou de chercheurs plus expérimentés paraît essentiel pour faciliter cette mise en réseau des doctorants.

2.2. L"encadrement inadéquat du doctorant

Dans certains cas, beaucoup moins nombreux heureusement, l"encadrement existe mais

semble plus inadéquat en raison de l"existence de tensions dues à des relations difficiles avec

le promoteur. Si, exceptionnellement, un risque d"instrumentalisation du doctorant existe - à

savoir l"enfermement du doctorant dans la réalisation de tâches subalternes nécessaires à la

recherche du promoteur -, c"est principalement des conflits personnels avec le promoteur ou

le comité d"encadrement qui sont mentionnés. Plusieurs scientifiques ont le sentiment d"être

engagés dans un rapport de force qui ne peut leur être que défavorable.

Une telle situation surgit notamment en raison de difficultés à concilier vie professionnelle et

vie privée. Ce sont alors les chercheuses qui sont les premières concernées. Il n"est, par

exemple, pas rare de se voir fortement déconseiller d"avoir des enfants avant la fin de la thèse

parce que cela nuirait à son bon déroulement. Mais cela concerne également les chercheurs masculins désireux d"assumer leurs responsabilités familiales. Le manque d"évaluation

externe du travail accompli est alors regretté. Le cadre académique et universitaire semble, en

outre, rendre impossible toute protestation face à une situation difficile.

2.3. Le poids des tâches d"enseignement, administratives ou logistiques

Le poids des tâches d"enseignement (encadrement des étudiants), administratives ou

logistiques semble dans certains départements ou Facultés représenter un obstacle important

à la réalisation de la recherche. Sur ce point, les situations s"avèrent extrêmement variables.

Concernant les tâches d"enseignement tout d"abord, si certains paraissent être extrêmement

satisfaits de la complémentarité entre leurs tâches d"enseignement et de recherche, d"autres -

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et ils ne sont pas rares - ont le sentiment d"être surchargés par leurs tâches didactiques et que

la règle des 50% du temps réservé à la recherche n"est pas respectée. C"est particulièrement le

cas des assistants à mi-temps, mais tous regrettent l"absence d"objectivation de la charge que

représentent les différentes tâches effectuées. Certains déplorent même la difficile adaptation

des tâches d"encadrement afin de rendre possible un séjour à l"étranger. Quant aux charges administratives et logistiques, certains doctorants estiment qu"ils passent parfois beaucoup de temps à des tâches qui devraient incomber au PAC ou au PATO. Sont ainsi mentionnés la rédaction de projets de recherche pour obtenir des financements, la réservation des auditoires, l"engagement d"étudiants-moniteurs, la commande de logiciels et de matériel, l"organisation de colloques,...

2.4. Le manque de soutien financier

Est également cité comme un des motifs, le manque de soutien financier aux déplacements

professionnels ainsi que pour l"achat du matériel nécessaire à la poursuite des recherches et

aux activités didactiques. Nombre de doctorants doivent payer eux-mêmes leurs voyages et

leurs participations à des congrès ou à des écoles d"été. Certains ont dès lors l"impression de

devoir payer pour exercer leur métier. Ce manque de soutien financier peut également impliquer une difficulté d"acheter les livres nécessaires pour la recherche effectuée. Il décourage aussi les tentatives de collaboration avec des collègues de l"étranger.

2.5. La précarité du statut

La précarité du statut est également un des incitants à l"arrêt de la thèse régulièrement cité.

La thèse de doctorat est en effet parfois une succession de contrats à durée déterminée créant

ce sentiment de précarité. Le non-renouvellement d"un contrat ou la perte d"un financement

sont synonymes de fin de la thèse dans la plupart des cas. Le fait de n"avoir que des contrats à

50% (en sciences humaines surtout), des contrats à très court terme (ce qui semble très

fréquent en psychologie par exemple) ou, encore, de ne pas avoir de " soudure » pendant les quelques semaines de battement entre deux contrats sont autant d"autres raisons à l"abandon de la thèse.

La mauvaise rémunération, ainsi que, dans certains lieux, l"impossibilité d"obtenir un contrat

à temps plein (alors que l"on preste parfois effectivement un temps plein !), l"absence

d"avantages extra-légaux et de crèche d"entreprise, le fait d"avoir une bourse défiscalisée (et

donc de ne pouvoir déduire de frais professionnels) sont aussi à la source d"arrêts.

Il n"est dès lors guère étonnant de constater que de nombreux chercheurs n"hésiteraient pas à

profiter d"une offre émanant du privé ou de l"institutionnel, pourvu qu"il y ait un contrat à

durée indéterminée ou un meilleur salaire à la clef. Le doctorat peut ainsi être perçu par

certains comme une forme de stage d"attente préalable à l"obtention d"un contrat de travail

hors de l"université. Même des chercheurs prometteurs en fin de thèse sont prêts à abandonner

celle-ci si une proposition intéressante leur est faite, surtout s"ils ont le sentiment qu"il leur

sera difficile de poursuivre leur carrière à l"université ou s"ils ne le souhaitent pas. 8

2.6. L"absence de résultats

L"absence de résultats - ou, du moins, de résultats probants - ou un travail théorique, coupé

de la réalité ou dont on ne voit pas le bout, revient également à plusieurs reprises. Ce sentiment peut être causé ou accentué par l"isolement ou l"encadrement insuffisant du doctorant.

2.7. L"exigence de résultats rapides

Est également relevée la difficulté de valoriser la recherche lorsque l"hypothèse de départ se

trouve falsifiée. C"est d"autant plus vrai dans un environnement où l"exigence de publications et d"obtention rapide de résultats se fait de plus en plus fortement ressentir. La culture de l"évaluation qui se propage actuellement, quels qu"en soient ses mérites, ainsi que le développement de partenariats accrus avec le monde privé, risquent de rendre de plus en plus difficiles des recherches s"inscrivant dans le long terme et d"engendrer une perte de qualité du travail effectué. L"exigence de publication n"est pas sans impliquer un danger de pollution :

le chercheur s"efforce d"obtenir au plus vite des résultats publiables plutôt que de prendre le

temps d"approfondir ses travaux.

2.8. L"" étudiantisation » du doctorant

Enfin, alors que, d"après les réponses reçues, les membres du corps scientifique perçoivent

leur travail de recherche comme une activité professionnelle, ils estiment être de plus en plus

souvent considérés comme des étudiants en formation. Cette étudiantisation du doctorant, à

laquelle contribue la réforme de Bologne, est également à la source d"un sentiment de

dévalorisation et de démotivation. Elle peut être le fait de l"Université elle-même comme de

l"environnement social. Le chercheur ne se sent alors pas reconnu dans son travail et risque

d"estimer être en train de stagner dans son projet de vie. Là où les autres personnes de son âge

s"installent, fondent une famille, s"inscrivent dans un projet professionnel à long terme, achètent une maison, le doctorant (et, en particulier, la doctorante) se heurte à une image

d"étudiant attardé et à une précarité professionnelle rendant parfois difficile l"obtention de

prêts financiers.

3. Le manque de valorisation du doctorat

L"élément le plus cité et le plus frappant dans les réponses reçues est très certainement le

scepticisme quant à la possibilité de valoriser le doctorat. Il est heureux que la motivation

principale à la réalisation d"une thèse soit le travail de recherche en lui-même car, une fois

celui-ci accompli, son utilité semble pour le moins réduite. Nul doute que cette difficulté à

valoriser le travail accompli peut constituer un important motif d"arrêt du doctorat, bien que, comme l"écrit un chercheur, la valeur d"un abandon de thèse soit encore moindre que celle d"un titre de docteur... Ce scepticisme porte tant sur la possibilité d"une valorisation interne au monde académique que d"une valorisation à l"extérieur de celui-ci. 9

3.1. La valorisation interne

Sur le plan interne, i.e. au sein de l"université, la difficulté de valorisation provient du peu de

places disponibles pour une carrière académique. Le contexte de rationalisation des offres

d"enseignement et la situation budgétaire des universités accroissent cette réalité. Dans ce

cadre, l"absence totale de gestion interne des ressources humaines est régulièrement décriée. Il

est particulièrement difficile pour le chercheur de gérer sa carrière alors qu"il ne dispose que

de très peu d"informations sur les perspectives qu"il peut espérer avoir au sein de l"Université

et sur l"orientation qu"il devrait donner à ses recherches s"il désire maximaliser ses chances de

faire une carrière académique.

De plus, le doctorat seul est insuffisant pour espérer obtenir un poste définitif. Le chercheur

désireux de poursuivre sa carrière dans le monde académique doit d"abord s"engager dans un post-doctorat. Comme les contrats de post-doctorat sont quasiment inexistants en Belgique,

vouloir entreprendre une carrière académique impose, par conséquent, d"être prêt à s"expatrier

pour réaliser un post-doctorat ou pour espérer obtenir un poste académique. Or, même lorsque

le chercheur y est disposé, une telle expatriation est bien souvent impossible pour des motifs

financiers. Les conditions salariales, largement inférieures à celles du privé, paraissent en

effet insuffisantes pour faire vivre une famille alors que le conjoint doit, en outre, au moins temporairement, renoncer à son emploi. Le fait de vivre en couple et, surtout, d"avoir des enfants, constituent ainsi des obstacles difficilement surmontables à la poursuite d"une carrière universitaire. Enfin, s"engager dans un post-doctorat signifie faire un pari particulièrement audacieux. Premièrement, sa valorisation externe est encore plus difficile que celle du doctorat.

Deuxièmement, cela nécessite d"accepter de demeurer dans une position de grande précarité.

Le post-doctorant doit ainsi être disposé à courir, au terme de parfois près de dix années de

carrière, l"important risque d"apprendre trois mois avant la fin de son contrat que celui-ci n"aura pas de suite sans, en outre, avoir droit à la moindre indemnité. Les difficultés, financières notamment, auxquelles peut alors se heurter le post-doctorant malheureux, sont

réelles et il n"est pas déraisonnable de s"interroger sur la responsabilité de l"Université à leur

égard.

Il est toutefois inévitable que la carrière scientifique ait une forme pyramidale. Il n"est ni possible, ni souhaitable, qu"une université garantisse à l"ensemble de ses chercheurs la

possibilité de mener une carrière académique. L"enjeu essentiel paraît résider, par conséquent,

dans la valorisation externe du doctorat (et du post-doctorat).

3.2. La valorisation externe

Si l"on excepte certains domaines particuliers (la pharmacie ou l"économie, par exemple), la

possibilité de valorisation du doctorat à l"extérieur de l"Université est perçue comme faible.

Même dans des spécialités pour lesquelles il existe d"importants départements " Research and

Development » dans le privé, le docteur est parfois considéré comme moins compétitif qu"un

licencié avec quatre ou cinq années d"expérience professionnelle. L"engagement universitaire

serait en effet souvent perçu comme le signe d"un manque d"esprit d"entreprise. 10 En sciences humaines, le doctorat peut même être un handicap par rapport à une simple licence. Alors qu"un licencié en sciences humaines serait un universitaire généraliste

susceptible d"être aisément " reformaté » en fonction des besoins de l"entreprise, le docteur

serait vu comme un étudiant surqualifié, ayant eu peur de se lancer dans la vie " réellement »

active, dont l"approche sera trop théorique et dont les prétentions salariales risquent d"être

supérieures à celles du licencié.

Il est difficile d"estimer si une telle description est une représentation correcte de la réalité.

Différents chercheurs sont fort probablement dans le vrai lorsqu"ils soulignent que, à défaut

de pouvoir valoriser le contenu scientifique et technique du doctorat en tant que tel, il appartient à chaque docteur de mettre en évidence la plus-value que peuvent apporter les aptitudes et compétences acquises au cours des années de recherche. Notons, enfin, que la perception du doctorat et du doctorant au sein de l"institution a également un impact sur la valorisation externe. Le fait que les doctorants aient de plus en plus souvent l"impression d"être considérés comme des étudiants, plutôt que comme des travailleurs, ne peut qu"inciter les employeurs à faire de même et rend plus difficile la valorisation de la période du doctorat comme une expérience professionnelle. La banalisation et le manque de lustre dont souffre bien souvent la défense publique contribuent aussi à dévaloriser le doctorat dans l"entourage du doctorant et, à travers lui, dans l"ensemble de la

société. Si l"Université elle-même ne donne pas l"impression d"être fière de ses docteurs et du

travail qu"ils ont accompli, si elle ne fait pas en sorte de leur offrir une plus grande visibilité,

il devient extrêmement délicat pour les docteurs de convaincre les milieux extérieurs à

l"Université de la valeur de leur titre et de l"excellence des compétences qu"ils sont supposés

attester.

4. Propositions

Comme nous le reconnaissions en introduction, les limites de l"enquête entreprise sont incontestables et ce rapport ne peut prétendre refléter l"organisation des doctorats dans l"ensemble de l"Université.

Toutefois, ce rapport atteste qu"il existe un certain nombre d"éléments insatisfaisants. Dès

lors, à défaut de pouvoir en objectiver l"ampleur exacte, il semble possible de s"inspirer des réponses reçues pour formuler quelques propositions susceptibles de contribuer à

l"amélioration de la recherche au sein de notre institution. Ces propositions visent également à

entretenir et à épanouir la passion pour la recherche qui, c"est là un élément particulièrement

positif de l"enquête, anime très clairement les membres du corps scientifique. 11 Les propositions énumérées ci-dessous sont de trois ordres. Les premières s"inscrivent dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de développement, actuellement en cours de discussion au sein des différents secteurs. Elles ne sont donc pas

de nature à faire l"objet d"une décision substantielle et immédiate du Conseil académique.

Une deuxième série de propositions sont formulées de manière à ce que le Conseil académique puisse rappeler certains principes en vigueur au sein de l"université. Une troisième série de propositions constituent autant de demandes de décisions pouvant

être mises en oeuvre rapidement et dès la présente année académique [2006-2007], et dont

la plupart n"ont aucun impact financier - si ce n"est un impact très marginal.

4.1. Propositions dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de développement

4.1.1. Pyramide des chercheurs

Le Corsci souhaite que le Conseil académique encourage l"intégration, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de développement, d"une réflexion : - sur le type de pyramide des chercheurs souhaité à l"UCL (répartition des places de doctorants et de post-doctorants, chercheurs nommés à durée indéterminée, ...) ; De " l"inclinaison » de cette pyramide dépend, en effet, la possibilité d"une valorisation

interne du doctorat ou, en d"autres termes, les possibilités de carrières au sein de l"université

pour le jeune chercheur. Un rapport plus équilibré entre le nombre de doctorants et de post- doctorants permettrait simultanément de pallier, dans une certaine mesure, le défaut d"encadrement des doctorants : ceux-ci pourraient, en effet, bénéficier de l"expérience de chercheurs plus âgés, vraisemblablement plus disponibles que les académiques, et ce en complément de l"encadrement actuel. - sur l"opportunité de recréer un statut de personnel scientifique définitif - en évitant les écueils du passé - et/ou sur l"opportunité de créer une carrière de " pur chercheur » ; - sur l"opportunité de créer un statut de " chargé de recherche » au cadre de l"université.

De manière générale, le Corsci appelle le Conseil académique à être particulièrement attentif

à ce que la mise en oeuvre du plan de développement soit l"occasion : - d"une systématisation de l"organisation de la recherche en équipes ou réseaux ; - de la généralisation de séminaires de recherche au sein des futurs centres de recherche ; 12 - d"une meilleure définition, dans les différents secteurs et disciplines, des exigences attendues d"une thèse de doctorat.

Proposition de décision :

Le Conseil académique encourage, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de développement, toute réflexion sur le type de pyramide des chercheurs souhaité à l"UCL et, de ce fait, sur la carrière de ceux-ci. La systématisation de l"organisation de la recherche en équipes ou réseaux, la généralisation de séminaires de recherche au sein des futurs centres de recherche ainsi qu"une meilleure définition des exigences attendues d"une thèse de doctorat et ce dans les différents secteurs et disciplines doivent également être intégrées dans le plan de développement.

4.1.2. Plan scientifique individuel (PSI)

Afin d"aider le scientifique à mieux évaluer les objectifs de sa thèse et les compétences à

acquérir lors de son doctorat, de mieux le guider dans son processus d"apprentissage par la

recherche et de le préparer à l" " après-thèse », tout en intégrant les contraintes

professionnelles liées à son mandat, le Corsci soutient la mise en place d"un plan scientifique

individuel composé des éléments suivants : - la signature, au commencement d"une thèse, par le scientifique et son promoteur, d"une charte de thèse. Cette charte, aurait pour but de clarifier les rôles des deux parties et d"améliorer l"implication de chaque intervenant. Elle ne serait pas un règlement mais un code de bonne conduite qui définirait les engagements réciproques du promoteur et du scientifique

en formalisant les éléments de déontologie de chacun. Tous les deux pourraient ainsi, dès le

départ, prendre la mesure des exigences de leur travail respectif. La plupart des promoteurs

appliquent déjà une partie ou même tous les éléments qui figureraient dans cette charte. Les

généraliser, les formaliser et les rendre publiques ne pourrait qu"avoir un effet bénéfique sur

la qualité scientifique du travail accompli par le doctorant.

- l"élaboration par le scientifique d"une " feuille de route » reprenant toutes les activités,

liées directement ou indirectement à son mandat : (1) publications et rapports scientifiques ou

d"activités (ainsi que posters et présentations orales) ; (2) assistance et exposés à des cours,

séminaires ou conférences, ainsi que communication auprès des médias ; (3) activités

didactiques ; (4) activités de représentation du Corps scientifique ; (5) activités de service

(logistique, maintenance d"équipements, services informatiques, soirées CIO, salon de

l"étudiant,...) ; (6) toute autre activité valorisable dans le cadre de la formation doctorale (cfr.

dispositions particulières des Commissions Doctorales de Domaine).

- l"élaboration conjointe par le promoteur et le scientifique d"une liste d"objectifs à atteindre

et de compétences à développer au cours de la thèse, ainsi que d"un planning des travaux de

recherche. Ces objectifs et compétences se divisent tous deux en techniques et non techniques. Les objectifs techniques sont notamment ceux précisés dans le document remis pour l"admission au doctorat. La liste de ces objectifs et compétences serait réexaminée notamment lors de la mise à jour du portfolio des compétences (cfr. infra) ou de l"entretien semestriel ou annuel approfondi avec le promoteur (cfr. infra). 13

Les compétences non techniques ou " collatérales » développées en cours de thèse sont

actuellement peu évoquées ou considérées et, pourtant, d"une importance capitale. Il peut

s"agir, notamment, de la coordination de projets et d"équipes de recherches, de la gestion d"un réseau, de compétences de communication (communiquer avec aisance et clarté), de rigueur et de sens critique,... Pour les docteurs qui travailleront dans le secteur privé, souvent dans

des domaines et des fonctions très éloignés de leur spécialisation doctorale, ce sont ces

compétences, bien plus que les compétences techniques, qui seront valorisables. C"est

d"ailleurs l"une des principales conclusions de la séance d"information intitulée " Les docteurs

SC-AGRO-FSA face à l"emploi » organisée en mai 2005, et ayant trait au marché de l"emploi

pour les docteurs de sciences exactes. Les doctorants doivent donc y être sensibilisés. La formation doctorale prévue dans le cadre du processus de Bologne et le développement des écoles doctorales devraient être l"occasion de développer et de mettre en exergue ces

compétences collatérales. Les activités réalisées par l"Association Bernard Grégory

http://www.abg.asso.fr/index.html), notamment l"organisation des " doctoriales », peuvent constituer une bonne source d"inspiration. Il conviendrait de sensibiliser les doctorants à l"intérêt de suivre de telles formations. - dans une optique d"auto-évaluation, la constitution par le scientifique d"un portfolio des

compétences collatérales qu"il vise à développer lors de son mandat. Au cours du temps, le

scientifique accumule une série de " produits » (articles, présentations orales, posters, rapports d"activités,...) qui constituent des preuves tangibles de l"évolution de son

apprentissage et peut ainsi réaliser un " auto-audit » à différentes étapes du processus de

formation doctorale. Un bilan régulièrement réalisé permet une prise de conscience du

scientifique sur ses points forts et ses faiblesses, sur ce qu"on attend de lui. Ce travail l"aide à

se donner des objectifs, à devenir responsable de ses apprentissages, à devenir autonome et participe donc pleinement à sa formation. - l"organisation d"un entretien semestriel ou annuel approfondi entre le scientifique, son comité d"accompagnement, ainsi que les responsables des encadrements didactiques (le cas

échéant) pour (1) mener une réflexion sur les perspectives de carrière souhaitées, (2) faire le

point des objectifs atteints et des compétences techniques ou collatérales développées (avec

discussion sur le portfolio des compétences) ; (3) discuter de la feuille de route (vérifier la

bonne articulation entre temps consacré à l"encadrement et à la recherche, faire le point sur

les publications,...) et (4) discuter de l"intérêt ou non de projets de mobilité (séjours de

recherche à l"étranger). Par ailleurs, indépendamment du PSI, le Corsci soutient les propositions suivantes concernant les épreuves de confirmation et de défense privée du doctorat : - l"intégration obligatoire d"un membre extérieur à l"Université dans le comité d"accompagnement du doctorant ; - la mise à disposition des membres du jury d"un questionnaire d"évaluation sur le texte de la thèse qui reprend divers critères de qualité attendue d"une thèse de doctorat : notamment, définition du sujet, partie expérimentale, résultats, forme du manuscrit, acquis de la thèse, appréciation globale,... (cfr. http://www.agro.ucl.ac.be/recherche/doctorat/form_evaluation.doc). Ces critères servent à préciser ce qu"est un bon manuscrit de thèse et fixent le niveau de performances à atteindre ; 14 - la mise à disposition du promoteur d"un questionnaire lui permettant de donner un avis circonstancié sur différents aspects du déroulement de la thèse ainsi que sur les qualités scientifiques et humaines du candidat ;

- un rapport écrit des qualités et compétences reconnues au nouveau doctorant, rédigé et

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