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PALIMPSESTES ÉPIQUES (v. PASSEUR) 255

la tradition littéraire regardé et interprété dans sa relation amoureuse par les protagonistes des deux Idylles. Cette mise à distance



À PROPOS DUN ARTICLE RÉCENT:«GENRES MÉDIÉVAUX ET

Est épopée relève du genre épique tout texte - et la chanson de geste plus présente d'abondants éléments épiques



Lintertexte épique moderne dans la théorie et la pratique de l

19 déc. 2013 Les diverses formes de l'intertextualité (citation allusion



Lécriture épique ovidienne face à sa tradition: représentation et

13 avr. 2016 au(x)quel(s) elles se situent les éléments qui leur permettent d'en en faire ... Le cosmos épique dans l'Énéide et dans les Métamorphoses.



INTRODUCTION

Il montre la manière dont. Ronsard réutilisait un matériau épique désassemblé suivant les méthodes d'apprentissage alors en vogue dans les collèges



Motifs et formules épiques du vieil-anglais dans le Brut de La?amon

23 juil. 2017 présente que la vie publique des héros et Le Brut reprend tous les éléments de ce monde du visible de la tradition germanique que l'on ...



Erich Von Richthofen - Anciens problèmes épiques et leurs

Anciens problèmes épiques et leurs solutions partielles. (Quelques indications). Les systèmes de la critique littéraire avec leur pour et contre.



1.54 - Modifications sur les Reliques et les Epiques

Nom de l'objet. AVANT. APRÈS. 75 Points de Vie. 63 Points de Vie. 1 PA. 1 PA. 3% Coup Critique. 3% Coup Critique. 30 Maîtrise sur 3 éléments aléatoires.



Les quatre éléments dans les PERSES dESCHYLE par : Dominique

Tous les éléments épiques sont présents dans le long récit de la bataille de Salamine par le messager : - grandissement épique importance des sons : le 



La Chanson de Roland comme modèle épique - François Suard

Nous nous poserons d'abord la question de savoir quels sont les éléments structurels constitutifs du récit présenté dans le texte d'Oxford puis envisagerons 

Erich Von Richthofen

Anciens problèmes épiques et leurs solutions partielles (Quelques indications) Les systèmes de la critique littéraire, avec leur pour et contre respectifs, sont innombrables; il ne faut pas les réaffirmer. Bien qu'aucun d'eux ne présente une formule magique, certains offrent des perspectives très utiles. Ils sont à respecter sérieusement et devraient être appliqués aussi souvent que possible. 1 On observe cependant des contradictions, dont certaines pèsent particulièrement et contribuent à retarder les progrès. Présentons ici quelques exemples de problèmes de ce genre, où une solution logique serait d'importance. C'est un fait bien connu que Shakespeare ou Lope de Vega, qui enrichirent la littérature de leurs drames "historiques," étaient généralement acclamés par la critique et le public avec l'enthousiasme le plus durable et le plus mérité. Mais, quand un auteur épique médiéval associe la fiction littéraire à un sujet de base historique, on est trop souvent tenté aujourd'hui de lui refuser l'hommage dû à un vrai poète. Si par contre l'œuvre devient l'objet de l'admiration sincère de l'interprète, comme dans les cas exceptionnels de la Chanson de Roland et le Poème du Cid, celui-ci se rend trop rarement compte qu'il ne s'agit point de l'original mais d'un remaniement d'un texte perdu. Parmi les représentants de la recherche cidienne il existe à présent une tendance à se contenter de cet état de choses 2 et à ne plus poser de questions concernant les 1 Voir mes Límites de la crítica literaria (Barcelona: Planeta, 1976) 48 [désormais Lím. crít. lit.].

2 C'est ici que l'on constate chez de tels critiques une absence étonnante

de curiosité d'investigation.

32 Olifant / Vol. 14, No. 1 / Spring 1989

antécédents, 3 c'est -à-dire les racines mêmes du poème épique et de ses particularités. De façon semblable—et contrairement à la procédure traditionnelle de l'archéologie dans le domaine de l'architecture des âges classiques—un nombre croissant de critiques littéraires semble manquer d'intérêt à l'égard de la reconstruction des textes perdus (bien que fréquemment contenus dans les prosifications des chroniques de Castille dont on a réussi à en extraire quelques-uns). 4 Comme si l'on restait indifférent aux fouilles qui font découvrir les fragments d'objets que l'on croyait disparus à jamais dans le sol! Cependant il faut admettre que dans ce forum il est extrêmement difficile d'identifier les pièces originales et de les assembler selon leur ordre respectif. On n'arrive qu'à des approximations qui pourtant peuvent être d'une valeur idéale incalculable. 5 Ce n'est que récemment que l'on a commencé à critiquer 6 la méthode particulière employée par R. Menéndez Pidal, qui se sert des textes trouvés dans les chroniques pour la reconstruction de

3 L'omission est caractéristique. C'est le point faible principal des

travaux de C. Smith sur le Cid, comme c'était la seule imperfection de l'analyse superbe de M. R. Lida de Malkiel d'une autre œuvre médiévale, appartenant à un genre différent, la Célestine (en ce qui concerne le manque d'un effort sérieux d'identification de l'auteur du premier "acte").—Cf. la nouvelle constatation de F. Rico dans Bolettn de la Real Academia Española LXV (1985): "en 1148 debía existir un Cantor del Cid cognitus omnibus y de contenido substancialmente igual al conservado" (205); et "la conditión de arquetipo de la Chanson de

Roland. El remaniement de Oxford..." (211).

4 Actuellement M. Alvar et moi-même nous trouvons parmi ceux qui

continuent dans cette ligne; le premier principalement avec la Campana de Huesca, le second avec le début du Cid et des deux gestes des Infants de Lara.

5 Voir M. Alvar, Poesia espanola medieval (Barcelona: Planeta, 1969)

50, et mes Tradicionalismo épico-novelesco (Barcelona: Planeta, 1972) 55

[désormais Trad, ép.-nov.] et Sincretismo literario (Madrid: Alhambra, 1981) 27-

33 [désormais Sincr. lit.].

6 Par Jules Horrent et autres (voir mon Trad, ép.-nov. 44-53).

Von Richthofen / Anciens problèmes épiques 33 certains passages de la poésie épique non conservés. Le grand philologue avait lui-même rétracté ses premières tentatives de reconstruction de la seconde geste des Infants de Lara, 7 remplacées par d'autres plus convaincantes. Mais cette critique souvent justifiée de ses collègues, accompagnée de Vautocrîtica de l'auteur, et d'une méfiance persistante à cet égard, ne devrait pas se diriger contre l'esprit d'exploration archéologique et par là contre le principe même du labeur de restauration effectuée par le maître et ceux qui entre- temps s'y sont également voués, ce qui constitue une liste impressionnante de noms. 8

Le résultat des reconstructions ou

restaurations de textes épiques "perdus" serait le rétablissement partiel ou total d'un original ou d'un proche antécédent (un poème remanié conservé, ou, comme dans le cas des Infants de Lara, un poème disparu). Alors que l'archéologie épique, peu populaire mais généralement très sérieuse, se limite à l'investigation de textes vulgaires (en vers ou en prose) relativement récents (depuis le XIIe siècle) et de textes médiévaux latins 9 de tout âge, ce sont les hypothétiques précurseurs antérieurs dans les langues romanes— particulièrement l'idée de l'existence d'une poésie épique orale

7 Il avait renoncé définitivement à une réédition de son début de la

primera gesta (pp. 415-7 des éds. de 1896 et 1934) et complètement remanié les textes de la reconstruction de la segunda gesta (pp. 421-32 de l'ancienne éd., version nouvelle aux pages199-236 de Reliquias de la poesla épica española [Madrid: Gredos, 1951 et 1980]). Par contre la reconstruction de plusieurs laisses de la première geste fut publiée par moi-même dans Trad, ép.-nov. 60-5, et celle du début de la seconde (55-60). Dans mes livres Estudios épicos médiévales (Madrid: Gredos, 1954) et La metamorfosis de la épica medieval (Madrid: Fundación Universitaria Española, 1989) [désormais Metam. ép. med.], j'ai pu démontrer que sous la main du second auteur la geste des Infants de Lara était devenue une des nombreuses variations de la très populaire légende d'Ermanrich et les Harlungen (avec certains éléments du conte du fils de Hagen). Le tout lui avait inspiré, paraît-il, les traits les plus pathétiques de sa nouvelle trame épique.

8 Cf. la note 4 ci-dessus.

9 Voir Metam. ép. med., passim.

34 Olifant /Vol. 14, No. 1 / Spring 1989

concise—qui continuent à fasciner les étudiants et à hanter l'imagination des critiques littéraires, 10 dans leurs efforts sincères, enthousiastes et intelligents. C'est précisément le vide ou le zéro qui a captivé l'attention des lecteurs. 11

On pense que ces chants

étaient en effet vivants dans les vernaculaires; il est pourtant presque impossible de définir avec une suffisante exactitude une chose qui ne nous est pas parvenue sous une forme ou une autre. En ce cas particulier peut-être sera-t-il alors en effet mieux de ne pas nous laisser tenter et de nous mouvoir sur un terrain plus sûr. 12 Revenons au problème (ou paradoxe) posé par les poèmes historico-légendaires d'un côté et les chroniques épico-novelesques

10 Parmi les derniers et les plus distingués se trouvent J. Rychner, M.

Delbouille et P. Zumthor (cf. Metam. ép. med. I: 14). Cf. aussi notre note 12.

11 Comme cela fut aussi démontré dans l'article bien connu d'A.

Deyermond sur le "lost genre"—"La poésie épique arthurienne dans la littérature castillane," Hispanic Review 43 (1975): 231-59.

12 Les meilleurs travaux sur ce sujet sont probablement ceux de R.

Menéndez Pidal, Poesía juglaresca, 6e éd. (Madrid: Institute de Estudios Políticos, 1957), M. Delbouille, "Les chansons de geste et le livre," La technique littéraire des chansons de geste (Liège: Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres, Paris: Les Belles Lettres, 1959), et les études plus récentes de P. Zumthor. Voir également la table ronde (coordonnée par Zumthor) intitulée "Traditions épiques orales dans le monde," Actes du IXe Congrès International de la Société Rencesvals à Padoue-Venise, 1982 (Modena: Mucchi,

1984) 375-404. D'autres études à consulter sont celles d'E. de Chasca, J.

Duggan, K. Adams, J. Miletich et C. Smith. Dans ces tentatives on n'observe pas toujours une claire distinction entre les usages oraux et les formules épiques de la littérature écrite. L'importance même des textes perdus a été soulignée par S. Armistead: "the existence of what, in recent criticism, has become a very dirty word: lost intermediate texts ... Lost texts are an integral, an inescapable part even of learned, written medieval literature and much more so of the oral genres" (Hispanic Review 46 [1978]: 319-20). L'épopée médiévale survécut par la voie orale sous la forme épisodique et modernisée des romances, comme cela fut démontré par R. Menéndez Pidal, S. Armistead et J. Silverman. Cf. aussi S. Armistead, "Encore les cantilènes!: Prof. Roger Wright's Proto-Romances," La Corónica 15 (1986): 52 et les remarques dans notre Metam. ép. med. I: 14. Von Richthofen / Anciens problèmes épiques 35 de l'autre. Durant l'antiquité classique, l'historien Thucydide ne fait pas mention des Argonautes, puisque son intention était d'exclure les mythes de son ouvrage. 13

Depuis Aristote (Poétique, IX, 1451

a-b) on a insisté catégoriquement sur la différence entre l'historien et le poète, en soulignant que le premier raconte ce qui est arrivé et le second ce qui pouvait être arrivé. Ces deux conclusions correspondent dans les grandes lignes à ce qu'à présent on appelle vérisme et vérosimilisme. Cependant on pourrait se demander si chez l'historien—dû à son fond national, particulièrement au moyen âge—ce n'est pas toujours (ou presque toujours) une vérité subjective qui détermine son ouvrage chronistique. Notons que ceci est le cas aussi chez l'auteur littéraire, qui en même temps possède souvent les moyens lui permettant une perspective prismatique, rarement trouvée chez les historiens. 14

D'ailleurs, la vision d'un

grand écrivain révèle un sens plastique et une profondeur caractéristiques d'un artiste plutôt que d'un historien (en tant que critique littéraire, il me sera permis de mettre en relief ces qualités particulières d'un auteur de ce genre). 15

13 Voir J. R. Bacon, The Voyage of the Argonauts (London: Methuen,

klassischen Altertums II (Stuttgart: Metzler, 1986): col. 786: "Das Altertum sah in der Argofahrt ein historisches Faktum." 14 "Tout historien choisit" avait noté Paul Valéry (Cahiers 5: 76). Ce grand esprit sceptique ajoutait plus tard: "détruire l'histoire ... La précision l'extermine" (22:917).

15 W. Thornton dans Fable, Fact and History (New York: Greenberg,

1957) disait: "In the best histories, there is a subjective attempt to seek broad

truth. But such interpretation must be that of a good mind operating on a base of all the facts that can be found" (223). Ce qui est également vrai, ajoutons-le, pour les grandes œuvres littéraires. Le même auteur dirige l'attention sur E. A. Baker, History in Fiction (London: Routledge, New York: Dutton, s.a.): "This two-volume survey considers all novels in a costume or period setting as historical novels; some consider as such only those which are chiefly concerned with the activities of real characters and with real events" (230).

36 Olifant / Vol. 14, No. 1 / Spring 1989

Mais comme il n'y a pas de fiction totale,

16 il n'existe pas (à l'autre extrême) d'historiographie vraiment objective, malgré quelques efforts isolés mais insuffisants dans la direction indiquée. Toute histoire—exception faite de la pure statistique—est arrangée, et cet arrangement (une interprétation des faits qu'il a en commun avec la littérature) est réalisé par ceux qui ont été chargés de cette tâche: des politiciens, des chefs militaires, des rapporteurs, des chroniqueurs (qui étaient souvent des apologistes ou panégyristes), etc., mais à peine—et seulement en des cas extrêmes—par les protagonistes mêmes des événements racontés, qui, eux aussi, se sont formés leurs impressions subjectives. 17

La volonté et les

préjugés, de même que la considération d'un certain public, entrent dans l'opération qui a pour effet la transformation de la vérité objective, souvent plus discutable que celle de l'œuvre littéraire. Dans ce développement, la première phase—qui est aussi le commencement de toute épopée "historique"—est dûe au mythe immédiat, 18 qui naît à l'instant même qu'a lieu l'événement et qui dès lors l'accompagne. En Espagne c'étaient principalement les ecclésiastiques et les rois eux-mêmes qui se sont dédiés à l'historiographie médiévale. Pendant de longues périodes les produits de cette activité étaient les livres de lignages et les chroniques royales, telles la Crónica de XX Reyes, la Crónica del Rey Don Pedro el Cruel, celle de Juan II, et

16 Même un songe est réel; ou une vision à la Dante (La Divine

Comédie), à la Cervantes (Don Quichotte), à la Kafka (Le château).

17 A l'Antiquité Classique et au Moyen Age ce furent souvent les chefs

d'état—par exemple Jules César, Alphonse le Sage—qui étaient les auteurs ou qui dirigeaient les travaux de l'historiographie (un exemple moderne: Winston Churchill). Sur les témoins des événements voir l'observation: "Quand ils les ont vus—ce n'est point l'histoire—ce sont mémoires" (Valéry, Cahiers 14: 537). De nos jours c'est le film des journalistes de la télévision qui réduit la possibilité d'erreur ou de supercherie.

18 Voir Metam. ép. med. intro; § II. Quant à la vérité objective, qui ne

semble pas exister, il est inévitable de constater que l'historiographie est toujours suspecte. Von Richthofen / Anciens problèmes épiques 37 certaines œuvres générales (la Primera Crônica General, la Crónica de 1344, etc.) qui furent elles aussi considérées surtout comme des chroniques royales. Le personnage du Cid, presque totalement ignoré dans les chroniques générales du premier siècle et demi après sa mort, fut élevé au rang d'une figure centrale dans la PCG et les autres chroniques de Castille seulement après avoir été réhabilité et déclaré digne d'une chronique "particulière" (la Historia Roderici). La formation de l'épica cidiana a contribué de façon décisive à ce développement (sans doute le Poème de Sancho II y Cerco de Zamora et le Poème du Cid, soit à peine le Carmen Campidoctoris et la première version perdue des Mocedades) et a servi de source directe dans de nombreux chapitres de la PCG et d'autres œuvres semblables. On peut alors conclure que la matière épique cidienne non encore contenue dans l'ancienne historiographie (toujours écrite en latin) s'était réfugiée dans la poésie épique nationale. De cette manière une fonction fondamentalement historique fut en ce temps attribuée à l'épopée, considérée aujourd'hui comme une œuvre littéraire. Elle consistait en une mention détaillée des actions du Cid introuvables dans les chroniques générales antérieures (ou peut-être refusées) mais avidement absorbées par les chroniques depuis l'époque d'Alphonse le Sage dans leurs réductions en prose des poèmes épiques. Voici donc la relation particulière entre l'historiographie et l'épopée médiévale de l'Espagne. On a dirigé l'attention sur le fait que l'auteur d'une fameuse chronique "particulière" du moyen âge (de la première moitié du XIIe siècle), la Historia Roderici sur le Cid, invente des dialogues, une pratique déjà employée par certains historiens de l'antiquité romaine. 19

Par contre sait-on que la Pharsalia

20 du cordouan

19 Cf. C. Smith, "Latin Histories and Vernacular Epic in Twelfth-

Century Spain: Similarities of Spirit and Style," Bulletin of Hispanic Studies 48 (1971): 3-19.

20 Très connue encore au moyen-âge (plus de 150 manuscrits complets

du texte conservés). L'histoire (chrétienne) n'avait pas rapporté les exploits du Cid, exception faite de ce qui n'est qu'une chronique "particulière," la Historia Roderici; ils sont pratiquement absents encore dans les œuvres générales latines du Tudense comme du Toledano et incomplets dans la même Historia Roderici

38 Olifant / Vol. 14, No. 1 / Spring 1989

Lucain fut considérée histoire et non pas poème par Servius, 21
l'auteur du commentaire de Virgile, et qu'en effet elle servait déjà de source historique depuis Appian et Dion. 22

L'exactitude initiale

23
des premières chansons de geste (perdues en France, mais en partie conservées ou en état de reconstruction en Espagne) mena R. (c'est pourquoi les chronistes de Castille ont également utilisé le Poème et un texte arabe).

21 Et encore par Dante, en un sens. Ce dernier (selon R. Hollander,

Studies in Dante [Ravenna: Longo, 1980] 63; n. 51) "tends to treat the events of Virgil's poem as though they were historical," c'est-à-dire que "Dante learned from the AEneid . . . how ... to compose a fiction that is intended to be as historically true" (71), puisque "for his major work Virgil chose to employ not fabula, but historia (or, perhaps, argumentum)" (72). (Cf. 40; n. 3: "argumentum is clearly adjunct to historia, rather than to fabula," avec référence à E. R. Curtius.) D'autre part, le "deliberate misreading" par Dante des épopées classiques (Hollander 203-4) semble se référer principalement aux faits légendaires.

22 R. Menéndez Pidal, "Poesía e historia en el Mio Cid—El problema

de la épica española," Nueva revista de filología hispánica 3 (1949): 127-9. Voir aussi P. Grimai, "Le poète et l'histoire," Lucain: Entretiens sur l'antiquité classique (Genève: Fondation Hardt, 1970) 53-117, et S. Mariner, "Epopeya e hispanidad," Estudios clâsicos 78 (1976): 285-341.

23 p. Le Gentil, La littérature française du moyen âge (Paris: A. Colin,

1963) 38, appuyant la théorie de Menéndez Pidal selon laquelle les "récits en vers

de caractère informatif... en raison de leur exactitude initiale... aient conservé certains détails authentiques négligés ou ignorés des historiens." Mme R. Lejeune avait remarqué que: "on sent le divorce qui existe entre historiens et historiens de la littérature, et ce n'est pas sans regret que l'on arrive à cette constatation" (Revue d'histoire ecclésiastique 77 [1982]: 471).—La littérature est en effet "Dichtung und Wahrheit" (le titre d'un ouvrage de Gœthe), mais souvent pas à un plus haut degré que l'historiographie. Von Richthofen / Anciens problèmes épiques 39 Menéndez Pidal à la conclusion que "la coetaneidad impone una fabulation verista." 24
Entre Lucain (Ier siècle) et un autre extrême, G. Pérez de Villagrà (XVIIe siècle) on trouve Ammianus Marcellinus (du IVe siècle), l'auteur latin des Rerum Gestarum, un livre d'histoire bien connu qui traite de l'époque des Visigoths. Ammien fut le témoin de plusieurs événements décrits dans son œuvre, et cependant il incorpora des épisodes épico-novelesques dans son récit. Ce mélange d'histoire et de fiction poétique était une pratique assez courante encore à l'époque post-médiévale de la conquête de l'Amérique, comme par exemple dans Ercilla, La Araucana (1569) 25
et Villagrà, Historia de la Nueva México (publ. en 1610). 26

24 Article cité dans la note 22 ci-dessus, p. 128. Cette réplique à L.

Spitzer contient d'autres constatations importantes. Répétons en cet endroit: "La epopeya española ... trata de sucesos inmediatos, de pocos affos antes" (129); "Después, cuando esos cantos perduran en la tradición, es a costa de ser refundidos por poetas posteriores, los cuales van introduciendo en el texto primitive nuevas invenciones que los alejan progresivemente del verismo originario; los refundidores, olvidando, desconociendo cada vez más la realidad pretérita, tienden a prescindir de lo recordado como real por el primer autor, y lo sustituyen por invenciones libres, más al gusto del día; es decir, cada refundidor va desechando algo de lo particular histórico para sustituirlo por lo universal novelesco" (128); "Camõens escoge una acción prôxima, de cincuenta aflos antes, y quiere contar 'verdad,' de unas hazañas fingidas" (125). H. V. Livermore, dans "Epic and History in the Lusiads;" I Reunião International de Camonistas,

1972 (Lisboa: Neogravura Lda., 1973) 12, a signalé que: "For Camõens then the

subject of heroic poetry is necessarily historical. The epic is not simply narrative, but historical narrative. History consists of the writings of accredited historians, which may be supplemented by personal experience."

25 ceci est vrai encore pour Os Lusiadas de Camõens, poème épique

des découvertes en Extrême Orient, dans lesquelles l'auteur se sert librement de nombreux passages inspirés des Décodas de João de Barros et de la História e conquista da India de Fernão Lopes de Castanheda—le tout encadré de scènes allégoriques (mythologiques). Selon le jugement d'Isidore de Séville, Lucain n'appartenait pas au groupe des poètes parce qu'il écrivait de l'histoire et non pas de la poésie (Etymologiarum Libri 8: 7,10). Comme nous le rappela Menéndez Pidal, Saavedra Fajardo disait que Lucain, Ercilla et Camõens étaient exclus des historiens parce qu'ils mentent et des poètes parce qu'ils ne mentent pas (En

40 Olifant / Vol. 14, No. 1 / Spring 1989

Le titre de cette dernière indique qu'il s'agit d'un livre d'histoire. Malgré cela il est écrit en vers qui s'inspirent vaguement des modèles d'Ercilla et de Virgile, en premier lieu. En même temps, il inclut quelques réminiscences de technique épique médiévale. En tant que poème, il se rapproche en général du concept de la chronique rimée, également connue de la littérature du moyen-âge. Il reçut un caractère épique avant tout chose par l'inclusion d'une trame réaliste hautement dramatique: la trahison et la bataille d'Acoma (année 1599). La documentation et la variété des émotions observées sont présentées par l'auteur avec autant de précision chronistique que d'imagination poétique. Villagrá voulait être historien et poète. Son poème épique occupe une place particulière dans l'historiographie, parce que son texte est le seul de la période qui offre un récit détaillé de la conquête du Nouveau Mexique, dont il reste la source principale. Il fut accepté par les chronistes de son époque comme s'il s'agissait exclusivement de la vérité historique, ainsi qu'autrefois on acceptait le contenu du Cid, quoique le Poème offre une réalité transformée poétiquement à un degré qui excède de beaucoup celui de la Historia. 27
On observe une coexistence à peu près parfaite d'éléments historiques (à peine altérés) et d'éléments fabuleux dans la Chanson d'Antioche avec sa continuation la Chanson de Jérusalem (l'une et l'autre du XIIe siècle), comme dans le Carmen Campidoctoris espagnol (fin du XIe ou première moitié du XIIe). torno al Poema del Cid [Barcelona-Buenos Aires: EDHASA, 1963] 74). Tout dépend de la perspective individuelle. 26
Trad. ép.-nov.l94-224; cf. Sincretismo literario 123-8; Metam. ép. med. I: 13.

27 Il reste quand même l'épopée médiévale la plus appréciée de toutes

par sa véracité (si on la compare à Fernán González, Roland, Guillaume,

Nibelungen, etc.).

Von Richthofen / Anciens problèmes épiques 41 Méthodologiquement, il faut d'abord découvrir les éléments historiques afin d'évaluer la fiction poétique. Dans nos deux premiers exemples 28
la croisade d'outremer est traitée avec "un relatif souci d'exactitude." 29

En ce qui concerne le Carmen cidien

on a noté que la relation entre ce poème latin et la Historia Roderici déjà mentionée est assez étroite. Il y a du vrai dans l'ancienne théorie 30
selon laquelle "hay vocablos que parecen tornados de las Gestas [= Historia Roderici], y es muy probable que de estas procedan también todos los incidentes recordados en el Carmen [Campidoctoris]." 31

L'ouvrage de l'écrivain aquitain Ermoldus

Nigellus, bien qu'un précurseur des gestes de Charlemagne et de Guillaume, est le plus fréquemment négligé par les spécialistes de la littérature épique médiévale. En ce qui concerne les éléments épiques de ce long poème "historique" on a observé 32
des jugements vacillants ou timides (chez les critiques français parfois attribuables à un patriotisme latent qui ne permet point l'idée d'une origine latine des chansons de geste). 33
28

Voir Sincr. lit. 14-7.

2" p. Le Gentil, La littérature française au moyen âge 55. D'un autre

avis est D. Trotter, Medieval French Literature and the Crusades (Genève: Droz,

1988).

30 De A. Bonilla y San Martín, "Gestas del Cid Campeador (crónica

latina del siglo XII)," Boletín de la Real Academia de la Historia 59 (1911): 161- 257.

31 Bonilla y San Martín, p. 173. La théorie de Bonilla fut ressuscitée

et élargie par C. Smith, "The Dating and Relationship of the Historia Roderici and the Carmen Campi Doctoris" Olifant 9 (1982): 99-112, un article animé et entraînant, plein de belles idées quoique pas totalement convaincantes.

32 S. Martínez, "Historia y epopeya en el poema de Ermoldo el Negro a

la conquista de Barcelona," Anuario de letras 16 (1978): 91-2, en particulier 119-

35. Cf. aussi le chapitre "Cataluña (con Aquitania) y los precursores latinos de

la épica românica medieval," dans mon Metam. ép. med. I:2.

33 Metam. ép. med. I:14.

42 Olifant / Vol. 14, No. 1 / Spring 1989

D'autre part, l'historiographie même du moyen-âge, en Espagne, se nourrissait souvent de la poésie épique: non seulement la Pharsalia—traduite—dans la General Estoria, 34
mais aussi le

Fernán González

35
et le Cid - prosifiés—dans la Primera Crónica

General.

36

Celle-ci va jusqu'à élargir

37
le thème du Poème du Cid et à en amplifier la fiction. 38

Le résultat fut un récit chronistique

plus fabuleux que celui du poème épique. Mais ce ne sera qu'aux temps modernes qu'une œuvre littéraire, une épopée en prose telle que La guerre et la paix (Tolstoy), Los episodios nacionales (Galdós), Les Rougon- Macquart (Zola), ou Les Thibault (Martin du Gard), pourra nous décrire les problèmes et la société d'une époque déterminée d'une

34 Voir V. J. Herrero, "Influencia de Lucano en la obra de Alfonso el

Sabio—una traducción anónima e inédita," Revista de archivas, bibliotecas y museos 67 (1959): 697-715.

35 Voir dernièrement Metam. ép. med. I: 13e. Selon Lindley Cintra, le

Fernán González dérive en partie du Liber Regum, une chronique latine médiévale.

36 Il est bien connu qu'un grand nombre d'hémistiches est conservé et

que, très fréquemment, la transcription est presque littérale. Il faut citer à cet endroit R. Menéndez Pidal: "La historia y la epopeya son hermanas, arraigan en los mismos sentimientos y persiguen fines análogos.... Pero ... la historia de los eruditos se deja influir bastante por la historia popular de los indoctos" (Intro, à la Primera Crónica General, éd. de 1955, p. xli). La Créonica de Veinte Reyes est une adaptation parallèle à la PCG. Voir en premier lieu B. Powell, Epic and Chronicle: The "Poema de Mio Cid" and the "Crónica de Veinte Reyes" (London: Modern Humanities Research Association, 1983), et C. Smith dans son article "largely speculative" mais excellent: "The First Prose Redaction of the Poema de Mio Cid," Modern Language Review 82 (1987): 869-86.

37 Par l'inclusion du récit du séjour prolongé du Cid au règne de

Saragosse et de ses services de chef militaire rendus à l'émir.

3° Dans la partie ultérieure qui contient la "leyenda de Cardeña."

Comme R. Menéndez Pidal a signalé, la Primera Crónica General ajoute vingt- huit personnages dans son adaptation du Poème du Cid, dont la plupart sont inventés. De cette façon le récit de la chronique est devenu plus légendaire que celui du poème. Von Richthofen / Anciens problèmes épiques 43quotesdbs_dbs46.pdfusesText_46
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