[PDF] Scènes de la vérité: Michel Foucault et le théâtre





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Le théâtre de la vérité chez Shakespeare

10 mai 2019 illusoire il se pourrait que nous ne puissions jamais atteindre l'être des choses



Lart

poésie ou le théâtre semblent se référer à une même conception de l'art : il L'art selon Platon est donc source d'illusion nous éloigne de la vérité.



Présentation du parcours : Théâtre et stratagème

Le parcours « Théâtre et stratagème » met en relation deux nous fait voir in fine la vérité et nous y fait accéder. L'illusion a.



Scènes de la vérité: Michel Foucault et le théâtre

2 mars 2016 souverainement transgresse toute vérité et nous ouvre enfin un monde ivre ». 5.



Le théâtre de la vérité chez Shakespeare

illusoire il se pourrait que nous ne puissions jamais atteindre l'être des choses



Définition de : illusion

Ant. Certitude réalité



Littérature et langues et cultures de lAntiquité

le monde le destin » et du sous-ensemble « Le “grand théâtre du monde” : vérité et illusion ». Elles exhibent le retour d'Ulysse à Ithaque



LENSEIGNEMENT DU BOUDDHA

plus de 5.000 livres qui ont été conservés et nous sont demeure éternellement dans la vérité du Dharma



1 Y a-t-il une vérité en art ? Je voudrais commencer par avouer une

L'art n'est-il pas le lieu de la non vérité des images trompeuses



Sigmund Freud (1927) “Lavenir dune illusion”

A la vérité la tâche principale de la civilisation

UNIVERSITÉ PARIS-EST CRÉTEIL

ÉCOLE DOCTORALE " CULTURES ET SOCIÉTÉS » en co-tutelle avec

UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI PADOVA

DOTTORATO DI RICERCA IN FILOSOFIA POLITICA E STORIA DEL PENSIERO POLITICO

THÈSE

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ PARIS-EST CRÉTEIL

et de

DOTTORE DELL'UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI PADOVA

Titre :

SCÈNES DE LA VÉRITÉ.

MICHEL FOUCAULT ET LE THÉÂTRE

Discipline :

Philosophie

Thèse présentée et soutenue publiquement par M.me Arianna SFORZINI le 3 décembre 2015

à l'Université Paris-Est Créteil

Directeurs de Thèse : M. Guillaume le Blanc et M. Sandro Chignola

Jury :

M. Sandro CHIGNOLA, Professore ordinario, Università degli Studi di Padova M.me Laurie LAUFER, Professeur des universités, Université Paris Diderot - Paris 7 M. Guillaume LE BLANC, Professeur des universités, Université Paris-Est Créteil

Mme Judith REVEL, Professeur des universités, Université Paris Ouest Nanterre La Défense

(Rapporteur) M. Philippe SABOT, Professeur des universités, Université Lille 3 (Rapporteur)

TABLE DES MATIÈRES

R

EMERCIEMENTS 5

N

OTE INTRODUCTIVE 7

C

HAPITRE I

Aux confins de l'histoire. Le tragique

1. Genèse de l'anti-dialectique : le tragique 15

2. Une histoire tragique de la raison 31

3. Le théâtre dans Histoire de la folie 47

4. " Il faut dire des mots, tant qu'il y en a » 63

C

HAPITRE II

Theatrum philosophicum : le dédoublement de l'immanence

1. Double, simulacre, fiction : les armes de la subversion 83

2. Une philosophie-théâtre. Résonances Foucault-Deleuze 107

3. Le théâtre et son double. Foucault, Artaud 128

4. L'autre scène de la vérité. Nietzsche et la généalogie 145

C

HAPITRE III

OEdipe : tragédie et généalogie de la vérité

1. Sortir du complexe. 165

2. L'établissement des faits. Vérité et pureté 177

3. OEdipe le double. Sauveur, monstre, tyran 194

4. L'Anti-OEdipe 211

5. Véridiction, aveu, alèthurgie. Quel sujet est OEdipe ? 222

C

HAPITRE IV

Le théâtre du pouvoir

1. Spectacle et discipline. Le pouvoir en dehors du droit 237

2. Le théâtre de la souveraineté 253

3. Tragédie et démocratie 275

4. Grotesque, ubuesque, comique 295

C

HAPITRE V

Les corps en scène

1. Le théâtre politique de la résistance 311

2. Corps utopique, corps double 331

3. Vérité, simulation, dramatisation. Le corps hystérique 348

4. Mon corps et le corps Autre. Le théâtre de la possession 365

5. Le théâtre scandaleux de la vérité. Le corps cynique 381

C

ONCLUSION

La philosophie : une performance ? 398

B

IBLIOGRAPHIE 406

A NNEXE

Foucault va au théâtre

Le collectif F71 447

REMERCIEMENTS

En écrivant ces quelques mots, je mesure combien l'art de remercier est difficile, bien

que nécessaire. Parmi les maîtres, les copains de route, les amis et les personnes qui ont soutenu

mon travail, je risque d'oublier ceux qui ont le plus marqué mon parcours (on n'arrive pas à mettre au point les images trop proches de nous), ou de réduire une reconnaissance réelle et

profonde à des mots de convenance ou à des formules préétablies. Mais il faut bien " jouer le

jeu » et rendre hommage sur la " scène » de ma recherche à tous ceux qui l'ont rendue possible.

Je voudrais d'abord remercier Frédéric Gros, qui m'a aidée à commencer cette aventure

en acceptant mon projet de thèse, et tous les membres de l'École doctorale " Cultures et

sociétés » et de l'équipe d'accueil " Lettres, idées, savoirs » de l'Université Paris-Est Créteil, qui

m'ont soutenue aux débuts de mes activités de recherche et d'enseignement en France, avec beaucoup de patience et de disponibilité. Ils m'ont appris que tout travail est beaucoup plus

facile et agréable lorsqu'il peut se faire au sein d'une communauté. Toute ma gratitude va aussi

aux collègues, doctorants et docteurs, qui sont devenus de véritables amis et avec lesquels j'ai

vécu tant d'expériences importantes, professionnelles et non : Roberta Agnese, Orazio Irrera, Daniele Lorenzini, Moudar Maklouf, Camilla Pagani, Ariane Revel en particulier, qui m'ont permis de vivre l'université comme un lieu d'échange, d'enrichissement, de joie. Je suis extrêmement reconnaissante à mes directeurs de thèse, Guillaume le Blanc et

Sandro Chignola, pour la disponibilité avec laquelle ils ont lu mon travail, pour leurs conseils et

leur appui scientifique, mais aussi pour leur capacité d'écoute et pour la confiance dont ils ont

fait épreuve à mes égards. Je tiens aussi à remercier Laurie Laufer, Judith Revel, Philippe Sabot,

Daniel Defert, Bernard Harcourt, François Ewald, avec qui j'ai eu l'honneur de collaborer et

dont les travaux ont été pour moi une grande source d'inspiration. Je remercie tout

particulièrement Henri-Paul Fruchaud, qui m'a permis d'accèder aux archives Foucault de la Bnf et avec lequel j'ai eu la chance de commencer un travail commun. Un grand merci va aussi à tous les membres de l'association pour le Centre Michel Foucault, qui ont soutenu avec une

grande générosité mes projets et m'ont accueillie parmi eux, et aux actrices du Collectif Foucault

71, à Stephanie Farison en particulier, qui n'a pas hesité à me faire cadeau de son temps et à

partager avec moi son expérience directe de Foucault " mis en scène ». Last but not least, je souhaite exprimer toute ma gratitude à ma famille : elle m'a toujours encouragée et stimulée, sans jamais perdre confiance en moi, même lorsque je doutais de mes

forces et de mes capacités. Sans mes parents, cette recherche n'aurait jamais été écrite.

Brisure de membres et de nerfs éclatés,

cassures d'os sanglants et qui protestent d'être ainsi arrachés au squelette de la possibilité,

le théâtre est cette inextirpable et effervescente féerie qui a la révolte et la guerre pour inspiration et pour sujet. [...] Le vrai théâtre est beaucoup plus trépidant, il est beaucoup plus aliéné. - État spasmodique du coeur ouvert et qui donne tout

à ce qui n'existe pas,

et qui n'est pas, et rien à ce qui est, et que l'on voit, qu'on cerne, où on peut rester et demeurer.

A. Artaud, Aliéner l'acteur [12 mai 1947]

7

NOTE INTRODUCTIVE

En présentant une thèse en philosophie sur Michel Foucault, il faudrait d'abord justifier du choix de Foucault, et de Foucault philosophe en particulier. Les ouvrages sur, avec, à travers

et à partir de cet auteur se comptent désormais par milliers, publiés partout dans le monde - de

l'Europe à l'Amérique du Nord, de l'Amérique latine au Japon. Énorme est le nombre de

doctorants, chercheurs et professeurs travaillant sur les textes et les problématiques foucaldiens,

des points de vue les plus hétérogènes (droit, psychologie, psychanalyse, littérature et arts,

sciences politiques et sociales, études de genre et postcoloniales etc.). Ce " siècle » qui est

devenu " foucaldien », pour paraphraser ce que Foucault lui-même affirmait à propos de

Deleuze

1, nous dit quelque chose d'extrêmement important sur la portée effective de

l'" ontologie de l'actualité » foucaldienne. Mais il peut donner aussi l'impression, parfois, d'une

réduction de sa force novatrice dans une vulgate à la mode : " une cohorte infinie de

‟chercheurs" a transformé les ‟bombes" que, selon Foucault, devaient être ses écrits en une sorte

d'interminable exercice talmudique, très souvent obséquieux, quand il n'est pas dévotionnel »

2.

Il n'est alors pas évident de choisir de travailler encore une fois sur Foucault, sans être paralysé

ou écrasé par le poids de cette " vague » foucaldienne, sans avoir la sensation de n'être que

l'énième commentateur transformant l'étude de sa pensée en exercice académique. Il n'est pas

évident, déjà, de parler de la " philosophie » de Michel Foucault, sa production étant tellement

polymorphe et riche, double et équivoque même, qu'elle risque de glisser entre les mains de ses

lecteurs, " comme à la limite de la mer un visage de sable »

3. Il faudrait sans doute, pour

" légitimer » son propre travail (pour autant que cette expression puisse être utilisée en parlant de

Foucault), justifier d'une présentation de textes inédits, ou de l'ouverture d'un nouveau regard

sur les textes existants, d'un nouvel angle d'approche des questionnements que Foucault nous a

laissé ouverts, à reprendre et à réactualiser en fonction des sollicitations de notre contexte

présent. Il faudrait essayer de réactiver à nouveau, pour nous, une philosophie qui a fait " de la

pensée une politique, de l'analyse une pratique, de la connaissance une bataille » 4.

1 " Mais un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien » ; M. Foucault, " Theatrum philosophicum », in Dits et écrits I,

op. cit., texte n° 80, p. 943 ; sur G. Deleuze, Différence et répétition, Paris, Puf, 1968 [1993] ; Logique du sens,

Paris, Éd. de Minuit, 1969.

2 A. Fontana, " Lire Foucault, aujourd'hui » [2008], in L'exercice de la pensée. Machiavel, Leopardi, Foucault,

Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, p. 271.

3 M. Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 398.

4 A. Fontana, " Lire Foucault, aujourd'hui », art. cit., p. 270.

8 La présente recherche a essayé de se mouvoir sur ces deux axes à la fois : commencer

d'un côté à enrichir les textes foucaldiens déjà publiés en les mettant en relation avec l'immense

masse des archives récemment déposées à la Bibliothèque nationale de France

5 ; mobiliser de

l'autre côté cet ensemble multiforme des analyses foucaldiennes à travers une thématique qui

pourrait à première vue étonner un spécialiste des travaux de Foucault (et il nous reviendra donc

la tâche d'en éprouver la pertinence) : le théâtre. Or les archives conservées à la Bibliothèque

nationale (site Richelieu) sont une véritable mine d'or pour les chercheurs qui travaillent sur

Foucault, rassemblant quelque chose comme à peu près quarante mille feuillets qui s'étalent sur

plus de trente ans de travail, des années de sa formation jusqu'à sa mort. Elles ont été un

instrument fondamental dans la construction du corpus de cette recherche. Elles conservent en

effet plusieurs passages qui relèvent de la question du théâtre et de la théâtralité, à la fois dans

des fiches de lectures des années d'étude, dans des notes diverses, dans des réflexions du journal

intellectuel, dans des développements de conférences ou de cours inédits ; j'ai cité plusieurs de

ces passages dans mon travail. Mais il a été surtout question d'utiliser et d'insérer ces citations

(dont la datation est parfois incertaine) à l'intérieur d'un parcours cohérent, avec l'idée -

devenant de plus en plus claire au fur et à mesure que mon travail avançait - que la question du

théâtre représente pour Foucault non seulement un intérêt esthétique et littéraire, mais un outil

conceptuel et pratique réel de reproblématisation de ses analyses.

Ce thème du théâtre, de la théâtralité, pousserait par lui-même à sortir du cadre des textes

foucaldiens pour les relire et les utiliser en correlation avec les ouvrages classiques de l'histoire

du théâtre ; les expériences dramaturgiques et dramatiques de l'Antiquité à nos jours ; l'usage

philosophique et politique de la conceptualité théâtrale, au

XXe siècle en particulier. Il est donc

évident qu'une recherche sur Foucault et le théâtre n'aurait pas pour vocation unique de se

limiter à l'exégèse foucaldienne. Elle ouvre plusieurs chantiers de réflexion possible, allant

d'une analyse de la tragédie ancienne ou shakespearienne au moyen des outils conceptuels et méthodologiques foucaldiens, au dialogue possible entre les textes de Foucault et les

Performance Studies, à l'étude des rapports entre pensée et pouvoir à travers les dimensions de

la scène, de la mise en spectacle, de la ritualisation et de la dramatisation des discours et des

pratiques. Il aurait pourtant été impossible d'explorer et de mettre en question dans les détails (et

surtout dans la précision historique qu'une approche foucaldienne impose) tous ces axes de

recherche. Encore que consciente de frôler le risque du commentaire, j'ai donc choisi de garder

5 Sur le débat concernant la vente de ces archives à la BnF de la part du compagnon du philosophe, Daniel Defert,

finalisée en 2013, cf. P. Assouline, " À qui les archives Foucault », Le Monde, 27/04/2012 ; P. Artières, M. Potte-

Bonneville, " Michel Foucault n'est pas un trésor », Le Monde, 18/05/2012 ; E. Aeschimann, I. Monnin, " Le trésor

retrouvé du philosophe Michel Foucault », Le Nouvel Observateur, 08/11/2012 ; R. Rérolle, " Archives à vendre ou

à laisser », Le Monde, 22/12/2012.

9

comme base d'appui de mon travail les analyses de Foucault, dans ce qu'elles peuvent révéler de

" théâtral » lorsque on les relit sous l'angle des " scènes » de la pensée. Ce n'est pas le théâtre à

partir de Foucault, mais le théâtre utilisé par Foucault qui est au coeur de ma recherche - non pas

la philosophie traversant les études théâtrales, mais ce que le théâtre peut " faire » à la

philosophie, lorsque cette dernière renonce à un idéal de systématicité pour devenir pratique

d'invention. Il s'agit sans doute du choix le plus simple (bien que toutes les perspectives ainsi

ouvertes et esquissées puissent devenir des stimules vers des recherches ultérieures). Mais il me

paraissait s'imposer pour deux raisons, qui s'expliquent assez clairement par ce que je viens d'affirmer : pour ne pas disperser excessivement la réflexion, d'une part ; parce qu'il manquait

d'autre part jusque là une étude transversale des travaux foucaldiens qui prenne cette thématique

particulière, le théâtre, comme son fil rouge. Avant de parcourir les nombreuses pistes que le

" théâtre philosophique » foucaldien permet d'imaginer et parcourir, il est important de

comprendre dans quel sens on peut parler de théâtre à propos des travaux de Foucault, et quelle

est la portée originale de ce domaine pour l'élaboration de sa pensée.

Or pour que ce travail fût le plus fécond possible, la notion de théâtre a été délibérément

utilisée dans toute son ambiguïté sémantique. La présence de la scène théâtrale proprement dite

au sein des réflexions foucaldiennes n'a pas fait l'objet exclusif de ma recherche, ni d'ailleurs

l'usage explicite par Foucault de textes appartenant à l'histoire du théâtre. Au contraire, j'ai joué

sur les bords, les limites, les plis, les ouvertures philosophiques et politiques de la dimension

théâtrale. C'est le théâtre dans un sens large, métaphorique - la scène comme dimension de mise

en visibilité et de questionnement publique ; la théâtralité comme virtualité de la pensée - qui

émerge comme la colonne vertébrale de cette recherche. Plusieurs concepts sont donc pris en compte et composent la trame de l'analyse : le tragique, le double, la fiction, le simulacre, la " dramatique » du vrai, la scène du pouvoir, le corps mis en spectacle

6. Toutes ces notions

permettent de traverser diagonalement la production foucaldienne, des années cinquante à son

dernier cours au Collège de France en 1984, et y dessinent un chemin entre théâtre et

philosophie, ou mieux : un parcours qui utilise le théâtre pour repenser l'espace et le rôle de la

philosophie. Un Foucault philosophe est donc clairement au centre de mon analyse : mais comme l'inventeur d'une philosophie qui ne se comprend qu'en sortant des schémas

traditionnels de la pensée. Le théâtre est précisément à mon sens un instrument extrêmement

6 Dans cette liste de concepts, l'absence de la notion de " jeu » pourrait étonner, d'autant plus qu'elle est

extrêmement importante pour les dernières analyses de Foucault sur les " jeux de vérité ». Bien que cette expression

soit plusieurs fois reprise dans le présent travail, elle est à mon sens bien plus d'origine wittgensteinienne que

théâtrale. L'analyser dans le cadre d'une recherche sur Michel Foucault et le théâtre aurait donc engendré trop de

confusion et rajouté de l'ambiguïté à un domaine d'étude déjà extrêmement riche et difficile à cerner de manière à la

fois cohérente et productrice. 10

fécond pour faire échapper le discours philosophique aux cadres de la tradition occidentale : une

voie pour repenser la pensée de Foucault dans toute sa valeur théorique et pratique, mais sans la

réduire à des formules abstraites, universelles, préconçues.

En brouillant ainsi souvent les frontières des disciplines (dans l'esprit même de la

démarche foucaldienne), et en acceptant, on l'a dit, les ambiguïtés intrinsèques à un usage

souvent indirect et métaphorique de la conceptualité théâtrale, ce parcours à travers Foucault par

le biais du théâtre porte à formuler une hypothèse claire, la thèse au coeur de ce travail : grâce à

ses dimensions de dédoublement, redoublement et mise à l'épreuve publique, corporelle,

différentielle du réel, le théâtre est une force d'expérience qui dit de manière emblématique la

puissance critique au coeur de la philosophie foucaldienne comme geste concret de pensée,

comme dynamique de transformation de soi et des autres. La théâtralité, loin d'être une

dimension marginale des analyses de Foucault, peut en représenter le fil rouge en tant que

mouvement de déplacement, déprise et réélaboration perpétuelle de soi : comme une répétition

sur scène sans cesse recommencée, comme un jeu théâtral de masquages et de démasquages.

C'est un autre nom pour cet élan d'altération que la pensée de Foucault veut construire, tout au

long de son parcours. L'idée de cette recherche naît, comme c'est souvent le cas, des questions suscitées par un

travail précédent, à savoir de la réflexion que j'ai menée pendant quelques années sur la présence

et le rôle des corps au sein des analyses foucaldiennes

7. En étudiant la manière dont Foucault

décrit les dynamiques de résistance et de lutte des corps, je me suis aperçue qu'il y a un noyau de

force essentielle au coeur de ces batailles très concrètes du pouvoir : mais cette force ne

représente ni une nature profonde ni une " puissance de vie » anhistorique des corps. Elle

s'explique plutôt dans leur capacité à retourner les injonctions du pouvoir : la possibilité de

devenir des doubles, des masques multiformes, grimaçants et spectaculairement exposés des

vérités historiques qui leur sont imposées, en entraînant ainsi ces mêmes vérités, à travers des

jeux de théâtralisation et de redoublement, à travers des mises en scènes diverses, dans un

processus de transformation. Au moyen des corps, j'ai réalisé que le théâtre pouvait être une

dimension extrêmement féconde pour relire la portée critique des travaux de Foucault. Et comme

dans une inversion du point de regard, cette réflexion sur la puissance dramatique de révolte des

corps en lutte est devenue le dernier chapitre du présent travail - un chapitre qui se propose de

mettre à l'épreuve, à travers les théâtres des corps, la force politique effective de la pensée

foucaldienne : les lieux où se jouent les résistances réelles, les formes par lesquelles son

" theatrum philosophicum » peut devenir un véritable théâtre politique de subversion.

7 Cette recherche a donné lieu à la publication d'un livre : Michel Foucault. Une pensée du corps, Paris, Puf, 2014.

11 Sans forcement garder des partitions nettes entre les différents moments de la production foucaldienne, le plan de mon travail a tout de même suivi un certain ordre chronologique. Le

premier chapitre part de la notion, centrale dans les premiers écrits de Foucault, de tragique. À

travers des fonds d'archive inédits, qui vont enrichir et problématiser la lecture de la célèbre

première Préface de 1961 à l'Histoire de la folie, la notion de tragique révèle en effet une force

euristique capitale pour la première réflexion foucaldienne : elle permet d'ouvrir une

confrontation avec la portée et les limites de la méthode archéologique dans les années soixante,

et de se demander dans quelle mesure une analyse théâtrale, par scènes et personnages, peut nous

aider à mieux pénétrer le sens et originalité de l'entreprise historico-philosophique menée par

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