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SANTÉ

Les différences

d'état de santé en France des comportements à risques

Florence Jusot

*, Sandy Tubeuf et Alain Trannoy

*** Les inégalités de santé en France sont-elles principalement des inégalités des chances

dues aux circonstances, tel que le milieu d'origine, ou sont-elles avant tout expliquées par les différences de comportements individuels philosophie de la responsabilité, les différences de santé dues à des facteurs relevant de la responsabilité individuelle, tels que les comportements à risque choisis, peuvent

être considérées comme "

légitimes » car découlant de choix de vie assumés par les chercher à corriger ou compenser les inégalités des chances attribuables à des facteurs

Cet article propose d'évaluer la part des inégalités de santé perçue liées aux conditions

dans l'enfance, et celle liées aux comportements à risque, en considérant deux positions éthiques possibles relatives à la corrélation entre milieu d'origine et comportements à

indirect sur les comportements liés à la santé est en outre considéré comme source d�'iné-

L'application aux données de l'enquête Santé Protection Sociale 2006 de l'Irdes, dans dans l'enfance, met en évidence la contribution massive du milieu d'origine aux iné-

des chances représentent jusqu'à 46 % des inégalités de santé alors que celles liées aux

comportements à risque ne dépassent pas 7 %, les inégalités résiduelles étant liées à

* PSL, Université Paris-Dauphine, Leda-Legos et Irdes (Institut de Re�cherche et de Documentation en Économie de la Santé), Paris,

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P lusieurs études récentes ont mis en évi- dence l'existence d'inégalités de santé en France liées au milieu d'origine, entendu comme les conditions de vie dans l'enfance et rejoignent les conclusions des études menées dans plusieurs pays européens 1 modes de vie (alcool, tabac, obésité, nutrition) sur l'état de santé et leur rôle dans la construc- tion des inégalités de santé 2 sont les travaux qui étudient conjointement ces la contribution respective du milieu d'origine et facteurs est de premier ordre pour le jugement éthique que l'on peut porter sur les inégalités de santé et donc pour fonder les politiques à mettre santé induites par des " efforts », c'est-à-dire des facteurs choisis par les individus et relevant donc de leur responsabilité, doivent être considérées tiques correctrices des inégalités n'est donc pas les inégalités attribuables à des facteurs ne rele- vant pas de la responsabilité individuelle, appe- lés " circonstances », doivent être considérées aux circonstances sont alors reconnues comme

Le milieu d'origine constitue ainsi une source

potentielle d'inégalités des chances en santé dans la mesure où les individus ne peuvent pas

être tenus pour responsables de la profession

de leurs parents ou des conditions de vie qu'ils et al.- sement en santé ou au contraire l'adoption de par les individus de leur liberté de choix 3 mesure de la contribution respective du milieu d'origine et des modes de vie aux différences d'état de santé peut donc apporter un premier élément de réponse à la distinction entre inéga-

Cependant, différents travaux montrent que les

milieu d'origine et les comportements à risques chez les personnes issues d'un milieu social défavorisé et dont les parents étaient eux-mêmes et al., 2005 ; Etilé, 2007 ; et al., 2010 ; Balia et et al.et al., ment relié aux conditions de vie dans l'enfance et al., 2005 ; Khlat et al. et al. grossesse (Laitinen et al. approche des inégalités des chances en santé, à élargir les inégalités des chances aux diffé- rences d'état de santé induites par des choix cette seconde approche, seules les différences de comportement à milieu d'origine donné pourront être considérées comme un véritable effort d'investissement en santé et pourront être à l'origine d'inégalités de santé légitimes, alors que les différences de comportements corré- lées au milieu d'origine seront intégrées dans la 123

Cette recherche propose de décomposer les

inégalités de santé en France en deux facteurs, d'une part les inégalités liées aux circonstances mesurées par les conditions de vie pendant l'enfance et d'autre part, les inégalités liées ment Melchior et al. (2006a), Melchior et al. et al.et al.

Ĕet al.et al.

et al. individus (Stringhini, 2010 ; Lantz et al., 2008 ; Menvielle et al., et al.Ą 39
aux efforts d'investissement en santé, mesu- rés par les styles de vie (tabac, obésité, nutri-

Santé Protection Sociale 2006 de l'Irdes, pour

de questions sur les conditions de vie dans l'en- fance, cette enquête recueillant par ailleurs des informations sur l'état de santé perçu et les com- portements à risque pour un échantillon repré-

Encadré

DONNÉES

Cette étude s'appuie sur les données de la vague

Santé Protection Sociale () de

l'enfance (voir Allonier bon ou un bon état de santé général sont considé d'origine et les conditions de vie dans l'enfance a été un indicateur d'épisode de précarité dans l'enfance dant leur enfance. La contribution de chaque facteur est évaluée à l'aide d'une analyse de régression et de la successivement deux positions éthiques pos- sibles sur la distinction à opérer entre circons- direct sur la santé du milieu d'origine, à efforts donnés, est considéré comme source d'inégali- lant que tout effort corrélé à des circonstances la santé est augmenté de leur effet indirect pas-

Une méthode de décomposition

des inégalités de santé entre inégalités des chances et inégalités légitimes

L'objectif de cette recherche est de mesurer la

part des inégalités de santé liées d'une part aux cela, nous proposons de nous appuyer sur un corrélations existantes entre ces variables et nous faisons le choix de ne pas nous intéresser aux relations structurelles existant entre celles- ci 4 la position éthique selon laquelle toute variable inobservée corrélée aux circonstances doit être considérée comme une circonstance et que toute variable inobservée corrélée aux efforts doit être considérée comme appartenant aux efforts (Lefranc et al. 5

H est une fonction d'un vecteur de circons-

tances C, d'un vecteur de variables d'effort E, de variables démographiques D et d'un terme résiduel u : 45
(1)

Le vecteur de variables de circonstances est

composé d'un ensemble de variables indé- pendantes de la responsabilité de l'individu prenant son milieu social d'origine, ses condi- tions de vie de l'enfance et l'état de santé et les comportements liés à la santé de ses parents et al.,

Lindeboom et al.,

et al.,et al. vecteur de variables d'effort capture quant à lui différentes décisions d'investissement en capital santé mesurées par l'adoption de com- portements liés à la santé, incluant le taba- un régime équilibré (voir par exemple Balia et al. expliquées par les circonstances seront recon- nues comme des inégalités des chances, donc illégitimes, alors que les différences d'état de santé expliquées par les variables d'effort seront

Encadré (suite)

considérées comme relevant de la responsabilité de capturer les déterminants biologiques de la d'autres facteurs aléatoires, comme les acci- dents, non corrélés aux circonstances, dont la distribution sera donc jugée comme équi- table selon la philosophie de la responsabilité (Lefranc et al.

Le revenu, le niveau d'éducation ou le statut

social de l'individu ne sont pas retenus parmi

L'omission de ces variables permet tout d'abord

par la corrélation potentielle entre le statut économique et social actuel et l'état de santé et al., 2003 et et al., 2003 pour une discussion de cette ter un jugement normatif sur les inégalités de santé expliquées par le statut économique et social des individus dans le cadre de la philoso- sociale des individus est en partie expliquée par les efforts qu'ils ont réalisés à l'école et Les inégalités sociales de santé qui en résultent devraient alors être considérées comme légi- autre côté, la situation sociale des individus est également largement déterminée par les cir- constances qu'ils ont connues, et en particulier

Lefranc et al.

l'effet à long terme du milieu d'origine et des conditions de vie dans l'enfance sur la santé était en grande partie indirect, celui-ci passant par la détermination du niveau d'éducation et du statut social du descendant qui à leur tour et al., et al., 2010 pour cette ques- dans la mesure des inégalités illégitimes, les inégalités de santé induites par la reproduc- pour cela d'introduire le statut économique et social de l'individu dans l'analyse puisque ces inégalités seront capturées par la corrélation Cependant, la distinction entre inégalités des chances et inégalités légitimes est rendue déli- cate par la corrélation pouvant exister entre cir- des inégalités de santé respectivement expli- les circonstances d'une part, et l'état de santé et les efforts d'investissement en santé d'autre part, sont obtenues en régressant directement l'état de santé H sur les variables de circons- tances C et les variables d'effort E, en prenant (2) La variable d'état de santé retenue étant une variable dichotomique mesurant le fait de décla- rer ou non un bon état de santé perçu, l'équa- ment la condition d'égalité des chances par qu'il existe des différences d'état de santé, à efforts donnés, selon des circonstances indé- pendantes de la responsabilité des individus qui sont donc reconnues comme des inégalités la question de la corrélation existant entre cir- constances et efforts, et peut, à ce titre être de prendre en compte dans l'ensemble des cir- constances non seulement leur effet direct sur la santé, mais également leurs effets indirects efforts doivent être purgés de toute contamina-

Cette seconde approche conduit alors à estimer

une équation auxiliaire pour chaque variable variables d'effort et circonstances et d'isoler l'effort relatif, c'est-à-dire la part de l'effort qui est non corrélée aux circonstances (3)

Les variables d'effort considérées (ne pas

ment des légumes) étant également binaires, les équations auxiliaires sont estimées à l'aide de d'avoir une mesure directe des efforts relatifs ˆe i qui correspondent pour chaque observation à l'espérance du résidu conditionnellement à la valeur observée de la variable dépendante et al. eEeE C CC EC ii i ii ii

δδδΦΦΦ1

(4) où et sont respectivement les fonctions de densité et de répartition de la loi normale cen- d'effort E i par les efforts relatifs estimés ˆe i dans l'équation de santé comme suit HCeDu iR iR iR iR i (5)

L'équation

(5) permet de tester la condition d'égalité des chances selon l'approche de R , sachant que les efforts relatifs ˆe i sont ici indépendants des circonstances C i R associés aux efforts tances est en revanche différent dans les deux respond à l'effet direct des circonstances sur la R correspond à la fois à cet effet direct et à l'effet indirect des circonstances pas- R est égal à R aux circonstances (

δ≠0

ment associés à l'état de santé (β≠0 saire d'estimer directement l'équation (5) pour de calculer pour chaque observation, l'état de santé latent prédit dans chacune des deux approches comme suit

ˆˆˆˆHC

ED iN iii (6a)

ˆˆˆˆˆHC

eD iR iR iR iR (6b)

Ce cadre d'analyse fait apparaitre trois sources

d'inégalités de santé : les circonstances, les ˆH c , la part de l'état de santé liée aux circons- tances, correspondant au premier terme de la partie droite C i

ˆα des équations (6a) et (6b),

ˆH E , la part de l'état de santé liée aux efforts, correspondant au second terme E i et ˆH D , la part de l'état de santé liée aux variables démo- graphiques, correspondant au dernier terme D i santé expliquée par chaque type de source, nous proposons d'utiliser la décomposition de l'intérêt de retenir cet indicateur d'inégalités dans le cas de variable de résultat linéairement de santé latent σ 2 ()H j peut être décomposée comme suit 2 ()cov(,)cov(,) cov(,)HH HHH HH j Cj Ej D j (7) La contribution de chaque source d'inégalités est ainsi donnée par la covariance entre chaque source et l'état de santé, et la contribution rela- tive est égale à la part que représente la contri-

Une contribution massive

des circonstances aux inégalités de santé Quel que soit le scénario considéré, la pro- babilité d'avoir un bon état de santé perçu et manger quotidiennement des légumes accroît le facteur de risque le plus déterminant de la d'avoir un bon état de santé perçue deux fois plus élevée que le fait d'être non-fumeur ou de

Effets marginaux des efforts et des circonstances sur la probabilité de déclarer un bon état de

santé selon le scénario considéré (modèles Probit)

Scénario Naïf

Plus de 70

ansĔĔ Bon

Moyen******

Ne sait pas

Bon****

Moyen******

Ne sait pas*

VivantĔĔ

Scénario Naïf

Ne sait pas*****

VivanteĔĔ

Ne sait pas

Épisode de précarité

Aucun88,26ĔĔ

Précarité pendant l'enfance******

Ne sait pas

ĕĔ8,35ĔĔ

Ne sait pas*

Agricultrice*

Cadre dirigeant

Ne sait pas

Inactive**

Agriculteur

Cadre dirigeant

OuvrierĔĔ

Ne sait pas

Non scolarisée7,38ĔĔ

er cycle******

Études supérieures au baccalauréat******

Non scolarisé5,53ĔĔ

également associé à la probabilité de déclarer probabilité d'avoir un bon état de santé perçu est réduite de 12 points de pourcentage chez lorsqu'elles avaient 12 ans et réduite d'envi- une moindre mesure, que celui-ci était fumeur, déclarent également moins fréquemment être La probabilité d'avoir un bon état de santé est réduite chez les personnes issues des milieux ment déclarent moins souvent avoir un bon état vécu au moins un épisode de précarité dans son pourcentage la probabilité d'avoir un bon état tut socioéconomique plus classiques, l'état de santé est en premier lieu marqué par le niveau larisée plutôt que non-scolarisée augmentant d'environ 10 points de pourcentage la probabi- de naissance mesurée par la Zone d'études et être né dans une région non métropolitaine de déclarer un bon état de santé par rapport au fait d'être né dans le Bassin parisien, être né est étant également associé à une réduction de

Scénario Naïf

er cycle

Études supérieures au baccalauréat

17,88ĔĔ

Nord

Est***

Ouest fait ensuite apparaître que les effets marginaux associés à la plupart des variables de circons- expliquée par l'effet indirect des circonstancesquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46

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