[PDF] Le besoin de mentir: aspects cliniques et enjeux théoriques





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SÉQUENCE 1

La fable le conte



« MENTIR-VRAI » CONTRE « MENTIR FAUX » : LE COMBAT

faux » de la désinformation volontaire contre « mentir-vrai » du roman 1 Yves Citton





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Sujet A. Œuvre : Molière Le Malade imaginaire. Parcours : spectacle et comédie. La comédie Le Malade imaginaire est-elle un spectacle de pure fantaisie ?



Le Mentir-vrai de lengagement chez Louis Aragon romancier des

En revanche le mentir-vrai est-il compatible avec la monologie du récit rappelons-le



Sujets de français bac 2021

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Le besoin de mentir: aspects cliniques et enjeux théoriques

17 mars 2014 Ces récits fictionnels n'ont pourtant pas pour vocation de tromper mais



2) Question dont la réponse est personnelle… 3) On comprend le

1) La nouvelle « Le salaire du sniper » appartient au recueil Passages d'enfer publié en 1998. L'histoire se déroule à Kotorosk



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dire vrai ce n'est pas tant pour que mon nom soit cité que je mets ce document sous Molière Le Malade imaginaire (Sujet G1SHLEH02670) .



FRANÇAIS ET LITTÉRATURE – GÉNÉRALE BIS

Ceci est une proposition de correction. Le PDF sera régulièrement mis à jour. Sujet de dissertation sur Le Malade imaginaire de Molière. La comédie de Le Malade 

- Année

Le besoin de mentir

Aspects cliniques et enjeux théoriques

Thèse de doctorat de psychologie clinique

Dirigée par François Marty et co-dirigée par Florian Houssier Présentée et soutenue publiquement le 8 novembre 2013

Devant un jury composé de :

Pr Apollinaire Anakesa Kululuka, Université des Antilles et de la Guyane

Pr Bernard Duez, Université Lyon II Rapporteur

Pr Florian Houssier, Université Paris V Co-Directeur

Pr François Marty, Université Paris V Directeur

Pr Jean-Pierre Pinel, Université Paris XIII Rapporteur

D-W. Winnicott (1963b, p. 160)

2

...................................................................................................................... 5

............................................................................................................................ 6

I.Revue des questions .................................................................................................... 12

II.Les approches psychanalytiques ............................................................................... 57

2.1 2.2 2.3 2.4 III.Destin et fonctions du mensonge au cours du développement de l'enfant. ......... 115

Analyses cliniques ................................................................................................................. 165

IV.Faux Moi ................................................................................................................... 166

V.Adultes maltraitants ou réalité mal traitée ? ......................................................... 226

5.1ANITA : ADOLESCENTE EN GUERRE&

3

5.2LES FAUX SIGNALEMENTS DE MALTRAITANCE%

5.3PARENTS INSUFFISAMMENT BONS ?

5.4UN REVELATEUR DES PERTURBATIONS DU MILIEU&

5.5POUR RESUMER : UN FACTEUR D'ESPOIR&

VI.Discussion .................................................................................................................. 290

VII.Bibliographie. ............................................................................................................ 302

VIII.Index des auteurs cités ............................................................................................. 329

IX.Index des cas et des exemples présentés ................................................................. 334

X.Index des termes et des notions employés .............................................................. 336

XI.Table des matières. ................................................................................................... 338

4

À Patricia...

5 Merci à mon directeur, Monsieur le Professeur François Marty qui a su faire preuve d'une infinie patience à mon égard. Merci à mon codirecteur, Monsieur Florian Houssier pour les précieuses connaissances avec lesquelles il a orienté mes réflexions.

Merci à Madame Evelyne Grange-Ségéral, grâce à sa disponibilité sans égale, l'Atlantique

s'est rétréci. Merci à Chô, sans qui ce travail n'aurait jamais été écrit en français. Merci à Apollinaire, pour sa rigueur scientifique. Merci à Paul, qui m'a donné le courage de me lancer dans ce travail. Merci à tous ceux qui sont au coeur de cette thèse, dont ils constituent les cas. Merci à mes proches, mes parents, mes soeurs et mes amis, qui ont su accepter le retrait social que ce besogneux travail a suscité. Comme l'écrivait J-P. Sartre " vivre ou écrire »... Merci enfin à Messieurs les Professeurs Bernard Duez et Jean-Pierre Pinel pour avoir accepté d'être les rapporteurs de ce travail. Le terme de mensonge est synonyme d'un refus des individus à communiquer leurs

pensées et d'une volonté délibérée d'énoncer des informations erronées dans l'objectif de

tromper quelqu'un d'autre. À l'aide du vocable de mensonge, nous questionnerons une configuration clinique jusqu'ici peu analysée et chercherons comment, dans le cadre d'un projet de soin, entendre un patient ou un usager animé par un besoin de mentir. S. Freud (1914-1919, p. 86) enseignait qu'on ne doit pas fabriquer de théories, qu'elles

doivent nous " tomber dessus » comme des invités inattendus. Il en fut ainsi de notre

rencontre initiale avec la question du mensonge. Celle-ci débuta dans une structure d'accueil

pour personnes en errance où nous faisions fonction d'éducateur. Un usager y a laissé

l'ensemble des membres de l'équipe désemparés, après que nous nous soyons aperçu qu'il

avait menti sur qui il était. La motivation qui semblait animer cet homme nous a fortement

intrigué. D'autres observations réalisées dans ce contexte d'accompagnement éducatif, au sein

du dispositif que nous nommerons Café social ont encore accentuées les questionnements formulés dans un mémoire de Master 1. Certains individus nous ont en effet paru animés par

un besoin irrépressible d'induire leurs interlocuteurs en erreur. Le problème se posait de

savoir comment expliquer le besoin qu'ils éprouvent, ainsi que celui de comprendre ce que cette tendance pouvait révéler du mode de fonctionnement psychique de ces sujets, parfois dotés d'une remarquable faculté de persuasion.

Trois ans après avoir rédigé un mémoire de Master 2 en 2004, la question du

mensonge ressurgira de façon impromptue, dans un tout autre cadre ; au cours d'une pratique de psychologue en Guyane, dans un service d'Aide Sociale à l'Enfance. En effet, ce sujet

revenait fréquemment chez les éducateurs, les familles d'accueil et les parents à qui certains

adolescents mentaient éperdument. Les mensonges à travers lesquels ils accusaient fallacieusement de maltraitance des proches sont venus raviver nos anciennes interrogations.

Le problème initialement posé durant notre expérience de travailleur social fit ainsi retour

avec suffisamment d'insistance pour nous décider à en faire l'objet d'une thèse en remettant,

a posteriori, au travail notre hypothèse princeps selon laquelle le mensonge représentait une forme de communication inconsciente.

7 Nous mettrons donc en perspective les observations issues d'une pratique de

psychologue à l'Aide Sociale à l'Enfance, avec celles recueillies dans le cadre du Café social.

Nous examinerons le cas de sujets vis-à-vis desquels l'inclinaison au mensonge nous a semblé

constituer une caractéristique déterminante, un élément central de leur problématique. En

définitive, ces observations contribueront à l'analyse des logiques inconscientes qui expliqueraient un besoin de mentir. Le mensonge implique a priori une volition qui laisse l'impression que le sujet

déciderait entièrement de sa conduite. Pourtant, celle-ci ne serait pas aussi transparente à elle-

même qu'il n'y paraît : le sujet peut vouloir tromper et avoir conscience de le faire, sans nécessairement savoir pourquoi il en éprouve le besoin. Aussi proposons-nous d'interroger les motifs inconscients qui expliqueraient cette attitude. Le problème princeps que nous posons est celui du " pourquoi » : pourquoi certains

sujets seraient-ils amenés à mentir à leurs interlocuteurs sans qu'aucun motif matériel ne les

y pousse ? Quels bénéfices psychiques une relation où les autres sont induits en erreur

procure-t-elle ? En quoi l'action de mentir pourrait-elle être la communication inconsciente

d'une difficulté ? L'écoute du discours sciemment trompeur requiert-elle des modalités

spécifiques, et si oui, lesquelles ? Voici énoncées les questions auxquelles ce travail aura pour objectif de répondre. Pour

ce faire, nous nous appuierons sur le postulat selon lequel le discours mensonger serait

analogue à un acte. Il impliquerait une action significative à l'adresse d'un autre sujet. Les

logiques inconscientes qui animent le sujet seraient à déchiffrer dans la manière avec laquelle

il agit sur ceux à qui il ment. La prise en compte du mode d'utilisation de l'objet (au sens

winnicottien) sous-jacent à cet " acte-parlé » (S. Chapellon, 2011e) permettrait ainsi

d'accéder à un niveau de compréhension du sujet autrement inaccessible. Autour de ce postulat, nous avons émis deux hypothèses qui guideront cette recherche.

La première concerne la finalité économique du mensonge, et s'intéresse au mode

d'utilisation de l'objet qu'il implique. La seconde vise à cerner la nature des angoisses dont le sujet se défend et la manière avec laquelle il les communiquerait en mentant.

8 La première hypothèse que nous formulons se présente ainsi : le sujet mentirait pour

contre-investir un état de vulnérabilité psychique et transitionnaliser la rencontre avec l'autre,

en le repoussant fantasmatiquement hors de sa vie psychique, tout en établissant un lien

narcissiquement réparateur, d'adhésion, avec lui. Notre seconde hypothèse est la suivante : le sujet ferait éprouver à ceux qu'il trompe

sa propre perte de confiance. Les affects traumatiques ressentis suite à l'expérience du

mensonge représenteraient ainsi la communication inconsciente d'angoisses de nature persécutrices, qui seraient transférées par identification projective. La vérification de ces hypothèses semble en revanche complexifiée par la controverse

suscitée par cette thématique. À l'annonce de notre sujet de recherche de fortes réticences

étaient en effet exprimées par la plupart de nos interlocuteurs. La majorité d'entre eux

soulignait la désuétude du vocable de " mensonge ». Rares sont les scientifiques qui acceptent

de souscrire à l'idée de tromperie intentionnelle qu'il connote. Le psychanalyste A. Eiguer (1989, p. 61) conteste par exemple l'emploi du terme de mensonge. Il serait antinomique vis-

à-vis de la pensée analytique car l'idée d'inconscient en annulerait la pertinence. La notion de

mensonge parait donc contradictoire avec l'idée d'inconscient et semble de surcroît se

dissoudre dans la théorie de la mythomanie, qu'A. Eiguer, comme beaucoup d'autres auteurs, lui préfèrent. En fait, il nous est apparu qu'un problème théorique restait à résoudre. En effet, la

littérature consacrée à cette question semble maigre. Nos recherches bibliographiques ont

conduit à une relative impasse : aucun ouvrage de référence n'existait dans le champ de la psychanalyse et, dans la seule thèse apparemment consacrée à ce sujet, V. Goedert Masuy

(2003) s'intéresse en fait au jeu du " faire semblant » auquel s'adonnent les enfants. De plus,

les rares auteurs qui abordent des thèmes connexes usent d'autres notions laissant souvent en suspens la question d'un désir de tromper. L'intentionnalité que caractérise le vocable de mensonge semble donc difficile à concevoir, et ce terme comporterait l'idée d'une condamnation morale. Pourtant, ne peut-on pas être conscient de tromper les autres sans savoir pourquoi on en éprouve le besoin ? La question de la tromperie recèle l'idée d'une transgression mais celle-ci n'est-elle pas un aspect essentiel de la dynamique des sujets concernés ? Tout comme

9 on parle de " violence » ou de " perversion » sans pour autant émettre un jugement de valeur

à l'égard des sujets concernés, nous estimons qu'il est possible de faire référence au

mensonge dans une perspective scientifique. Ce terme nous a paru le plus apte à favoriser la compréhension de la problématique des sujets rencontrés au cours de notre pratique. Nous avons donc été amené à reconsidérer l'utilité du vocable de mensonge qui ne semble pas avoir voix au chapitre dans le lexique scientifique. Aussi importera-t-il de discuter

du statut théorique de cette notion et de la configuration clinique qu'elle concernerait

éventuellement, avant d'en user comme d'un concept à part entière. Nous commencerons

donc par définir notre objet afin de préciser ses caractéristiques intersubjectives. À cet effet,

nous présenterons une première situation exemplaire : le cas de Monsieur Ripley permettra d'envisager le type de lien sous-tendu par le mensonge, ainsi que ses implications inconscientes. L'exemple de cet homme particulièrement enclin à tromper ses interlocuteurs

servira aussi à discuter des difficultés que pose l'observation de cette attitude singulière.

Ensuite, l'étude de la place qu'a historiquement tenu la simulation dans le corpus psychiatrique au moment de la découverte de la psychanalyse aidera à situer l'origine des

présupposés négatifs qui environnent la question du mensonge. Après, nous recenserons les

approches des psychanalystes contemporains qui, hormis W-R. Bion (1970) et R. Langs (1980), emploient d'autres notions, comme la " mythomanie », la " pseudologia-

phantastica », l'" imposture », ou le " faux », entre autres. L'hétérogénéité des terminologies

usitées renvoyant l'impression d'avoir affaire à des phénomènes disparates, nous discuterons

de la possibilité qu'une " babélisation théorique » (R. Roussillon, 2001b) empêche de réunir

les arguments des auteurs. Après avoir passé en revue les théories existantes, dans le but de les rassembler au sein de notre corpus, nous utiliserons les travaux des analystes d'enfants qui, à l'instar de D-W.

Winnicott, ont plus distinctement traité de la question du mensonge. À l'aide de leurs

arguments, nous décrirons le rôle du mensonge au cours du développement de l'enfant. Il s'agira de trouver les points de concordance entre les fonctions organisatrices, " normales », que ce mécanisme revêt au cours de la croissance et ses teintes plus pathologiques. Nous

interrogerons la forme de dépendance à l'objet extérieur dont le mensonge peut être le

symptôme. Dans cette perspective, nous présenterons ensuite le cas de l'adolescente qui aurait

menti à S. Freud (1920a). L'exemple de cette patiente qui a délibérément trompé son analyste

10 ouvrira une réflexion portant sur les dynamiques transféro-contre-transférentielles en jeu.

Nous décrirons les fonctions défensives de ses " rêves de complaisance mensongers » en les

comparant à celles de la négation ; mécanisme dont le mensonge constituerait un ersatz. Il

s'agira de réfléchir à l'aspect paradoxal que comporte cette manière d'interpeller l'autre tout

en lui refusant tout accès à soi. L'étude des dynamiques trans-subjectives relatives à l'action de tromper ne pouvant

se poser de façon aussi aiguë que dans le vif de la rencontre, l'examen des cas restera au coeur

de nos préoccupations. Aussi présenterons-nous ensuite les expériences à la source de nos

questionnements. Nous examinerons donc des cas vis-à-vis desquels la prise en considération d'un besoin de mentir nous a semblé éclairer l'analyse. C'est avec celui de Jean-Bob, le sujet à la source de nos premières interrogations, que débuteront nos observations cliniques. Autour de son exemple, rapporté de notre expérience d'éducateur au Café social, nous nous efforcerons d'approfondir le déterminisme inconscient à l'oeuvre dans l'usage compulsif du mensonge. Nous examinerons le type de désorganisation psychique qui pousse certains sujets à interagir de cette manière avec autrui, et envisagerons

les raisons pour lesquelles le mensonge serait une " solution » privilégiée par les personnalités

dites en " faux self » (D-W. Winnicott, 1960). Cet homme ayant réussi à susciter l'adhésion

de ses interlocuteurs, nous analyserons la transaction narcissique où la croyance dans le

mensonge prendrait sa source. Après quoi, le cas de Mithridate aidera à comprendre comment

et pourquoi le sujet s'octroie fantasmatiquement une position de supériorité vis-à-vis de ceux

qu'il trompe. Nous verrons qu'à l'instar de la " tendance antisociale » étudiée par D-W.

Winnicott (1956), le mensonge constitue un facteur d'espoir car il serait l'expression d'une souffrance autrement indicible. Autour de ce dernier exemple rapporté du Café social, nous discuterons de la valeur pronostic de cette attitude et exposerons le dilemme posé au praticien. Enfin, dans le dernier chapitre, nous changerons d'angle d'observation puisque nous n'examinerons plus des exemples où nous étions partie prenante, en tant que destinataire direct du mensonge, mais analyserons les situations de quatre adolescents ayant menti à des personnes de leur entourage. D'abord, l'examen du cas d'Anita, une adolescente accueillie

sous une fausse identité par le service d'Aide Sociale à l'Enfance où nous étions psychologue

permettra de préciser le rôle défensif du mensonge. Cette jeune en aurait usé comme d'un ultime moyen de contenance pour se protéger des bouleversements psychiques engendrés par

11 la migration de sa famille. Ensuite, l'exemple de la fausse déclaration à travers laquelle Fatou

accusa son père d'attouchements permettra d'évoquer le problème des faux signalements de

maltraitance. Nous réfléchirons aux motifs inconscients qui poussent certains sujets à se

plaindre de façon infondée d'agressions sexuelles ou physiques perpétrées par leurs parents.

Nous montrerons que, lorsque ces mensonges sont pris au pied de la lettre ils ont des conséquences sociales et familiales contraires aux attentes inconscientes qui les motivent. Il s'agira d'expliquer pourquoi, selon nous, ils concrétisent le fantasme du " roman familial » (S. Freud, 1909b). Nous verrons notamment que la décision de justice qui déchu le père de

Prométhée de son autorité, a brisé le cadre familial sur lequel il cherchait paradoxalement à

s'appuyer. Nous tâcherons de démontrer que la prise en compte du caractère fictif de ce genre

de dénonciation permet de prendre en considération la fragilité des parents incriminés et

d'envisager un soutien à la parentalité. Avec l'exemple d'Entropie, nous questionnerons le

sens des mensonges consistant à distendre les liens institutionnels en désunissant les

professionnels. À travers le cas de cette adolescente qui accusa un éducateur d'attouchements

auprès de la direction de l'établissement dans lequel elle était placée, nous questionnerons les

motifs inconscients qui poussent de tels sujets à ourdir des scénarii discréditant les membres

d'une équipe les uns aux yeux des autres. Il s'agira de discuter du fait que ces mensonges, pouvant effondrer l'espace institutionnel, représentent un moyen pour le sujet d'externaliser son clivage sur le groupe. Ces exemples, tirés de contextes pratiques différents, permettront d'analyser comment

les sujets expriment finalement une détresse en la cachant. Nous verrons que la prise en

compte de la question du mensonge éclaire la manière avec laquelle le sujet interpelle un environnement qui est à la fois source de ses angoisses et porteur de ses espoirs. Dans ce but, nous allons préalablement définir l'objet de cette thèse et passer en revue les problèmes et les questions qui se posent. 12 Dans ce chapitre, notre premier souci sera d'expliquer pourquoi nous avons interprété l'attitude des sujets dont nous examinerons le cas en termes de désir d'induire autrui en

erreur. Nous passerons ici en revue les questions et problèmes posés par les spécificités de ce

comportement a priori intentionnel. Ceci dans l'objectif de faire du " mensonge » un concept clinique. Aussi le définirons-nous, avant d'expliquer pourquoi l'intention qu'il caractérise

permettrait d'étudier une configuration clinique singulière. Nous débattrons consécutivement

de l'idée de " mensonge-à-soi » afin de démontrer qu'elle constituerait une application à

contre-emploi de la sémantique du mensonge. Dans cette optique, nous chercherons comment

certains mésusages scientifiques de ce terme auraient contribué à en obscurcir le sens premier.

Après quoi, nous présenterons les concepts de pseudologia-phantastica et de mythomanie

dans le but de soulever à la fois les problèmes épistémologiques qu'ils posent et de démontrer

qu'ils désignent des configurations cliniques différentes de celle que nous nous donnons pour

tâche de décrire. Enfin, il s'agira de discuter des conditions d'observation de ce phénomène

en distinguant les approches clinique et médico-légale. C'est seulement à la suite de ces

précautions méthodologiques et conceptuelles que nous examinerons le cas de Monsieur Ripley. Cet exemple, permettra à la fois de présenter notre premier dispositif de collecte des

données : le Café social, et de commencer de discuter des deux hypothèses sur lesquelles cette

recherche est axée. 13

Cette première partie sera consacrée à un élagage sémantique. Nous définirons ce que

nous entendons par " mensonge » et présenterons l'amalgame mensonge et mensonge-à-soi,

afin de discuter ensuite du préjugé selon lequel lesdits " mythomanes » croiraient sincèrement

aux histoires qu'ils racontent. Ceci permettra d'envisager plus précisément les particularités

intersubjectives du phénomène à étudier. Notons que pour éviter d'entrer dans une démarche

théorique trop aride, nous donnerons progressivement corps à notre objet de recherche à l'aide

d'illustrations puisées dans la pléthore de faits divers rapportés par des journalistes. Pour l'heure, opérons une définition claire du système relationnel que peut désigner le mot de " mensonge ». Avant toute chose, il nous a semblé utile de traiter brièvement d'étymologie. Le mot

" mensonge » serait apparu en 1080 dans la langue française, à la suite d'une dérivation du

latin populaire " mentionica » prenant racine dans le bas latin " mentire ». Le qualificatif de

" menteur » serait né en 1220 du verbe mentir, qui semble avoir été employé auparavant (J.

Picoche, 1992, pp. 313-314). Le substantif " ment », sur lequel est construit ce verbe est hérité

de la racine indo-européenne men, se rapportant à l'idée d'une activité mentale. En latin cette

racine apparaît dans mentalis qui signifie " de l'esprit » (Ibid.). Le mot mensonge semble

donc être traditionnellement associé à la pensée, ou à l'intelligence en action. Même

relativement obscurci par la patine du temps, son sens actuel contiendrait encore un riche

réseau de significations. La définition classique nous a paru adéquate pour les appréhender.

Le Grand Robert de la langue française (A. Rey, 2001, p. 1351-1352) définit par

exemple le mensonge comme une " assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans

l'intention de tromper ». Il est question d'un message qui consisterait toujours à dire ce que

l'on ne croit pas. La définition classique confirme donc l'idée que le sujet ne croit jamais à

son mensonge. À l'instar de ce qu'affirme le philosophe J. Laurent (1994, p. 28), il n'y aurait

donc pas de mensonge sans intention de tromper, contrairement à ce qui a pu être écrit à ce

14 propos. Le sociologue M. Fize (2007, p. 26) observe d'ailleurs que celui qui dit une chose

fausse qu'il croit vraie ne ment pas : il parle de bonne foi, il se trompe. À l'inverse, le sujet qui ment a l'intention d'induire dans l'esprit de son interlocuteur une représentation de la

réalité différente de celle qu'il tient lui-même pour vraie. La linguiste A. Reboul (1992, p.

135) précise en ce sens qu'une assertion ne peut être qualifiée de mensonge qu'à la condition

que " le locuteur ait l'intention que son interlocuteur croie qu'il croit à la vérité de ce qu'il

dit ». Relevons que S. de Mijolla-Mellor (2002, pp. 1045-1046) établit la seule définition qu'un dictionnaire français de psychanalyse consacre au mensonge. Elle le définit comme la

déformation volontaire de la pensée du sujet. D'après cet auteur, qui parle d'un " désir pour le

faux », le mensonge ne s'exercerait que vis-à-vis d'un autre et impliquerait une intention

(Ibid.). En ce sens, J. Derrida (1995, p. 504) insiste sur le fait que ce qui compte, en premier et en dernier lieu, c'est l'intention car elle implique le champ pluri-subjectif : " On ne ment qu'à

l'autre ». Le philosophe (Id., 1999, p. 95) propose de revenir au sens " carré » du mensonge :

" quelqu'un dit délibérément autre chose que ce qu'il sait, dans l'intention d'égarer son

auditeur ». Cette définition exclue de facto ce que certains appellent le " mensonge par omission ».

Ceci est essentiel. Cacher la vérité n'est en effet pas la même chose que proférer un

mensonge. L-T. Somme (2005, p. 48) précise à ce propos que bien que tout homme qui ment veuille cacher le vrai, la personne qui cache ce qu'elle pense être le vrai ne ment pas. Taire ce

que l'on pense est différent de mentir car cela revient à se poster dans une forme d'immobilité

face à autrui, tandis qu'adresser à l'autre un discours destiné à l'induire en erreur implique un

mouvement dans sa direction. L'intentionnalité sur laquelle est mis l'accent serait donc l'indice d'un élan du sujet en direction de ceux vers qui il s'adresse de cette manière. Le fait même d'essayer de tromper quelqu'un indique le besoin d'une interrelation (B. Cyrulnik, 2010, p. 58). Le mensonge serait donc synonyme de lien. Aussi ce mot pourrait-il permettre d'explorer un phénomène dans

lequel la question de l'autre primerait. Il s'agirait d'analyser les motifs inconscients qui

président au désir de tromper autrui.

15 Or, cette conception intersubjective que désigne traditionnellement le mot " mensonge »

tend à s'effacer chez les scientifiques qui en usent dans le sens du mensonge-à-soi. Notre

tâche consiste à questionner cette utilisation, car elle remet en cause la définition précédente.

Selon beaucoup de personnes, l'approche psychologique du mensonge n'aurait pas de sens, dans la mesure où toute parole représenterait finalement un mensonge envers soi-même.

Nous devons donc discuter de cette idée, dans le projet d'expliquer pourquoi elle aurait

participé à obscurcir la question du mensonge. L'idée selon laquelle un sujet se mentirait implique qu'il croirait en ce qu'il dit. Il chercherait moins à tromper les autres que lui-même. Cependant, si le trompeur et le trompé sont une seule et même personne, ne sommes-nous pas en présence d'un paradoxe logique ? Celui-ci est rendu exemplaire dans la farce qui suit. À quel moment le monsieur ment-il : quand il parle à son ours en se moquant du médecin, ouquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46
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