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COMMENTAIRE LITTÉRAIRE - Corrigé Marivaux Le Jeu de lamour

L'action de la pièce de Marivaux Le Jeu de l'amour et du hasard pourrait s'arrêter à la fin de l'acte II : Dorante ayant révélé à Silvia sa nature de 



« Le Jeu de lamour et du hasard » Marivaux (1730) Séquence

3) Comment Silvia tient-elle Dorante à distance ? 4) Après avoir analysé le rôle des apartés vous vous demanderez si les paroles de Silvia sont sincères.



Le jeu de lamour - Acte II scène 3

26 mai 2014 Le jeu de l'amour - Acte II scène 3. Un lien Mind Up pour retrouver le schéma heuristique du commentaire de l'extrait.





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Lecture suivie de la pièce de Marivaux Le jeu de l'amour et du hasard. Commentaire : le film réfléchit sur l'existence de cette langue son utilisation



LE JEU DE LAMOUR et DU HASARD COMÉDIE

LE JEU DE L'AMOUR. ET DU HASARD. COMÉDIE en trois actes en prose. MARIVAUX. 1730. Publié par Gwénola



Séquence 7 : Étudier une comédie du XVIIIème siècle : Le Jeu de l

Séquence 7 : Étudier une comédie du XVIIIème siècle : Le Jeu de l'Amour et du. Hasard de Marivaux (1730). Problématique choisie : Comment sous des 



Tangence - Éric Négrel Marivaux — Le jeu de lamour et du hasard

Éric Négrel Marivaux — Le jeu de l'amour et du hasard



MARIVAUX - Le jeu de lamour et du hasard

Est maintenu un juste équilibre entre l'intérêt qu'on porte à l'analyse des mouvements du coeur et celui qu'on prend à suivre une intrigue piquante. Le titre 



Le Jeu de lamour et du hasard de Marivaux et la mimésis comique

16 sept. 2013 Le Jeu de l'amour et du hasard c'est une comédie de Marivaux où ce poète de théâtre effectue une analyse sérieuse de l'amour. Nombreuses sont ...

" L'Esquive d'Abdellatif Kechiche, du parlé des cités au Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux » Fiche pédagogique réalisée par : Claire Beilin-Bourgeois Professeur de lettres Etablissement : Collège Jules Verne, Paris (75). Année scolaire : 2005-2006 ______________________________________________________________________________________  Résumé : A travers l'étude des dialogues du film, mis en relation avec les propos théoriques énoncés par les personnages ainsi qu'avec les extraits de la pièce de Marivaux, il s'agit d'engager une ré-flexion sur la confrontation des langages et ses enjeux dans la constitution de l'identité.  Public (classe) : Classe de 3e  Discipline (s) : Lettres  Durée et nombre de séances : 5 séances (6 h) : - Le parler des cités, une langue étrangère - Fonctions et limites de ce langage - Du parler des jeunes à la langue du professeur " Sortir de soi, aller vers les autres » - Lecture d'un extrait de la pièce Le jeu de l'amour et du hasard - Confrontation de deux points de vue sur la langue des cité en vue de la rédaction par les élèves d'un texte argumentatif.  Objectifs disciplinaires : Etude de la langue : - Montrer la nécessité d'un code commun qui doit être admis et appris dans sa complexité en vue d'une communication de qualité. - Rendre compte de la multiplicité des langages au sein d'une même langue, et en aborder cer-tains aspects lexicaux et syntaxiques. - Etude de la littérature : montrer qu'il existe une pérennité du langage littéraire qui repré-sente une ouverture sur les autres et sur le monde. Prolongement envisagé : Lecture suivie de la pièce de Marivaux Le jeu de l'amour et du hasard.  Place dans la programmation : Séquence préparatoire à l'étude d'un texte dramatique.

■ 2 ■  Références ou extrait(s) du programme correspondant : Cette séquence se rattache à plusieurs aspects du programme de 3ème. Elle traite de la confrontation et de la coexistence de langages au sein d'une communauté et aborde l'étude de l'expression de soi en relation avec la prise en compte de l'expression d'autrui. L'objectif principal concerne l'apprentissage de la langue et la nécessité de partager le code lin-guistique. On abordera donc l'histoire de la langue et son évolution, la forme et le sens des mots mais aussi les relations entre lexique et expressivité : les figures, leur rôle dans la créativité et l'efficacité du discours. Cette séquence impose des notions d'analyse filmique. La séquence contient des exemples d'écriture argumentative opposant plusieurs opinions dé-fendant une position.  Objectifs et déroulement des séances ou ateliers : Déroulement : Les séances suivent le déroulement du film que les élèves verront par séquences successives. Séance 1 : une langue étrangère Film : - la première séquence, avant le générique. Dans la mosaïque de langages du film, le parler des jeunes de banlieue est au premier plan. Le film s'ouvre sur un dialogue très confus entre des garçons. On essaiera de le transcrire avec les élèves. Plusieurs écoutes sont nécessaires, et la compréhen-sion du dialogue sera forcément partielle. Exemples : - " J'vais niquer leur mère » - " C'est pas leur quartier » - " Y en a un que j'vais serrer, j'vais l'séquestrer » - " Y m'casse les genoux. » - " Il est pas d'ici, j'sais pas » - " Y va vous prendre pour des bastringues » - " On va leur mettre des coups de massue » - " T'es chaud, tout le monde est chaud » - " Ils habitent au moulin j'crois » - " On va leur casser leur bouche » - " Y a le --- qui s'est fait pétasser ses affaires par ces fils de putes au carrefour » - " Celui qui me tire ma voiture, j'vais le tuer » Les phrases énoncées ont peu de sens. Elles contiennent beaucoup de violence et de grossièreté. Un thème qui semble récurrent est celui de l'étranger, de l'autre, celui qui n'est pas d'ici et qui par conséquent est dévalorisé. On pourra revenir au sens du mot dialogue - discussion, entretien - et à ses différents emplois pour montrer que ça n'est pas une discussion ni un entretien, puis-que les propos se croisent mais ne sont pas échangés. Finalement, ce sont davantage des paroles lancées de l'ordre de l'invective. Comme le spectateur reste extérieur, et parce que le propos n'évolue pas, la scène paraît très longue alors qu'elle ne dure que quelques minutes. On a une sensation d'enfermement comme si cette langue, au lieu d'ouvrir, emmurait ceux qui la parlent.

■ 3 ■ Cette lecture d'un texte " radical » doit donner lieu à un questionnement : pourquoi ce langage ? D'où vient-il ? Quelle est sa fonction, puisqu'il ne paraît pas efficace pour communiquer ? Quel est le statut de la violence ? La création d'un langage qui se constitue en code. On observera dans un second temps la créativité linguistique de ce langage. Ce sera l'occasion de rappeler les emprunts du français à de nombreuses langues au fil de son histoire. 1- Relevé des procédés qui permettent la création de nouveaux mots Procédés Exemples Métaphore Une fille et une belette. Exemples : Les seins : les airbags Métonymie Les casquettes pour les contrôleurs, les bleus pour les policiers Mots inversés Parfois des mots arabes sont aussi " verlanisés ». Exemple : révolver qui se dit kabus devient buska. Troncations Apocopes Aphérèses Gonz, caille (de caillasse, la monnaie). Emprunts A l'arabe (kiff : le plaisir) au soninké (larlarateau : bête) au tzigane (le suffixe -ave de chourave) à l'américain etc. Resuffixation Au mot arabe kiff est ajouté le suffixe verbal -er ou nominal -eur : kif-fer, kiffeur. 2. Suivra un exercice sur les intégrations successives de mots étrangers : le lexique des mathé-matiques qui vient essentiellement de l'arabe (algèbre, arithmétique) ou le lexique de la bota-nique qui varie au gré de l'importation des espèces (tabac du haïtien, pamplemousse du Hollan-dais, tulipe du turc). Voir fiche d'exercices n°1 en annexe p.14. Séance 2 : utilisation et limites de ce langage. - Film : jusqu'à la répétition à l'extérieur. 1- Sa fonction a.C'est une langue communautaire, qui souligne l'appartenance à un groupe ethnique et religieux. On relève les mots d'arabe, souvent liés à l'Islam : " Shouma », " Inch Allah ». C'est Frida qui a le plus recours à l'arabe, et c'est elle qui a, par ailleurs, le niveau de langue le plus élevé. On devine la bonne élève, dont les recours à l'arabe signalent l'attachement à ses racines. Dans la séquence du début, Magali parle un mélange de portugais et d'espagnol. Cependant tous ont le même code alors qu'ils appartiennent à des communautés différentes. C'est le cas le Linda qui semble n'appartenir à aucun groupe particulier, sinon celui des jeunes de la cité. C'est d'ailleurs elle qui dit " Bismillah » avant de répéter la pièce. C'est donc davantage un groupe défini par leur âge et leur environnement urbain, social et économique.

■ 4 ■ b. L'expression de la violence est plus ludique qu'elle ne paraît d'abord. Les propos violents, énormes, surgissent à des moments inattendus: - " Le volant de merde » - " Y t'la pris cher ? » - " L'enculé j'lui aurais craché dans la gueule » - " Arrête tes conneries batard. J'te laisse tranquille va-s-y fais tes affaires. » - " En cours y puait la merde » (de Krimo qui joue mal) - " Elle pue la merde » (de Lydia) - " Tu vois pas que tu te fais une réputation de batard » - " Bouffon » (Fathy à Krimo, son meilleur copain.) - " Putain de crasseuse de salope » (ses copines au sujet de Lydia) La moindre contrariété donne lieu à des tonneaux d'injures. L'émotion explose, mais elle re-tombe aussitôt. Après avoir traité Krimo de crevard parce qu'il hésitait à lui prêter dix euros, Lydia décrète : " j'dis la vérité, j'suis contente. » Les injures et la violence semblent dire le besoin d'une langue qui serait le reflet de l'affect, de ce qui est ressenti dans l'instant, au contraire d'un langage policé dont le rôle serait davantage de masquer les sentiments. c- Quelques aspects métaphoriques de ce langage. Les élèves peuvent chercher les images dans les compliments au sujet de la robe. - " On dirait Miss France » - " Fracassante » - " Chanmé » Sur les sentiments, beaucoup de créations, souvent efficaces : - " Il t'a dit des trucs mystiques » - " Elle lui a retourné le cerveau » - " J'lai pas embuancé » (mot valise : embué/influencé/ mis dans l'ambiance) Il y a aussi " le théâtre à l'ancienne », comme les rillettes et les chips. Les néologismes émaillent les dialogues. - " M'éventailler » Commentaire : le film réfléchit sur l'existence de cette langue, son utilisation, ses limites, par-fois ses atouts. Il montre que ce langage est un code parfois rassurant, pour souder les membres d'une commu-nauté (jeune et immigrée, mais pas forcément maghrébine, puisque Magali est portugaise, il y a aussi un jeune asiatique, et Lydia n'est pas arabe).Ce sont des mots qui collent à des émotions mais qui ne parviennent pas à élaborer un raisonnement ou à soutenir un véritable échange. Ils ne fonctionnent donc que dans un nombre limité de situations. Ailleurs, pour s'en sortir, il faudra trouver une autre langue qui sera un code partagé et par là recevable. On fait d'ailleurs tout au long du film l'épreuve des limites de ce langage. Le réalisateur n'est pas un utopiste, il n'en fait pas une langue sublime et poétique. 2- Les limites - Nombre d'idées ne peuvent être exprimées. Pour parler d'amour, les filles ont souvent recours à un autre lexique parce que celui-là ne convient pas. A la fin, quand il s'agit d'éclairer les sentiments de Lydia, Nanou lui dit : " arrête d'esquiver, ar-rête de chipoter », adoptant un lexique presque soutenu. Elles n'arrivent pas à parler du métier d'actrice : " ceux qui se battent ».

■ 5 ■ - Un lexique limité C'est d'abord la pauvreté du vocabulaire qui frappe. Lydia demande à propos de sa robe " ça passe, ça fait beau » comme une toute petite fille. Son amie répond " trop belle » " super belle » " grave belle ». - Des agrammaticalités " Va le voir le » (plusieurs fois) " J'fais celui j'te vois pas » Il y a très peu de propositions subordonnées (voir la transcription de la première séquence) remplacées par des ruptures de construction. Les deux extraits suivants permettent de le dé-montrer. Séance 3 Grammaire : la subordination. Etude de la syntaxe dans les deux séquences successives : la répétition à l'extérieur et le cours de français. Transcription de deux séquences consécutives : les commentaires de Lydia et Frida sur la scène à jouer, à comparer avec ceux du professeur un peu après. Il s'agit de comparer la syntaxe des propos du professeur avec celle des jeunes entre eux. La répétition dehors : Lydia : " - Tu fais trop de manières. Frida : - Tu me casses les couilles. Lydia : - Tu fais ta fière. T'arrives, tu fais ça. C'est moi, j'fais la bourge dans l'histoire. Frida : - A début, elle, c'est une bonne, elle doit pas bien faire la bourgeoise. Toi t'en fais trop, t'es la bonne na na na . Lydia : - Tu me critiques, tu veux pas que j'te critique. Krimo, il rigole, il se moque de nous. Lydia : - Il se moque pas il regarde la scène. » La scène en classe : Le professeur (dicte les devoirs): - Dans quelle mesure pensez-vous que Marivaux a voulu, dans la scène 5 de l'acte II, privilégier l'analyse des sentiments aux dépends de l'action. Lydia : - " Madame, j'voulais vous demander. Moi j'fais la pauvre dans l'histoire, elle, elle fait la riche. Le professeur : - Ce que Marivaux nous dit : les riches jouent les pauvres et les pauvres jouent les riches. Personne n'y arrive, ce qui nous montre que personne ne peut sortir de sa condition sociale. Quand on a été vingt ans riche ou vingt ans pauvre, on peut toujours se mettre en haillons quand on est riche, ou en robe haute couture quand on est pauvre, on se débarrasse pas d'une lan-gue, d'une manière de s'exprimer, de se tenir qui indique d'où on vient. » Dans la première séquence Frida et Lydia n'ont recours qu'à des phrases simples. L'explication du professeur contient de nombreuses propositions subordonnées. Il s'agit de montrer que la complexification de la langue, ici de la syntaxe, permet une expression plus claire et plus précise des idées. Voir la fiche n° 2 p. 15 : la subordination. Les deux scènes sont séparées par une courte séquence : Krimo rentre chez lui. Sa mère dort devant la télé allumée sur une chaîne en arabe. C'est une scène nocturne entre deux scènes de jour qui se répondent, une sorte de mise en abîme discrète de la question des origines.

■ 6 ■ Séance 4 " Sortir de soi », " aller vers l'autre ». Lecture analytique de l'acte II scènes 5 à 8 de la pièce de Marivaux en relation avec la représen-tation qui en est donnée dans le film et ce qui en est dit dans la séquence en extérieur et la sé-quence en classe. -A- Lecture de l'acte II, scènes 5 à 8 du texte de Marivaux (En annexe p.11) 1-Quel rôle Lisette joue-t-elle ? Et Silvia ? Qui est Arlequin? 2-Comment Arlequin et Lisette parlent -ils des serviteurs ? (Relevez des citations). Quel effet cela produit-il ? 3-Quelle est la source du conflit entre Silvia et Lisette dans la scène 7 ? 4-Relevez les mots et expressions que Silvia emploie sur le compte de Lisette. De quels senti-ments ces mots témoignent-ils ? 5-Quelle est la suite probable de la pièce ? -B- Quel éclairage et quelle leçon le texte de Marivaux apporte-t-il ? Marivaux dit qu'on ne peut que faire semblant, qu'on reste toujours influencé par ses origines sociales. Que dit le professeur à Krimo ? " Sors de toi, amuse-toi, sois un autre» Elle ne lui dit pas pour autant de ne plus être lui-même, mais elle l'incite à ouvrir des portes. Pour sortir de sa condition, il doit trouver des langages qui lui permettront d'échanger, de par-venir à un véritable commerce au sens du XVIIIe siècle. Or certains personnages du film donnent une représentation très spectaculaire de cette trans-formation. Les actrices, Lydia en particulier, se métamorphosent d'un coup, avec une légèreté déconcertante. Il ne s'agit pas seulement d'un travestissement : par l'adoption de cette langue littéraire, elles parviennent à exprimer ce qui ailleurs était indicible pour elles. D'ailleurs Lydia ne connaît que la langue de " banlieue » et Marivaux. A aucun moment, elle ne parle dans un re-gistre courant. Même quand elle s'adresse au professeur, elle n'arrive pas à changer de langage. Dans le film, il y a ceux qui y parviennent et ceux qui n'y arrivent pas. Deux séquences : La première répétition à l'extérieur, puis l'échange entre Faty et la mère de Krimo. Krimo : il n'arrive pas à jouer un autre que lui. Rachid : c'est un médiateur, qui s'adapte parfaite-ment. " C'est bon, s'il te plait, pas de temps à perdre ». Frida oscille. Elle a du mal à rester dans un registre, c'est sa fragilité. " Vous avez un coeur oui ou merde ? » Fathy, lui, donne l'impression lorsqu'il passe au français courant qu'il parle une langue étrangère. Sous les fenêtres de la mère de Krimo, il frôle l'hypercorrection. " Comment allez-vous ? » Séance 5 : Analyse d'un entretien parfois contradictoire entre un professeur de Français qui enseigne en banlieue et le réalisateur Abdellatif Kechiche au sujet de la confrontation parfois brutale des langages, puis exercice écrit sous forme d'un texte argumentatif. Sur une partie de l'article, on fait avec les élèves une analyse de l'argumentation et de la confron-tation des deux points de vue.

■ 7 ■ Extrait de l'entretien (Totalité en annexe p. 9). " Télérama : Il y a dans ce film un formidable travail sur le langage. On voit l'héroïne, Lydia, glis-ser du langage de la cité à la langue classique de Marivaux avec une liberté vertigineuse. La prof de français que vous êtes a dû y être très sensible ? Cécile Ladjali : Pour mes élèves, le français classique est souvent une langue étrangère qui ap-pelle une traduction. Ils disent : " De toute façon, la littérature, ce n'est pas pour moi, à la maison il n'y a pas de livres, ce n'est pas mon monde... » Ils s'enferment dans un ghetto linguistique. Et en tant qu'enseignante, je dois travailler contre cet empêchement d'apprendre qu'ils s'infligent. Je travaille contre leur nature, contre les lois de la cité. Abdellatif Kechiche : Je suis fasciné par le langage de ces jeunes quand ils sont entre eux. Je trouve que leur langue est belle, ambiancée, riche de symboles, nourrie de mots de leur langue d'origine, pleine de gestes, d'expressions qui se mélangent. Bien sûr, je ne suis qu'un artiste humblement contemplatif, pas un pédagogue. Mais je ne crois pas qu'ils s'enferment dans un ghetto. Je pense au contraire qu'il se passe quelque chose chez ces jeunes, un formidable événe-ment culturel, linguistique. En tout cas, je n'ai pas voulu faire de comparaison entre la qualité du langage de Marivaux et le leur, plutôt les renvoyer l'un à l'autre. Cécile Ladjali : Les enfants sont plus forts, plus armés s'ils possèdent les deux langages. Celui de la cité et un autre, celui de Marivaux, de Molière, de Racine, plus difficile, qui leur a demandé du travail, du courage. Moi, j'ai pris le parti de les faire sortir de la cité, de les dépayser. Je les mal-mène exprès. Parce qu'ils vont passer le bac et ça risque de mal tourner s'ils n'ont pas un mini-mum de syntaxe, de vocabulaire, de culture. Mais aussi parce que j'ai bien le sentiment qu'ils s'ennuient dans la cité. Un peu comme les trois gars dans le film, les copains du héros, sous la pluie, avec leur petit anorak... Abdellatif Kechiche : Mais je ne pense pas que le langage des adolescents soit moins intéressant que celui de Marivaux. Leur expression, leur façon d'être sont une véritable culture en elles-mêmes. Ces jeunes Français d'origine africaine ou asiatique sont riches de leur double culture et de leur culture commune puisqu'ils vivent ensemble. C'est l'échange qui est intéressant. Il y a dans les cités une véritable effervescence culturelle. Je pense que ces jeunes vont transformer la langue, l'enrichir, l'empêcher de se figer. C'est toute l'histoire de la langue française... Peut-être que je suis trop admiratif de cette jeunesse... Cécile Ladjali : On n'est jamais trop admiratif de la jeunesse... » Propos recueillis par Isabelle Fajardo, Télérama n° 2817 - 10 janvier 2004 Commentaire : Le premier niveau du commentaire consiste à classer les arguments de chacun ainsi que leurs stratégies argumentatives. L'étude de la modalisation montre l'engagement de chacun dans ses propos. On peut aussi rendre compte de l'écart entre les idées exprimées par le cinéaste et ce que dit le film. Cet article doit enfin conduire à tisser le motif du langage avec les autres fils du film, en particulier l'évocation des premiers émois amoureux à l'adolescence. Avec la multitude des situations, le film dissocie ce qui dans la première séquence apparaissait comme une masse compacte, impénétrable, incompréhensible et indivisible. Il individualise ce qui sem-blait être de l'ordre du groupe, voire de la communauté. Il se dégage alors une énergie qui per-met de dépasser le projet de Marivaux. Il faut s'amuser, jouer à sortir de sa condition en espérant vaincre les déterminismes sociaux et culturels que le dramaturge pensait immuables.  Modalités d'évaluation : Evaluation finale sous forme d'un contrôle de notions.

■ 8 ■  Bilan critique Cette lecture du film a pour objectif de lever un petit coin du voile sur la relation au langage, d'en manifester la dimension affective et identitaire. Elle montre aussi que lorsque le code est l'apanage d'un groupe réduit, il n'est pas efficace. Le recours à d'autres langages qui se superpo-sent à cette langue identitaire, et parfois l'affrontent, s'avère indispensable à l'épanouissement de ces jeunes (on ne parle pas ici d'intégration), et ne détruit pas nécessairement leur rêve d'adolescents : ils semblent vouloir que leurs phrases conservent des traces de leur histoire et de la violence de leurs sentiments. Enfin la présence assez improbable du texte de Marivaux rend manifeste la pertinence du langage artistique. Les élèves, passée la surprise face à une langue familière et argotique ont finalement eu une approche très académique de ce langage. La rédaction de textes argumentatifs a révélé que les élèves avaient majoritairement un point de vue critique à l'égard de cette langue dont ils ont bien perçu les limites. Cependant, ils ont semblé sensibles au fait que l'on rende manifeste, ex-plicite, l'écart et les relations entre les langages qu'ils connaissent ou utilisent et les langages scolaires et littéraires qu'ils doivent acquérir. Cette séquence leur a aussi permis de se rendre compte que tout phénomène linguistique peut être observé et pensé. La petite pièce du spectacle joué par des enfants de maternelle s'achève sur de jolis propos d'un petit enfant qui lui aussi s'appelle Abdelkrim. " Nous avons fait un long voyage pour parvenir à nous-mêmes », dit-il. Ce voyage est aussi, comme le réclame le professeur de français, une explo-ration avide et jubilatoire des possibles du langage, de l'histoire d'une langue et de la littéra-ture.  Indications bibliographiques : Les Céfrans parlent aux Français, Seguin B.,Teillard F. Paris : Ed. Calmann-Lévy, 1996, 229 p. Les auteurs, tous deux professeurs de français dans des établissements de la région parisienne, ont élaboré avec leurs élèves un dictionnaire de plus de 400 mots avec des exemples qui sont autant de gros plans sur la vie quotidienne des adolescents. Ce livre est aussi une chronique à la première personne qui raconte l'école au jour le jour. Migrants-Formation, n° 108, mars 1997, 184 p. Usages identitaires du langage et apprentissage. Quel rapport au langage, quel rapport à l'écrit ? par Elisabeth Bautier. Langue des banlieues : créativité ou enfermement ? (Outrances verbales ou mal de vivre chez les jeunes des cités) par Claudine Dannequin. Enseigner/apprendre la langue scolaire. Un enjeu fondamental pour les enfants issus de l'immi-gration par Danielle Boyzon-Fradet. Langues et cité n°2, septembre 2003, Les pratiques langagières des jeunes. Observatoire des pratiques linguistiques.

■ 9 ■  Annexes - N°1 : Propos recueillis par Isabelle Fajardo, Télérama n° 2817 - 10 janvier 2004. p.9 - N°2 : Le jeu de l'amour et du hasard, Marivaux. Extraits. p.11 - N° 3. Fiche 1 : L'intégration des mots étrangers dans la langue. p.14 - N°4. Fiche 2 : la subordination dans deux textes.p. 15 - N°1 : Propos recueillis par Isabelle Fajardo, Télérama n° 2817 - 10 janvier 2004. Cécile Ladjali initie ses élèves aux grands auteurs et à l'écriture. Abdellatif Kechiche a filmé des ados jouant Marivaux. Leur but : sortir les jeunes de leur ghetto linguistique. Ils sont toniques, vulnérables, émouvants, ces adolescents du 93 filmés par Abdellatif Kechiche. Il faut les écouter parler entre eux, aboyer parfois même, cette langue de la banlieue, expressive, imagée, réjouissante. Il faut voir la jeune Lydia " s'éventailler», comme elle dit, en jouant du Marivaux sous la houlette de la prof de français. Le cinéaste, qui nous avait séduits dans La Faute à Voltaire avec les tribulations amoureuses d'un immigré clandestin, nous offre cette fois le por-trait d'un groupe pluriethnique, fragile et ardent. Les jeunes acteurs de L'Esquive, issus de diffé-rentes cités de la Seine-Saint-Denis, font du cinéma pour la première fois. " Ils sont venus avec leur énergie, leur créativité, ça a été une collaboration, un échange formidables, dit Abdellatif Kechiche. Un vrai bain de jouvence. » Les enfants de la cité, Cécile Ladjali les connaît bien. Cette pédagogue créative, agrégée de let-tres, enseigne le français depuis plusieurs années au lycée Evariste-Galois de Noisy-le-Grand. Elle nourrit ses élèves des grands textes. Puis les fait écrire à leur tour. Et publier. Dernière publication : Tohu-bohu, tragédie pragoise en deux tableaux, écrite par ses deux classes de se-conde, qu'elle a abreuvées de Sophocle, de Kafka, de littérature tchèque. Soixante élèves, " soixante Robin des livres » dit Daniel Mesguich, qui a préfacé l'ouvrage. La pièce sera créée cet hiver à l'Espace Rachi, rue Broca, par William Mesguich (le fils). " La plupart des auteurs de To-hu-bohu sont d'origine maghrébine. Et ce qui est fabuleux, se réjouit Cécile Ladjali, c'est qu'ils vont être reçus par les lycéens juifs de la rue Broca. Tout un symbole. » Cécile Ladjali aurait bien pu inspirer le personnage du professeur qui met ses élèves en scène dans L'Esquive. Mais la prof et le cinéaste ne se connaissaient pas. Ils se sont rencontrés pour Télérama. Echange de points de vue. Télérama : Vous avez reconnu vos élèves dans les adolescents de L'Esquive ? Cécile Ladjali : Oui, je me suis retrouvée propulsée dans ma banlieue, dans mes classes. Dix fois j'ai dû me retenir de pleurer. C'est tellement ça, tellement vrai, la détresse des enfants, leur ennui, leur solitude, leur honte, parfois, au moment de monter sur scène. Ce qui m'a bouleversée, c'est l'abdication du héros, Krimo, qui renonce à faire du théâtre, parce que " ça fait bouffon ». J'entends ça combien de fois par jour ! En revanche, le salut de l'héroïne, Lydia, est obtenu grâce aux mots. Abdellatif Kechiche : Je ne vois pas le parcours de Krimo comme un échec. Même s'il ne réussit pas à s'exprimer par le théâtre, il parvient à sortir de sa bulle, se déguise en acteur pour s'ouvrir à l'autre, à ses émotions, et déclarer sa flamme à sa manière. C'est plutôt encourageant, c'est quel-que chose qui va le construire. Le film raconte le parcours d'un garçon fragile et timide, qui a du mal à s'exprimer. Il n'est pas l'emblème d'une jeunesse de cité. Mais si j'ai voulu montrer cette fragilité-là, c'est aussi pour casser l'image caricaturale qu'on donne généralement de la banlieue : des jeunes durs, qui font peur. J'avais envie de parler d'amour et de théâtre, des premiers émois. De raconter le marivaudage de ces adolescents.

■ 10 ■ Télérama : Ce n'est pas par hasard si vous avez choisi de leur faire jouer du Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard... Abdellatif Kechiche : Marivaux accorde à ses personnages issus de milieu populaire une intériori-té, une intelligence, des sentiments que très peu d'auteurs de son siècle leur prêtent. De même qu'aujourd'hui on représente les gens de ces quartiers populaires de manière réductrice, superfi-cielle, sans les traiter dans leur complexité. Dans Le Jeu de l'amour et du hasard, le valet éprouve la même passion, le même dépit que le maître. Il y a chez Marivaux un enjeu social souterrain. C'est un auteur subversif. Télérama : Vous aussi, Cécile Ladjali, comme le professeur du film, enseignez la littérature en alliant pédagogie et démarche créative. Cécile Ladjali : Cela fait plusieurs années que je fais écrire mes élèves, et que leurs textes sont publiés. Et il faut voir leur fierté quand ils ont vaincu leurs pudeurs. L'année dernière, je leur avais demandé d'adapter pour le théâtre une nouvelle de Balzac, Sarrasine. Ils l'ont jouée sur scène, sous la direction de William Mesguich. C'est l'histoire d'un homme qui tombe amoureux d'un homme en croyant que c'est une femme. Or, quand les valeurs de virilité sont bafouées dans la cité, ça se passe très mal, il n'y a rien de pire que de passer pour un petit pédé. Sur scène, j'avais un élève, un garçon déguisé en fille, maquillé, habillé avec des vêtements XVIIIe siècle. Une gageure. Je peux vous dire qu'il était radieux d'avoir réussi à le faire. Cinq cents personnes au Théâtre Michel-Simon de Noisy-le-Grand : respect total ! Parce qu'il y avait là un acte de cou-rage. Et beaucoup de travail derrière, un texte écrit avec des mots, une syntaxe, qui se tenaient. Il faut qu'il y ait des artistes, des professionnels comme William Mesguich, qui croient aux en-fants et à ce que recèle leur création, pour les cadrer. Les premiers brouillons de mes élèves, quand ils écrivent, ne sont pas bons. Il faut que le prof soit là, que les livres soient là, pour les nourrir. L'art, la création, le théâtre, donnent aux enfants la possibilité de sortir de leur ghetto social, de leur ghetto linguistique. C'est, je crois, l'un des messages de L'Esquive. Télérama : Il y a dans ce film un formidable travail sur le langage. On voit l'héroïne, Lydia, glisser du langage de la cité à la langue classique de Marivaux avec une liberté vertigineuse. La prof de français que vous êtes a dû y être très sensible ? Cécile Ladjali : Pour mes élèves, le français classique est souvent une langue étrangère qui ap-pelle une traduction. Ils disent : " De toute façon, la littérature, ce n'est pas pour moi, à la maison il n'y a pas de livres, ce n'est pas mon monde... » Ils s'enferment dans un ghetto linguistique. Et en tant qu'enseignante, je dois travailler contre cet empêchement d'apprendre qu'ils s'infligent. Je travaille contre leur nature, contre les lois de la cité. Abdellatif Kechiche : Je suis fasciné par le langage de ces jeunes quand ils sont entre eux. Je trouve que leur langue est belle, ambiancée, riche de symboles, nourrie de mots de leur langue d'origine, pleine de gestes, d'expressions qui se mélangent. Bien sûr, je ne suis qu'un artiste humblement contemplatif, pas un pédagogue. Mais je ne crois pas qu'ils s'enferment dans un ghetto. Je pense au contraire qu'il se passe quelque chose chez ces jeunes, un formidable événe-ment culturel, linguistique. En tout cas, je n'ai pas voulu faire de comparaison entre la qualité du langage de Marivaux et le leur, plutôt les renvoyer l'un à l'autre. Cécile Ladjali : Les enfants sont plus forts, plus armés s'ils possèdent les deux langages. Celui de la cité et un autre, celui de Marivaux, de Molière, de Racine, plus difficile, qui leur a demandé du travail, du courage. Moi, j'ai pris le parti de les faire sortir de la cité, de les dépayser. Je les mal-mène exprès. Parce qu'ils vont passer le bac et ça risque de mal tourner s'ils n'ont pas un mini-

■ 11 ■ mum de syntaxe, de vocabulaire, de culture. Mais aussi parce que j'ai bien le sentiment qu'ils s'ennuient dans la cité. Un peu comme les trois gars dans le film, les copains du héros, sous la pluie, avec leur petit anorak... Abdellatif Kechiche : Mais je ne pense pas que le langage des adolescents soit moins intéressant que celui de Marivaux. Leur expression, leur façon d'être sont une véritable culture en elles-mêmes. Ces jeunes Français d'origine africaine ou asiatique sont riches de leur double culture et de leur culture commune puisqu'ils vivent ensemble. C'est l'échange qui est intéressant. Il y a dans les cités une véritable effervescence culturelle. Je pense que ces jeunes vont transformer la langue, l'enrichir, l'empêcher de se figer. C'est toute l'histoire de la langue française... Peut-être que je suis trop admiratif de cette jeunesse... Cécile Ladjali : On n'est jamais trop admiratif de la jeunesse... - N°2 : Le jeu de l'amour et du hasard, Marivaux. Extraits. a- SCENE V : ARLEQUIN, LISETTE. ARLEQUIN : - Ah ! Madame, sans lui j'allais vous dire de belles choses, et je n'en trouverai plus que de communes à cette heure, hormis mon amour qui est extraordinaire ; mais à propos de mon amour, quand est-ce que le vôtre lui tiendra compagnie ? LISETTE : - Il faut espérer que cela viendra. ARLEQUIN : - Et croyez-vous que cela vienne ? LISETTE : - La question est vive ; savez-vous bien que vous m'embarrassez ? ARLEQUIN : - Que voulez-vous ? Je brûle, et je crie au feu. LISETTE : - S'il m'était permis de m'expliquer si vite. ARLEQUIN : - Je suis du sentiment que vous le pouvez en conscience. LISETTE : - La retenue de mon sexe ne le veut pas. ARLEQUIN : - Ce n'est donc pas la retenue d'à présent qui donne bien d'autres permissions. LISETTE : - Mais, que me demandez-vous ? ARLEQUIN : -Dites-moi un petit brin que vous m'aimez ; tenez je vous aime moi, faites l'écho, répétez Princesse. LISETTE : - Quel insatiable ! eh bien, Monsieur, je vous aime. ARLEQUIN : - Eh bien, Madame, je me meurs ; mon bonheur me confond, j'ai peur d'en courir les champs ; vous m'aimez, cela est admirable ! LISETTE : - J'aurais lieu à mon tour d'être étonnée de la promptitude de votre hommage ; peut-être m'aimerez-vous moins quand nous nous connaîtrons mieux. ARLEQUIN : - Ah, Madame, quand nous en serons là, j'y perdrai beaucoup, il y aura bien à décomp-ter. LISETTE : - Vous me croyez plus de qualités que je n'en ai. ARLEQUIN : - Et vous Madame, vous ne savez pas les miennes ; et je ne devrais vous parler qu'à genoux. LISETTE : - Souvenez-vous qu'on n'est pas les maîtres de son sort. ARLEQUIN : - Les pères et mères font tout à leur tête. LISETTE : - Pour moi, mon coeur vous aurait choisi dans quelque état que vous eussiez été. ARLEQUIN : - Il a beau jeu pour me choisir encore. LISETTE : - Puis-je me flatter que vous êtes de même à mon égard ? ARLEQUIN : - Hélas, quand vous ne seriez que Perrette ou Margot, quand je vous aurais vue le martinet à la main descendre à la cave, vous auriez toujours été ma Princesse. LISETTE : - Puissent de si beaux sentiments être durables !

■ 12 ■ ARLEQUIN : - Pour les fortifier de part et d'autre jurons-nous de nous aimer toujours en dépit de toutes les fautes d'orthographe que vous aurez faites sur mon compte. LISETTE : - J'ai plus d'intérêt à ce serment-là que vous, et je le fais de tout mon coeur. ARLEQUIN se met à genoux : - Votre bonté m'éblouit, et je me prosterne devant elle. LISETTE : - Arrêtez-vous, je ne saurais vous souffrir dans cette posture-là, je serais ridicule de vous y laisser ; levez-vous. Voilà encore quelqu'un. b-SCENE VI : LISETTE, ARLEQUIN, SILVIA. LISETTE : - Que voulez-vous lisette ? SILVIA : - J'aurais à vous parler, Madame. ARLEQUIN : - Ne voilà-t-il pas ! Eh ma mie revenez dans un quart d'heure, allez, les femmes de chambre de mon pays n'entrent point qu'on ne les appelle. SILVIA : - Monsieur, il faut que je parle à Madame. ARLEQUIN : - Mais voyez l'opiniâtre soubrette ! Reine de ma vie renvoyez-la. Retournez-vous- en, ma fille, nous avons ordre de nous aimer avant qu'on nous marie, n'interrompez point nos fonctions. LISETTE : - Ne pouvez-vous pas revenir dans un moment, Lisette ? SILVIA: - Mais, Madame... ARLEQUIN : - Mais ! Ce mais-là n'est bon qu'à me donner la fièvre. SILVIA à part. - Ah le vilain homme ! - (Haut.) Madame, je vous assure que cela est pressé. LISETTE : - Permettez donc que je m'en défasse, Monsieur. ARLEQUIN : - Puisque le diable le veut, et elle aussi... Patience... Je me promènerai en attendant qu'elle ait fait. Ah, les sottes gens que nos gens ! c- SCENE VII : SILVIA, LISETTE. SILVIA : - Je vous trouve admirable de ne pas le renvoyer tout d'un coup, et de me faire essuyer les brutalités de cet animal-là. LISETTE : - Pardi, Madame, je ne puis pas jouer deux rôles à la fois ; il faut que je paraisse ou la Maîtresse, ou la Suivante, que j'obéisse ou que j'ordonne. SILVIA : - Fort bien ; mais puisqu'il n'y est plus, écoutez-moi comme votre Maîtresse : vous voyez bien que cet homme-là ne me convient point. LISETTE : - Vous n'avez pas eu le temps de l'examiner beaucoup. SILVIA : - Êtes-vous folle avec votre examen ? Est-il nécessaire de le voir deux fois pour juger du peu de convenance ? En un mot je n'en veux point. Apparemment que mon père n'approuve pas la répugnance qu'il me voit, car il me fuit, et ne me dit mot ; dans cette conjoncture, c'est à vous à me tirer tout doucement d'affaire, en témoignant adroitement à ce jeune homme que vous n'êtes pas dans le goût de l'épouser. LISETTE : - Je ne saurais, Madame. SILVIA : - Vous ne sauriez ! Et qu'est-ce qui vous en empêche ? LISETTE : - Monsieur Orgon me l'a défendu. SILVIA : - Il vous l'a défendu ! Mais je ne reconnais point mon père à ce procédé-là. LISETTE : - Positivement défendu. SILVIA : - Eh bien, je vous charge de lui dire mes dégoûts, et de l'assurer qu'ils sont invincibles ; je ne saurais me persuader qu'après cela il veuille pousser les choses plus loin. LISETTE : - Mais, Madame, le futur qu'a-t-il donc de si désagréable, de si rebutant ? SILVIA : - Il me déplaît vous dis-je, et votre peu de zèle aussi. LISETTE : - Donnez-vous le temps de voir ce qu'il est, voilà tout ce qu'on vous demande.

■ 13 ■ SILVIA : - Je le hais assez sans prendre du temps pour le haïr davantage. LISETTE : - Son valet qui fait l'important ne vous aurait-il point gâté l'esprit sur son compte ? SILVIA : - Hum, la sotte ! Son valet a bien affaire ici ! LISETTE : - C'est que je me méfie de lui, car il est raisonneur. SILVIA :- Finissez vos portraits, on n'en a que faire ; j'ai soin que ce valet me parle peu, et dans le peu qu'il m'a dit, il ne m'a jamais rien dit que de très sage. LISETTE : -Je crois qu'il est homme à vous avoir conté des histoires maladroites, pour faire bril-ler son bel esprit. SILVIA : - Mon déguisement ne m'expose-t-il pas à m'entendre dire de jolies choses ! À qui en avez-vous ? D'où vous vient la manie, d'imputer à ce garçon une répugnance à laquelle il n'a point de part ? Car enfin, vous m'obligez à le justifier, il n'est pas question de le brouiller avec son maître, ni d'en faire un fourbe pour me faire moi une imbécile qui écoute ses histoires. LISETTE : - Oh, Madame, dès que vous le défendez sur ce ton-là, et que cela va jusqu'à vous fâ-cher, je n'ai plus rien à dire. SILVIA : - Dès que je vous le défends sur ce ton-là ! Qu'est-ce que c'est que le ton dont vous dites cela vous-même ? Qu'entendez-vous par ce discours, que se passe-t-il dans votre esprit ? LISETTE : - Je dis, Madame, que je ne vous ai jamais vue comme vous êtes, et que je ne conçois rien à votre aigreur. Eh bien si ce valet n'a rien dit, à la bonne heure, il ne faut pas vous emporter pour le justifier, je vous crois, voilà qui est fini, je ne m'oppose pas à la bonne opinion que vous en avez, moi. SILVIA :- Voyez-vous le mauvais esprit ! Comme elle tourne les choses, je me sens dans une indignation... qui... va jusqu'aux larmes. LISETTE : - En quoi donc, Madame ? Quelle finesse entendez-vous à ce que je dis ? SILVIA : - Moi, j'y entends finesse ! Moi, je vous querelle pour lui ! J'ai bonne opinion de lui ! Vous me manquez de respect jusque-là, bonne opinion, juste ciel ! Bonne opinion ! Que faut-il que je réponde à cela ? Qu'est-ce que cela veut dire, à qui parlez-vous ? Qui est- ce qui est à l'abri de ce qui m'arrive, où en sommes-nous ? LISETTE : - Je n'en sais rien ! Mais je ne reviendrai de longtemps de la surprise où vous me je-tez. SILVIA : - Elle a des façons de parler qui me mettent hors de moi ; retirez-vous, vous m'êtes insupportable, laissez-moi, je prendrai d'autres mesures. SCENE VIII : SILVIA. SILVIA : - Je frissonne encore de ce que je lui ai entendu dire ; avec quelle impudence les domes-tiques ne nous traitent-ils pas dans leur esprit ? Comme ces gens-là vous dégradent ! Je ne sau-rais m'en remettre, je n'oserais songer aux termes dont elle s'est servie, ils me font toujours peur. Il s'agit d'un valet : ah l'étrange chose ! Écartons l'idée dont cette insolente est venue me noircir l'imagination. Voici Bourguignon, voilà cet objet en question pour lequel je m'emporte ; mais ce n'est pas sa faute, le pauvre garçon et je ne dois pas m'en prendre à lui.

■ 14 ■ - N° 3. Fiche 1 : L'intégration des mots étrangers dans la langue. .1- Recherchez l'origine des mots suivants et placez les dans le tableau qui suit : Algorithme ; paquebot ; boulangère ; boulangerie ; bazar ; jaguar ; jupe ; tabac ; crabe ; layette ; alcool ; ouragan ; thé ; chacal ; guitare ; sucre ; chagrin ; ruban ; hasard ; confortable ; arithméti-que ; pamplemousse ; algèbre ; tulipe ; magasin ; influencer ; sorbet. Mots d'origine gauloise Mots d'ori-gine arabe et persanne Mots d'origine flamande Mots d'origine anglaise Mots d'origine amérindi-enne Mots d'origine asiatique alouette (latin : alauda, ancien français : aloe ) (en français au 12ème siècle) balai (gaulois : banalto devenu balatno) tasse (1180) zénith (14ème siècle) zéro (1485) chiffre (1485) épinards (1331) Matelot lester, dé-lester dériver (1694) disqualifier (to disqual-ify. 1784) minorité (minority. 1727) vote officiel sagouin (1537) tomate puma cannibale divan (1653 persan) caviar (1553 turc) mangue (manga. 1540 tamoul) 2- Les mots et la mondialisation : l'importation de mots anglais. Ajouter à ces mots d'origine anglaise d'autres mots qui font désormais partie du lexique français : • camping (1905) • parlement (au sens politique, 1825) • fashionable (du français : façon. 1804) • bol (bowl, bolée. 1792) • pickpocket (de to pick et de pocket, enlever et poche. 1792) • stock (stock, tronc, souche. 1844) • top, top niveau de (top, sommet. 20ème siècle) • boom (boom, anglo-américain, détonation. 1885) • parking (de to park, parquer. 20ème siècle) • stop (impératif de to stop, (s')arrêter. 1792) • tee-shirt (tee-shirt, vêtement en forme de "t". 1950) • basket (basket, mot anglo-américain, panier. Vers 1950) • sport (d'une aphérèse de disport, amusement, jeu. 1828) • stress (stress, effort intense, tension. 1950) • jeans (jean, mot américain, treillis. 1967)

■ 15 ■ - N°4. Fiche 2 : la subordination dans deux textes : Observer le discours du professeur de français et un extrait de la pièce de Marivaux. 1- Relever les subordonnées dans l'extrait suivant : Le professeur : - " Ce que Marivaux nous dit : les riches jouent les pauvres et les pauvres jouent les riches. Personne n'y arrive, ce qui nous montre que personne ne peut sortir de sa condition sociale. Quand on a été vingt ans riches ou vingt ans pauvre, on peut toujours se mettre en hail-lons quand on est riche, ou en robe haute couture quand on est pauvre, on se débarrasse pas d'une langue, d'une manière de s'exprimer, de se tenir qui indique d'où on vient. » On observe deux types de subordonnées des complétives et des compléments circonstanciels. 2- Rechercher dans l'extrait suivant les différentes subordonnées. LISETTE : " - Oh, Madame, dès que vous le défendez sur ce ton-là, et que cela va jusqu'à vous fâcher, je n'ai plus rien à dire. SILVIA : - Dès que je vous le défends sur ce ton-là ! Qu'est-ce que c'est que le ton dont vous dites cela vous-même ? Qu'entendez-vous par ce discours, que se passe-t-il dans votre esprit ? LISETTE : - Je dis, Madame, que je ne vous ai jamais vue comme vous êtes, et que je ne conçois rien à votre aigreur. Eh bien si ce valet n'a rien dit, à la bonne heure, il ne faut pas vous emporter pour le justifier, je vous crois, voilà qui est fini, je ne m'oppose pas à la bonne opinion que vous en avez, moi. » a- Retrouver un exemple de proposition complétive et un de subordonnée circonstan-cielle. b- Analyser les mots en caractères gras pour revoir les subordonnées relatives.

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