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LE BONHEUR DÉSESPÉRÉMENT ANDRÉ COMTE-?SPONVILLE

Pour André Comte-?Sponville c'est la philosophie qui peut nous mettre sur la voie du bonheur



LE BONHEUR

N'attendons pas d'être sages pour être heureux ni d'être heureux pour combattre le malheur. André Comte-Sponville. 1. Montaigne



Daprès le livre retranscription dun conférence dAndré Comte

retranscription d'un conférence d'André Comte-Sponville : « Le bonheur désespérément ». LE BONHEUR et la philo : « La philosophie est une activité qui ...



André Comte-?Sponville Bibliographie

Le bonheur désespérément



Liste des principaux livres écrits par André Comte-Sponville Les

Edition Adam Biro 1999. Le bonheur désespérément. Pleins Feux



La vie humaine - Psychaanalyse

Normalien et agrégé de philosophie André Comte-Sponville a longtemps été maître de (Albin Michel



P H IL O SO P H IE

à proportion du désespoir que nous serons capables de traverser. La sagesse est cela même : le bonheur désespérément. André Comte-Sponville 



Aimer. Thème ECG. 2021-2022.

1/ L'amour de Platon à Comte-Sponville Ed. Eyrolles.de Catherine Merrien. 2/ Le bonheur



André Comte-Sponville - Psychaanalyse

André Comte-Sponville né le 12 mars 1952 à Paris 16e



Projet de citations et de questions

Le bonheur désespérément / André Comte-Sponville. - Pleins Feux

Chapitre : Petites questions apéritives... 1 PHILOSOPHIE www.philocelo.fr Lycée Célony LE BONHEUR Nom : .................................................................. Prénom :..............................................................

Chapitre : Petites questions apéritives... 2 1 PETITES QUESTIONS APERITIVES... • C'est quoi le bonheur ? • Rechercher le bonheur est-ce le plus sûr moyen de se rendre malheureux ? • Doit-on tout sacrifier au bonheur ? • Est-il vrai que les gens heureux n'ont pas d'histoire ? • Pour être heureux faut-il être insouciant ? • Y-a-t-il une école pour apprendre à être heureux ? • Faut-il désirer pour être heureux ? • Le désir, c'est quoi ? • Peut-on désirer contre soi ? • Ne peut-on être heureux qu'aux dépends des autres ? • Faut-il être égoïste pour être heureux ? etc... 2 OUVERTURE : QU'ONT-IL VOULU DIRE ? • " J'ai reconnu mon bonheur au bruit qu'il a fait en partant » Arthur Schopenhauer • Le bonheur est... " un idéal de l'imagination » E. Kant 3 DESIR ET BONHEUR 3.1 QU'EST-CE QUE LE DESIR ? Il paraît difficile de parler du bonheur sans parler au préalable du désir. Mais qu'est-ce que le désir ? Communément, c'est un manque à combler...en effet, il est rare que l'on désire ce que l'on a déjà. Le désir serait donc " la recherche d'un objet que l'on imagine ou que l'on sait être source de satisfaction ». Mais chacun sait que tout désir satisfait va se fixer sur un autre objet...Et ce, indéfiniment ! Le désir Métivier http://www.youtube.com/watch?v=vtVxYcVfSeg&feature=relmfu Ollivier Pourriol le temps du désir (Cinéma) http://www.philocelo.fr/videos/bonheur/tice-le-temps-du-desir-ollivier-pourriol.html 3.2 DESIR, ENVIE, SOUHAIT, VOLONTE... Le désir se différencie de l'envie, du souhait et de la volonté et du besoin Envie Souhait Volonté Besoin : Désir éphémère Désir qui ne s'accompagne pas d'actions pour le réaliser. Désir réfléchi porté par des actions visant à le réaliser. C'est ce qui permet de rester vivant.(Objet ou acte ) . Ce qui est nécessaire à un être humain pour rester un être humain. On peut distinguer besoins naturels et besoins culturels.

Chapitre : Désir et bonheur 3 Mais il faut également différencier ... besoins naturels besoins culturels Nécessaires à la conservation de la vie. Identiques à tous les individus Non vitaux. Variables en fonction des individus 3.2.1 SPINOZA ET LE DESIR J'entends donc ici sous le nom de Désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme ; ils sont variables selon l'état variable d'un même homme, et souvent opposés les uns aux autres, au point que l'homme est entraîné en divers sens et ne sait où se tourner. Spinoza, Éthique, troisième partie, Définitions des sentiments: I trad. R. Caillois, Pléiade Gallimard 1954, pp. 525-526. Pour Spinoza, désirer, ce n'est plus seulement aimer ce qui nous manque, ce qui n'est pas, c'est au contraire aimer ce qui existe réellement et de manière effective. Pour lui, si en effet on se cond amne à n'aim er que ce qui est absent, c'est parce qu'en réalité on est incapable d'apprendre à aimer ce qui est, ce qui existe réellement. C'est lorsqu'on a perdu la capacité à nous réjouir de ce qui est, ce qui existe, que l'on en vient à désirer ce qui n'est pas, à vivre dans la tension du manque et de l'absence. Spinoza, philosophe de la joie https://www.youtube.com/watch?v=kldNafGeCBM&feature=related Deleuze et le désir http://www.youtube.com/watch?v=03YWWrKoI5A 3.2.2 ROUSSEAU ET LE DESIR Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'o n obtient que de ce qu'on espère, e t l'on n'est heureux qu 'avant d'êtr e heureux. (...) Vivre sans peine n'est pas un état d'homme ; vivre ainsi c'est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus supportable. Rousseau, la Nouvelle Héloïse (1761), Gallimard, coll. " Bibliothèque de la Pléiade », 1964 ; p. 693-694. 3.3 QU'EST-CE QUE LE BONHEUR ? " Qu'est ce que je serais heureux, si j'étais heureux ! " (Woody Allen). Le bonheur selon Aristote http://www.youtube.com/watch?v=tgTwUVcNNqw&feature=related L'aspiration de l'homme est-ce d'être heureux ? http://www.youtube.com/watch?v=gsjePvkh-Y8 Le bonheur est difficile à définir dans la mesure où il est une affaire individuelle : " Tous les homme s recherchent d' être heureux ; cel a est sans exception ; quelques différents moyens qu'ils y emploient, ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre, et que les autres n'y vont pas, est ce même désir, qui est dans tous les deux, accompagné de différentes vues. La volonté [ne] fait jamais la moindre démarche que vers

Chapitre : Le bonheur comme satisfaction de tous les désirs ? 4 cet objet. C'est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre » Blaise Pascal, Pensées. B 425. Etymologiquement, bonheur fait référence à " la chance, au hasard. » vient de l'expression " bon eür ». " Eür » est issu du latin augurium qui signifie " chance », c'est l'appui des dieux. Le bonheur est défini comme un état durable de satisfaction de tous les désirs. Est heureux celui qui ne so uffre plus d' aucun m anque ou frustration (dés ir insatisfait), ni d'aucune angoisse (peur qu'un désir se trouve insatisfait). (Voir la doctrine épicurienne du bonheur, selon laquelle le bonheur est un état de "plénitude", où ne subsiste aucun trouble de l'âme ni du corps.) Là aussi, on distinguera donc : PLAISIR BONHEUR Le plaisir est la sensation qui découle de la réalisation d'un désir* Le bonheur est l'état de celui dont tous les désirs sont satisfaits *Le désir se définissant comme une force psychique qui nous pousse vers quelque chose, que ce soit l'obtention d'un objet (matériel ou immatériel) ou la réalisation d'un acte. Est heureux celui qui ne souffre plus d'aucun manque ou frustration (désir insatisfait), ni d'aucune angoisse (peur qu'un dési r se trouve insat isfait). (Voir la doctrine épicurienne du bonheur , selon laquelle le bonheur est un é tat de "plénitude" , où ne subsiste aucun trouble de l'âme ni du corps.) Le bonh eur s'oppose au plaisir dans la mesure où il ne suffit pas d'avoir réalisé un désir pour être heureux. ac-nantes video - 1PLAISIR.mp3 Le bonheur, c'est la durée. La joie, c'est l'instant 4 LE BONHEUR COMME SATISFACTION DE TOUS LES DESIRS ? 4.1 PLATON, GORGIAS Platon philosophe grec né à Athènes (428-427 av. J.-C. à 348-347 av. J.-C1) contemporain de la démocratie athénienne Platon, disciple de Socrate, se détourne de sa carrière politique à la mort de son maitre. Pour lui, le monde sensible est faux et laid. Seul le monde intelligible, celui des Idées, mérite notre attention. Platon dans le Gorgias utilise le dialogue, comme dans la plupart de ses oeuvres. CALLICLÈS - si on veut vivre comme il faut, il faut laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, au lieu de les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir, elles et tous les désirs qui les accompagnent. Mais cela n'est pas, je suppose, à la portée de tout le monde. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que l'intempérance est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclave les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause de leur propre lâcheté. Car pour ceux qui ont hér ité du pouvoi r ou qui sont dans la capa cit é de s'en e mpar er (...) , pour ces

Chapitre : Le bonheur comme satisfaction de tous les désirs ? 5 hommes-là, qu'est-ce qui serait plus mauvais que la tempérance ? ce sont des hommes qui peuvent jouir de leurs biens, sans que personne n'y fasse obstacle (...) La vérité, que tu prétends chercher, Socrate, la voici : si la vie facile, l'intempérance, et la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité, ils font l'excellence et le bonheur. Tout le reste, ce ne sont que de belles idées, des conventions faites par les hommes et contraires à la nature, rien que des paroles en l'air, qui ne valent rien. SOCRATE - Ce n'est pas sans noblesse, Calliclès, que tu as exposé ton point de vue, tu as parlé franchement. Toi, en effet, tu as exposé clairement ce que les autres pensent mais ne veulent pas dire. Je te demande donc de ne céder à rien, en aucun cas ! Comme cela, le genre de vie qu'on doit avoir paraîtra tout à fait évident. Alors expliques-moi : tu dis que, si l'on veut vivre tel qu'on est, il ne faut pas réprimer ses passions, aussi grandes soient-telles, mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est-ce bien en cela que consiste [le bonheur et] l'excellence ? CALLICLÈS- Oui, je l'affirme ! SOCRATE- On a donc tort de dire que ceux qui n'ont besoin de rien sont heureux. CALLICLÈS- Oui, car, à ce compte, les pierres et les cadavres seraient très heureux. SOCRATE -Mais, tout de même, la vie dont tu parles, c'est une vie terrible ! (...) D'ailleurs, un sage fait remarquer que, de tous les êtres qui habitent l'Hadès, le monde des morts, -là il veu t pa rler du monde invisible- les plus ma lheureux sera ient ceux qui, n'ayant pu être initiés, devraient à l'aide d'une écumoire apporter de l'eau dans une passoire percée. Avec cette écumoire, toujours d'après ce que disait l'homme qui m'a raconté tout cela, c'est l'âme que ce sage voulait désigner. Oui, il comparait l'âme de ces hommes à une écumoire, l'âme des êtres irréfléchis est donc comme une passoire, incapable de rien retenir à cause de son absence de foi et de sa capacité d'oubli. Ce que je viens de te dire est, sans doute, assez étrange; mais, pourtant, cela montre bien ce que je c herche à te faire comprendre. Je veux te convaincre, pour autant que j'en sois capable, de changer d'avis et de choisir, au lieu d'une vie déréglée, que rien ne comble, une vie d'ordre, qui est contente de ce qu'elle a et qui s'en satisfait. Platon, Gorgias Thèse Calliclès Thèse Platon Métivier l'amour et Platon http://www.youtube.com/watch?v=6fW-Fxwl2RM Platon...Le http://www.youtube.com/watch?v=hwW7MNV5GD0 Banquet, Discours d'Aristophane

Chapitre : est-il possible d'etre heureux ? 6 Repère culturel : Le tonneau des Danaïdes Danaos fut contrai nt de marier ses cinquante filles aux cinquante fils de son fr ère Aegyptos, mais il ord onna à ses filles de poignarder leurs cou sins pendant la nuit de noc es (toutes obéirent sauf Hypermnestre). En punition les Danaïdes sont envoyés aux enfers et condamn ées à remplir éternellement d'eau une jarre percée. L'expression désigne donc l'accomplissement d'un châtiment, d'une peine, d'une tâche absurde et sans fin. L'aspiration de l'homme est-elle d'être heureux? http://www.youtube.com/watch?v=gsjePvkh-Y8&feature=player_embedded Joie selon Deleuze http://www.youtube.com/watch?v=9UeYEzSaUOA 5 EST-IL POSSIBLE D'ETRE HEUREUX ? 5.1 TEXTE 1 KANT : LE BONHEUR...UN IDEAL DE L'IMAGINATION Philosophe allemand, Emmanuel Kant (1724-1804) pose le devoir comme bien suprême. Il est le penseur de l'universel. D'où sa célèbre maxime : " Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre jamais simplement comme un moyen mais toujours en même temps comme une fin »,ou encore " agis de telle sorte que la maxime de tout action puisse être érigée en loi universelle de la nature ». [...] le malheur est que le concept du bonheur soit un concept tellement indéterminé' que, même si tout homme désire d'être heureux, nul ne peut jamais dire pourtant avec précision et en restan t cohérent avec soi-même ce que vraiment il souhaite et veut. [...] S'il v eut la richesse, combien de soucis, 5 quelle envie et que d'embûches ne risque-t-il pas d'attirer ainsi sur sa tête! S'il veut beaucoup de connaissances et de discernement, peut-être cela ne pourra-t-il qu e se transfo rmer en u n regard d'autant plus aiguisé pour lui montrer d'u ne façon seulement d'autant plus effrayante les maux qui jusqu'ici restent encore dissimulés à ses yeux et qui ne sauraient pourtant être évités, à moins que cela ne fasse que charger d'encore plus de besoins ses désirs, qu'il a déjà bien assez de difficulté à satisfaire. S'il veut une longue vie, qui va lui soutenir que ce ne serait pas là une longue misère ? S'il veut du moins la santé, combien de fois les ennuis physiques l'ont-ils préservé d'excès où l'aurait fait tomber une pleine santé, etc. Bref, il est incapable de déterminer selon un principe' avec une complète certitude ce qui le rendrait vrai ment heureux, - car pour cela l'omniscience s erait indispensable. [...J le bonheur est un idéal, non pas de la raison, mais de l'imagination. Emmanuel KANT, Métaphysique des moeurs, t. I, Fondation (1785), section, tra d. A. Renaut, Flammarion, coll. "GF » Figure 1 John Waterhouse, Le tonneau des Danaïdes

Chapitre : le bonheur...une illusion ? 7 A retenir 6 LE BONHEUR...UNE ILLUSION ? 6.1 TEXTE SCHOPENHAUER Né à Dantzig en 1788, Arthur Schopenhauer a déjà achevé à 30 ans son oeuvre majeure: "le Monde comme volonté et comme représentation» (1818-1819). Son succès sera aussi éclatant que tardif. Il meurt à Francfort en 1860, laissant son caniche pour seul héritier. 6.1.1 TEXTE 1 "J 'ai reconnu mon bonheur au bruit qu'il a fait en partant »... " Nous ressentons la douleur, mais non l'absence de douleur ; le souci, mais non l'absence de souci ; la crainte, mais non la sécurité. Nous ressentons le désir, comme nous ressentons la faim et la soif ; mais aussitôt que le désir est rempli, il devient comme les aliments dont la saveur disparaît dès qu'on les avale. Nous remarquons douloureusement l'absence des joies et des plaisirs, et nous les regrettons aussitôt ; au contraire, la disparition de la douleur, alors même que nous l'avons ressentie pendant longtemps, n'est pas véritablement ressentie ; nous y pensons à la rigueur parce que nous décidons d'y penser (...). Seules, en effet, la douleur et la privation peuvent produire une impression active, et par là se dénoncer elles-mêmes. Le bien-être, au contraire, ne se manifeste que par son absence. Aussi n'apprécions-nous pas les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et la liberté, tant que nous les possédons ; pour en comprendre la valeur, il faut que nous les ayons perdus (...). Que notre vie était heureuse, nous ne nous en apercevons qu'au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. » Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, 1859). A retenir

Chapitre : le bonheur...une illusion ? 8 6.1.2 TEXTE 2 La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif, en elle, rien de positif. Il n'y a pas de satisfaction qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous , il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or, avec la satisfaction cesse le désir, et par c onséquent la jouissance aussi. Donc la satisf action, l e contentement, ne sauraient être qu'une délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin , sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Schopenhauer, Monde comme Volonté et comme Représentation (Livre IV, §58) A retenir http://www.youtube.com/watch?v=9tnuxV6eSvk 6.1.3 LA METHODE SCHOPENHAUER (ARTICLE DU NOUVEL OBS) Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir paisiblement envisager la vie humaine, la sienne en particulier, comme "une perturbation inutilement pénible dans le bienheureux repos du néant». Il est très facile d 'être extrêmem ent malheureux au cours d'une vie. Il est tout à fait impossible, en revanche, d'être très heureux, soulignait Schopenhauer. Même le plus favorisé des hommes a nécessairement des proches qu'il verra mourir un jour. Ou un chien, à défaut. Ou une maîtresse qui le quittera.... Nul n'échappe jamais tout à fait à l'infinie douleur que contient chaque parcelle d'un monde aussi d iaboliquement agencé. Il est donc puéri l de croire que nous sommes là pour conquérir le bonheur. Tout au plus peut-on tenter de s'organiser militairement contre la souffrance. Ou, en langage schopenhauérien : la seule définition possible d'une vie heureuse serait une existence qui, après mûre et froide réflexion, pourrait être tenue pour préférable au fait de ne pas avoir existé. C'est peu, on en conviendra. C'est même la plus triste figure du bonheur qui se puisse concevoir, diront certains. C'est déjà bien, au dire de Schopenhauer L'inconvénient d'exister Pour élaborer ce genre de vues réjouissantes, le génie de Francfort s'est beaucoup inspiré, on le sait, de la pensée bouddhiste, la vraie, non pas celle édulcorée par de récents disciples médiatiques. Schopenhauer savait que l'atteinte du nirvana, cet état de quiétude parfaite vis é par la tradition hindoue, exige avant tout l'extinction du désir, source perpétuelle d'espoirs trompés et de souffranc es Figure 2 Pierer Claesz (Steinfurth, Westphalie ca 1597-98 - Haarlem 1661)

Chapitre : le bonheur...une illusion ? 9 inexprimables. Il ne serait pas faux no n plus d'envisage r ses vues comme une longue méditation de l'Ecclésiaste: "Tout est vanité.» Tant que dure la vie humaine, en effet, la quête du bonheur se fixe sur certaines images communes, souvent héritées de l'enfance, de vrais lutins qui nous harcèlent et qui sitôt atteints s'évanouissent, ne tenant rien de ce qu'ils promettaient. Le mieux que l'on puisse souhait er est donc de parvenir au s tade où l 'on comprend que toutes les n oix sont creuses, aussi dorées qu 'elles pui ssent sembler. "Quiconque, s'étant pénétré des enseignements de ma philosophie, sait que toute notre existence est une chose qui devrait plutôt ne pas être, et que la suprême sagesse consiste à la nier et à la repousser.» Dans un monde où c'est la médiocrité qui gouverne et la sottise qui parle haut, chacun doit se barricader en soi pour se garder du pire. On n'est pas loin ici de la "citadelle intérieure» préconisée par la sagesse stoïcienne. Cette forteresse-là, avertit Schopenhauer, doit avoir les bases les plus étroites possible. Plus on cultive d'affections diverses, plus on prend d'intérêt aux affaires extérieures, plus on s'expose. Le bonheur passe par l'autosuffisance. Un état qui a moi ns à voir avec l'égoïsm e bourgeois qu'avec le retranchement bienheureux de l'artiste, du penseur, ou de tout grand caractère capable de tirer toute sa joie de son fonds propre. Seul le gisement des jouissances spirituelles est inépuisable. Malheur en revanche à ceux qui doivent sans relâche s'aventurer hors de leurs gonds pour tuer l'ennui - soit les cinq sixièmes de l'humanité à ses dires. Les plaisirs sensuels sont les seuls qu'ils puissent réellement entendre. On en a vu pour qui "les huîtres et le champagne constituent le summum de l'existence», note comiquement le misanthrope. Contraints de cultiver toutes sortes de dadas plus ou moins ineptes, les hommes peuvent aussi choisir de se noyer dans le travail, les mondanités, les soucis domestiques ou les sous-vêtements féminins. Seulement voilà, dès que l'on sort de soi-même, il n'y a que des coups à prendre et de mauvaises rencontres à faire. Même les réunions amicales sont à limiter, tant elles supposent de lâches compromis pour se rendre compatible, ou simplement supportable. "Qui n'aime pas la solitude n'aime pas la liberté, car on est libre qu'en étant seul.» Résumons... Pour Schopenhauer, le bonheur est précisément ce dont nous ne pouvons jamais jouir, parce qu'il repose sur un état de satisf action des dé sir s ; or un désir sa tisfai t disparaît. Par conséquent, pour Schopenhauer, le bonheur est par définition un état dans lequel nous ne sommes pas encore (c'est l' état que l'on rêve et dans lequel un dé sir qui se révèle actuellement à nous en tant que manque sera satisfait), ou dans lequel nous ne sommes plus (l'état que l'on se remémore et dans lequel un désir qui est actuellement frustré se trouvait satisfait.) Nous ne prenons conscience d'un désir que lorsqu'il est frustré, lorsque son objet manque : il va donc de soi que nous sommes incapables de jouir de ceux de nos désirs qui sont satisfaits. Nous ne pre nons consci ence de cette satisfaction que lorsqu'elle a cess é (nostalgie), ou lorsqu'elle n'est pas encore réalisée (attente). C'est le paradoxe du désir :Tant que le désir est insatisfait, j'en suis conscient, j'en souffre, l'absence de l'objet cause un sentiment de frustration. Mais dès qu'il est satisfait, le désir disparaît. Par conséquent, il ne peut y avoir de plaisir que dans le bref instant où la sensation de manque disparait, ou la frustration est en train de disparaître ; mais dès que la satisfaction est effectuée, je ne peux plus jouir de la satisfaction de mes désirs, puisque je ne suis même plus conscient de désirer quelque chose. On pourrait donc dire du désir qu'il vise un état de satisfaction qui, en lui-même, ne cause aucun plaisir. Car il ne peut y avoir plaisir que là où il y a désir : et un désir satisfait... disparaît. De la l ogique p aradoxale du désir décou le, selon Schopenhauer, que le b onheur es t absolument inaccessible à l'homme. Non pas parce que ses désirs seraient impossibles à satisfaire ; mais parce que l'homme ne prend conscience de ses désirs que lorsqu'ils ne sont pas satisfaits. Si le bonheur est l'état de satisfaction de tous les désirs, il est par excellence l'état dont on ne se rend pas compte ! Bref : le bonheur est par nature ce qui n'est plus, ou pas encore. C'est le paradoxe du désir :Tant que le désir est insatisfait, j'en suis conscient, j'en souffre, l'absence de l'objet cause un sentiment de frustration. Mais dès qu'il est satisfait, le désir

Chapitre : le bonheur...une illusion ? 10 disparaît. Par conséquent, il ne peut y avoir de plaisir que dans le bref instant où la sensation de manque disparait, ou la frustration est en train de disparaître ; mais dès que la satisfaction est effectuée, je ne peux plus jouir de la satisfaction de mes désirs, puisque je ne suis même plus conscient de désirer quelque chose. On pourrait donc dire du désir qu'il vise un état de satisfaction qui, en lui-même, ne cause aucun plaisir. Car il ne peut y avoir plaisir que là où il y a désir : et un désir satisfait... disparaît. Schopenhauer et les porcs epics http://www.youtube.com/watch?v=q3SQIp3IJbk 6.2 S. FREUD Sigmund Freud (1856 - 1939 ) est un médecin neurologue juif autrichien, pionnier de la psychanal yse. Sa te chnique du dévoilement de l'inconscient aura un succès considérable dans les pratiques thérapeutiques du 20è me siècle et un retentissement dans de nombreux domaines de pensée. Ce qu'on nomme bonheur, au sens le plus strict , résulte d'une satisfaction plutôt soudaine des besoins aya nt atteint une ha ute tension, et n'est possible de par sa nature que sous form e de phénom ène épisodique. Toute persistance d'une situation qu'a fait désirer le principe de plaisir1 n'engendre qu'un bien-être assez tiède ; nous sommes ainsi faits que seul le contraste est capable de nous dispe nser une jouissance intense , alors que l'état en lui-même ne nous en procure que très peu. Ainsi nos facultés de bonheur sont déjà limitées par notre constitution. Or, il nous est beaucoup m oins diffi cile de fai re l'expéri ence du malheur. La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre propre corps qui, destiné à la déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d'alarme que constituent la douleur et l'angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invinci bles et inexorables pour s'a charner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains. La souffrance issue de cette source nous est plus dure peut-être que tout autre ; nous sommes enclins à la considérer comme un accessoire en quelque sorte superflu, bien qu'elle n'appartienne pas moins à notre sort et soit aussi inévitable que celle dont l'origine est autre. Sigmund FREUD, Le Malaise dans la culture (1930), trad. R. Cotet, L. Lainé, J. Stute-Cadiot, PUF, coll. "Quadrige», 6' éd., 2004 A retenir Sur le texte : http://www.youtube.com/watch?v=L0MDoh4MB3M 1 Freud différencie principe de plaisir et principe de réalité.

Chapitre : apprendre a etre heureux ? 11 Faire le point (1) ! 7 APPRENDRE A ETRE HEUREUX ? 7.1 HORACE ET LE CARPE DIEM Ne cherche pas - savoir est interdit - pour moi, pour toi, quelle fin les dieux ont ordonnée, Leuconoé, ni ne te risque aux calculs babyloniens. Mieux vaut prendre les choses comme elles viendront. Que Jupiter t'ait accordé de plus nombreux hivers ou que celui-ci soit le dernier, qui épuise à l'assaut de ces rochers usés la mer Tyrrhénienne, avec sagesse, filtre ton vin, taille à la mesure de l'instant la durée de ton espérance. Nous parlons et voici jaloux le temps a fui. Cueille chaque jour, ne fais pas crédit à demain. Horace, Odes I,1 Traduction Danielle Carlès Comment définiriez-vous le carpe diem ? Carpe diem, pour dissiper quelques malentendus, David LEBRETON http://www.youtube.com/watch?v=COkddt-9_1Y&feature=player_embedded#! carpe_diem_lebreton.mp3

Chapitre : apprendre a etre heureux ? 12 7.2 EPICURISME Une vie de nouba perpé tuelle co ntre une existenc e de fakir masochiste... Voilà, à peu de choses près, la caricature qui colle à la peau des deux plus grandes écoles ri vales de la pensée grecque, apparues à Athènes(... ). Epicurisme contre stoïcisme, philosophie du plaisir contre philosophie de la vertu. partant de principes si opposés, le sage épicurien ne menait pas une vie si éloignée de celle de l'austère stoïcien. (source Nouvel Observateur) Epicure ( 341 av. JC - 270 av JC) A partir de - 310 : Epicure commence à enseigner sa propre doctrine philosophique, d'abord à Mytilène puis à Lampsaque. Puis il retourne à Athènes et fonde son Ecole, le Jardin. Au Jardin, cette enclave retirée de la cité où il avait installé sa communauté en 306 avant Jésus-Christ, Epicure lui-même professe et pratique un hédonisme2 ascétique. Sa nourriture se limi te à un peu de pain et d'e au, tout juste "un pe tit pot d e fromage» pour faire "bombance». Et quand il ne se consacre pas à ses cours, il écrit. On est loin de l'image des "pourceaux» bâfreurs et oisifs décrits par les détracteurs du mouvement. Alors qu'en est- il du bonheur divin promis par le maître du plaisir? Une publicité mensongère? Quand, dans la "Lettre à Ménécée», Epicure fait du plaisir "le souverain bien», il reconnaît d'emblée que ce ne sont pas les "beuveries continuelles» qui rendent la vie heureuse, ni les "plaisirs des débauchés, ni ceux qui consistent dans les jouissances matérielles». Mais au contraire "une raison vigilante qui cherche minutieusement les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter». Pour celui que ses ennemis accusèrent de n avoir pas quitté sa litière par flemme quand il demeurait torturé par une dysenterie, le plus grand plaisir réside dans l'absence de troubles de l'âme et du corps: l'ataraxie, cette quiétude souveraine visée par toutes les morales antiques. Métivier : le désir selon Epicure http://www.youtube.com/watch?v=4JOwkoDqoTY Epicure construit un système plaçant au-dessus de tout l'art de ne pas souffrir. Ici, ll n'est pas question de jugement moral. L'épicurisme ne condamne pas. Chacun est libre de s'autoriser à l'occasion quelques extras. Mais certains plaisirs, on le sait, se paient de beaucoup de chagrins. Dès lors, un précautionneux calcul des peines et des plaisirs s'impose. Il y a 4 principales causes du trouble de l'âme : la crainte des dieux, la crainte de la mort, la crainte de la douleur, l'excès (les désirs illimités) Mais il existe aussi des remèdes : Ø Ne pas craindre le s dieux, qui vivent dans des mondes séparés du nôtre, et ne s'occupent pas des affaires des hommes. Pour Epicure, il n'existe que les atomes et le vide. Et tous les êtres ne sont que des composés d'atomes. Et c'est le hasard qui ordonne le monde et non une finalité ou une Instance supérieure. Quant aux dieux, ils sont la plus parfaite combinaison d'atomes. (Mais ils sont néanmoins immortels et bienheureux. Ce qui peut paraitre paradoxal.) Ø Ne pas craindre la mort : elle ne fait pas souffrir, pas plus que la décomposition des corps. Tout est dans la sensation. or la mort étant privation de sensation : " quand nous sommes, la mort n'est pas présente ; et que quand la mort est présente, alors nous ne sommes pas ». Ø Ne pas craindre la douleur : par notre volonté, on peut la limiter ; si elle est trop forte, on peut l'endurer ou bien on en meurt, mais il faut à tout prix tâcher de l'éviter. 2 Hédonisme : Recherche du bonheur associant plaisir et vertu

Chapitre : apprendre a etre heureux ? 13 Ø Ne pas vivre dans l'excès : le bonheur terrestre est possible ; les sens permettent de l'atteindre mais l'excès devient un mal. Il faut donc vivre dans la simplicité, dans la tempérance (c'est l'adage : " Nihil nimis » : rien de trop ) Il faut donc nous libérer des innombrables faux besoins. Tout désir n'est pas à satisfaire. Pour le sage du Jardin, ils sont de trois sortes: 7.2.1 TEXTE EPICURE 1 Prends l'habitude de penser que la mort n'est rien pour nou s. Car tout bien et t out mal résident dans la sensation : or la mort est privation de toute sensibilité. Par conséquent, la connaissance de cette vérité que la mort n'est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle, non pas en y ajoutant la perspective d'une durée infinie, mais en nous enlevant le désir de l'immortalité.(...) Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d'horreur, la mort, n'est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc la mort n'existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu'elle n'a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus. Mais la multitude tantôt fuit la mort comme le pire des maux, tantôt l'appelle comme le terme des maux de la vie. Le sage, au contraire, ne fait pas fi de la vie et il n'a pas peur non plus de ne plus vivre : car la vie ne lui est pas à charge, et il n'estime pas non plus qu'il y ait le moindre mal à ne plus vivre. De même que ce n'est pas toujours la nourriture la plus abondante que nous préféron s, mais p arfois la plus agr éable, pareillement ce n'est pas toujours la plus longue durée qu'on vent recueillir, mais la plus agréable. Quant à ceux qui conseillent aux jeunes gens de bien vivre et aux vieillards de bien finir, leur conseil est dépourvu de sens, non seulement parce que la vie a du bon même pour le vieillard, mais parce que le soin de bien vivre et celui de bien mourir ne font qu'un. Epicure, Lettre à Ménécée A retenir

Chapitre : Le paradoxal bonheur stoicien 14 7.2.2 TEXTE EPICURE 2 Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que parmi les premiers il y en a qui sont nécessaires et d'autres qui sont naturels, seulement. Parmi les nécessaires il y en a qui le sont pour le bonheur, d'autres pour la tranquillité continue du corps, d'autres enfin pour la vie même. Une théorie non erronée de ces désirs sait en effet rapporter toute préférence et toute aversion à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme, puisque c'est la perfection même de la vie heureuse. Car tous les actes visent à écarter de nous la souffrance et la peur. Lorsqu'une fois nous y sommes parvenus, la tempête de l'âme s'apaise, l'être vivant n'ayant plus besoin de s'acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni de chercher autre chose pour parfaire le bien de l'âme et celui du corps. C'est alors en effet que nous éprouvons le besoin du plaisir quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur ; mais quand nous ne souffrons pas, nous n'éprouvons plus le besoin du plaisir. Et c'est pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse. C'est lui en effet que nous avons reconnu comme bien principal et conforme à notre nature, c'est de lui que nous partons pour déterminer ce qu'il faut choisir et ce qu'il faut éviter, et c'est à lui que nous avons finalement recours lorsque nous nous servons de la sensation comme d'une règle pour apprécier tout bien qui s'offre. A retenir Autour d'Epicure et la lettre à Ménécée http://www.dailymotion.com/video/xzlqn_epicure-lettre-a-menecee_school 8 LE PARADOXAL BONHEUR STOICIEN 8.1 EPICTETE Epictète (50-130) : Stoïcien ( philosophes du Portique, le stoa) Pour les stoïciens, le sage est celui qui met en conformité ses actions avec l'ordre de la nature. Le stoïcisme vise lui aussi l'ataraxie mais par la vertu et la raison. Epictète et le stoïcisme http://www.youtube.com/watch?v=eTplyIXDIRs&feature=player_embedded Il y a ce qui dépend de nous, il y a ce qui ne dépend pas de nous. Dépendent de nous l'opinion, la tendance, le dé sir, l'av ersion, en un mot toutes nos oeuvr es propres ; ne dépendent pas de nous le corps, la richesse, les témoignages de considération, les hautes charges, en un mot toutes les choses qui ne sont pas nos oeuvres propres.

Chapitre : Le paradoxal bonheur stoicien 15 Les choses qui dépendent de nous sont naturellement libres, sans empêchement, sans entrave ; celles qui ne dépendent pas de nous sont fragiles, serves, facilement empêchées, propres à autrui. Rappelle-toi donc ceci : si tu prends pour libres les choses naturellement serves, pour propres à toi-même les choses propres à autrui, tu connaîtras l'entrave, l'affliction, le trouble, tu accuseras dieux et hommes ; mais si tu prends pour tien seulement ce qui est tien, pour propre à autrui ce qui est, de fait, propre à autrui, personne ne te contrai ndra ja mais ni ne t'empêchera, tu n'adresseras à personne accusation ni reproche, ni ne feras absolument rien contre ton gré, personne ne te nuira ; tu n'auras pas d'ennemi ; car tu ne souffriras aucun dommage. Toi donc qui poursuis de si grands biens, rappelle-toi qu'il faut, pour les saisir, te remuer sans compte r, renoncer complètement à certaines choses, et en diff érer d'autres pour le moment. Si, à ces biens, tu veux joindre la puissance et la richesse, tu risques d'abord de manquer même celles-ci, pour av oir poursuivi ceux-là, et de toute f açon tu ma nqueras assurément les biens qui seuls procurent liberté et bonheur. Aussi, à propos de toute idée pénible, prends soin de dire aussitôt : " Tu es une idée, et non pas exactement ce que tu représentes. » Ensuite, examine-la, éprouve-la, examine-la selon les règles que tu possèdes, et surtout selon la première, à savoir : concerne-t-elle les choses qui dépendent de nous ou celles qui ne dépendent pas de nous ? Et si elle concerne l'une des choses qui ne dépendent pas de nous, que la réponse soit prête : " Voilà qui n'est rien pour moi. » Épictète, Manuel I, traduction J. Pépin, dans Les Stoïciens, éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1962, p. 1110. A retenir 8.2 LE STOICISME PAR ROGER POL ROUX Article le Point | 05/08/2010 Heureux dans le pire. Etonnants stoïciens. Selon eux, rien n'entame le bonheur du sage. Maladie, pauvreté, exil, prison... pas un malheur ne l'affecte. Mais de quel bonheur s'agit-il au juste ? Et quelle leçon en tirer aujourd'hui ?

Chapitre : Le paradoxal bonheur stoicien 16 Le taureau de Phalaris. Un tyran, un supplice et un paradoxe ouvrent l e chemin. Le tyran se nomme Phalaris. Il règne par la terreur et l'assassinat, comme il se doi t, et passe pour singulièrement dépravé- on lui attribue une attirance pour le cannibalisme. Cette réputation fait que, dans l'A ntiquité, le nom de cet homme, qui régna sur Agrigente au VIe siècle avant notre ère, de vint synonyme de cruauté extrême. Pour plaire à Phalaris, un sculpteur eut une idée de supplice artistique. Il fabriqua un vaste taureau d'airain, aux naseaux garnis de flûtes. Quand le tyran voudra se déb arrasser d'un adversaire, il suffira d'intr oduire ce malheureux dans le taureau et d'allumer le feu sous la sta tue. Le gêneur meurt atr ocement mais, en hurlant, fait résonner harmonieusement les flûtes. Pour les Anciens, le taureau de Phalaris a symbolisé l'horreur absolue : souffrance sans échappatoire, mort honteuse dans l'obscurité et les suffocations, sous les rires d'un maître sanguinaire. Pourtant, voilà qu'on n ous dit que, même dans cette sit uation de malheur extrême, le sage stoïcien serait h eureux ! B on nombre de textes grecs et latins jusqu'à Cicéron reprennent en effet cette affirmation diffici le à croi re pour l'homme oc cidental contemporain. Voilà donc le paradoxe à examiner : Dans l'agonie la plus effroyable et la plus injuste, comment demeurer inaltérablement serein et souverainement heureux ? Même en faisant sa part à l'exagération, il faut interroger cet exemple. Etre heureux quoi qu'il advienne, est-ce concevable ? Par quels moyens ? Quel genre de bonheur est-ce là ? A ces questions, les stoïciens ont répondu, en paroles et en actes, cinq siècles durant. Ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas. En effet, c'est vers 300 avant notre ère que Zénon de Citium commence à enseigner cette doctrine nouvelle. Il réunit ses premiers disciples, sur l'agora d'Athènes, sous le Portique peint ou Poecile (Stoa Poikilè) - le nom va leur rester : les gens du Portique, stoikoï, les stoïciens. Phénicien d'origine, Zénon est arrivé jeune dans la capitale de la philosophie. Sa cargaison de pourpre s'étant abîmée en mer, il est ruiné mais s'intéresse à la sagesse. Aucun des cours qu'il suit ne le satisfait . C'est pourquoi il finit par fonder sa propre école, destinée à changer de vie plutôt qu'à discourir. Le succès du stoïcisme commence : " Il enseigne la faim et trou ve des disciples ", so uligne une comédie de l'époque. Figure 3 Empereur Marc Aurele Quelques siècles plus tard, quand l'empereur Marc Aurèle meurt sur les bords du Danube, en 180 de notre ère, le stoï cisme est une doctrine au faîte de sa gloire. Elle rassemble les meilleurs esprits de Rome, influen ce d'innombrables oeuvres. (...) La mani ère la plus simple d'' aborder l a morale stoïcienne e st fournie par Epictète.

Chapitre : Le paradoxal bonheur stoicien 17 Ancien esclave, cet homme austère enseigne, vers le début du IIe siècle de notre ère, les moyens d'atteindre le bonheur dans un monde hostile. Leçon 1 : discerner clairement entre les faits et nos représentations. L'essentiel ne se joue pas dans les circonstances, mais dans ce que nous en pensons. J'ai un accident, je suis blessé, il m'en restera des séquelles - voilà des faits, je n'y peux rien. En revanche, vivre cette épreuve comme une catast rophe dépriman te ou comme un défi stimulant, pour Epictète, cela ne dépend que de moi. Règle d'or de ce stoïcisme : distinguer entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas. Notre volonté, nos pensées, nos représentations et nos jugements sont en notre pouvoir. Pourquoi ? Parce que nous sommes, par nature, des êtres doués de raison : la raison en nous commande si rien ne l'entrave. Nous sommes donc radicalement libres, au sens où rien au monde ne peut faire plier notre volonté ni manipuler notre pensée. Impossible de faire que nous voulions ce que nous ne voulons pas. La volonté pensante est une forteresse. Le tyran peut toujours menacer, emprisonner, torturer, exécuter ; jamais il n'aura le pouvoir de faire que je ne pense pas ce que je pense. Ce que je veux, juge et décide ne dépend que de moi. Ce principe directeur interne est notre " citadelle intérieure ". Imprenable et invincible. Reste à savoir comment elle peut nous préserver du malheur, et si cela suffit à être heureux. Au début du " Manuel " d'Epictète, la liste des choses qui " ne dépendent pas de nous " peut surprendre : le corps, la richesse, la réputation, le pouvoir. Il semble évident que nous ne sommes pas dépourvus d'action dans ces domaines. Ne faisons-nous pas ce que nous pouvons pour être en bonne santé ? Pour améliorer nos revenus, pour éviter la misère ? Du coup, on peut avoir du mal à comprendre que tout cela ne dépende pas de nous. En fait, jamais les stoïciens ne nient l'existence de ces actions ni ne conseillent de les abandonner. Ce qu'ils soutiennent es t plus subtil. Quels que soien t nos effort s pour être prospère, le résultat n'est jamais garanti. Par définition, nous ne maîtrisons pas le hasard : malgré nos soins, peuvent nous tomber dessus maladie, misère, calomnie, disgrâce. Le bonheur ne peut donc être assuré par aucune circonstance extérieure - qu'elle soit corporelle, financière ou social e. Nous ne contr ôlons ab solument que notre volonté pensante. C'est donc elle seule qui doit pouvoir nous permettre d'être heureux, dans toutes les situations, même les pires. Ainsi, quoi que le s ort lui réserve, le sage stoïc ien va pouvoir demeurer inaccessible au malheur. Il peut être, comme dit Epictète," malade et heureux, en danger et heureux, mourant et heureux, exilé et heureux, méprisé et heureux ". Le contresens : imaginer le stoïcien masochiste. Croire que la souffrance le rend heureux serait une complète erreur. En fait, la douleur lui est aussi indifférente que le plaisir : dans ce domaine, rien ne l'atteint, car tout ce qui est hors de notre pouvoir lui paraît indifférent. Mais il n'entre aucune volonté de mortification dans cette stratégie de séparation radicale entre circonstances et jugements. Les stoïciens parviennent même à combiner l'" indifférent " et le " préférable ". Sauf cas particulier, rechercher la maladie, la misère ou l'humiliation est insensé. Santé, richesse, pouvoir sont donc préférables. Mais, d'un autre côté, ce sont aussi des choses indifférentes, car leur perte aux yeux des stoïciens est sans conséquences : ces éléments extérieurs ne conditionnent pas leur bonheur. Citadelle intérieure. Protégé des fluctuations du hasard, blindé contre les coups du sort et les revers de fortune, voilà donc notre stoïcien... stoïque - impassible et indestructible. Mais heureux ? En quel sens ? Pour l'entrevoir, il reste à faire un autre chemin. Car le sage ne s'est pas seulem ent soustr ait au malheur, mais de man ière positive il veut le bien, pratique la vertu, aime la totalité du cosmos et vit selon la nature. Pour lui, ce ne sont pas là des activités distinctes, mais une seule et même façon de conduire son existence - en l'occurrence, celle qui rend heureux. Assurément, ce bonheur du sage est loin de ce que nous nommons communément par ce terme. Dans la conception usuelle, il entre toujours une part de plaisir et une part d'aléatoire - qui rend à nos yeux le bonh eur toujours fragile, exposé , destructible. Aristote, dans l'"

Chapitre : Le paradoxal bonheur stoicien 18 Ethique à Nicomaque ", est plus proche de cette vision commune que les stoïciens : un homme heureux se reconnaît selon lui à une certaine combinaison d'honnêteté, d'aisance matérielle et de reconnaissance sociale. C'est seulement après sa mort qu'on pourra dire que sa vie a été heure use car , tant qu'il vit, un cataclysme peut tout remettre en question, transformer en naufrage cette existence réussie. Aux yeux d'Aristote, si la vertu est bien une condition nécessaire du bonheur, elle n'est pas suffisan te. Au cont raire, aux yeux des stoïciens, la vertu suffit entièrement à être heureux. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Le coup de génie de Zénon de Citium fut de faire fusionner la raison, la nature et le bien. C'est une seule et même chose, pour un stoïcien, de vivre selon la raison et la nature. Le sage, en désirant le bien, ne veut rien d'extérieur au monde, rien même de différent de ce qui est. Il ne veut pas autre chose que l'ordre du monde tel qu'il est, dans sa cohérence profonde et son harmonie intelligente. Car, à la base du stoïcisme, se tient la conviction que le cosmos est ordonné, que tout s'y enchaîne et qu'il appartient à chacun d'y jouer sa partition. La vertu n'e st rien d'autre, et ell e émane de nos instinct s, si nous savons les comprendre. Nous nous trompons donc si nous imaginons que la " vertu " consiste à suivre un idéal, un modèle hors du monde, une valeur transcendante. Ce n'est pas du tout ce que les stoïciens ont en tête. La vertu, finalement, n'est pour eux rien d'autre que la vie, conduite selon cette vue exacte que la raison nous permet d'avoir de la nature et de nous-même. Si la vertu procure le bonheur, ce n'est donc pas comme conséquence d'un moralisme. Le bonheur n'est pas la récompense du vertueux, un supplément résultant de sa bonne conduite. Pour les stoïciens, il est rigoureusement identique à la vie sage et ne s'en distingue pas. Ce n'est donc pas un bonheur simplement négatif. L'accent mis sur l'absence de troubles (l'ataraxie) et l'absence de passions (l'apathie) risque de faire oublier qu'il ne s'agit pas seulement de se soustraire au malheur. Le stoïcien est heureux parce qu'il ne fait qu'un avec l'ordre du cosmos. Le malheur des hommes : ne pas se servir de leur raison, se tromper de bien, poursuivre des chimères en les croyant réelles. Le bonheur du sage : ne vouloir que le bien, comprendre l'ordre du monde et la place de chacun, acquiescer au destin. La citadelle intérieure n'est donc pas seulement un refuge. C'est un lien avec le monde et les autres. Ce n'est pas par hasard que les stoïciens ont insisté sur le cosmopolitisme, l'égalité des hommes, la dignité des esclave s et la pa rticipation du sage aux affaire s de la Cité. L'entente et la coopération appartiennent à l'ordre de la nature - il convient de les restaurer chaque fois que les égarements de la civilisation viennent les perturber et menacent de les détruire. Sur le stoïcisme http://www.youtube.com/watch?v=d0-4zBKOR0Q http://www.youtube.com/watch?v=pUqbFN96QdQ&feature=related Prière de Marc Aurèle http://www.dailymotion.com/video/x1ewqm_marc-aurele-priere-au-monde_creation

Chapitre : Le paradoxal bonheur stoicien 19 8.3 LE STOICISME ET L'EPICURISME : SIMILITUDES ET DIFFERENCES Le but de ces deux philosophies est le bonheur, la sérénité, la tranquillité de l'âme. EPICURISME STOICISME Nom Du nom de son fondateur... Lieu : Le Jardin Vient de la Stoa, qui est le portique, l'allée couverte où l'on enseignait cette philosophie à Athènes. Origine fondateur Epicure (341-270 av. J.-C.). fondé par Zénon de Citium (336-264 av.J.-C.). Conception Du monde Hasard une philosophie matérialiste qui conçoit le monde comme une matière elle-même composée d'atomes. Les dieux n'interviennent pas Pas de hasard Il existe une providence divine, un Dieu qui organise la matière (la Nature) l'homme doit donc donner se conformer à l'ordre du monde. But Vies ascétique pour passer sereinement une vie considérée comme brève Le " summum bonum » (l e souverain bien), c'est-à-dire ce que l'on cherche à atteindre, est la vertu, la beauté morale. Morale Ses princi pes se résument au tétrapharmakon (4 remèdes). Ne pas craindre les dieux Ne pas craindre la mort Ne pas craindre la douleur Ne pas vivre dans l'excès Il faut éviter les pa ssions, ce qui trouble l'âme. Il faut agir sur ce qui dépend de nous. P uisqu'on ne peut éviter la douleur, il faut l'affronter et accepter le malheur , nécessai re à l'ordre du monde. Ces troubles sont envoyés par le destin (" fatum ») qui gouverne le monde. Les stoïciens sont des athlètes de la vertu et du courage ; ils font preuve de volonté, de constance, de grandeur d'âme. Il faut exercer son âme par l 'accompliss ement de devoirs et la confr ontation à des épreuves. Vie sociale il faut se retirer de la vie politique, vivre dans le retrait du monde, entouré d'amis choisis. Les stoïciens s'engagent dans la vie de la cité. L'ataraxie : l'absence de trouble l'apathéia : l'absence de douleur. Moyens Vaincre les passions (les craintes, les désirs) comme la crainte des dieux, de la douleur, de la mort ou le désir d'honneur, de richesse. Devise carpe diem (Horace) : cueille le jour, apprécie le moment présent. sustinere et abstinere : supporte et abstiens-toi. QQs noms Epicure, Horace Epictète, Sénèque, Marc-Aurèle

Chapitre : Nietzsche et le bonheur 21 N. O. - Quel est votre définition du bonheur? F. Nietzsche. - Le sentiment que la puissance grandit, qu'une résistance est surmontée. L'homme qui est incapable de s'asseoir au seuil de l'instant en oubliant tous les événements passés et à venir, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu'est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres. N. O. - Quels conseils p rodigueriez-vous aux homm es en quête de félicité? F. Nietzsche. - A l'individu qui recherche son bonheur, il ne faut donner aucun précepte sur le chemin à suivre, car le bonheur individuel jaillit selon ses lois propres, inconnues de tous, il ne peut qu'être entravé par des préceptes venus du dehors. Le vrai secret du bonheur, c'est qu'on ne peut l'atteindre qu'en cessant de le chercher. Il est comme est une femme. Si vous le poursuivez, il s'enfuit; si vous l'ignorez, il accourt (sourire). Au fond, l'important, ce n'est pas le bonheur, qui n'est qu'une idée, mais la vie réelle que nous avons à expérimenter. Amor fati, aime ton destin. C'est ma formule du bonheur. Le philosophe ne doit pas cacher la nature tragique du monde, il doit l'enseigner au contraire, et la seule manière de nous libérer, c'est d'aimer ce qui nous advient. Il faut briser les anciennes tables de la Loi, nous dégager des valeurs chrétiennes mortifères, penser par-delà le bien et le mal. Nous devons être les poètes de notre existence, inventer notre vie, la vivre! La vraie sagesse, ce n'est pas de rechercher le bonheur, c'est d'aimer la vie, heureuse ou malheureuse N. O. - Vous-même avez beaucoup souffert, physiquement et affectivement - votre histoire d'amour douloureuse avec Lou Andreas-Salomé est légenda ire. N'avez-vous jama is désespéré de la vie? F. Nietzsche.- Jamais! Même dans les moments où j'ai été gravement malade, je ne suis pas devenu morbide. La vie ne m'a pas déçu! Année après année, je la trouvais au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse. Pour moi, elle est un monde de danger et de victoire dans lequel les sentiments héroïques aussi ont leurs lieux où danser et s'ébattre. Avec ce principe au coeur, on peut non seulement vivre courageusement, mais même gaiement vivre et gaiement rire! Et qui donc s'entendrait à bien rire et à bien vivre s'il ne s'entendait d'abord à guerroyer et à vaincre? Propos (presque) recueillis par Marie Lemonnier Source: "le Nouvel Observateur» du 24 décembre 2008. A votre avis, quelle conception Nietzsche a-t-il du bonheur ?

Chapitre : Nietzsche et le bonheur 22 9.1.1 TEXTE 1 NIETZSCHE " Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur: la possibilité d'oublier, ou pour le dire en termes plus savants, la faculté de sentir les c hoses, a ussi longtemps que dure le bonh eur, en dehors de toute perspective historique. L'homme qui e st incapable de s'asseoir au seuil de l'instant en oubliant tous les événements du passé, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu'est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres. (...) Ou plus simplement encore, il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens, historique qui nuit au vivant et qui fini t par le dé truire, qu'il s'agisse d'un homme, d'une peuple o u d'une civilisation » . Nietzsche Considérations inactuelles. 1874 9.1.2 TEXTE 2 NIETZSCHE Admettons que nous soyons destinés à revivre éternellement ce que nous vivons aujourd'hui: que penserions-nous de cette perspective? De notre réponse dépendra notre présent. " Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait: "Cette vie, telle que tu la vis et l'a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d'innombrables fois; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée e t soupir et tout ce qu'i l y a dans ta vie d'indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement - et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. Un éternel sablier de l'existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières! » - Ne te jetterais-tu pas par terre en grinçant des dents et en maudissant le démon qui parla ainsi ? Ou bien as-tu vécu une fois un instant formidable où tu lui répondrais: " Tu es un dieu et jamais je n'entendis rien de plus divin!» Si cette pensée s'emparait de toi, elle te métamorphoserait, toi, tel que tu es, et, peut-être, t'écraserait; la question, posée à propos de tout et de chaque chose, "veux-tu ceci encore une fois et encore d'innombrables fois?» ferait peser sur ton agir le poids le plus lourd! Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la vie pour ne plus aspirer à rien d'autre qu'à donner cette approbation et apposer ce sceau ultime et éternel ? Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir (1882-1887), § 341, trad. P. Wotling, Flammarion, coll. "GF», L'éternel retour L'idée de l'éternel retour est l'idée que ce monde plein de mal et d'absurdité reviendra éternellement. Cette idée réconcilie devenir et éternité, et surtout elle permet de mesurer la force d'un esprit : le véritable immoraliste, le véritable philosophe dionysiaque sera celui qui est capable de supporter cette pensée, de vouloir l'éternel retour. La contemplation joyeuse du monde cruel et tragique culmine dans la pensée de l'éternel retour. Il s'agit de penser le monde non pas sous l'espèce de l'éternité, mais sous l'espèce du devenir éternel. C'est aussi nous pousser à vivre chaque instant de notre vie avec l'idé e suiv ante : accepterais-je de le revivre ? A -t-il été assez fort pour cela ?

Chapitre : Bonheur et creation 23 Et donc à regarder notre présent autrement Voir Nietzsche sur www.philocelo.fr Luc Ferry 2: l'Eternel retour http://www.youtube.com/watch?v=23wXWDN56Z4 Voudriez-vous revivre ?, Antoine GRANDJEAN http://www.youtube.com/watch?v=21mDVsGjQZA&feature=player_embedded 10 BONHEUR ET CREATION 10.1.1 BERGSON - LA CREATION DE SOI PAR SOI Bergson Texte " L'effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l'oeuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu'il n'y avait, on s'es t haussé au-dessus de soi-même. (...) Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l'homme n'ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n'est qu'un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l'être vivant la conservation de la vie ; il n'indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu'elle a gagné du terrain, qu'elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu'elle a conscience de l'avoir créé, physiquement et moralem ent. Le commerçant qui développe ses affaires, le chef d'usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en - raison de l'argent qu'il gagne et de la notoriété qu'il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans la satisfaction qu'il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu'il goûte de joie vraie est le sentiment d'avoir monté une entre prise qui marche, d'avoir appelé quel que chose à la vie. Prenez des joie s exceptionnelles, celle de l'artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a découvert ou inventé. Vous entendrez dire que ces hommes travaillent pour la gloire et qu'ils tirent leurs joies les plus vives de l'admiration qu'ils inspirent. Erreur profonde ! On tient à l'éloge et aux honneurs dans l'exacte mesure où l'on n'est pas sûr d'avoir réussi. [...] Si donc, dans tous les domaines, le triomphe de la vie est la création, ne devons-nous pas supposer que la vie h umaine a s a raison d'être dans une créa tion qui peut, à la différence de celle de l'artis te et du savant, se poursuivre à tout mom ent chez tous les hommes : la création de soi par soi, l'agrandissement de la personnalité par un effort qui

Chapitre : Bonheur et etat 24 tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu'il y avait de richesse dans le monde ? » Bergson, L'ÉNERGIE SPIRITUELLE, " La conscience et la vie » A retenir 11 BONHEUR ET ETAT Alexis-Henri-Charles Clérel, vicomte de Tocqueville, (1805-1859) est un penseur politique, homme politique, historien et éc rivain français. Il est célèbre pour ses analyses de la Révo lution fr ançaise, de la démocratie américaine et de l'évolution des démocraties occidentales en général. Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans leurs souvenirs. (...) Je veux imaginer sous qu els traits nouveaux le despot isme pourr ait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre? (...) Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites rè gles com pliquées, minutieuses et uniforme s, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques unes des formes

Chapitre : bonheur et philo contemporaine 25 extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir a l'ombre même de la souveraineté du peuple. Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, vol II. (1840) (Quatrième Partie : Chapitre VI) A retenir La Société actuelle est-elle propice au bonheur ? (Misrahi) http://www.youtube.com/watch?v=4StY9Tm8bAA&feature=player_embedded#! Le bonheur peut-il être une finalité politique? http://www.youtube.com/watch?v=WEB0PkN1e8s&feature=player_embedded Que pensez-vous de la Démocratie, la Justice ou la Liberté comme finalités politiques ? http://www.youtube.com/watch?v=gRDeEyWiuuw&feature=player_embedded#! Jusqu'où la poitique peut-elle aller pour assurer le bin être des citoyens ? http://www.youtube.com/watch?v=GRAOcec9of0 12 BONHEUR ET PHILO CONTEMPORAINE 12.1 VINCENT CESPEDES Vincent Cespedes, Magique étude du bonheur http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=214819 12.2 ANDRE COMTE SPONVILLE Livre : A. Comte - Sponville, Le bonheur, désespérément, coll Librio (1,90€) Quatrième de couverture: "Qu'est-ce que je serais heureux si j' étais heureux!" . Cette formule de Woody Allen dit peut- être l' essen tiel : qu e nous sommes séparés du b onheur par l'espér ance même qui le poursuit. La sagesse serait au contraire de vivre pour de bon, au lieu d' espérer vivre. C'est ou l' on rencontre les leçons d' Epicure, des stoiciens, de Spinoza, ou, en Orient, du Bouddha. Nous n' aurons de bonheur qu' à pr oportion du désespoir que nous seron s capables de traverser. La sagesse est cela même : le bonheur, désespérément. André Comte-Sponville

Chapitre : bonheur et philo contemporaine 26 Conférence passionnante sur le couple, l'amour, le bonheur... 1 http://www.dailymotion.com/video/x8cv0h_andre-comte-sponville-nous-parle-d_news 2 http://www.dailymotion.com/video/x8cvle_andre-comte-sponville-nous-parle-d_news 3 http://www.dailymotion.com/video/x8cwgr_andre-comte-sponville-nous-parle-d_news 4 http://www.dailymotion.com/video/x8cxg5_andre-comte-sponville-nous-parle-d_news 5 http://www.dailymotion.com/video/x8cyas_andre-comte-sponville-nous-parle-d_news 6 http://www.dailymotion.com/vquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46

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