[PDF] Le rêve : anthologie de textes littéraires





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1 La Fontaine Fables

4 Le Songe d'un habitant du Mogol Si



Étude transversale n°1 : La pensée dans les Fables de La Fontaine

La Fontaine porte un regard critique sur la société de son temps. ? « Les Animaux malades de la peste » (VII1) Le songe d'un habitant du Mogol » (XI





Séquence 8

Notre fabuliste avait aussi lu Le Golestan du grand poète persan Saadi comme en témoigne « le Songe d'un habitant du Mogol » (Livre XI



Fables de La Fontaine. Livres VII à XII. Textes commentés

Or la critique moderne a établi que ce n'était que pure pigeons » (IX 2) ou « Le songe d'un habitant du Mogol » (XI



Le rêve : anthologie de textes littéraires

Je la regardai fixement et tâchai de deviner l'histoire de sa Le Songe d'un habitant du Mogol. Un certain Mogol vit en songe un Vizir.



La Fontaine : «Fables»

plus marginaux (« Le Songe d'un Habitant du Mogol ». XI-4 ; « Le Philosophe scythe »



La Cigale et la fourmi comme introduction aux Fables

arrite. La meme ambiguit se retrouve dans "Le Songe d'un habitant du Mogol" ofi le temps est aussi un des themes principaux. Ce n'est.



Dun ”mélancolique animal”: une lecture de la fable ”Le lièvre et les

11 févr. 2020 8 Un détour par l'histoire de l'iconographie des Fables permettra sans ... exemple question dans la fable « Le Songe d'un habitant du Mogol ...



Les Fables de La Fontaine

10 févr. 2021 Ainsi le critique d'art Charles Blanc

Le rêve : anthologie de textes littéraires

Honoré de Balzac

Jésus-Christ en Flandre

France 1831

Genre de texte

roman

Contexte

Ce rêve se situe à la fin de la nouvelle.

Quelques personnes, un soir, sont assises dans une barque chargée de les faire traverser la mer de

l'île de Cadzant à Ostende, un gros bourg flamand. Juste avant le départ, un homme surgit et

demande à monter. Une tempête se lève durant le voyage et les conditions s'aggravent tellement que

la barque chavire. L'étranger se lève à travers les flots et dit à ses compagnons : " Ceux qui ont la

foi seront sauvés; qu'ils me suivent ! » (p. 605). Dans une chaumière de pêcheur où les survivants se

sont réunis, on a construit le couvent de la Merci où le narrateur de cette histoire se trouve en 1830.

C'est dans cette église qu'il fera le rêve qui changera sa vie en lui redonnant la foi en Dieu.

Notes Charles X : roi de France régnant durant la révolution de juillet 1830. Messaline : femme de l'empereur Claude célèbre pour ses débauches et ses crimes.

Texte témoin

Honoré de Balzac, la Comédie humaine : Jésus-Christ en Flandre, vol. 27, Paris, Louis Conard

libraire-éditeur, 1910, p. 310-316.

Édition originale

Honoré de Balzac, Romans et contes philosophiques : Jésus-Christ en Flandre, Paris, Gosselin, 1831.

Édition critique

Honoré de Balzac, la Comédie humaine : Jésus-Christ en Flandre, tome IX, Paris, Gallimard (coll.

" Bibliothèque de la Pléiade »), 1950, p. 261-266.

Honoré de Balzac, la Comédie humaine : Jésus-Christ en Flandre, tome II, Paris, Rencontre, 1976,

p. 607-613.

Le rêve de Jésus-Christ en Flandre

Dans une cathédrale

À force de regarder ces arcades merveilleuses, ces arabesques, ces festons, ces spirales, ces

fantaisies sarrasines qui s'entrelaçaient les unes dans les autres, bizarrement éclairées, mes

perceptions devinrent confuses. Je me trouvai, comme sur la limite des illusions et de la réalité, pris

dans les pièges de l'optique et presque étourdi par la multitude des aspects. Insensiblement ces

pierres découpées se voilèrent, je ne les vis plus qu'à travers un nuage formé par une poussière d'or,

semblable à celle qui voltige dans les bandes lumineuses tracées par un rayon de soleil dans une

chambre. Au sein de cette atmosphère vaporeuse qui rendit toutes les formes indistinctes, la dentelle

des roses resplendit tout à coup. Chaque nervure, chaque arête sculptée, le moindre trait s'argenta.

Le soleil alluma des feux dans les vitraux dont les riches couleurs scintillèrent. Les colonnes

s'agitèrent, leurs chapiteaux s'ébranlèrent doucement. Un tremblement caressant disloqua l'édifice,

dont les frises se remuèrent avec de gracieuses précautions. Plusieurs gros piliers eurent des mouvements graves comme est la danse d'une douairière qui, sur la fin d'un bal, complète par

complaisance les quadrilles. Quelques colonnes minces et droites se mirent à rire et à sauter, parées

de leurs couronnes de trèfles. Des cintres pointus se heurtèrent avec les hautes fenêtres longues et

grêles, semblables à ces dames du Moyen Âge qui portaient les armoiries de leurs maisons peintes

sur leurs robes d'or. La danse de ces arcades mitrées avec ces élégantes croisées ressemblaient aux

luttes d'un tournoi. Bientôt chaque pierre vibra dans l'église, mais sans changer de place. Les orgues

parlèrent, et me firent entendre une harmonie divine à laquelle se mêlèrent des voix d'anges,

musique inouïe, accompagnée par la sourde basse-taille des cloches dont les tintements annoncèrent

que les deux tours colossales se balançaient sur leurs bases carrées. Ce sabbat étrange me sembla la

chose la plus naturelle, et je ne m'en étonnai pas après avoir vu Charles X à terre. J'étais moi-même

doucement agité comme sur une escarpolette qui me communiquait une sorte de plaisir nerveux, et il me serait impossible d'en donner une idée. Cependant, au milieu de cette chaude bacchanale, le

choeur de la cathédrale me parut froid comme si l'hiver y eût régné. J'y vis une multitude de femmes

vêtues de blanc, mais immobiles et silencieuses. Quelques encensoirs répandirent une odeur douce

qui pénétra mon âme en la réjouissant. Les cierges flamboyèrent. Le lutrin, aussi gai qu'un chantre

pris de vin, sauta comme un chapeau chinois. Je compris que la cathédrale tournait sur elle-même

avec tant de rapidité que chaque objet semblait y rester à sa place. Le Christ colossal, fixé sur

l'autel, me souriait avec une malicieuse bienveillance qui me rendit craintif, je cessai de le regarder

pour admirer dans le lointain une bleuâtre vapeur qui se glissa à travers les piliers, en leur

imprimant une grâce indescriptible. Enfin plusieurs ravissantes figures de femmes s'agitèrent dans

les frises. Les enfants qui soutenaient de grosses colonnes, battirent eux-mêmes des ailes. Je me

sentis soulevé par une puissance divine qui me plongea dans une joie infinie, dans une extase molle

et douce. J'aurais, je crois, donné ma vie pour prolonger la durée de cette fantasmagorie, quand tout

à coup une voix criarde me dit à l'oreille : - Réveille-toi, suis-moi !

Une femme desséchée me prit la main et me communiqua le froid le plus horrible aux nerfs. Ses os

se voyaient à travers la peau ridée de sa figure blême et presque verdâtre. Cette petite vieille froide

portait une robe noire traînée dans la poussière, et gardait à son cou quelque chose de blanc que je

n'osais examiner. Ses yeux fixes, levés vers le ciel, ne laissaient voir que le blanc des prunelles. Elle

m'entraînait à travers l'église et marquait son passage par des cendres qui tombaient de sa robe. En

marchant, ses os claquèrent comme ceux d'un squelette. À mesure que nous marchions, j'entendais

derrière moi le tintement d'une clochette dont les sons pleins d'aigreur retentirent dans mon cerveau,

comme ceux d'un harmonica. - Il faut souffrir, il faut souffrir, me disait-elle.

Nous sortîmes de l'église, et traversâmes les rues les plus fangeuses de la ville; puis, elle me fit

entrer dans une maison noire où elle m'attira en criant de sa voix, dont le timbre était fêlé comme

celui d'une cloche cassée : - Défends-moi, défends-moi !

Nous montâmes un escalier tortueux. Quand elle eut frappé à une porte obscure, un homme muet,

semblable aux familiers de l'inquisition, ouvrit cette porte. Nous nous trouvâmes bientôt dans une

chambre tendue de vieilles tapisseries trouées, pleine de vieux linges, de mousselines fanées, de

cuivres dorés. - Voilà d'éternelles richesses ! dit-elle.

Je frémis d'horreur en voyant alors distinctement à la lueur d'une longue torche et de deux cierges,

que cette femme devait être récemment sortie d'un cimetière. Elle n'avait pas de cheveux. Je voulus

fuir, elle fit mouvoir son bras de squelette et m'entoura d'un cercle de fer armé de pointes. À ce

mouvement, un cri poussé par des millions de voix, le hurrah des morts, retentit près de nous !

- Je veux te rendre heureux à jamais, dit-elle. Tu es mon fils !

Nous étions assis devant un foyer dont les cendres étaient froides. Alors la petite vieille me serra la

main si fortement que je dus rester là. Je la regardai fixement, et tâchai de deviner l'histoire de sa

vie en examinant les nippes au milieu desquelles elle croupissait. Mais existait-elle ? C'était

vraiment un mystère. Je voyais bien que jadis elle avait dû être jeune et belle, parée de toutes les

grâces de la simplicité, véritable statue grecque au front virginal. - Ah ! ah ! lui dis-je, maintenant je te reconnais. Malheureuse, pourquoi t'es-tu prostituée aux hommes ? Dans l'âge des passions, devenue riche, tu as oublié ta pure et suave jeunesse, tes

dévouements sublimes, tes moeurs innocentes, tes croyances fécondes, et tu as abdiqué ton pouvoir

primitif, ta suprématie tout intellectuelle pour les pouvoirs de la chair. Quittant tes vêtements de lin,

ta couche de mousse, tes grottes éclairées par de divines lumières tu as étincelé de diamants, de luxe

et de luxure. Hardie, fière, voulant tout, obtenant tout et renversant tout sur ton passage, comme une

prostituée en vogue qui court au plaisir, tu as été sanguinaire comme une reine hébétée de volonté.

Ne te souviens-tu pas d'avoir été souvent stupide par moments ? Puis tout à coup merveilleusement

intelligente, à l'exemple de l'Art sortant d'une orgie. Poète, peintre, cantatrice, aimant les

cérémonies splendides, tu n'as peut-être protégé les arts que par caprice, et seulement pour dormir

sous des lambris magnifiques ? Un jour, fantasque et insolente, toi qui devais être chaste et modeste,

n'as-tu pas tout soumis à ta pantoufle, et ne l'as-tu pas jetée sur la tête des souverains qui avaient ici-

bas le pouvoir, l'argent et le talent ! Insultant à l'homme et prenant joie à voir jusqu'où allait la bêtise

humaine, tantôt tu disais à tes amants de marcher à quatre pattes, de te donner leurs biens, leurs

trésors, leurs femmes même, quand elles valaient quelque chose ! Tu as, sans motif, dévoré des

millions d'hommes, tu les as jetés comme des nuées sablonneuses de l'Occident sur l'Orient. Tu es

descendue des hauteurs de la pensée pour t'asseoir à côté des rois. Femme, au lieu de consoler les

hommes, tu les as tourmentés, affligés ! Sûre d'en obtenir, tu demandais du sang ! Tu pouvais

cependant te contenter d'un peu de farine, élevée comme tu le fus, à manger des gâteaux et à mettre

de l'eau dans ton vin. Originale en tout, tu défendais jadis à tes amants épuisés de manger, et ils ne

mangeaient pas. Pourquoi extravaguais-tu jusqu'à vouloir l'impossible ? Semblable à quelque

courtisane gâtée par ses adorateurs, pourquoi t'es-tu affolée de niaiseries et n'as-tu pas détrompé les

gens qui expliquaient ou justifiaient toutes tes erreurs ? Enfin, tu as eu tes dernières passions !

Terrible comme l'amour d'une femme de quarante ans, tu as rugi ! tu as voulu étreindre l'univers

entier dans un dernier embrassement, et l'univers qui t'appartenait t'a échappé. Puis, après les jeunes

gens sont venus à tes pieds des vieillards, des impuissants qui t'ont rendue hideuse. Cependant

quelques hommes au coup d'oeil d'aigle te disaient d'un regard : - Tu périras sans gloire, parce que

tu as trompé, parce que tu as manqué à tes promesses de jeune fille. Au lieu d'être un ange au front

de paix et de semer la lumière et le bonheur sur ton passage, tu as été une Messaline aimant le

cirque et les débauches, abusant de ton pouvoir. Tu ne peux plus redevenir vierge, il te faudrait un

maître. Ton temps arrive. Tu sens déjà la mort. Tes héritiers te croient riche, ils te tueront et ne

recueilleront rien. Essaie au moins de jeter tes hardes qui ne sont plus de mode, redeviens ce que tu

étais jadis. Mais non ! tu t'es suicidée ! N'est-ce pas là ton histoire ? lui dis-je en finissant, vieille

caduque, édentée, froide, maintenant oubliée, et qui passe sans obtenir un regard. Pourquoi vis-tu ?

Que fais-tu de ta robe de plaideuse qui n'excite le désir de personne ? où est ta fortune ? pourquoi

l'as-tu dissipée ? où sont tes trésors ? qu'as-tu fait de beau ?

À cette demande, la petite vieille se redressa sur ses os, rejeta ses guenilles, grandit, s'éclaira, sourit,

sortit de sa chrysalide noire. Puis, comme un papillon nouveau-né, cette création indienne sortit de

ses palmes, m'apparut blanche et jeune, vêtue d'une robe de lin. Ses cheveux d'or flottèrent sur ses

épaules, ses yeux scintillèrent, un nuage lumineux l'environna, un cercle d'or voltigea sur sa tête,

elle fit un geste vers l'espace en agitant une longue épée de feu. - Vois et crois ! dit-elle.

Tout à coup je vis dans le lointain des milliers de cathédrales, semblables à celles que je venais de

quitter, mais ornées de tableaux et de fresques; j'y entendis de ravissants concerts. Autour de ces

monuments, des milliers d'hommes se pressaient, comme des fourmis dans leurs fourmilières. Les uns empressés de sauver des livres et de copier des manuscrits, les autres servant les pauvres, presque tous étudiant. Du sein de ces foules innombrables surgissaient des statues colossales,

élevées par eux. À la lueur fantastique, projetée par un luminaire aussi grand que le soleil, je lus sur

le socle de ces statues : SCIENCES. HISTOIRE. LITTÉRATURES.

La lumière s'éteignit; je me retrouvai devant la jeune fille, qui, graduellement, rentra dans sa froide

enveloppe, dans ses guenilles mortuaires, et redevint vieille. Son familier lui apporta un peu de

poussier, afin qu'elle renouvelât les cendres de sa chaufferette, car le temps était rude; puis, il lui

alluma, à elle qui avait eu des milliers de bougies dans ses palais, une petite veilleuse afin qu'elle

pût lire ses prières pendant la nuit. - On ne croit plus ! ...dit-elle.

Telle était la situation critique dans laquelle je vis la plus belle, la plus vaste, la plus vraie, la plus

féconde de toutes les puissances. - Réveillez-vous, monsieur, l'on va fermer les portes, me dit une voix rauque.

En me retournant, j'aperçus l'horrible figure du donneur d'eau bénite, il m'avait secoué le bras. Je

trouvai la cathédrale ensevelie dans l'ombre, comme un homme enveloppé d'un manteau. - Croire ! me dis-je, c'est vivre ! Je viens de voir passer le convoi d'une Monarchie, il faut défendre l'ÉGLISE !

Paris, février 1831.

Roland Barthes

La chambre claire

France 1980

Genre de texte

Essai

Texte témoin

Roland Barthes, La chambre claire, Cahiers du cinéma / Gallimard / Seuil, 1980, p. 103-104.

Sur les rêves

Je ne rêve que de ma mère

Le presque : régime atroce de l'amour, mais aussi statut décevant du rêve - ce pour quoi je hais les

rêves. Car je rêve souvent d'elle [ma mère] (je ne rêve que d'elle), mais ce n'est jamais tout à fait

elle : elle a parfois, dans le rêve, quelque chose d'un peu déplacé, d'excessif : par exemple, enjouée,

ou désinvolte - ce qu'elle n'était jamais; ou encore, je sais que c'est elle, mais je ne vois pas ses

traits (mais voit-on, en rêve, ou sait-on?) : je rêve d'elle, je ne la rêve pas. Et devant la photo,

comme dans le rêve, c'est le même effort, le même travail sisyphéen : remonter, tendu, vers

l'essence, redescendre sans l'avoir contemplée, et recommencer.

Charles Baudelaire

Les Fleurs du mal

France 1861

Genre de texte

poésie

Contexte

Le poème fait partie de la deuxième section du recueil intitulée " Tableaux parisiens » (le recueil

compte six sections). Il s'agit de l'avant-dernier poème de la section qui comprend dix-huit textes.

Texte témoin

Les fleurs du mal; Les épaves; Bribes, relevé de variantes par Antoine Adam, éd. de Paris, Bibliopolis, 1998-1999. (Reprod. de l'éd. de Paris, Bordas, 1992.) BNF, Gallica.

Rêves féeriques

Rêve parisien

A Constantin Guys

I

De ce terrible paysage,

Tel que jamais mortel n'en vit,

Ce matin encore l'image,

Vague et lointaine, me ravit.

Le sommeil est plein de miracles!

Par un caprice singulier,

J'avais banni de ces spectacles

Le végétal irrégulier,

Et, peintre fier de mon génie,

Je savourais dans mon tableau

L'enivrante monotonie

Du métal, du marbre et de l'eau.

Babel d'escaliers et d'arcades,

C'était un palais infini,

Plein de bassins et de cascades

Tombant dans l'or mat ou bruni;

Et des cataractes pesantes,

Comme des rideaux de cristal,

Se suspendaient, éblouissantes,

A des murailles de métal.

Non d'arbres, mais de colonnades

Les étangs dormants s'entouraient,

Où de gigantesques naïades,

Comme des femmes, se miraient.

Des nappes d'eau s'épanchaient, bleues,

Entre des quais roses et verts,

Pendant des millions de lieues,

Vers les confins de l'univers;

C'étaient des pierres inouïes

Et des flots magiques; c'étaient

D'immenses glaces éblouies

Par tout ce qu'elles reflétaient!

Insouciants et taciturnes,

Des Ganges, dans le firmament,

Versaient le trésor de leurs urnes

Dans des gouffres de diamant.

Architecte de mes féeries,

Je faisais, à ma volonté,

Sous un tunnel de pierreries

Passer un océan dompté;

Et tout, même la couleur noire,

Semblait fourbi, clair, irisé;

Le liquide enchâssait sa gloire

Dans le rayon cristallisé.

Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges

De soleil, même au bas du ciel,

Pour illuminer ces prodiges,

Qui brillaient d'un feu personnel!

Et sur ces mouvantes merveilles

Planait (terrible nouveauté!

Tout pour l'oeil, rien pour les oreilles!)

Un silence d'éternité.

II

En rouvrant mes yeux pleins de flamme

J'ai vu l'horreur de mon taudis,

Et senti, rentrant dans mon âme,

La pointe des soucis maudits;

La pendule aux accents funèbres

Sonnait brutalement midi,

Et le ciel versait des ténèbres

Sur le triste monde engourdi.

L'Invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,

Songe à la douceur

D'aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir,

Aimer et mourir

Au pays qui te ressemble !

Les soleils mouillés

De ces ciels brouillés

Pour mon esprit ont les charmes

Si mystérieux

De tes traîtres yeux,

Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,

Polis par les ans,

Décoreraient notre chambre ;

Les plus rares fleurs

Mêlant leurs odeurs

Aux vagues senteurs de l'ambre,

Les riches plafonds,

Les miroirs profonds,

La splendeur orientale,

Tout y parlerait

À l'âme en secret

Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux

Dormir ces vaisseaux

Dont l'humeur est vagabonde ;

C'est pour assouvir

Ton moindre désir

Qu'ils viennent du bout du monde.

- Les soleils couchants

Revêtent les champs,

Les canaux, la ville entière,

D'hyacinthe et d'or ;

Le monde s'endort

Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

(Recueil : Les Fleurs du Mal)

Yves Bonnefoy

Un rêve fait à Mantoue

France 1967

Genre de texte

Essai

Contexte

Le rêve se situe dans un livre qui raconte un voyage que l'auteur a fait en Grèce en 1961, en compagnie d'une jeune femme nommée Sylvia Beach. L'auteur admire l'audace et le caractère aventureux de Sylvia qui adore James Joyce, auteur de Ulysse. Elle incarne pour lui à la fois la

fragilité et la confiance. Quand Sylvia retourne en France, l'auteur se retrouve seul en Grèce et

s'arrête à Mantoue dans une locanda appelée Al giardino. Il y fait ce rêve.

Texte témoin

Un rêve fait à Mantoue. Paris : Mercure de France, 1967. p. 45-47.

Signification symbolique du rêve

Les fées à la cuisine

Puis je m'endormis et je fis un de ces beaux rêves qui se détachent parfois, avec une netteté de

poème, des griffonnages aveugles de l'inconscient.

Voici la fin de ce rêve. C'était le printemps ou les premiers jours de l'été, j'entrai dans une maison

blanche assez basse cachée au fond d'un jardin, et là je pris un escalier qui descendait en larges

spirales, mais sans rien perdre du grand éclat de la matinée finissante, où se mêlaient le vert des

feuillages et les taches mouvantes de l'orangé des fruits mûrs. A peine si une salle, où je fus soudain,

se révéla moins brillante. Elle donnait par une porte-fenêtre sur le même jardin, dans ce qui

paraissait ses assises les plus profondes, et c'était, cette de salle assez exiguë, une cuisine, meublée

comme autrefois de bois ciré et de cuivre. Plusieurs petites filles s'y pressaient en riant auprès de

vastes fourneaux. Et une odeur délicieuse d'huile fraîche montait des poêles noires où des oeufs

cuisaient doucement. Je regardai ces minimes soleils grésiller dans les parfums et les ombres. Et je

vis que de temps en temps une des jeunes filles en prenait un dans une écumoire, pour le jeter dans

des baquets sur le sol, où beaucoup d'autres gisaient, végétant ou près de s'éteindre. Je m'étonnai de

cette bizarrerie. " Mais qu'en faire, en vérité, me dit-on. Nous sommes les fées, qui n'avons pas de

besoins. Nous cuisinons pour notre plaisir. C'est ici la maison d'immortalité. » Et de rire toujours,

visages pleins et mobiles de l'enfance qui va finir.

Après cela, je fus dans une rue populeuse, ou plutôt c'était un chemin dont les parois étaient

creusées de boutiques, aux arcades de pierre grise. Et devant l'une d'elles, entourée de passants, il y

avait Sylvia Beach. Elle tenait un livre, ou une revue. On expliquait qu'elle avait souffert de

l'ingratitude d'un éditeur. Je la vis pâle, infiniment vieille, menacée. Et je lui dis alors qu'il fallait

qu'elle quittât ce lieu, qu'elle vînt. Je la pris même par la main et l'entraînai, par la rue qui tournait et

peu à peu descendait, vers la demeure des jeunes filles. Oui, je savais qu'il suffisait qu'elle y

pénétrât pour échapper à la mort. Mais il m'était évident aussi, et de façon à chaque instant plus

pressante, qu'il fallait que nous fissions vite. Un nouveau réel mystérieux - le jour, la finitude,

l'éveil? - venait de toutes parts dans les arbres, les effaçant et cette rue avec eux, et tout ce lieu de

l'espoir. Nous courûmes, et la porte fut devant nous, et je luttai de toute mon âme pour que ces

apparences demeurent, une minute au moins dans la blancheur grandissante, et au moment où tout

s'abîmait, la pierre du seuil fut sous notre pas. Ai-je réussi à faire entrer Sylvia Beach dans la

maison d'immortalité? En me réveillant al giardino, une matinée de soleil, dans le chant touffu des

oiseaux, j'étais bien près de le croire.

Mais voici qu'une année plus tard, un matin de brume froide et de pluies, je descendis avec les amis

de Sylvia, vers un jardin délabré, les marches du Colombarium du Père-Lachaise. Ce jour-là, tout le

réel était blanc et noir, avec des reflets jaunes peut-être, comme sur les vieilles photographies. Et

c'est alors que quelqu'un qui a bien connu James Joyce dans ses années parisiennes me dit avec effarement en me montrant soudain un vieil homme maigre et voûté, au front haut, aux yeux mal

recouverts par d'énormes verres étroits comme j'aurais pensé que l'on n'en fait plus; un homme qui

se tenait à l'écart, et comme sans couleur entre notre groupe et les arbres : " C'est extraordinaire,

voyez! On jurerait que c'est lui. » De fait, moi qui n'y pensais pas, je le reconnus aussitôt.

Ce n'était pas James Joyce. Mais l'avoir aperçu dans cet homme qui s'éloignait me parut riche de

sens. Cela signifiait, bien sûr, que son souvenir, au moins pour quelques-uns d'entre nous, était

obsédant dans cette heure triste. Mais plus profondément et surtout, qu'il était facile, ce matin-là,

d'accepter de passer dans le monde fluide du rêve, d'oublier l'ancre cachée qui garde au port notre

monde, de croire au fond de soi - pensée certes coupable - qu'il n'y a pas de raison pour soustraire

aux assauts de symboles venus d'ailleurs le domaine étroit du vécu. Quand on conduit à néant un

être cher, et qui a été comme Sylvia Beach si présent à soi-même, et si naturellement un foyer pour

les plus vrais travaux d'une époque, on est bien près de consentir que la réalité n'est qu'un songe.

N'était-ce pas notre existence déjà que mon rêve d'Italie avait voulu signifier dans son essence

illusoire, par la disparition à la fin de toutes les apparences? Une phrase variable, aux ratures mouvantes, aux horizons sans réel, une brume comme aujourd'hui, avec rien que le battement d'une petite cloche delphique. Et le monde vrai au-delà dans cet inaccessible éveil que le mien de Mantoue, vers le souci poétique, ne pourrait jamais qu'imiter.

Texte sous droits.

Miguel de Cervantes

Don Quichotte

Espagne 1605

Genre de texte

roman Notes

La période du sommeil considéré comme la plus fertile en rêves coïncide avec une intense activité

des globes oculaires et une paralysie musculaire presque complète, ce qui lui vaut le nom de sommeil paradoxal. Selon les psychologues Schenck et Mahowald, nous avons ici un cas de " trouble du sommeil paradoxal » (Rem Behavior Disorder) et celui-ci serait un signe annonciateur de la maladie de Parkinson chez des patients âgés de plus de 50 ans.

Texte original

Texte témoin

Don Quijote de la Mancha

Don Quichotte somnambule

Une bataille épique

Chapitre XXXV. Où se termine le récit du Curieux impertinent

Il ne restait que peu à lire du récit quand du grenier où dormait don Quichotte sortit Sancho Pança,

tout en émoi, criant :

- Seigneurs, venez vite porter secours à mon maître, qui est engagé dans la bataille la plus acharnée

et la plus animée que mes yeux aient vue. Par Dieu, il a donné un tel coup d'épée au géant ennemi

de la dame princesse Micomicona qu'il lui a tranché la tête, à ras, comme si c'était un navet!

- Que dites-vous, frère? s'exclama le curé en arrêtant de lire ce qui restait du roman. Avez-vous

perdu la tête, Sancho ? Comment diable pouvez-vous dire une telle chose, vu que le géant se trouve

à deux mille lieues d'ici?

Sur ce, ils entendirent un grand bruit dans la chambre, et don Quichotte qui disait à voix haute : -

Voilà pour toi, voleur, malandrin, poltron, maintenant je te tiens et ton cimeterre ne te servira de

rien! - Et il semble qu'il donnait de grands coups d'épée sur les murs. Et Sancho dit :

- Ne restez pas là à écouter, mais entrez pour arrêter la querelle ou donner de l'aide à mon maître.

Même si ce ne doit plus être nécessaire, parce que, sans aucun doute, le géant doit déjà être mort, et

en train de rendre compte à Dieu de sa mauvaise vie passée, parce que moi j'ai vu gicler son sang

par terre et sa tête coupée tomber d'un côté, aussi grande qu'une grande outre de vin.

- Qu'on me tue, dit alors l'aubergiste, si don Quichotte, ou don le diable, n'a pas donné un grand

coup de couteau dans une des outres pleines de vin rouge qui étaient placées au chevet de son lit. Ce

doit être le vin répandu par terre qui paraît du sang à ce brave homme.

Et, sur ces mots, il entra dans la chambre et tous le suivirent. Et ils trouvèrent don Quichotte dans

l'accoutrement le plus étrange du monde : il était habillé d'une chemise qui n'était pas assez longue

pour lui couvrir les cuisses par-devant, et par derrière elle avait bien six doigts de moins. Ses

jambes étaient longues et maigres, pleines de poils et pas propres du tout. Sur la tête il portait un

petit bonnet de couleur, crasseux, qui appartenait à l'aubergiste. Il tenait enroulée sur le bras gauche

la couverture du lit à laquelle Sancho en voulait pour des raisons personnelles. Du bras droit il tenait

son épée qu'il avait sortie du fourreau et avec laquelle il donnait des coups à droite et à gauche, en

parlant tout comme s'il avait été vraiment en train de se battre avec un géant. Et le comble, c'est

qu'il n'avait même pas les yeux ouverts, parce qu'il dormait et rêvait qu'il était en train de se battre

contre un géant : il avait imaginé l'aventure avec une telle intensité que cela lui avait fait rêver qu'il

était arrivé au royaume de Micomicon et qu'il était déjà engagé dans la lutte contre son ennemi. Et

il avait donné tant de coups d'épée dans les outres de cuir, en croyant qu'il les donnait au géant, que

toute la chambre était pleine de vin. En voyant cela, l'aubergiste entra dans une colère si grande

qu'il s'élança contre don Quichotte et commença à lui donner tellement de coups de poing que si

Cardenio et le curé ne s'étaient pas interposés, il aurait terminé la guerre du géant. Et, malgré tout

ça, le pauvre chevalier ne se réveillait pas, jusqu'à ce que le barbier fût allé puiser un grand seau

d'eau froide au puits et le lui ait lancé d'un seul coup sur tout le corps, ce qui réveilla don

Quichotte. Mais ce ne fut pas suffisant pour qu'il se rende compte alors de l'état dans lequel il était.

Gustave Doré, Don Quichotte dans sa bibliothèque, 1863.

André Breton

Nadja

France 1928

Genre de texte

roman

Contexte

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