[PDF] LES CAPRICES DE MARIANNE COMÉDIE





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LES CAPRICES DE

MARIANNE

COMÉDIE

MUSSET, Alfred de

1834
Publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièvre, Juillet 2016 - 1 - - 2 -

LES CAPRICES DE

MARIANNE

COMÉDIE

PAR ALFRED DE MUSSET

PARIS, Librairie des la Revue des Deux mondes, 6 rue des Beaux-Arts. LONDRES, BAILLERIE, 219, Regent Street. 1834.
- 3 -

PERSONNAGES.

CLAUDIO, juge.

MARIANNE, sa femme.

COELIO.

OCTAVE.

TIBIA, valet de Claudio.

CIUTA, vieille femme.

HERMIA, mère de Coelio.

DOMESTIQUES.

MALVOLIO, intendant d'Hermia.

La scène est à Naples

Nota : Texte issu de "Un spectacle dans un fauteuil, par

Alfred de Musset. Prose. I."- 1834. pp. 278-355

- 4 -

ACTE I

SCÈNE PREMIÈRE.

Marianne, sortant de chez elle, un livre de

messe à la main. Ciuta l'aborde.

CIUTA.

Ma belle dame, puis-je vous dire un mot ?

MARIANNE.

Que me voulez-vous ?

CIUTA.

Un jeune homme de cette ville est éperdument amoureuxde vous ; depuis un mois entier il cherche vainementl'occasion de vous l'apprendre. Son nom est Coelio ; il estd'une noble famille et d'une figure distinguée.

MARIANNE.

En voilà assez. Dites à celui qui vous envoie qu'il perdson temps et sa peine, et que s'il a l'audace de me faireentendre une seconde fois un pareil langage, j'eninstruirai mon mari.

Elle sort.

COELIO, entrant.

Eh bien ! Ciuta, qu'a t-elle dit ?

CIUTA.

Plus dévote et plus orgueilleuse que jamais. Elle instruirason mari, dit-elle, si on la poursuit plus longtemps.

COELIO.

Ah ! Malheureux que je suis ! Je n'ai plus qu'à mourir.Ah ! La plus cruelle de toutes les femmes ! Et que meconseilles-tu, Ciuta ? Quelle ressource puis-je encoretrouver ?

- 5 -

CIUTA.

Je vous conseille d'abord de sortir d'ici, car voici sonmari qui la suit.

Ils sortent. Entrent Claudio et Tibia.

CLAUDIO.

Es-tu mon fidèle serviteur ? Mon valet de chambredévoué ? Apprends que j'ai à me venger d'un outrage.

TIBIA.

Vous, Monsieur !

CLAUDIO.

Moi-même, puisque ces impudentes guitares ne cessentde murmurer sous les fenêtres de ma femme. Mais,patience ! Tout n'est pas fini. ? Écoute un peu de cecôté-ci : voilà du monde qui pourrait nous entendre. Tum'iras chercher ce soir le spadassin que je t'ai dit.

TIBIA.

Pourquoi faire?

CLAUDIO.

Je crois que Marianne a des amants.

TIBIA.

Vous croyez, monsieur ?

CLAUDIO.

Oui ; il y a autour de ma maison une odeur d'amants ;personne ne passe naturellement devant ma porte ; il ypleut des guitares et des entremetteuses,

TIBIA.

Est-ce que vous pouvez empêcher qu'on donne dessérénades à votre femme ?

CLAUDIO.

Non ; mais je puis poster un homme derrière la poterne,et me débarrasser du premier qui entrera.

TIBIA.

Fi ! Votre femme n'a pas d'amants. ? C'est comme si vousdisiez que j'ai des maîtresses. - 6 -

CLAUDIO.

Pourquoi n'en aurais-tu pas, Tibia ? Tu es fort laid, maistu as beaucoup d'esprit.

TIBIA.

J'en conviens, j'en conviens.

CLAUDIO.

Regarde, Tibia, tu en conviens toi-même ; il n'en fautplus douter, et mon déshonneur est public.

TIBIA.

Pourquoi public ?

CLAUDIO.

Je te dis qu'il est public.

TIBIA.

Mais, monsieur, votre femme passe pour un dragon devertu dans toute la ville ; elle ne voit personne ; elle nesort de chez elle que pour aller à la messe.

CLAUDIO.

Laisse-moi faire. ? Je ne me sens pas de colère, aprèstous les cadeaux qu'elle a reçus de moi ! ? Oui, Tibia, jemachine en ce moment une épouvantable trame, et mesens prêt à mourir de douleur.

TIBIA.

Oh ! Que non.

CLAUDIO.

Quand je te dis quelque chose, tu me ferais plaisir, de lecroire.

Ils sortent.

COELIO, rentrant.

Malheur à celui qui, au milieu de la jeunesse,s'abandonne à un amour sans espoir ! Malheur à celui quise livre à une douce rêverie, avant de savoir où sachimère le mène, et s'il peut être payé de retour !Mollement couché dans une barque, il s'éloigne peu à peude la rive ; il aperçoit au loin des plaines enchantées, devertes prairies et le mirage léger de son Eldorado. Lesvents l'entraînent en silence, et quand la réalité le réveille,il est aussi loin du but où il aspire que du rivage qu'il aquitté ; il ne peut plus ni poursuivre sa route ni revenirsur ses pas.

- 7 -

On entend un bruit d'instrumens.

Quelle est cette mascarade ? N'est-ce pas Octave quej'aperçois ?

Entre Octave.

OCTAVE.

Comment se porte, mon bon monsieur, cette gracieusemélancolie ?

COELIO.

Octave ! Ô feu que tu es ! Tu as un pied de rouge sur lesjoues ! D'où te vient cet accoutrement ? N'as-tu pas dehonte en plein jour ?

OCTAVE.

Ô Coelio ! Fou que tu es ! Tu as un pied de blanc sur lesjoues ! ? D'où te vient ce large habit noir ? N'as-tu pas dehonte en plein carnaval ?

COELIO.

Quelle vie que la tienne ! Ou tu es gris, ou je le suismoi-même.

OCTAVE.

Ou tu es amoureux, ou je le suis moi-même.

COELIO.

Plus que jamais de la belle Marianne.

OCTAVE.

Plus que jamais de vin de Chypre.

COELIO.

J'allais chez toi quand je t'ai rencontré.

OCTAVE.

Et moi aussi j'allais chez moi. Comment se porte mamaison ? Il y a huit jours que je ne l'ai vue.

COELIO.

J'ai un service à te demander.

OCTAVE.

Parle, Coelio, mon cher enfant. Veux-tu de l'argent ? Jen'en ai plus. Veux-tu des conseils ? Je suis ivre. Veux-tumon épée ? Voilà une batte d'arlequin. Parle, parle,dispose de moi.

- 8 -

COELIO.

Combien de temps cela durera-t-il ? Huit jours hors dechez toi ! Tu te tueras, Octave,

OCTAVE.

Jamais de ma propre main, mon ami, jamais ; j'aimeraismieux mourir que d'attenter à mes jours.

COELIO.

Et n'est-ce pas un suicide comme un autre, que la vie quetu mènes ?

OCTAVE.

Figure-toi un danseur de corde, en brodequins d'argent, lebalancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre ; àdroite et à gauche, de vieilles petites figures racornies, demaigres et pâles fantômes, des créanciers agiles, desparents et des courtisanes, toute une légion de monstresse suspendent à son manteau, et le tiraillent de tous côtéspour lui faire perdre l'équilibre ; des phrases redondantes, de grands mots enchâssés cavalcadent autour de lui ; unenuée de prédictions sinistres l'aveugle de ses ailes noires.Il continue sa course légère de l'orient à l'occident. S'ilregarde en bas, la tête lui tourne ; s'il regarde en haut, lepied lui manque. Il va plus vite que le vent, et toutes lesmains tendues autour de lui ne lui feront pas renverserune goutte de la coupe joyeuse qu'il porte à la sienne.Voilà ma vie, mon cher ami ; c'est ma fidèle image que tuvois.

COELIO.

Que tu es heureux d'être fou !

OCTAVE.

Que tu es fou de ne pas être heureux ! Dis-moi un peu,toi, qu'est-ce qui te manque ?

COELIO.

Il me manque le repos, la douce insouciance qui fait de lavie un miroir où tous les objets se peignent un instant, etsur lequel tout glisse. Une dette pour moi est un remords.L'amour, dont, vous autres, vous faites un passe-temps,trouble ma vie entière. Ô mon ami, tu ignoreras toujoursce que c'est qu'aimer comme moi. Mon cabinet d'étudeest désert ; depuis un mois, j'erre autour de cette maisonla nuit et le jour. Quel charme j'éprouve, au lever de lalune, à conduire sous ces petits arbres, au fond de cetteplace, mon choeur modeste de musiciens, à marquermoi-même la mesure, à les entendre chanter la beauté deMarianne ! Jamais elle n'a paru à sa fenêtre ; jamais ellen'est venue appuyer son front charmant sur sa jalousie.

- 9 -

OCTAVE.

Qui est cette Marianne ? Est-ce que c'est ma cousine ?

COELIO.

C'est elle-même, la femme du vieux Claudio.

OCTAVE.

Je ne l'ai jamais vue. Mais à coup sûr elle est ma cousine.Claudio est fait exprès. Confie-moi tes intérêts, Coelio.

COELIO.

Tous les moyens que j'ai tentés pour lui faire connaîtremon amour ont été inutiles. Elle sort du couvent ; elleaime son mari, et respecte ses devoirs. Sa porte estfermée à tous les jeunes gens de la ville, et personne nepeut l'approcher.

OCTAVE.

Ouais ! Est-elle jolie ? ? Sot que je suis ! Tu l'aimes, celan'importe guère. Que pourrions-nous imaginer ?

COELIO.

Faut il te parler franchement ? Ne te riras-tu pas de moi ?

OCTAVE.

Laisse-moi rire de toi, et parle franchement.

COELIO.

En ta qualité de parent, tu dois être reçu dans la maison.

OCTAVE.

Suis-je reçu ? je n'en sais rien. Admettons que je suisreçu. À te dire vrai, il y a une grande différence entremon auguste famille et une botte d'asperges. Nous neformons pas un faisceau bien serré, et nous ne tenonsguère les uns aux autres que par écrit. CependantMarianne connaît mon nom. Faut-il lui parler en ta faveur?

COELIO.

Vingt fois j'ai tenté de l'aborder ; vingt fois j'ai senti mesgenoux fléchir en approchant d'elle. J'ai été forcé de luienvoyer la vieille Ciuta. Quand je la vois, ma gorge seserre, et j'étouffe, comme si mon coeur se soulevaitjusqu'à mes lèvres.

- 10 -

OCTAVE.

J'ai éprouvé cela. C'est ainsi qu'au fond des forêts,lorsqu'une biche avance à petits pas sur les feuillessèches, et que le chasseur entend les bruyères glisser surses flancs inquiets, comme le frôlement d'une robelégère, les battements de coeur le prennent malgré lui ; ilsoulève son arme en silence, sans faire un pas et sansrespirer.

COELIO.

Pourquoi donc suis-je ainsi ? N'est-ce pas une vieillemaxime parmi les libertins, que toutes les femmes seressemblent ? Pourquoi donc y a-t-il si peu d'amours quise ressemblent ? En vérité, je ne saurais aimer cettefemme comme toi, Octave, tu l'aimerais, ou comme j'enaimerais une autre. Qu'est-ce donc pourtant que tout cela? Deux yeux bleus, deux lèvres vermeilles, une robeblanche, et deux blanches mains. Pourquoi ce qui terendrait joyeux et empressé, ce qui t'attirerait, toi, commel'aiguille aimantée attire le fer, me rend-il triste etimmobile ? Qui pourrait dire : ceci est gai ou triste ? Laréalité n'est qu'une ombre. Appelle imagination ou foliece qui la divinise. ? Alors la folie est la beautéelle-même. Chaque homme marche enveloppé d'unréseau transparent qui le couvre de la tête aux pieds ; ilcroit voir des bois et des fleuves, des visages divins, etl'universelle nature se teint sous ses regards des nuancesinfinies du tissu magique. Octave ! Octave ! Viens à monsecours.

OCTAVE.

J'aime ton amour, Coelio, il divague dans ta cervellecomme un flacon syracusain. Donne-moi la main ; jeviens à ton secours, attends un peu. ? L'air me frappe auvisage, et les idées me reviennent. Je connais cetteMarianne ; elle me déteste fort, sans m'avoir jamais vu.C'est une mince poupée, qui marmotte des ave sans fin.

COELIO.

Fais ce que tu voudras, mais ne me trompe pas, je t'enconjure ; il est aisé de me tromper ; je ne sais pas medéfier d'une action que je ne voudrais pas fairemoi-même.

OCTAVE.

Si tu escaladais les murs ?

COELIO.

Entre elle et moi est une muraille imaginaire que je n'aipu escalader. - 11 -

OCTAVE.

Si tu lui écrivais ?

COELIO.

Elle déchire mes lettres, ou me les renvoie.

OCTAVE.

Si tu en aimais une autre ? Viens avec moi chezRosalinde.

COELIO.

Le souffle de ma vie est à Marianne ; elle peut d'un motde ses lèvres l'anéantir ou l'embraser. Vivre pour uneautre me serait plus difficile que de mourir pour elle ; ouje réussirai, ou je me tuerai. Silence ! La voici qui rentre ;elle détourne la rue.

OCTAVE.

Retire-toi, je vais l'aborder.

COELIO.

Y penses-tu ? Dans l'équipage où te voilà ! Essuie-toi levisage ; tu as l'air d'un fou.

OCTAVE.

Voilà qui est fait. L'ivresse et moi, mon cher Coelio, nousnous sommes trop chers l'un à l'autre pour nous jamaisdisputer ; elle fait mes volontés comme je fais lessiennes. N'aie aucune crainte là-dessus ; c'est le fait d'unétudiant en vacance qui se grise un jour de grand dîner,de perdre la tête et de lutter avec le vin ; moi, moncaractère est d'être ivre ; ma façon de penser est de melaisser faire, et je parlerais au roi en ce moment, commeje vais parler à ta belle.

COELIO.

Je ne sais ce que j'éprouve. ? Non, ne lui parle pas.

OCTAVE.

Pourquoi ?

COELIO.

Je ne puis dire pourquoi ; il me semble que tu vas metromper. - 12 -

OCTAVE.

Touche là. Je te jure sur mon honneur que Marianne seraà toi, ou à personne au monde, tant que j'y pourraiquelque chose.

Coelio sort, Entre Marianne. Octave l'aborde.

OCTAVE.

Ne vous détournez pas, princesse de beauté ! Laisseztomber vos regards sur le plus indigne de vos serviteurs.

MARIANNE.

Qui êtes-vous ?

OCTAVE.

Mon nom est Octave; je suis cousin de votre mari.

MARIANNE.

Venez-vous pour le voir ? Entrez au logis, il va revenir.

OCTAVE.

Je ne viens pas pour le voir, et n'entrerai point au logis,de peur que vous ne m'en chassiez tout-à-l'heure, quandje vous aurai dit ce qui m'amène.

MARIANNE.

Dispensez-vous donc de le dire et de m'arrêter pluslongtemps.

OCTAVE.

Je ne saurais m'en dispenser, et vous supplie de vousarrêter pour l'entendre. Cruelle Marianne ! Vos yeux ontcausé bien du mal, et vos paroles ne sont pas faites pourle guérir. Que vous avait fait Coelio ?

MARIANNE.

De qui parlez-vous, et quel mal ai-je causé ?

OCTAVE.

Un mal le plus cruel de tous, car c'est un mal sansespérance ; le plus terrible, car c'est un mal qui se chéritlui-même, et repousse la coupe salutaire jusque dans lamain de l'amitié ; un mal qui fait pâlir les lèvres sous despoisons plus doux que l'ambroisie, et qui fond en unepluie de larmes le coeur le plus dur, comme la perle deCléopâtre ; un mal que tous les aromates, toute la sciencehumaine ne sauraient soulager, et qui se nourrit du ventqui passe, du parfum d'une rose fanée, du refrain d'unechanson, et qui suce l'éternel aliment de ses souffrancesdans tout ce qui l'entoure, comme une abeille son miel

- 13 - dans tous les buissons d'un jardin.

MARIANNE.

Me direz-vous le nom de ce mal ?

OCTAVE.

Que celui qui est digne de le prononcer vous le dise ; queles rêves de vos nuits, que ces orangers verts, cettefraîche cascade vous l'apprennent ; que vous puissiez lechercher un beau soir, vous le trouverez sur vos lèvres ;son nom n'existe pas sans lui.

MARIANNE.

Est-il si dangereux à dire, si terrible dans sa contagion,qu'il effraie une langue qui plaide en sa faveur ?

OCTAVE.

Est-il si doux à entendre, cousine, que vous le demandiez? Vous l'avez appris à Coelio.

MARIANNE.

C'est donc sans le vouloir ; je ne connais ni l'un ni l'autre.

OCTAVE.

Que vous les connaissiez ensemble, et que vous ne lessépariez jamais, voilà le souhait de mon coeur.

MARIANNE.

En vérité ?

OCTAVE.

Coelio est le meilleur de mes amis ; si je voulais vousfaire envie, je vous dirais qu'il est beau comme le jour,jeune, noble, et je ne mentirais pas ; mais je ne veux quevous faire pitié, et je vous dirai qu'il est triste comme lamort, depuis le jour où il vous a vue.

MARIANNE.

Est-ce ma faute s'il est triste ?

OCTAVE.

Est-ce sa faute si vous êtes belle ? Il ne pense qu'à vous ;à toute heure, il rôde autour de cette maison. N'avez-vousjamais entendu chanter sous vos fenêtres ? N'avez-vousjamais soulevé, à minuit, cette jalousie et ce rideau ?

- 14 -

MARIANNE.

Tout le monde peut chanter le soir, et cette placeappartient à tout le monde.

OCTAVE.

Tout le monde aussi peut vous aimer ; mais personne nepeut vous le dire. Quel âge avez-vous, Marianne ?

MARIANNE.

Voilà une jolie question ! et si je n'avais dix-neuf ans,que voudriez-vous que j'en pense ?

OCTAVE.

Vous avez donc encore cinq ou six ans pour être aimée,huit ou dix pour aimer vous-même, et le reste pour prierDieu.

MARIANNE.

Vraiment ? Eh bien ! Pour mettre le temps à profit, j'aimeClaudio, votre cousin et mon mari.

OCTAVE.

Mon cousin et votre mari ne feront jamais à eux deuxqu'un pédant de village ; vous n'aimez point Claudio.

MARIANNE.

Ni Coelio ; vous pouvez le lui dire.

OCTAVE.

Pourquoi ?

MARIANNE.

Pourquoi n'aimerai-je pas Claudio ? C'est mon mari.

OCTAVE.

Pourquoi n'aimeriez-vous pas Coelio ? C'est votre amant.

MARIANNE.

Me direz-vous aussi pourquoi je vous écoute ? Adieu,seigneur Octave ; voilà une plaisanterie qui a duré assezlongtemps.

Elle sort.

- 15 -

OCTAVE.

Ma foi, ma foi ! Elle a de beaux yeux.

Il sort.

SCÈNE II.

Hermia ; plusieurs domestiques ; Malvolio.

HERMIA.

Disposez ces fleurs comme je vous l'ai ordonné ; a-t-ondit aux musiciens de venir ?

UN DOMESTIQUE.

Oui, madame ; ils seront ici à l'heure du souper.

HERMIA.

Ces jalousies fermées sont trop sombres ; qu'on laisseentrer le jour sans laisser entrer le soleil. ? Plus de fleursautour de ce lit ; le souper est-il bon ? Aurons-nous notrebelle voisine, la comtesse Pergoli ? À quelle heure estsorti mon fils ?

MALVOLIO.

Pour être sorti, il faudrait d'abord qu'il fût rentré. Il apassé la nuit dehors.

HERMIA.

Vous ne savez ce que vous dites. ? Il a soupé hier avecmoi, et m'a ramenée ici. A-t-on fait porter dans le cabinetd'étude le tableau que j'ai acheté ce matin ?

MALVOLIO.

Sigisbée : Homme, dit aussi cavalier

servant, qui fréquente assidûment une maison et se montre très empressé

auprès de la maîtresse. [F]Du vivant de son père, il n'en aurait pas été ainsi. Nedirait-on pas que notre maîtresse a dix-huit ans, et qu'elleattend son Sigisbé ?

HERMIA.

Mais du vivant de sa mère, il en est ainsi, Malvolio. Quivous a chargé de veiller sur sa conduite ? Songez-y : queCoelio ne rencontre pas sur son passage un visage demauvais augure ; qu'il ne vous entende pas grommelerentre vos dents, comme un chien de basse-cour à qui l'ondispute l'os qu'il veut ronger, ou, par le ciel, pas un devous ne passera la nuit sous ce toit.

- 16 -

MALVOLIO.

Je ne grommelle rien ; ma figure n'est pas un mauvaisprésage : vous me demandez à quelle heure est sorti monmaître, et je vous réponds qu'il n'est pas rentré. Depuisqu'il a l'amour en tête, on ne le voit pas quatre fois lasemaine.

HERMIA.

Pourquoi ces livres sont-ils couverts de poussière ?Pourquoi ces meubles sont-ils en désordre ? Pourquoifaut-il que je mette ici la main à tout, si je veux obtenirquelque chose ? Il vous appartient bien de lever les yeuxsur ce qui ne vous regarde pas, lorsque votre ouvrage està moitié fait, et que les soins dont on vous chargeretombent sur les autres. Allez, et retenez votre langue.

Entre Coelio.

Eh bien ! Mon cher enfant, quels seront vos plaisirsaujourd'hui ?

Les domestiques se retirent.

COELIO.

Les vôtres, ma mère.

Il s'asseoit.

HERMIA.

Eh quoi ! Les plaisirs communs, et non les peinescommunes ? C'est un partage injuste, Coelio. Ayez dessecrets pour moi, mon enfant, mais non pas de ceux quivous rongent le coeur, et vous rendent insensible à tout cequi vous entoure.

COELIO.

Je n'ai point de secret, et plût à Dieu, si j'en avais, qu'ilsfussent de nature à faire de moi une statue !

HERMIA.

Quand vous aviez dix ou douze ans, toutes vos peines,tous vos petits chagrins se rattachaient à moi ; d'unregard sévère ou indulgent de ces yeux que voilà,dépendait la tristesse ou la joie des vôtres, et votre petitetête blonde tenait par un fil bien délié au coeur de votremère. Maintenant, mon enfant, je ne suis plus que votrevieille soeur, incapable peut-être de soulager vos ennuis,mais non pas de les partager.

COELIO.

Et vous aussi, vous avez été belle ! Sous ces cheveuxargentés qui ombragent votre noble front, sous ce longmanteau qui vous couvre, l'oeil reconnaît encore le portmajestueux d'une reine, et les formes gracieuses d'uneDiane chasseresse. Ô ma mère ! Vous avez inspiré

- 17 -

l'amour ! Sous vos fenêtres entr'ouvertes a murmuré leson de la guitare ; sur ces places bruyantes, dans letourbillon de ces fêtes, vous avez promené uneinsouciante et superbe jeunesse ; vous n'avez point aimé ;un parent de mon père est mort d'amour pour vous.

HERMIA.

Quel souvenir me rappelles-tu ?

COELIO.

Ah ! Si votre coeur peut en supporter la tristesse, si cen'est pas vous demander des larmes, racontez-moi cetteaventure, ma mère, faitesm'enconnaître les détails.

HERMIA.

Votre père ne m'avait jamais vue alors. Il se chargea,comme allié de ma famille, de faire agréer la demande dujeune Orsini, qui voulait m'épouser. Il fut reçu comme leméritait son rang, par votre grand-père, et admis dansnotre intimité. Orsini était un excellent parti, et cependantje le refusai. Votre père, en plaidant pour lui, avait tuédans mon coeur le peu d'amour qu'il m'avait inspirépendant deux mois d'assiduités constantes. Je n'avais passoupçonné la force de sa passion pour moi. Lorsqu'on luiapporta ma réponse, il tomba, privé de connaissance,dans les bras de votre père. Cependant une longueabsence, un voyage qu'il entreprit alors, et dans lequel ilaugmenta sa fortune, devaient avoir dissipé ses chagrins.Votre père changea de rôle, et demanda pour lui ce qu'iln'avait pu obtenir pour Orsini. Je l'aimais d'un amoursincère, et l'estime qu'il avait inspirée à mes parents neme permit pas d'hésiter. Le mariage fut décidé le jourmême, et l'église s'ouvrit pour nous quelques semainesaprès. Orsini revint à cette époque. Il fut trouver votrepère, l'accabla de reproches, l'accusa d'avoir trahi saconfiance, et d'avoir causé le refus qu'il avait essuyé. Dureste, ajouta-t-il, si vous avez désiré ma perte, vous serezsatisfait. Épouvanté de ces paroles, votre père vinttrouver le mien, et lui demander son témoignage pourdésabuser Orsini. ? Hélas ! Il n'était plus temps ; ontrouva dans sa chambre le pauvre jeune homme traverséde part en part de plusieurs coups d'épée.

- 18 -

SCÈNE III.

Entrent Claudio et Tibia.

CLAUDIO.

Tu as raison, et ma femme est un trésor de pureté. Que tedirai-je de plus ? C'est une vertu solide.

TIBIA.

Vous croyez, monsieur ?

CLAUDIO.

Peut-elle empêcher qu'on ne chante sous ses croisées ?Les signes d'impatience qu'elle peut donner dans sonintérieur sont les suites de son caractère. As-tu remarquéque sa mère, lorsque j'ai touché cette corde, a été toutd'un coup du même avis que moi ?

TIBIA.

Relativement à quoi ?

CLAUDIO.

Relativement à ce qu'on chante sous ses croisées.

TIBIA.

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