Recherches sur le paternalisme et le clientélisme contemporains
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Paternalisme libertarien
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John Stuart Mill et le paternalisme libéral. CHRISTOPHE BÉAL. Université de Tours. Les critiques libérales du paternalisme politique et juridique font sou-.
LE PATERNALISME CONTRE LÉTUDIANT AFRICAIN
paternaliste. M. 0. Mannoni dans son ouvrage « Psyc nisation » compare le paternalisme à ce.
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Nombre d'idees revues sur la gestion paternaliste dans l'entreprise s'averent discutables a la lumiere de l'exemple japonais. D'abord celle du paternalisme
Du patronage au paternalisme: la restructuration des formes de
guer < patronage > et <( paternalisme ) comme deux moments bien dis- tincts du rapport patron-ouvriers dans la grande industrie metallurgique (2).
Ecole des Hautes études en sciences sociales
RECHERCHES SUR LE PATERNALISME ET LE CLIENTELISME CONTEMPORAINS : METHODES ET INTERPRETATIONS
ALAIN MORICE
Mémoire pour l'habilitation à diriger des recherches 2 3SOMMAIRE
PRESENTATION 7
P REMIERE PARTIE. Méthodologie : reconstitution d'un itinéraire1. Rétrospective 13
Sociologie ou anthropologie ? 13 Premier terrain (Sénégal, 1980) : un désordre fondateur 15 Une enquête à répétition (Sénégal, 1981-1982) 19L'homme pressé 20
Le questionnaire 22
Le travail généalogique 24L'exploitation 29
Deux courtes expériences du socialisme à l'africaine 31Angola (1984) 31
Guinée (1985) 33
Importance du climat chez les chercheurs 36 Long séjour dans la Paraíba (Brésil, 1987-1990) 38Terrain 39
Enseignement de méthodologie 44 Transition et élargissement théorique (1990-1995) 49 Une enquête en région parisienne : immigration et travail illégal 512. Résumé, principes et discussion 58
Point de départ : ne pas forcer les faits 58 Le projet : problèmes de langage 61 La collecte face au travail théorique 67 Principe de simultanéité 67 La ramification en réseaux : réseaux réels, réseaux de l'enquête 70 Statistiques et finalisme 75Les biographies 79
Le modèle : analyse et interprétation 82 Conclusion : de l'instrumentalisation mutuelle du chercheur et du " cherché » à la neutralité impossible 91 4 DEUXIEME PARTIE. Résultats et interprétations : du paternalisme aux systèmes de clientèle1. La composition du salaire : le salaire politique 102
Introduction : la répartition comme témoin et ressort du pouvoir 103 Un premier exemple : les formes particulières du pseudo-salaire dans l'artisanat paternaliste 105 Un deuxième exemple : le paternalisme bâtard dans une relation salariale demi-contractuelle 1122. Statut versus contrat : deux lois en concurrence 124
Questions de vocabulaire 125
Paternalisme vs capitalisme ? 125Loi et lois 127
Pourquoi opposer contrat et statut ? 129 Deux modes de mise au travail théoriquement irréductibles 1313. Le contrat de travail comme lien de subordination :
les limites de la liberté 1344. Quatre formes du modèle paternaliste, envisagé comme
un déni du salariat 140Le modèle Babar 141
Le modèle des maîtres de forge : " bienveillance et surveillance » 143 Le paternalisme hybride : quelques exemples 156 Au Brésil, du bâtiment à la fazenda 156Le travail des enfants 159
Le cas des immigrés irréguliers en Europe 162 Que reste-t-il du contrat salarial ? Les bûcherons français entre tâcheronnage et indépendance 1655 Limites d'un modèle 175
Relation de travail et relations de travail 176Domination et exploitation 178
Du rejet de l'Etat à la domestication de l'Etat 180 56. Les systèmes de clientèle 182
Deux formes du clientélisme 184 Le clientélisme administratif 185 Le clientélisme politico-économique 188La pénurie administrée 191
Analogie entre la corruption et le marché noir : la mise en scène 191La mafia 193
Le parti-Etat et le marché administré : le marché noir de la faveur 196 Pyramides et noyaux : des systèmes au modèle 2017. Sur le mythe de Damoclès : violences et symboles 204
Conclusion : les ressorts matériels et psychiques de la domination, de la dette à la peur 206 PERSPECTIVES 212
REFERENCES DES TEXTES CITES 217
BIBLIOGRAPHIE DE L'AUTEUR 223
6 7Présentation
Ce mémoire vise à retracer un itinéraire de recherches. Il débute, comme s'il s'adressait à un
étudiant, par un tentative de montrer qu'il est nécessaire et possible de tirer des conclusions
générales en réfléchissant sur son propre travail d'enquête. Ce n'est pas une autobiographie
mais un examen rétrospectif et, autant que possible, ordonné. L'exercice s'est parfois révélé
(jeu de mots mis à part) quelque peu déroutant. En effet, si, d'un côté, la quête d'un fil
directeur amène à conclure à la continuité d'une problématique, si l'on s'attache à montrer
combien les résultats d'aujourd'hui étaient en filigrane dans les premières hypothèses, c'est au
risque de garder (et de donner) l'impression de n'avoir pas progressé. Mais, de l'autre côté, on
s'aperçoit vite, en reconstituant une vingtaine d'années de travaux d'enquête et d'écriture,
qu'on a avancé par bonds, par une succession de mises en cause des recherches et des méthodes : l'autocritique rétrospective risque alors de virer au relativisme et de masquer cequ'il y a pu avoir d'unitaire et de cohérent dans la démarche. Or cette cohérence et cette unité,
même chaotiques, on peut postuler qu'elles existent nécessairement. Ayant eu le privilège de
toujours avoir pu choisir les milieux que j'ai étudiés, ainsi que l'angle sous lequel je lesabordais, je me suis aperçu en regardant en arrière qu'en effet j'étais animé par un ensemble
de préoccupations qui, pour l'essentiel, n'ont pas changé depuis mes premiers pas sur leterrain. Mais j'ai vu aussi qu'il avait fallu, rarement sans peine ni sans contrariétés, procéder à
toute une série de ruptures avec les paradigmes initiaux (hérités, entre autres, d'une lecture
orthodoxe des classiques du marxisme), pour proposer enfin un bilan qui, à défaut d'être incontestable, me paraisse au moins digne d'être examiné scientifiquement.Le texte est divisé en deux parties : respectivement méthodologie et résultats. Je commencerai
cette présentation en évoquant la deuxième, qui traite du paternalisme et du clientélisme,
envisagés comme des systèmes de domination éminemment actuels. Cette terminologie méritesans doute d'être discutée : elle a surtout pour moi l'avantage d'être positive, c'est-à-dire de
ne pas définir les choses par leur contraire. Mais non moins discutable me semble la manière dont les sciences humaines ont eu si longtemps l'habitude d'ignorer des rapports sociaux quiparaissaient rebelles aux interprétations théoriques traditionnelles des classes sociales et de
l'Etat modernes, à moins d'en faire des choses du passé ou des archaïsmes résiduels - aux
Siciliens le clientélisme, et aux anciens maîtres de forge ou aux artisans africains le paternalisme : cela passera. Je n'en crois rien, et c'est ici que je reviens sur la continuité de mes préoccupations. Comment sera envisagée ici la question du paternalisme au travail ? Sans doute à cause d'unintérêt bien plus ancien pour l'étude des mécanismes qui rendent possible la dépendance
personnelle, j'ai, dès le début de mes recherches en socio-anthropologie je crois, été tourmenté par ces interrogations : pourquoi le travail et singulièrement le travail salariéressemblaient-ils si peu et si peu souvent, dans leurs modalités concrètes, à ce qu'en disait la
théorie ? Pouvait-on même, sans inventaire, affirmer que le salariat tel que l'a analysé K. Marx ait jamais été la forme moderne dominante d'extorsion du sur-travail ouvrier ? 8 Comment ce grand philosophe avait-il pu à ce point " faire l'impasse », alors qu'il avait l'industrie familiale française sous ses yeux, sur cette composante patrimoniale irréductible qui imprègne le rapport capital-travail ? Et pourquoi enfin, quand l'observation ne concordaitpas avec la théorie, cette tentation récurrente de recourir à l'explication par les modes de
production " pré-capitalistes » ? Interrogations naïves certes, témoignant de l'insuffisance de
mes lectures d'alors car ce n'est pas moi qui ai découvert ce faisceau de doutes. Mais cela restait un sujet difficile à aborder, surtout pour celui qui n'avait pas encore les armesthéoriques qu'apporte l'expérimentation. En fait, j'ai le sentiment d'avoir été porté par une
vague. Aujourd'hui, on ne parle plus que de travail atypique, de flexibilité, de désalarisation
etc., et on en parle souvent très bien ; une thèse importante sur le " salariat bridé » a été
soutenue récemment par Y. Moulier Boutang ; l'étude de l'exploitation des enfants par l'unité
domestique pour le compte du capital marchand (thème qui, certainement pas par hasard, a été
celui de mon " entrée » dans la recherche) appartient à la même vague. Mais il faut admettre
que ces thèmes nous ont été imposés du dehors par les progrès (si l'on peut dire) de ces
mêmes stratégies libérales sur lesquelles a régné longtemps un certain aveuglement intellectuel. Tout naturellement, conscient ou non, le choix de mon premier terrain, à la fin des annéessoixante-dix, s'est porté sur un milieu " archaïque » dont j'avais l'arrière-pensée de prouver
qu'il était propre à nous parler du salariat moderne. C'est ainsi qu'assez vite, selon unelogique et d'une manière qui seront détaillées dans ce mémoire, j'ai commencé à donner un
primat méthodologique aux rapports de domination sur les rapports d'exploitation, et aux objectifs politiques des dominateurs sur leurs objectifs économiques, tout en sachant de plus en plus clairement que cela n'avait guère de sens de séparer ces deux niveaux. Je vois bienqu'il y a, là aussi, matière à discussion - et B. Lautier ne s'est pas privé de me le rappeler
régulièrement dans ses commentaires sur le texte que je propose aujourd'hui : comment éviter
que ce primat méthodologique ne devienne théoriquement trompeur et n'obscurcisse à lalongue l'analyse de ce qui ressortit, précisément, à l'exploitation économique ? A ce stade,
cette question reste pour moi en suspens et j'ai conscience de pouvoir, dans certaines de mesformulations, être pris en défaut d'une démarche dialectique dont, par ailleurs, je me réclame.
Toujours est-il que, vers le milieu des années quatre-vingt, j'ai trouvé dans quelques lectures
la confirmation que mes interrogations n'étaient pas vaines. Par exemple, B. Lautier avait démontré d'une façon qui avait emporté ma conviction que la théorie de K. Marx sur lecaractère marchand de la force de travail ne tenait pas debout : et, grâce à des contacts de cette
sorte avec une économie politique qui me paraissait joliment iconoclaste, j'ai découvert lesvertus libératrices, c'est-à-dire heuristiques, d'un courant qui se définissait comme " marxiste
hétérodoxe ». Au même moment paraissait un numéro spécial de la revue Le Mouvementsocial intitulé " Paternalismes d'hier et d'aujourd'hui » : le pluriel me plaisait - nous venions,
avec J. Copans et M. Agier, d'employer un semblable pluriel dans le titre d'un ouvragecommun -, mais plus que tout me plaisait ce qui dans ce titre recelait l'idée d'une continuité,
d'une persistance, en même temps que d'avatars irréductibles les uns aux autres. Un article d'H. Hirata et de K. Sugita y donnait, en s'appuyant sur l'exemple du travail féminin, une 9vision elle aussi très hétérodoxe des rapports de production dans l'industrie japonaise, bien
éloignée du fantasmatique " Billancourt » cher à J. -P. Sartre. L'intitulé da ma thèse, qui
comportait l'expression " travail non salarié », m'avait été reproché par C. Meillassoux, qui
m'avait justement fait remarquer qu'un concept ne saurait être le négatif d'un autre - une remarque qui allait résonner plus tard dans une discussion (à propos du mot informel) que de paternalisme m'a paru providentiel pour désigner un ensemble de réalités dont traite la deuxième partie de ce mémoire. Quant au clientélisme, terme non antinomique avec celui de paternalisme mais que je réserve plutôt à la domination hors travail, l'usage que j'en propose renvoie à des interrogationsanalogues - quoique légèrement décalées dans le temps en ce qui me concerne car c'est par la
question du travail que j'ai abordé l'étude anthropologique. Sans qu'on puisse vraiment parlerde polysémie, ce terme prête à beaucoup de confusions à cause du caractère extensif de ses
applications : pour certains, il désignera strictement le système du bossing américain, pour
d'autres il évoquera le sabianisme marseillais, pour d'autres encore il regroupera toutes lespratiques qui s'apparentent au " piston », au " copinage », voire à la corruption. En outre, son
usage dans le sens commun vaut en général condamnation morale : voilà qui incite encoreplus à la précaution. Quelles préoccupations initiales me paraissent-elles justifier a posteriori
son emploi pour désigner génériquement un ensemble hétérogène de rapports sociaux ? Dès
que j'ai commencé mes enquêtes dans des milieux où régnait un régime de bas salaires, une
question se posait qui allait revenir constamment : comment ces gens-là s'y prennent-ils pourvivre ? (La théorie de la reproduction de la force de travail par le " travail nécessaire » était
mise en défaut.) Bien souvent, mes interlocuteurs y répondaient par un stéréotypé " on se
débrouille ». Il fallait donc qu'il y ait un " autre chose » que le salaire, et cela débouchait sur
deux autres questions, non plus techniques mais anthropologiques : celle du contrôle de la répartition des richesses et celle du contrôle sur les hommes que confère le pouvoir de répartir. Cela convergeait avec la problématique du paternalisme, et cela m'a amené àdéplacer mon intérêt de l'étude de la sphère productive à celle de la circulation - et par un
effet de retour à envisager le paternalisme dans sa dimension improductive. A ce niveau, le concept de clientélisme me paraît maintenant faire sens : un rapport de domination qui s'appuie sur l'appropriation puis la redistribution du surproduit social à l'aune de lasoumission des " bénéficiaires », l'" homme aux écus » n'étant plus seulement riche en
capital matériel, mais aussi en capital symbolique. Dès lors, l'élément central sur lequel se
concentre l'analyse est ce que, à la suite de J. Lacan, C. Geffray nomme le " service des biens », une fonction qui par excellence est politiquement structurante. A partir du moment oùl'unité du concept est ainsi posée, on peut ensuite le développer, comme je proposerai de le
faire, selon toutes les variétés qu'il peut décrire : clientélisme électoral ou administratif,
corruption, pratiques mafieuses, marché captif ou administré par exemple. Mais l'étude du clientélisme bouscule un autre paradigme : celui de l'Etat conçu soit commele " bras armé de la bourgeoisie », soit comme une communauté qui " revendique avec succès
pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ». Je dis bien 10" bouscule » et non " contredit ». Dans les sociétés contemporaines, l'Etat n'est pas que cela.
Il ne se définit pas non plus seulement par la liste d'une série de prérogatives telles que battre
monnaie, percevoir l'impôt ou lever une armée - prérogatives parfois toutes théoriques d'ailleurs. L'Etat est aussi un site. Un site par lequel transite une grande part de la richesse sociale, un site où rien ne garantit a priori que les agents publics qui l'habitent ou quil'investissent oublient leurs intérêts privés, un site qui par conséquent ouvre un espace
fondamental (et non accidentel) aux rapports sociaux de type clientéliste. Sur ce point demême, l'idée n'est pas nouvelle : mais elle n'a commencé à acquérir une légitimité
scientifique, me semble-t-il, qu'au début de cette décennie, notamment avec la parution dulivre de J. -F. Bayart sur la " politique du ventre » en Afrique. Cependant, il ne s'agira pas ici
que de l'Afrique et de la vision répandue qu'on en a, d'une terre d'Etats patrimoniaux, népotistes et corrompus, servant commodément de contre-exemples supposés primitifs propres à confirmer la vision positiviste de l'Etat moderne. Je tenterai de montrer au contrairela modernité, et l'étonnante souplesse, du modèle clientéliste qui, ainsi que son équivalent
paternaliste dans le rapport capital-travail, ne cesse jamais complètement de s'insinuer au coeur des relations entre l'Etat et les citoyens. Il me faudra sans doute un jour faire rebondir hors du champ de l'expérimentation sociologique et anthropologique où, pour l'essentiel, ellese tient dans ce texte, une réflexion qui me paraît de plus en plus devoir ressortir aussi à la
spéculation philosophique.Lorsque j'ai entrepris la rédaction de ce mémoire, faute d'en avoir clairement le plan en tête,
j'ai commencé par rédiger une note méthodologique, que je me voyais assez bien mettre enannexe ou en encadré. L'idée était de restituer la manière dont j'avais redécouvert, pour mon
propre compte, un ensemble de principes et de pratiques, certainement codifiés par mes aînés
mais dont j'ignorais à peu près tout. Et, comme je l'ai dit, de montrer à ceux qui se sentiraient
à leur tour des dispositions pour la recherche que l'exercice n'était pas vain. " Ignorer » ce qui
a été fait avant soi, voilà qui renvoie à la confusion contenue dans ce verbe, qui connote soit
le refus de voir, soit l'oubli : c'est parfois, assez salutairement, compter sur ses proprescapacités, sortir de la prescription dogmatique imposée par le maître et de la servilité devant
les grands ouvrages ; c'est souvent, plus stupidement, agir et parler comme si rien n'avait été
fait ou dit avant soi, sous le motif qu'on vient de refaire, dans son coin, une découverte importante (et en cela c'est typiquement un péché d'éternel adolescent). A tout prendre etencore plus avec le recul, s'il s'agit manifestement de deux défauts, je préfère le second :
même mal placée, la présomption me semble toujours supérieure à la soumission. Cependant,
en refabriquant cette méthodologie sans doute peu originale, je me suis aperçu rapidement quej'avais plus de choses à dire, et avant tout à me dire, et qu'il convenait d'en faire une première
partie sensiblement de même taille que celle consacrée aux résultats. L'exercice n'a pas été
facile - surtout quand B. Lautier, qui dirigeait ce travail, m'interpellait ainsi, par exemple àpropos d'un point de méthode insuffisamment illustré : " Là, tu en dis trop ou pas assez .»
Comment en effet, en prenant l'exact contre-pied de ce que je préconise, parler des outils sansparler en même temps du produit qu'ils ont servi à élaborer, mais comment éviter du coup que
ce dernier occupe le devant de la scène et efface ce qu'il peut y avoir de spécifique dans la 11 discussion méthodologique ? Ce dilemme explique qu'on trouve quelques bis repetita dans la deuxième partie.L'étude généalogique (qui m'a tant apporté), les recueils de biographies ou les questionnaires
(nettement moins), les observations et le remplissage d'un carnet de terrain évidemment, toutcela n'a d'intérêt que dans une étroite relation avec un ensemble organisé de questions et
d'hypothèses. Pourtant, même quand on commence à avoir un peu de " métier », on continue
à s'apercevoir que, obstinément, la pratique empirique contredit ce beau principe, dont la restauration devient du coup un combat constant : spontanément, on tâtonne, on improvise, on enregistre des données dont on est bien incapable de supputer la pertinence, on en ometd'autres qui se seraient sans doute révélées essentielles. L'ouvrage classique Le métier de
sociologue est à cet égard d'un dogmatisme normatif passablement irritant pour qui connaîtles réalités souvent incertaines et parfois incontrôlables de l'enquête, et peut-être exagérément
sécurisant pour le thésard qui fait ses premiers pas sur le terrain. A y réfléchir, cette irruption
permanente de l'imprévisible, cette nécessité de refaçonner sans cesse la méthode, ce bricolage qu'imposent avec entêtement les objets aux instruments destinés à les " construire », tout cela est ce qui fait de la recherche un travail vivant. C'est pourquoi lapremière partie commence avec l'idée d'un " désordre fondateur », qui n'est pas une apologie
du désordre mais une critique d'un positivisme dont, nolens volens, certains livres de recettessont le véhicule ; c'est pourquoi aussi j'y consacre un développement à l'ultra-empirisme qui,
finalement, se marie bien avec le formalisme méthodologique et constitue avec lui le principal danger qui attend l'apprenti-chercheur.Il reste à mener toute une discussion sur des principes qui ne paraissent pas susceptibles d'être
transgressés par le chercheur - pour le romancier ou l'artiste, la discussion serait sans doute plus compliquée. Ces principes tournent tous autour des valeurs de rigueur, de cohérence, devérité et de dynamique, et j'ai tenté de montrer, en partant de ma propre expérience, quelle
application on devait en faire à tous les moments de l'enquête, du premier projet à l'exposé
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