[PDF] SÉQUENCE 2 : LA PERSPECTIVE

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Problématique : La représentation de l'espace, la surface du support comme espace à ouvrir et à parcourir.

Ancrage dans les programme :

- Représentation de l'espace - Conceptions de la représentation de l'espace : déterminants culturels des grands systèmes perspectifs, permanences et renouvellements

Sujet de pratique :

- En classe : dessin sur le motif (dessiner l'architecture du lycée en utilisant le cours sur la perspective - En classe : " Dépasser les limites » (technique, support, format au choix) - À la maison : Tutoriel sur la perspective à un point de fuite

OEuvre étudiée retenue pour le bac :

Piero della Francesca (v. 1412-1492), La Flagellation du Christ, entre 1444 et 1476,

tempera sur bois, 58,4 × 81,5 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino (Italie)Vocabulaire :

Perspective : Elle désigne l'ensemble des règles de représentation des objets et des êtres donnant l'illusion de leur volume sur une surface plane en tenant compte des effets de l'éloignement et de leur position dans l'espace par rapport à l'observateur. On représente donc la profondeur et on donne l'ILLUSION de l'espace tridimensionnel. Il existe plusieurs types de perspective, leur complexité est fonction de leur réalisme. Champ : Espace limité (du tableau). Espace ou surface contenu(e) dans les limites d'un

cadre. / Hors-champ : ce qui est extérieur à l'espace englobé par l'image est situé hors-

champ.

Analyse de l'oeuvre :

Piero della Francesca (1420-1492) est à la fois peintre, mathématicien et théoricien de l'art italien de la Renaissance. Ses recherches scientifiques ont un grand impact sur son travail de peintre. Sa peinture devient ainsi le reflet des connaissances mathématiques de l'époque. À la Renaissance, les sciences se développent questionnant alors les vieilles représentations du monde basées sur les écrits bibliques. Les scientifiques se basent désormais sur l'observation de la nature et redécouvrent les écrits théoriques des mathématiciens de l'Antiquité tels ceux des pythagoriciens. Les peintres vont donc chercher à traduire dans leurs oeuvres ces théories mathématiques afin de donner une image de la perfection dans leurs tableaux. Dans la partie gauche du tableau, on peut voir cinq personnages. Le

personnage le plus à gauche est assis sur un trône surélevé par une estrade. Il est peint

de profil et regarde la scène qui se déroule devant lui. Trois personnages entourent un quatrième protagoniste à demi-nu attaché à une colonne. Les deux premiers nous tournent le dos, celui le plus à droite a le bras levé, il tient un fouet qu'il s'apprête manifestement à abattre sur le personnage ligoté. Cette scène se déroule sous une loggia ouverte sur une esplanade. Le volume est rythmé au sol par les motifs d'un pavement noir et blanc et, verticalement, par l'alignement d'une colonnade, dont les fûts cannelés sont surmontés de chapiteaux corinthiens. Le plafond est composé de caissons décorés d'écussons géométriques. Au centre d'un motif circulaire en marbre vert est dressée une colonne plus basse (où est attaché le personnage central) coiffée d'un chapiteau d'ordre ionique, surmontée d'une statuette dorée. Il existe différents types de colonne antique qui seront repris dans l'architecture de la Renaissance. Au fond, dans la paroi visible qui ferme la loggia, une porte en bois fermée et une autre ouverte sur une cage d'escalier baignée de lumière. L'esplanade, quant à elle, est pavée de céramique rouge et surlignée de bandes blanches.SÉQUENCE 2 : LA PERSPECTIVE Sur la partie droite, on peut voir trois personnages en pied habillés à la mode de la Renaissance. Deux sont de profil et semblent discuter entre eux, le troisième nous fait face mais semble regarder hors champ d'un air absent. On distingue une ville à l'arrière plan derrière eux : l'angle d'une maison au crépi rose dissimulant la partie

basse d'un campanile. Au fond, un bâtiment décoré, sur toute sa hauteur, de

céramiques (motifs géométriques et fleurs). Il y a différentes sources lumineuses dans le tableau. Les personnages du premier plan sont éclairés par la lumière naturelle du soleil. On voit que le ciel est bleu signe de beau temps. Au fond, de la scène de la flagellation, l'escalier est également

éclairé, sans doute mène-t-il vers l'extérieur ce qui expliquerait la lumière. Enfin, le

personnage attaché à la colonne est également éclairé par la droite mais d'une source que l'on ne voit pas. C'est peut-être une lumière symbolique qui l'éclaire. Autre particularité de l'oeuvre de Piero della Francesca, sa découpe temporelle. Selon un usage très développé déjà au Moyen Âge, le tableau met en parallèle deux scènes narratives appartenant à des époques différentes. Le procédé est habituel pour indiquer une relation de sens entre les deux scènes. Nous avons ainsi deux espaces avec deux histoires séparées par une forte séparation blanche, formée par une bande claire du dallage sur laquelle s'élève une colonne. C'est une césure visuellement très importante, que les différences d'échelle accentuent encore. Un jeu de regard s'installe alors entre ces deux espaces. À droite, les contemporains du peintre discutent au tout premier plan, les pieds presque posés au bord inférieur du tableau. La Flagellation semble se dérouler dans le lointain. Ainsi la profondeur spatiale du tableau est aussi une échelle de temps. L'espace de la peinture est un espace suggéré par une perspective à un point de fuite avec une ligne d'horizon basse donnant une vue en contre-plongée. Cela nous place alors plus bas que que les trois dignitaires du premier plan, qui paraissent

très grands, accentuant leur supériorité et domination de la scène de la flagellation dans

la loggia. Cet espace suggéré a donc deux espaces narratifs avec un premier plan où les trois personnages semblent discuter de ce qui arrive au deuxième plan. Cette mise en perspective est un déploiement dans le temps. La couleur rouge du dallage à l'horizontale croise le personnage central du premier plan en rouge pour créer le rectangle d'harmonie (nombre parfait) en s'appuyant sur le format de la peinture. L'artiste montre ainsi sa grande maîtrise des mathématiques. Mais la découpe géométrique de l'espace du tableau est singulière : bien que la perspective soit rigoureuse, il y a peu de diagonales ; les horizontales et les verticales dominent. Elles sont accentuées par la répartition des couleurs, trois tons

principaux très contrastés qui mettent en valeur les découpes des éléments

d'architecture en valeurs de gris du noir au blanc et le rouge des plaques du dallage. La gamme des variantes de rouge/violet est au premier plan sur les trois personnages et

en dégradé nous avons la même palette sur les personnages du second plan. Si on analyse le tableau en tenant compte de la perspective, on obtient une

sensation très forte de profondeur, mais le troisième plan en fond de loggia derrière la porte avec l'escalier empli de lumière interrompt cette profondeur et ramène la scène en avant plan. Et de même, si on regarde simplement les couleurs, on est plutôt frappé par une sensation de planéité de l'ensemble. Nous avons donc dans cette oeuvre, un espace littéral (son format), un espace suggéré (les espaces narratifs) et un espace symbolique (la vie du christ). Nous avons des temps juxtaposés : le temps réel, le temps suggéré, le temps symbolisé. L'histoire qui est représentée dans cette peinture rend compte de la

" Flagellation du Christ » dite aussi " Christ à la colonne ». Il s'agit d'un épisode de la

mythologie chrétienne issu du Nouveau Testament. C'est le sixième épisode (sur dix) de

la " Passion du Christ », c'est-à-dire l'ensemble des évènements qui ont précédé la

mise à mort de Jésus. Après avoir été condamné à mort par crucifixion, il est flagellé

avant d'être conduit sur le lieu de son supplice. Dans les textes, il est dit que le Christ est attaché à une colonne pour recevoir les coups de ses bourreaux. On se trouve donc, dans la partie gauche du tableau, dans le "prétoire", lieu où Ponce Pilate, le procurateur de Judée rend la justice. La flagellation du Christ est un tableau assez mystérieux dont il existe de nombreuses interprétations. Par ces jeux de perspective, l'artiste oriente le regard du spectateur dans l'espace du tableau qui du même coup à l'impression de participer à la scène. L'historien Kenneth Clark proposa le premier une explication, toujours en vigueur dans son principe : le tableau serait une métaphore de l'Église souffrante, flagellée, par la séparation entre Église d'Orient et Église d'Occident d'une part, par l'expansion de la puissance des Turcs musulmans qui, en 1453, se sont emparés de Constantinople, d'autre part. Dans cette hypothèse, le personnage de gauche serait identifié à Jean Bessarion, ambassadeur de l'Église d'Orient, venu demander l'aide de l'Occident contre les Turcs, et plaidant pour la réunification des deux Églises. Comme nous l'avons vu, dans La Flagellation du Christ, Piero della Francesca, par son utilisation d'un point de fuite perspectif très bas, nous fait entrer dans l'espace de la loggia et nous intègre à la scène de flagellation du Christ, tout en nous confrontant aux trois personnages qui nous font face. Nous avons également vu que les couleurs

utilisées par l'artiste créent une sensation de planéité et ramènent l'espace au premier

plan. Finalement, la perspective de cette peinture est annulée, tout est ramené au premier plan, celui du présent. C'est-à-dire la temporalité du spectateur. L'immobilité saisissante des trois personnages du premier plan est peut-être une façon de nous montrer que le temps ne passe pas, que l'oeuvre vit dans un éternel présent. Dans ce tableau, Piero della Francesca utilise la perspective comme outil de recherche et de connaissance du passé qu'il relie au présent. Son présent, notre présent de spectateur.quotesdbs_dbs7.pdfusesText_13

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