[PDF] Rédiger un texte en France et au Japon: quelles différences?





Previous PDF Next PDF



EXERCICE DAIDE A LA REDACTION DUN PARAGRAPHE

EXERCICE D'AIDE A LA REDACTION D'UN PARAGRAPHE ARGUMENTE. FICHE 1. Le paragraphe argumenté d'histoire ou de géographie est constituée de 3 éléments :.



Sujet type brevet / Géographie / Le Japon

le sujet suivant : la puissance du Japon et ses limites. Deuxième partie : Rédaction d'un paragraphe argumenté. Marie Desmares professeur 



SÉRIE COLLÈGE

un paragraphe argumenté d'une vingtaine de lignes répondant à la question Document 3 : entretien sur le Japon et les risques avec Marie Augendre ...



« Quelles sont les contraintes naturelles du territoire japonais? »

Les aspects et les limites de la puissance japonaise » paragraphe argumenté d'une vingtaine de lignes montrant que le Japon est une puissance mondiale.



« QUELLES SONT LES CONTRAINTES NATURELLES DU

Environ 73 % du pays est montagneux la plus grande montagne du Japon est le Paragraphe argumenté: Après avoir analysé les caractéristiques du relief de ...



Questions (8 points) Document 1 1- Précisez sur quel continent la

Paragraphe argumenté (10 points) Sur la carte relevez le nom de l'espace le plus dynamique du Japon et citez trois raisons qui justifient votre réponse ...



Untitled

personnelles rédigez un paragraphe argumenté d'une vingtaine de lignes montrant la puissance mondiale du Japon et ses limites. Diplôme National du Brevet 



Rédiger un texte en France et au Japon: quelles différences?

19 joum. tha. 1435 AH Les textes cités en (1) sont des appréciations émises par les correcteurs français sur des textes argumentatifs écrits par des Japonais : (1) Y ...



DIPLOME NATIONAL DU BREVET SESSION NORMALE 2011

PARAGRAPHE ARGUMENTÉ (10 points). À l'aide des informations tirées des Photographie du tsunami consécutif au tremblement de terre au Japon en mars 2011.



DIPLOME NATIONAL DU BREVET

PARAGRAPHE ARGUMENTÉ (10 POINTS) Document 1 : comparaison des États-Unis du Japon et de l'Allemagne dans le monde. États-Unis. Allemagne. Japon.

)q- ‚32 Sm;%NǝNGG ammKBii2/ QM RN ET` kyR9 >GBb 4 KmHiB@/Bb+BTHBM4`v QT2M 4++2bb

4`+?Bp2 7Q` i?2 /2TQbBi 4M/ /Bbb2KBM4iBQM Q7 b+B@

2MiB}+ `2b24`+? /Q+mK2Mib- r?2i?2` i?2v 4`2 Tmm@

HBb?2/ Q` MQiX h?2 /Q+mK2Mib K4v +QK2 7`QK

i24+?BM; 4M/ `2b24`+? BMbiBimiBQMb BM 6`4M+2 Q`

4m`Q4/- Q` 7`QK TmmHB+ Q` T`Bp4i2 `2b24`+? +2Mi2`bX

/2biBMû2 4m /ûT¬i 2i ¨ H4 /BzmbBQM /2 /Q+mK2Mib b+B2MiB}[m2b /2 MBp24m `2+?2`+?2- TmmHBûb Qm MQM-

TmmHB+b Qm T`BpûbX

Lû3,5Mk œÈ iMtiM MÈ KkmÈ1M Mi mœ .m]ÑÈ2 ?œM;;Mb

3,ÉûkMÈ1MbÝ

hÑ 1,iM iS,b pMkb,ÑÈ2

umKB h4F4;4FBX _û/B;2` mM i2ti2 2M 6`4M+2 2i 4m C4TQM, [m2HH2b /Bzû`2M+2b\X _û/B;2` mM i2ti2 2M

6`4M+2 2i 4m C4TQM, [m2HH2b /Bzû`2M+2b\- LQp kyRj- 6`4M+2X TTXR8@jNX ?4H@yyN3yNjj

]‚V‚-‚VO Îuœi

˜ournal of“an!ua!e and .ulture

“an!ua!e and lnflorœation

UDepartœent of “an!ua!e and .ulture

[chool of ;uœanities and [ocial [ciences zsaYa Ðrettcture 9nŽsersit

M0AE‡P:Ç ‘ae(J"²ü

yNous allons traiter des différences de conventions textuelles entre le franŒais et le japonais. Nous avons choisi dÓaborder spciÜquement le cas des Japonais, mais un problŽme similaire pourrait se rencontrer dans toute autre culture trŽs loigne de la culture franŒaise. y Nous diviserons cet article en quatre parties. Tout dÓabord, nous dcrirons briŽvement la situation de lÓenseignement du franŒais au Japon, nous tudierons ensuite quelques difÜcults typiques des apprenants japonais en FLE. Puis nous montrerons les diffrences de normes dans lӍcrit entre le

franŒais et le japonais et enÜn, nous relŽverons quelques spciÜcits de lӍcrit

japonais en citant des exemples prcis.

1. La situation de l"enseignement du français au Japon

y Le systŽme dӍducation japonais nÓest pas trŽs diffrent du systŽme franŒais en ce qui concerne le nombre dÓannes de scolarisation obligatoire et les grandes tapes que sont le collŽge, le lyce et lÓuniversit. y LÓanglais, considr comme la langue trangŽre primordiale, bnficie dÓun statut privilgi dans lӍducation japonaise, et cÓest dÓailleurs, le plus souvent, la seule langue trangŽre enseigne en secondaire. De ce fait, la plupart des Japonais qui ont suivi lÓenseignement obligatoire depuis la derniŽre guerre mondiale ont tudi cette langue dŽs lӈge de 12 ans. y Bien que lÓenseignement dÓune deuxiŽme langue trangŽre, dont le Rédiger un texte en France et au Japon : quelles différences ?

TAKAGAKI Yumi

Ce texte est une version largement remanie de la confrence prononce le 13 novembre 2013

dans le cadre du cycle AE Les Mardis du DEFLE Ç tenue ‡ lÓuniversit Bordeaux III. La prsente

recherche bnÜcie de KAKENHI (24520476), accord par la Socit japonaise pour la promotion

des sciences (JSPS).

5","(",*:VNJ

franŒais, se dveloppe petit ‡ petit dans les lyces, lÓimmense majorit des Japonais ne commence ‡ apprendre une langue supplmentaire quӇ lÓuniversit. (En 2013, le taux dÓinscription en enseignement suprieur est de

53 %.)

y DÓaprŽs les derniŽres statistiques publies par le ministŽre japonais de lӂducation, de la Culture, des Sports, de la Science et de la Technologie, le franŒais est la troisiŽme langue trangŽre la plus largement enseigne derriŽre lÓanglais et le chinois. En 2011, parmi les 737 universits du Japon, 517 proposaient des cours de franŒais, soit 70 %. y Le franŒais, dont lÓimage culturelle reste forte, est appris le plus souvent pour le seul attrait culturel de la France, dans le but non pas d"accroître les opportunits professionnelles mais dÓouvrir des portes sur un nombre limit de domaines tels que lÓart, la littrature, la musique, la cuisine et la mode. y Les apprenants japonais en FLE tant majoritairement des tudiants du suprieur, nous ne traiterons dans cet article que des cas des apprenants universitaires et adultes.

2. Des difÜcults typiques des apprenants japonais en FLE

y Les textes rdigs en franŒais par des Japonais semblent souvent tranges aux FranŒais. De nombreux professeurs de franŒais natifs peuvent tmoigner quÓils sont souvent grammaticalement corrects, sans pour autant correspondre

‡ leurs attentes.

y Citons par exemple des propos recueillis par Ushiyama (2006). Les textes cits en (1) sont des apprciations mises par les correcteurs franŒais sur des textes argumentatifs crits par des Japonais : (1) - argumentation peu pertinente car elle va dans plusieurs sens ; elle nÓest pas mene

‡ son terme.

- On ne sait pas vraiment ce quÓelle pense. - Le texte se termine dans le vague. - Beaucoup dӍmotions mais aucun raisonnement - LÓauteur parle de sa vie, de son pŽre, mais il passe ‡ c˜t du sujet. - Votre texte me para“t garder un peu dÓodeur japonaiseÈ Je me suis demande

pourquoi vous nӍcriviez pas telle ou telle chose iciÈ JÓai continu ‡ lire et je lÓai

trouv plus loinÈ Les productions des Japonais semblent donc bizarres aux FranŒais, les drangent parfois, voire suscitent une raction de rejet, comme le montre la critique ci-dessous, mise par une enseignante franŒaise travaillant dans une universit japonaise : productions, orales et crites surtout, semblent souvent Ðtourner en rondÑ et progresser par ‡-coups, de faŒon incohrente ; les digressions y sont nombreuses (sous forme dÓimpressions subjectives et personnelles). (Disson 1996) Cette critique choquera certainement les tudiants japonais, qui pourraient croire que le professeur les considŽre comme peu intelligents. Et sÓils admettent facilement que leurs productions contiennent des erreurs dÓorthographe ou de grammaire, ils ne comprendront pas quÓon les juge incohrentes puisquÓentre eux, ils se comprennent parfaitement. y Le dcalage dans lӍvaluation provient, du moins partiellement, de la variation, selon les langues et les cultures, des modes de pense et des faŒons de raisonner que lÓon croit souvent, ‡ tort, universels. LÓapplication dÓune logique langagiŽre dans lÓenseignement a t tudie de maniŽre systmatique pour la premiŽre fois par Kaplan (1966), qui a fond un nouveau domaine dӍtude : la rhétorique contrastive. y Nous nous appuierons sur cette approche pour expliquer les phnomŽnes

5","(",*:VNJ

que nous venons de dcrire. Kaplan a analys des rdactions dÓapprenants en anglais langue trangŽre pour mettre en valeur les aspects culturels de la logique. Sa problmatique de dpart est cite en (3). (3) La logique (dans le sens populaire du terme plut˜t que dans celui que lui confŽrent les logiciens) qui est la base de la rhtorique, se dveloppe ‡ partir dÓune culture ; elle nÓest pas universelle. Par consquent, la rhtorique non plus nÓest pas l"intérieur d"une culture donnée. (Kaplan 1966, trad. par Hidden 2008) DÓaprŽs Kaplan, AE chaque langue et chaque culture a un ordre de paragraphes qui lui est unique et cette partie de lÓapprentissage dÓune langue est la ma“trise de son systŽme logique Ç (Ibid.). Il identifie cinq types de mouvements de paragraphes pour cinq groupes de langues en proposant les reprsentations reproduites en (4). (4)yyyyDivers mouvements de paragraphes d"après Kaplan (1966) Selon ces reprsentations, le rdacteur anglais prfŽre un dveloppement linaire tandis que les langues orientales pratiquent une approche indirecte. Pour Kaplan, en effet, dans ces derniŽres, AE les cercles ou les spirales tournent autour du sujet et montrent une varit de vues, mais le sujet nÓest jamais abord directement Ç (Ibid.). Cette description se rapproche de lÓobservation de Disson, cite en (2). y Le problŽme de la AE bizarrerie Ç des crits produits par des trangers ne proviendrait donc pas dÓun dfaut dÓintelligence ventuel des apprenants mais plut˜t dÓune diffrence de logique entre leur langue maternelle et la langue ‡ apprendre. y Comme cÓest parfois le cas pour les tudes pionniŽres, les reprsentations de Kaplan ont reŒu de nombreuses critiques, dont la plus frquente porte sur le caractŽre ethnocentrique amricain. En effet, certains chercheurs chinois refusent la " spirale » comme symbole du mode typique de dveloppement en chinois, pour insister au contraire sur son caractŽre linaire (Mohan & Lo en zigzag des langues romanes, dont le franŒais fait partie Î Disson, cite en (2), crit dÓailleurs que cÓest le franŒais qui est linaire. Quand Kaplan, anglophone, insiste sur la linarit de lÓanglais, et Disson, francophone, sur celle du franŒais, pourquoi les Japonais ne considreraient-ils pas galement leur argumentation comme tout ‡ fait linaire ? En fait, chacun insistera naturellement sur le caractŽre linaire de sa langue maternelle, tout en attribuant un aspect circulaire ou en zigzag aux autres langues, ce qui laisse ‡ penser que Kaplan ne disposait pas de vritables outils dÓanalyse scientiÜque pour construire sa mthode. y Quoi quÓil en soit, lÓimportant pour la pratique au sein de la classe nÓest pas de savoir quelle langue est linaire et quelle langue ne lÓest pas, mais plut˜t de comprendre que chaque langue prsente sa propre maniŽre dÓorganiser un texte. Un Japonais qui sÓexprime en franŒais aura spontanment tendance ‡ employer une maniŽre dÓargumenter courante dans sa langue maternelle, qui sa production tout est correct dÓun point de vue grammatical, lÓensemble du texte ne sera pas clair pour un FranŒais et lÓargumentation lui donnera, montrerons pourquoi lÓargumentation japonaise donne cette impression aux

Français.

5","(",*:VNJ

3. Différence de normes

y Les prfrences textuelles dÓune langue viennent de diverses influences telles que lӍducation scolaire, la tradition littraire, la culture environnante formation de ses spciÜcits textuelles. Parmi ceux-ci, nous traiterons plus particuliŽrement ici de lÓinfluence culturelle, vhicule notamment par l"éducation scolaire. y LÓenseignement de lӍcrit est trŽs diffrent en France et au Japon. Au Japon, on est encourag ‡ exprimer librement son opinion personnelle tandis rigoureuse sÓimpose. Cette diffrence est corrle ‡ celle qui existe entre les traditions scolaires, voire littraires, des deux pays. La littrature japonaise donne une grande importance ‡ un genre quÓon appelle le zuihitu, que lÓon peut traduire littralement par AE au fil du pinceau Ç. Il sÓagit dÓun genre littraire non fictionnel en prose sans contraintes formelles, dans lequel lÓauteur retranscrit trŽs librement et sans dessein apparent ce quÓil a vu ou entendu, ses expriences, ses impressions fragmentaires, des citations et des rflexions philosophiques. Aucun plan ne structure lÓensemble de lÓouvrage, et les chapitres sont indpendants les uns des autres. Le lecteur y voit comment serpente la rÝexion de lÓauteur ‡ travers ses digressions et les nombreux largissements thmatiques par associations dÓides. Malgr cela, lÓensemble est cohrent. Chemin faisant, la pense se nourrit de thŽmes divers, dont le lecteur saisit seulement aprŽs coup le rapport avec le sujet initial. Car ce rapport existe bien, et lӍcriture est Ünalement bien dirige vers lÓobjectif initialement Üx. y Pour illustrer ce quÓest rellement le zuihitu, citons un chapitre des Heures oisives, une Íuvre reprsentative de ce genre, crite au XIV e siŽcle. L"auteur, un moine bouddhiste nomm Urabe Kenk˜, a observ des thŽmes tels que la mort, lÓimpermanence, la beaut de la nature et certains incidents de la vie quotidienne du point de vue de la doctrine bouddhiste. LÓÍuvre comprend une prface et 243 chapitres, dÓune longueur allant dÓune simple ligne ‡ quelques pages. Voici un chapitre trŽs court : (5) Un matin que venait de tomber une fort jolie neige, comme une affaire mÓobligeait

dӍcrire une lettre ‡ quelquÓun, et que je nÓy avais souffl mot de lӍvŽnement,

la rponse mÓarriva : AE DÓun brutal qui ne daigne point consacrer une ligne ‡ ce votre cÍur me fait peine ! Ç NÓest-ce pas l‡ un mot charmant ? Cette personne, (Trad. par Grosbois et Yoshida 1968) yDans la littrature franŒaise, Les Essais de Montaigne est lÓÍuvre qui se rapproche le plus d"un zuihitu. Or, il est bien connu que la prose de Montaigne ne constitue pas une rfrence universitaire en France. DÓaprŽs Genette (1969), le modŽle normatif du texte scolaire franŒais se rduit ‡ la dissertation. Et bien quÓofficiellement il nÓy ait plus de dissertations dans lÓenseignement franŒais de second cycle, les professeurs continuent dÓen donner sous une autre tiquette, et les lŽves, peu soucieux des appellations rglementaires, continuent dÓen faire. La dissertation tant un genre dont les contraintes sont bien dÜnies, les FranŒais, sous lÓinÝuence de cette norme, ont tendance ‡ croire que la rigueur de la construction est primordiale. En effet, la AE rhtorique moderne est presque exclusivement une rhtorique de la disposito, cÓest-‡-dire du ÐplanÑ Ç (Genette 1969). y Pour cette raison, beaucoup de FranŒais critiqueraient lÓabsence de plan dans les œuvres du zuihitu Î genre, rappelons-le, oœ aucune importance nÓest donne ‡ la rigueur de la composition Î et dÓailleurs, peu dÓentre eux apprcient les qualits de ce type dӍcrit, voire celles des textes japonais en gnral. Au contraire, au Japon, lÓinÝuence du zuihitu est si grande que les Japonais, dÓune part adoptent spontanment ce genre dans leurs productions crites, aussi bien du reste en japonais quÓen franŒais sans avoir conscience

5","(",*:VNJ

quÓil est totalement tranger ‡ la culture franŒaise, et dÓautre part nÓapprcient

pas la rdaction ‡ la franŒaise. En effet, tout travail de composition ‡ la écrire en français, les apprenants japonais doivent donc accepter de se soumettre ‡ des normes trangŽres ‡ leur propre culture, et les diffrences de conventions textuelles entre les deux pays reprsentent pour eux un dÜ majeur. y Voici un petit exemple pour illustrer ce problŽme. Reprenons lÓextrait des Heures oisives que nous avons cit en (5). Le destinataire de la lettre reproche ‡ son auteur son manque de sensibilit. En effet, les conventions pistolaires japonaises exigent quÓon mentionne la saison ou le temps dans la salutation initiale. Cette coutume nÓexiste pas dans la tradition franŒaise et si un apprenant japonais l"adopte dans sa production en français, cela donnera une lettre bien trange. Rappelons quÓen franŒais comme en japonais, la correspondance est un genre trŽs codi܍ ; lÓexistence de nombreux guides de correspondance en atteste. Ma“triser toutes ses rŽgles et rdiger une lettre ‡ la faŒon franŒaise est difÜcile pour les dbutants. Pourtant, le Cadre europen commun de rfrence pour les langues rpertorie lӍcriture dÓune lettre simple dans les tˆches de niveau A2. y Or, sÓil est relativement facile de montrer les diffrences de conventions explicites dans la correspondance, celles qui existent dans dÓautres genres littraires sont moins connues. Dans ce qui suit, nous mettrons en vidence ces conventions plus implicites, troitement lies aux formations sociodiscursives.

4. Quatre spciÜcits de lӍcrit japonais

y Nous allons dcrire ici quatre spciÜcits de lӍcrit japonais directement inÝuences par le zuihitu :

1. le schma organisationnel ;

2. lÓapparence de spontanit ;

3. le got du symbole ;

4. le caractŽre fragmentaire.

Si elles apparaissent dans les productions en FLE, ces spcificits drangeront les lecteurs franŒais.

4.1. Le schéma organisationnel

y Si le schma canonique de la dissertation franŒaise est AE introduction Î dveloppement Î conclusion Ç, le plan trŽs souvent adopt dans les Íuvres du zuihitu est le ki-syô-ten-ketu. Ce mot est compos de quatre caractŽres chinois qui signiÜent : ki, AE le commencement Ç ; syô, AE la suite Ç ; ten, AE le changement Ç ; et ketu, AE la conclusion Ç. y É lÓorigine, le ki-syô-ten-ketu est une des structures utilisées dans la posie chinoise classique. Au Japon, il est galement appliqu aux textes en prose. CÓest lÓadoption de ce schma dans la production en FLE qui donne lÓimpression aux FranŒais, souvent, que lÓargumentation japonaise nÓest pas linéaire. y Pour illustrer ce schma, on cite souvent le petit poŽme suivant (6) : (6) Ki : Quant aux Ülles dÓItoya du quartier Honmachi dÓOsaka, Syô : LÓa“ne a seize ans et la cadette quatorze. Ten : Les seigneurs fodaux tuent leurs ennemis avec des ݎches et des arcs. Ketu : Les Ülles dÓItoya tuent avec les yeux. Le ki prsente le sens du poŽme, le syô prend le relais, le ten introduit un changement pour ouvrir une nouvelle perspective et le ketu synthtise lÓensemble du poŽme. y LÓemploi du schma ki-syô-ten-ketu est galement possible dans un long texte en prose.

5","(",*:VNJ

(7) Ki : In old times, copying information by hand was necessary. Some mistakes were made. Syô : Copying machines made it possible to make quick and accurate copies. Ten : Traveling by car saves time, but you donÓt get much impression of the local beauty. Walking makes it a lot easier to appreciate nature close up. Ketu : Although photocopying is easier, copying by hand is sometimes better, because the information stays in your memory longer and can be used later. Les Japonais diviseront ce texte, compos de six phrases, en quatre parties, comme indiqu ci-dessus. Dans la premiŽre Î le ki -, l"auteur introduit le thŽme principal : la copie. Dans la deuxiŽme Î le syô -, il dveloppe ce qui a été introduit en ki. Dans le ten, en troisiŽme partie, on note un changement abrupt de thŽme. LÓauteur parle tout ‡ coup des voyages en voiture. Cette intrusion dÓun nouveau thŽme pourra donner aux Occidentaux une impression dÓincohrence. Mais les lecteurs japonais, habitus au schma ki- syô-ten-ketu, sÓamuseront devant ce dveloppement brutal, curieux de savoir comment lÓauteur associe ces deux thŽmes trŽs diffrents dans la conclusion. Et comme prvu, dans la quatriŽme partie Î le ketu -, le lecteur trouve une harmonisation des deux. y Le ki-syô-ten-ketu est largement adopt dans les crits japonais, surtout dans le zuihitu. Pour valuer la place qui lui est donne dans lÓenseignement au Japon, nous avons examin les textes extraits des manuels de lyce. En France comme au Japon, les normes de lӍcrit sont troitement lies ‡ lÓenseignement scolaire. De ce fait, lÓanalyse des textes scolaires conduit ‡ une bonne connaissance des normes gnrales de chaque langue. y Nos donnes japonaises sont constitues de 59 textes argumentatifs extraits de 7 manuels de japonais langue maternelle. Les donnes franŒaises sont constitues de 42 textes argumentatifs extraits de 4 manuels de franŒais Extrait dÓun manuel du japonais langue maternelle, cit par Maynard (1998). langue maternelle. Nous avons compt le nombre de textes qui adoptent dÓune part le schma AE introduction Î dveloppement Î conclusion Ç et dÓautre part celui du ki-syô-ten-ketu, aÜn dÓen mesurer quantitativement lÓimportance.

Tableau 1

Schémas organisationnels

Ki-syô-ten-ketuIntroduction

Î dveloppement

Î conclusionAutres

Manuels japonais

59 textes17 (29 %) 1 (2 %) 41 (69 %)

Manuels franŒais

42 textes0 (0 %) 23 (55 %) 19 (45 %)

Figure 1

Schémas organisationnels

y Cette analyse quantitative montre que le schma AE introduction Î dveloppement Î conclusion Ç est employ dans la majorit des textes franŒais (55 %) et au contraire ne se retrouve quӇ 2 % dans les manuels japonais. Ce schma, normatif en franŒais, ne reprsente pour les Japonais

5","(",*:VNJ

quÓune alternative possible au ki-syô-ten-ketu, qui reste de loin le plus dveloppement Î conclusion Ç). Par contre, on ne retrouve pas, bien entendu, de texte organis en ki-syô-ten-ketu dans les données françaises. y Les apprenants japonais en FLE adoptent frquemment la forme rpandue dans leur culture du ki-syô-ten-ketu pour leurs productions en français. Les lecteurs franŒais, qui nÓy reconna“tront pas de schma familier, penseront probablement que le texte nÓa pas de plan. De plus, dstabiliss par le ten Î trŽs apprci des Japonais Î ils jugeront souvent incohrent et illogique ce changement de thŽme.

4.2. L"apparence de spontanéité

y Le premier chef-dÓÍuvre du zuihitu dans la littrature classique japonaise est Notes de chevet, crit au dbut du XI e siŽcle par Sei Sh˜nagon et rdig pendant une priode dӍloignement de la Cour impriale : (8) dans ces mmoires, crits pendant les heures oœ retire chez moi, loin du Palais, je mÓennuyais et me croyais ‡ lÓabri des regards, jÓai rassembl des notes sur les

vnements qui sӍtaient drouls devant mes yeux et sur les rÝexions que jÓavais

faites en mon ˆme. (Trad. par Beaujard 1999 [1966]) Dans Les Heures oisives, le procd de rdaction est plus clairement dcrit au tout dbut de lÓÍuvre : (9) Au gr de mes heures oisives, du matin au soir, devant mon critoire, je note sans dessein prcis les bagatelles dont le reÝet fugitif passe dans mon esprit. (Trad. par Grosbois et Yoshida 1968) LÓauteur confesse noter des penses qui lui viennent par hasard, et semble ainsi renoncer ‡ composer une Íuvre prmdite. Cette attitude illustre une modalit traditionnelle typique de la rdaction dÓun zuihitu qui a cours encore aujourdÓhui. Par exemple, lÓun des textes argumentatifs contemporains les plus frquemment repris dans les manuels de japonais pour les lycens est Ce qu"on appelle l"impermanence de Kobayashi Hideo, crit au XX e siŽcle. Au milieu de ce texte, lÓauteur crit : (10) É vrai dire, jÓai commenc ‡ crire sans savoir exactement oœ jÓallais. (Trad. par Ninomiya 1995) Cet aveu surprendra probablement les lecteurs occidentaux. En crivant ceci, lÓauteur semble renoncer ‡ faire un plan, ‡ la maniŽre des Heures oisives que nous venons de citer. Cependant, la plupart des lecteurs japonais ne prendront pas cette phrase ‡ la lettre, mais y verront plut˜t AE une coquetterie somme toute assez banale de la part dÓun homme de lettres qui veut donner ‡ son texte une apparence de spontanit Ç (Ninomiya 1995). y Le caractŽre de spontanit du zuihitu dcrit ci-dessus est largement Autrement dit, lӍcrit doit garder lÓapparence naturelle de lÓencha“nement des ides fond sur une logique implicite. Selon cette approche, les Japonais considŽrent souvent quÓun respect trop formaliste des structures rduit la libert de lÓesprit. LÓimportant ‡ leurs yeux est dÓexprimer une ide originale, sous une forme originale, ‡ laquelle il appartient ‡ lÓauteur de donner naissance. y Or, si cette attitude est recherche au Japon, elle ne proccupe pas les Occidentaux. Et si les apprenants japonais lÓadoptent dans leurs crits en franŒais, elle semblera aux FranŒais plus trange quÓautre chose. Souvent d"ailleurs, les professeurs de français natifs reprochent aux productions des Japonais de ne pas avoir de plan, quand, dans la plupart des cas, lÓauteur

5","(",*:VNJ

japonais a simplement cherch ‡ donner ‡ son texte lÓaspect dÓun processus naturel de pensée. y LÓexemple suivant, crit par un tudiant en deuxiŽme anne de FLE, illustre cette modalit typique du zuihitu. Il sÓagit du dbut dÓune composition dont le sujet est : AE Mes vacances dÓhiver Ç. Cette faŒon de commencer un texte est ÜdŽle ‡ la tradition littraire japonaise. Rappelons, l‡ encore, Les Heures oisives, œuvre représentative du zuihitu, dont le titre original est dÓailleurs Tsurezure-gusa, Tsurezure signifiant AE nÓavoir rien ‡ faire Ç. LÓauteur du texte (11) a adopt lÓattitude typique, datant du Moyen ãge, dÓun crivain japonais. Or, ce type de commencement semblera peu passionnant pour un lecteur franŒais. Si lÓenseignant franŒais ne conna“t pas les rŽgles du zuihitu, il lui sera difÜcile dÓavoir envie de lire un tel texte dÓapparence complŽtement spontane.

4.3. Le got du symbole

y Les Japonais ont tendance ‡ commencer leur raisonnement en citant des exemples ou des anecdotes, dans le but de donner une ide globale et symbolique des arguments quÓils vont dvelopper. Cette faŒon de sÓexprimer peut poser quelques problŽmes dans les communications interculturelles. Elle se prsente sous la forme dÓune argumentation allant du spciÜque au gnral, de lÓexemple ‡ la gnralisation, mode de raisonnement prfr des Japonais, comme lÓobservent Kobayashi (1984) et Hinds (1990) dans le cadre de la rhtorique contrastive, alors que le texte argumentatif franŒais commencera par des phrases de porte gnrale amenant le thŽme. La petite anecdote place en dbut de texte par les Japonais a un r˜le de sensibilisation ; elle familiarise les lecteurs avec les rÝexions abstraites qui vont suivre. Cette entre en matiŽre tant assez frquente en japonais, il nÓest pas tonnant de la trouver aussi dans les productions en FLE, phnomŽne qui semblera trange aux FranŒais. Nous constatons ce transfert interculturel dans lÓexemple (12) ci-dessous. Il sÓagit du dbut dÓune dissertation crite par un étudiant japonais. (12) SUJET : La critique littraire est-elle un art ou une science ? y Sarrasine de Balzac est-il un art ou une science ? ‚videmment cÓest un art. La morphologie du conte de Vladimir Propp est-elle un art ou une science ? CÓest une science sans doute. Alors S/Z de Roland Barthes ? On ne pourrait rpondre immdiatement. La place de la critique littraire est tellement instable que lÓon est incit ‡ sÓinterroger sur son statut, comme le sujet. y Mais quÓest-ce que veulent dire exactement lÓart et la science dans le domaine de la critique littraire ? Sont-ils vraiment si incompatibles que lÓon doive mettre la question ‡ la maniŽre alternative : un art ou une science ? DŽs le dbut, lÓauteur numŽre des exemples : Sarrasine de Balzac, La Morphologie du conte de Vladimir Propp et S/Z de Roland Barthes. LӍtudiant, qui ne ma“trise pas encore la technique de la dissertation, ne respecte pas ici la rŽgle de ne pas commencer par des exemples prcis et commet une erreur typiquement japonaise. y lÓapprenant japonais est entiŽrement consacr ‡ une anecdote, non pas mise au service dÓun argument mais utilise comme traitement symbolique du sujet. Cette tendance est illustre dans lÓexemple (13), rdig par une

tudiante en deuxiŽme anne de FLE.

quotesdbs_dbs46.pdfusesText_46
[PDF] Le Japon - Puissance économque !

[PDF] Le Japon 3ème Dossier avec question

[PDF] LE JAPON DEVOIR CNED 9

[PDF] Le japon est un acteur majeur de la mondialisation de l'economie

[PDF] le japon, une grande puissance économique menacée

[PDF] Le Japon, une puissance économique mondiale et un pays fragile

[PDF] Le japon, une très grande puissance économique menacée

[PDF] le japonais pour les nuls pdf gratuit

[PDF] le japonais tout de suite pdf

[PDF] le jardin de ginette

[PDF] le jardin de madame botanic

[PDF] le jardinier

[PDF] Le jazz : questions

[PDF] le jean un produit mondialiser (bis)

[PDF] le jet d eau baudelaire analyse