[PDF] JEAN ROUAUD - Les Champs dhonneur

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Les Champs

d'honneurRetrouver ce titre sur Numilog.com

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JEAN ROUAUD

Les Champs

d'honneur

Présentation, notes et dossier par

J O H A N N A P E R N O T professeure agrégée de lettres modernes

FlammarionRetrouver ce titre sur Numilog.com

© LES ÉDITIONS DE MINUIT, 1990.

© Éditions Flammarion, 2019, pour l'appareil critique de la présente édition.

ISBN : 978-2-0814-5191-9

ISSN : 1269-8822

Dépôt légal : mai 2019

N° d'édition : L.01EHRN000607.N001Retrouver ce titre sur Numilog.com

SOMMAIRE

n

Pr ésentation.............................9

Une fresque familiale en pays nantais9

Les Champs d

honneur et la guerr ede 1 914-191812 " Un livre éclaté, un livre baroque » : l influence du Nouveau Roman16

Le puzzle de Commercy21

Les Champs d'honneur

Première partie27

Deuxième partie75

Troisième partie151

Quatrième partie187

n

Dossier ..................................193

Avez-vous bien lu ?194

Microlectures195

Parcours en ligne201

D autres regards sur la Grande Guerre203 Le récit autobiographique, ou la quête des origines208

Vers le bac216

Christian Boltanski, une poétique de l

absence217Retrouver ce titre sur Numilog.com

© John Foley / Opale / Leemage

n

Jean R ouaud.Retrouver ce titre sur Numilog.com

PRÉSENTATION

À sa parution en 1990,

L esC hampsd 'honneur

,p remierr oman de Jean Rouaud, marque les esprits. Il reçoit cette année-là le prix Goncourt - la distinctio nlittérair el aplu sprestigieus ee nFrance, rarement attribuée à un premier roman. L'événement fait d'autant plus de bruit que l'histoire de son auteur est singulière : ce dernier occupe alors une profession modeste, il est vendeur de journaux dans un kiosque parisien. D'écrivain anonyme, Jean Rouaud devient, du jour au lendemain, le " kiosquier prix Goncourt ». Traduite en plusieurs langues, son oeuvre est célébrée par une critique littéraire unanime. Mais elle remporte surtout un grand succès populaire : un demi-million d'exemplaires sont vendus en moins de quatre mois. Pour de nombreux lecteurs, ce récit autobiographique fait écho à une époque qu'ils ont connue, celle de la France de l'après-guerre, ainsi qu'à leur propre his- toire familiale.

Une fresque familiale

en pays nantais

Repères biographiques

Né le 13 décembre 1952 dans une famille de petits commer- çants, Jean Rouaud reçoit une éducation bienveillante mais

Présentation

|9Retrouver ce titre sur Numilog.com le conflit (" la victoire à trois sous », p. 162) sont mis au jour avec beaucoup d'ironie. Comme le souligne le narrateur, à l'art militaire d'autrefois a succédé " une esthétique de bauge » (p. 161), expression qui souligne l'inhumanité d'un conflit dont les méthodes rappellent celles des abattoirs pour animaux. Rouaud peint aussi les séquelles de la guerre, dont témoignent les vétérans, " ces vieillards de vingt ans » (p. 163), et le chagrin des familles des poilus. Marie, la soeur dévote de Joseph, ne se remettra jamais de la mort de son petit frère. La troisième partie se poursuit avec la disparition d'Émile, l'autre frère disparu en 1917. Et " cette seconde mort, sur laquelle elle n'avait plus que ses larmes à verser, Marie en partage la douleur avec Mathilde, la jeune veuve, mère du petit Rémi » (p. 172).

Mais loin de tomber dans le

p athos ,l ec hapitres uivantn ous transport e àl'hive r192 9pou rnou sraconte rl'exhumatio nterrible et grotesque du corps d'Émile, enterré à la va vite avec un autre compagnon d'armes. Ces deux squelettes qu'on ne peut plus distinguer l'un de l'autre, cet amalgame d'ossements dans la neige, en disent long sur la déshumanisation des soldats, à qui l'on vole la dignité jusque dans la mort. La mise en scène d'une lessiveuse improbable dans la forêt, qui blanchit les os plus blancs que blancs, insiste sur la perte d'identité, celle d'Émile et des millions d'autres, plongés à jamais dans la " longue nuit amnésique » (p. 171), dans l'oubli. De ces héros " tombés aux champs d'honneur », il ne reste rien, nous dit Rouaud, qu'un simple nom, gravé sur un monument aux morts. Or, " cette année d'écart aura séparé les deux frères sur l'interminable liste du monument aux morts : Joseph dans la colonne des victimes de 1916, Émile dans celle de 17, comme exilés l'un de l'autre, au point que leur parenté, pour le curieux qui note l'homonymie, semble s'affaiblir en un simple cousinage » (p. 172) : même la relation fraternelle semble détruite par la guerre.

Présentation

|15Retrouver ce titre sur Numilog.com "Un livre éclaté, un livre baroque

1»:l'influence

du Nouveau Roman

Roman ou autobiographie ?

Les Champs d'honneur

n'est ni un simple r équisitoirec ontre la guerre, ni une autobiographie classique, même si Rouaud s'affirme grand lecteur des

C onfessions

de R ousseau

2et des

Mémoires d'outre-tombe

de Cha teaubriand

3, deux textes fonda-

teurs du genre. En effet, son oeuvre ne correspond pas aux critères strict sdu récit autobiographique, qui suppose un pacte

4entre le lecteu ret

l'auteur sur la véracité des noms et des faits. Ainsi, le village de Campbon devient " Random », la commune de Riaillé " Riancé » ; la 2 CV du grand-père est en fait celle de la compagne de

Rouaud

5, et même les circonstances de la mort du grand-oncle

Émile ont été modifiées

6. On sait d'ailleurs finalement peu de

chose du personnage-narrateur qui, avec les pronoms " on » et " nous », se confond avec sa famille ou ses soeurs. Le nom Rouaud n'est jamais cité. Dans ces conditions, l'équivalence entre auteur, 1. F ranceCultur e," À v oixnue », " Jean R ouaudou l'histoir ef amiliale comme expérimentation littéraire (2/5) : une littérature qui ressuscite les morts », Sylvie Tanette, 26 avril 2016. 2.

Jean- JacquesR ousseau

(1712-1778) : philosophe et écriv aindes Lumièr es. 3.

VoirDossier ,p .208-210.

4. Voir

L eP acteautobiogr aphique

de Philippe L ejeune,L eSeuil, c oll." P oé- tique », 1975. 5.

Jean R ouaud,

C ommentgagner sa vie honnêtemen t

, éd. citée. 6.

VoirDossier ,p .202.

16 |Les Champs d'honneurRetrouver ce titre sur Numilog.com narrateur et personnage du récit autobiographique se révèle impossible. Pourtant, à la manière d'un Chateaubriand, l'écrivain reven- dique sa fonction de témoin : il a assisté à des événements (la mort de son père, par exemple) ou il rapporte des paroles qu'on lui a racontées (notamment les propos de sa grand-tante). Dans un entretien

1, Rouaud invoque son prénom pour se placer sous

le patronage de saint Jean, l'un des quatre évangélistes du Nou- veau Testament. Tout comme saint Jean, qui a attesté la vie et la mort de Jésus, il prétend écrire la vérité et se porte garant de l'histoire qu'il connaît : la fin du monde rural, les deux guerres mondiales. Mais, contrairement à un biographe ou à un autobio- graphe sincère, le romancier outrepasse sa posture de témoin pour malmener les faits.

Le refus de l'illusion réaliste

Car, passionné par la théorie littéraire, l'écrivain a aussi assisté à ce qu'on appelle après les années 1950 " la mort du roman ». Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux auteurs publiés aux prestigieuses Éditions de Minuit - Nathalie Sarraute, Michel Butor, Marguerite Duras, ainsi que les futurs prix Nobel Samuel Beckett et Claude Simon - remettent en question les carac- téristiques du roman traditionnel, parmi lesquelles la construction d'une intrigue et de personnages crédibles, en somme l'illusion réa- liste forgée par les romanciers du X I X esiècle. Balzac ou Zola, par exemple, bâtissent à grand renfort de détails un univers précis et vraisemblable qui force l'adhésion du lecteur. Les héros possèdent 1. F ranceCultur e," À v oixnue », " Jean R ouaudou l'histoir ef amiliale comme expérimentation littéraire (3/5) : l'autobiographie pour remonter le chemin de l'écriture », Sylvie Tanette, 27 avril 2016.

Présentation

|17Retrouver ce titre sur Numilog.com une identité bien définie - ils ont un nom, un certain nombre de qualités physiques et morales, un métier, des ambitions, un carac- tère. Au contraire, les auteurs des Éditions de Minuit affirment la " mort » du personnage et revendiquent un Nouveau Roman. Ce mouvement littéraire est en lien étroit avec le contexte historique : après le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale, après la déshumanisation de l'être humain dans les camps de concentration, on entre dans " l'ère du soupçon

1». La foi dans le

progrès humain, jusque-là largement partagée, est remise en cause. Ainsi, les récits expérimentaux qui voient le jour montrent des personnages inconsistants ou incomplets, qui rendent compte de cette désillusion généralisée : perdus, anonymes ou amputés comme chez Beckett, réduits à une conscience, à un regard ou à des voix chez Sarraute. Sans doute lit-on l'influence de cette esthétique dans

L esC hampsd 'honneur

,o ùl en arrateur,h umble et distant, presque effacé, reconstitue par fragments le portrait de ses ancêtres. Il va jusqu'à mettre en doute sa lectur ede sévé- nements, notamment lorsqu'il finit par comprendre son erreur après avoir évoqué le délire de sa grand-tante, reconnaissant que " la confusion ne venait pas d'elle, mais de nous » (p. 132). Àquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46

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