[PDF] DIALOGUE DE LAMOUR ET DE LAMITIÉ





Previous PDF Next PDF



LES LOIS SPIRITUELLES

religieux vous disent : « Tout est le fruit du hasard » ou bien « On ne peut pas le prouver scientifiquement ». Il y a un troisième groupe de gens qui me 



Qui suis-je? 1. Aussi beau quun lever de soleil aussi délicat que la

Sans elle certains ont peur mais une fois mise



Pratiquer les principes

Oct 1 2002 mais nous ne pouvons pas survivre sans NA. » ... Je suis venu à NA pour me sortir du pétrin. ... que les gens m'aiment et que je le laisse.



Théorie de la fiction et fiction théorique: Entretien avec Maurice

attaqu6e la source meme l'id6e revue du langage. Vous ne me direz pas que. Bouvard et Pecuchet est un roman tel que les gens l'entendent meme a 1'6poque.



Préface de Coïts

Il ne perdit pas de temps défit sa ceinture



Bulletin officiel n° 35 du 24 septembre 2009

Sep 24 2009 Sans me permettre de juger le Département



DIALOGUE DE LAMOUR ET DE LAMITIÉ

deux soeurs si accomplies et i charmantes qu'on ne pouvait pas les voir ni les connaître sans les aimer ; quelques uns les trouvèrent si.



Petit glossaire des classiques français du dix-septième siècle

à qui toutes sortes de gens ne plaisaient pas : ai bien que de au métier qui me fait connaître d'en ravaler le but si bas que.



DIALOGUE DE LAMOUR ET DE LAMITIÉ

deux soeurs si accomplies et i charmantes qu'on ne pouvait pas les voir ni les connaître sans les aimer ; quelques uns les trouvèrent si.



LA PATRIE ET LA MORT

Ne fallait-il pas prévoir et permettre les changements demeurer sans me connaître et que je me fixe à ma place normale pour.

DIALOGUE DE

L'AMOUR ET DE

L'AMITIÉ

Charles PERRAULT (1628-1703)

1665
- 1 -

Texte établi par Paul FIEVRE juin 2021

Publié par Ernest, Gwénola et Paul Fièvre pour Théâtre-Classique.fr, Juin2021. Pour une utilisation personnelle ou pédagogique uniquement.Contactez l'auteur pour une utilisation commerciale des oeuvres sousdroits.

- 2 -

DIALOGUE DE

L'AMOUR ET DE

L'AMITIÉ

Adolphe CARCASSONNE.

À PARIS, Chez PIERRE BIENFAIT, au Palais, dans la Grand'Salle, du côté de la Cour des Aides,à l'Image Saint-Pierre.

M. DC.LXV. Avec Privilège du Roi.

- 3 -

LETTRE À MONSIEUR H. A. D'A.

Sur le dialogue de l'Amour et de l'Amitié.

Puisque ce n'est pas assez que je vous aie lu mon dialogue, et que vous désire encore en avoir une copie, je ne veux pas vous la refuser. J'avoue, MONSIEUR, que j'ai eu bien de la peine à m'y résoudre, et qu'étant persuadé comme je le suis, que vous êtes l'Homme du monde qui a le goût le plus fin et le plus délicat en toutes choses, et principalement pour ces sortes d'ouvrages, j'ai bien appréhendé que la réflexion plus exacte que vous pourrez faire sur celui-ci en le lisant, ne vous fit diminuer beaucoup de l'approbation que vous lui avez donnée. La valeur de votre estime, et l'apparence qu'il y a que j'en vais perdre une bonne partie, rendant assurément ma crainte très raisonnable ; néanmoins quelque chose qui en arrive, je serai satisfait. On trouve toujours son compte avec vous ; et si je n'obtiens pas des louanges, je recevrai des avis que j'aime davantage, parce qu'il me sont plus utiles, et parce qu'ils me seront aussi des marques plus assurées de votre amitié de votre amitié. Mais, MONSIEUR, avant que vous lisiez cette petite galanterie, il faut que je vous dise deux ou trois questions que l'on me fit en une conversation où je me trouvais il y a quelques jours, et que vous sachiez aussi ce que je répondis. On me demanda d'abord pourquoi l'Amour et l'Amitié s'appellent frère et soeur. Je ne pensais pas, à vous dire le vrai, que l'on dut s'arrêter à cela, et qu'on s'avisât jamais de leur disputer cette qualité ; car si tous les jours mille personnes que le sang ni l'alliance n'ont point unis, se donnent l'un à l'autre ces noms tendres et doux, parce qu'ils s'aiment, ou seulement parce qu'ils veulent se la persuader, doit-on trouver étrange que l'Amour même, et l'Amitiés en personne, en usent de la sorte, et qu'ils appellent frère et soeur, quand même ils se seraient pas ? Mais il le sont en effet, et l'on ne peut pas en disconvenir, pour peut qu'on examine leur généalogie. Il est constant que l'Amour et fils du Désir, et le la Beauté ; Platon qui le connaissait particulièrement nous en assure, il l'appelle même le Désir de la la Beauté et lui donne ce nom composé de celui de ses père et mère, pour nous marquer son origine. Il est aussi très certain que l'Amitié est fille du Désir s'attachant à la Bonté, parce que si le

désir, s'attachent à la Beauté, a donné l'être à la Beauté, a donné l'être

àl'Amour,on ne peut pas douter que le même désir et la Beauté ne s'étant pas unis ensemble, n'aient donné naissance à l'Amitié. En effet nous voyons encore aujourd'hui, que si nous aimons une maîtresse parce qu'elle est belle, nous aimons un ami parce qu'il es bon. Cela ne pouvant pas être contesté, il paraît que l'Amour et l'Amitié sont frère frère et soeur du côté de leur père, bien qu'à la vérité ils aient des mères différentes. Ensuite de cette question on ne fit une autre qui me sembla fort jolie, et qui ne venait aussi d'une femme d'esprit que vous connaissez ; elle demanda qui était l'ainé des deux, de l'Amour et de l'Amitié. Quoi qu'il soit malaisé de dire précisément ce qui en est, à cause de longtemps, qu'il y a qu'ils sont - 4 - au monde, je ne doutai pas néanmoins d'assurer que l'Amour était l'aîné. Je ne me fondai point sur ce que les poètes disent qu'il a démêlé la Chaos, et qu'il est plus vieux que le Monde, bien loin d'être le cadet de l'Amitié, parce que c'est du premier et grand amour, père de toutes choses, que les poètes ont voulu parler, et non pas de celui-ci qui n'est que son fils. Je n'arrêterai point non plus sur la différence que quelques-uns ont mise être l'Amour en l'Amitié, que celle-ci est toujours réciproque, et que l'autre ne l'est jamais, et qu'ainsi l'Amour précède l'Amitié, puisqu'en effet il faut que l'affection naisse premièrement de l'un des deux côtés avant que d'être mutuelle. Je ne m'arrêtai pas, dis-je, à cette différence, parce que je la trouve absolument fausse. L'on sait que l'Amour et l'Amitié sont quelquefois réciproques, et que quelquefois il ne le sont pas. Je ne ma réglai que sur la généalogie que j'ai déjà avancée, et sur l'histoire de leur naissance, que je leur contai le plus naïvement qu'il me fut possible. Je leur dis donc que la Beauté et la Bonté étaient deux soeurs si accomplies et i charmantes, qu'on ne pouvait pas les voir ni les connaître sans les aimer ; quelques uns les trouvèrent si semblables ; qu'ils les prirent souvent l'une pour l'autre, et leur donnèrent aussi le même nom. Mai ceux qui les observèrent plus soigneusement, remarquèrent une très grande différence entre elles. La Beauté avait beaucoup d'éclat et d'apparence qui donnait dans la vue d'abord ; et sans mentir ou pouvait dire que pour la conquête d'un coeur elle n'avait besoin que d'être regardée, aussi était-elle extrêmement impérieuse et fière ; et quoi qu'elle n'eut ni gardes ni soldats autour d'elle, il n'était point de rois sur la Terre qui se fissent obéir si promptement, et dont l'Empire fut plus absolu que la tyrannie qu'elle exerçait sur tout ce qui aurait un coeur et des yeux. Elle était fort coquette, et aimait passionnément à se produire dans le grand monde, afin de s'attirer des louanges dont elle témoignait ne se soucier pas beaucoup, mais néanmoins qui lui plaisait tellement, qu'elle obligeait et forçait même toutes sortes de gens à lui ne donner. La Bonté tout au contraire était fort modeste et fort retirée ; et quoi qu'elle fut d'une humeur assez sociale et assez communicative avec les personnes qu'elle connaissait, elle fuyait pourtant la foule autant qu'elle pouvait, et elle ne haïssait rien tant que de se faire de fête mal à propos. Il est vrai qu'elle n'avait pas ce brillant et cet abord surprenant se sa soeur ; mais quand on s'était donné le loisir de la considérer avec attention, et de la pratiquer quelque temps,on demeurait persuadé qu'elle était infiniment aimable, et que ses charmes étaient bien plus solides et plus véritables que ceux de la Beauté. Le désir jeune et bouillant qui voyageait presque toujours pour satisfaire son humeur prompte et inquiète, et qui ne trouvait point de pire maison que la sienne, se promenant un jour et cherchant quelque aventure, rencontra la Beauté assise à la porte de son logis, où elle se tenait presque toujours oisive, et seulement pour être vue, pendant que la Bonté sa soeur était dans la maison qu'elle gardait, et où elle ne se tenait pas sans rien faire. Le désir, dis-je ayant rencontré la Beauté, se sentit - 5 - tout ému et tout hors de soi en la voyant : mais comme il était assez hardi de son naturel, il l'aborde quoi qu'il ne la connut pas ; il la cajole, et lui fait cent galanterie qu'elle reçut avec beaucoup de joie. La procédé brusque et enjoué du cavalier lui plut extrêmement, elle crut voir en lui quelque chose de noble et de généreux, capable des plus hautes entreprises, et qui témoignait sans doute une illustre naissance ; elle s'imagina même que le ciel l'avait destinée pour lui, et qu'assurément il les avait faits l'un et l'autre; de sorte qu'après quelques recherches de la part du désir, leur mariage s'accomplit assez promptement. De ce mariage naquit l'amour,qui donna bien de la satisfaction à ses père et mère durant les premiers jours de son enfance ; car au lieu que les autres enfants ne font que crier et pleurer en venant au monde, celui-ci ne faisait que chanter et danser, il ne demandait qu'à rire et à se réjouir, il discourait de toute chose agréablement, il faisait même de petits vers et des billets doux les plus spirituels qu'on eut jamais vus ; enfin son père et sa mère en étaient si contents, qu'ils rompaient la tête à tout le monde des jolies choses qu'il avait dites ou qu'il avait faites ; mais lorsqu'il fut un peu plus grand, il changea si fort,qu'il n'était pas reconnaissable. Il devint rêveur et chagrin, il ne voulait ni boire ni manger, il soupirait sans cesse, il ne dormait point; il ne faisait que se plaindre, et réveillait son père, sans avoir le plus souvent ce qu'il lui fallait ; car on ne lui avait pas plutôt donné une chose qu'il en était las, et qu'il en demandait une autre,quine le contentait pas plus que la première : enfin c'était bien le plus cruel enfant qui fut jamais, et qui donna le plus de peine à élever ; mais revenons à notre histoire. Le Désir après quelques jours de mariage, ayant jeté les yeux sur la bonté sa belle-soeur, qu'il n'avait pas encore bien considérée à cause de la grande passion qu'il avait eu d'abord pour sa femme, mais qui commençait un peu à se refroidir : l'ayant, dis-je regardée de plus près, il remarqua en elle mille agréments et mille perfections qui la touchèrent sensiblement. Surtout il fut charmé de son humeur douce, complaisante, et officieuse, qui m'aimait qu'à faire du bien, et dont il y avait lieu d'attendre bien plus de secours dans les besoins et dans les rencontres fâcheuses de la vie, que de la Beauté sa soeur, qui semblait n'être née que pour la joie, et qui en effet né se connaissait point du tout à prendre part aux afflictions : il l'a reconnut patiente et généreuse, jusqu'à obliger ceux-même qui l'avaient offensée ; tout au contraire de la Beauté, qui bien loin de souffrir des mépris, se fâchais quand on ne la cajolait pas assez galamment. Enfin il jugea que si dans la possession de la Bonté on ne goûtait pas des plaisirs si sensibles ni si touchants qu'en celle de laBeauté, on en recevait assurément de plus tranquille et de plus durables. Épris de tant de perfection, et de tant d'aimables qualités, il lui découvre les sentiments qu'il avait pour elle ; la Bonté qui était facile, et qui ne pouvait pas refuser ceux qui la priaient de bonne grâce, lui accorda volontiers ce qu'il souhaitait, et le reçut pour son mari.De leur alliance naquit l'amitié, qui fut les délices et la joie de tout le monde. Il est vrai que durant son premier âge elle ne fut pas si gentille ni si - 6 - agréable que l'avait été l'Amour : mais lorsqu'elle commença d'être un peu grande, elle parut si belle et si charmante, qu'elle fut désirée et recherchée de tous ceux qui la virent. On tâchait de la mettre de toutes les parties que l'on faisait, et une compagnie ne semblait pas complète et en état de se bien divertir, si elle manquait à s'y rencontrer ; les philosophes mêmes ne doutaient pas de dire que sa présence diminuait toutes les affliction et redoublait tous les plaisirs, et que la vie était ennuyeuse sans elle. Il est vrai qu'elle donnait sujet à toutes sortes de personnes de sa louer de sa conduite, et qu'elle était aussi sage et aussi discrète que l'Amour était fou et emporté ; aussi son père qui le reconnu dans plusieurs rencontres se plaignait souvent à elle des déplaisirs que lui donnait son frère, et lui en faisait confidence pour en recevoir du conseil et de la consolation. Voilà, MONSIEUR, comme je leur en fis l'Histoire, qui fait voir non seulement que l'Amour et l'Amitié sont frère et soeur, mais aussi que l'Amour est l'ainé. Ce qui paraît encore assez dans leur manière d'agir ensemble : car enfin il ne faut que considérer comme l'Amour gourmande sa soeur, comment il la fait passer par où il veut, et de quelle sorte il lui fait sa part, pour remarquer qu'il la traite en cadette, et qu'il use souvent de son droit d'aînesse. Tout cela fut assez bien reçu de la compagnie, et l'on n'y trouva rien à redire, sinon que le désir eut épousé deux femmes en même temps, et encore deux soeurs ; mais je ne pense pas que l'on doive chicaner là-dessus, ni que l'on veuille lui faire son procès à la Tournelle ou à l'Officialité, comme à un Bigame. Il y a trop longtemps que toute cette intrigue est découverte, sans que personne en ait jamais formé la moindre plainte, et de plus cela s'est passé dans le premier âge du Monde, où il n'était pas défendu d'épouser les deux soeurs. On sait d'ailleurs que le Désir n'est pas d'humeur à se contenter d'une femme, et qu'enfin outre la Beauté et la Bonté il a encore l'utilité, l'Honnêteté et le Belle Joie, eu qualité de femmes légitimes, sans compter les maîtresses qu'il entretient en ville, comme la Richesse, la Vaine Gloire, et la Volupté, dont il a même des enfants ; qui sont l'Avarice, l'Ambition et le Débauche, ses Filles naturelles. On n'ignore pas non plus qu'il conserve d'autres petites inclinations qu'il aime éperdument : car c'est sa coutume de sa porter avec plus d'empressement et de chaleur aux choses qui lui sont défendues, qu'à celles qui lui sont permises. Vous pouvez maintenant MONSIEUR, lie le Dialogue de l'Amour et de l'Amitié, et voir comment ils s'entretiennent. Je sais bien que vous leur avez ouï dire cent fois les mêmes choses d'une manière bien plus galante, et que si vous vouliez nous en faire le récit, nous y remarquerions si bien leurs véritables caractères, qu'ils nous semblerait les entendre discourir eux-même ; mais chacun rapporte les choses à sa façon et du mieux qu'il lui est possible. Je leur ai ouï faire encore quantité d'autres conversations assez jolies, que je pourrai vous écrire quelque jour, si je vois que celle-ci ait eu le bonheur de vous plaire, à vous, dis-je, que je puis nommer l'arbitre des bonnes choses, et le grand maître desAllégories. En cette qualité vous pouvez faire tout ce que vous voudrez de ce Dialogue, et traiter - 7 - en toute rigueur l'amour et l'amitié qui y sont, pourvu que vous me conserviez celle que vous m'avez promise. Vous penserez aussi ce qu'il vous plaira de ce que je leur fait dire, pourvu que vous croyez que l'Amitié dit vrai, quand elle vous assure que je suis passionnément,

MONSIEUR,

votre très humble et très affectionné serviteur, P. - 8 -

PERSONNAGES

L'AMOUR, frère de l'Amitié.

L'AMITIÉ, soeur de l'Amour.

- 9 -

DIALOGUE DE L'AMOUR

ET DE L'AMITIÉ

L'AMOUR.

Il faut avouer, ma chère soeur, que nous faisons bienparler de nous dans le monde.

L'AMITIÉ.

Il est vrai, mon frère, qu'il n'est point de compagnie unpeu galante, où nous ne soyons le sujet de laconversation, et où l'on n'examine qui nous sommes,notre naissance, notre pouvoir, et toutes nos actions.

L'AMOUR.

Cela me déplaît assez, car il n'est pas possible des'imaginer le mal qu'on dit de moi. Les sérieux metraitent de folâtre et d'emporté, les enjoués de chagrin etde mélancolique ; les vieillards de fainéant et dedébauché qui corrompt la jeunesse ; les jeunes gens decruel et de tyran qui leur fait souffrir mille martyres, quiles retient en prison, qui les brûle tout vifs et qui ne serepaît que de leurs soupirs et de leurs larmes. Mais ce quime fâche le plus, c'est que je suis tellement décrié parmiles femmes qu'on n'oserait presque leur parler de moi, ousi on leur en parle, il faut bien se donner de garde de menommer : mon nom seul leur fait peur et les fait rougir.Pour vous, ma soeur, chacun s'empresse de vous louer ;on vous nomme la douceur de la vie, l'union des bellesâmes, le doux lien de la société ; et enfin, ceux qui semêlent de pousser les beaux sentiments disent tout d'unevoix, et le disent en cent façons, qu'il n'est rien de sibeau, ni de si charmant que la belle Amitié.

L'AMITIÉ.

Vous vous raillez bien agréablement ; je me connais,mon frère, et je n'ai garde de prendre pour moi lesdouceurs qui s'adressent à vous. Quoiqu'il soit bien aiséde me tromper et que je sois fort simple et fort naïve, jene le suis pas néanmoins assez pour ne pas voir qu'on mejoue et qu'on se sert de mon nom pour parler de vous ;mais je ne dois pas le trouver étrange, puisquevous-même vous l'empruntez tous les jours pour vousintroduire dans mille coeurs, dont vous savez bien quel'on vous refuserait l'entrée si vous disiez le vôtre.

- 10 -

L'AMOUR.

J'avoue, ma soeur, que je me sers souvent de cet artificequi me réussit heureusement ; d'autres fois, je m'appelleRespect, et j'en imite si bien la manière d'agir, lescivilités et les révérences qu'on me prend aisément pourlui. Je passe même quelquefois pour une simplegalanterie, tant je sais bien me déguiser quand je veux. Età vous dire le vrai, je n'ai point de plus grand plaisir qued'entrer dans un coeur incognito. D'ailleurs je suis si peujaloux de mon nom que je prends volontiers le premierqu'on me donne : je trouve bon que toutes les femmesm'appellent Estime, Complaisance, Bonté ; et même sielles veulent une disposition à ne pas haïr, il nem'importe, puisqu'enfin mon pouvoir n'en diminue pas, etque sous ces différents noms, je suis toujours le même ;ce sont de petites façons qu'elles s'imaginent que leurgloire les oblige de faire.

L'AMITIÉ.

Peut-être, mon frère, vous donnent-elles tous ces nomsfaute de vous connaître.

L'AMOUR.

Je vous assure, ma soeur, qu'elles savent bien ce qu'ellesdisent : je n'entre guère dans un coeur qu'il ne s'enaperçoive ; la joie qui me précède, l'émotion quim'accompagne et le petit chagrin qui me suit font assezconnaître qui je suis. Mais quoi, elles mourraient plutôtmille fois que de me nommer par mon nom. J'ai beau lesfaire soupirer pour leurs amants, les faire pleurer pourleur absence ou pour leur infidélité, les rendre pâles etdéfaites, les faire même tomber malades, elles ne veulentpoint avouer que je sois maître de leur coeur, cetteopiniâtreté est cause que je prends plaisir à les maltraiterdavantage, étant d'ailleurs bien assuré qu'elles nem'accuseront pas des maux que je leur fais souffrir : jesais qu'elles s'en prendront bien plutôt à la migraine, ou àla rate, qui en sont tout à fait innocentes, et que si on lespresse de déclarer ce qui leur fait mal, elles ne dirontjamais que c'est moi. Il n'en est pas ainsi des hommes : ilscrient aussitôt que je les approche, et bien souvent mêmeavant que je les touche, et pour peu que je les maltraite,ils s'en plaignent à toute la terre, et même aux arbres etaux rochers ; ils me disent des injures étranges, et font demoi des peintures si épouvantables qu'elles seraientcapables de me faire haïr de tout le monde, si tout lemonde ne me connaissait.

L'AMITIÉ.

Si quelques hommes ont fait de vous des peinturescapables de vous faire haïr, il faut avouer qu'une infinitéd'autres en ont fait de bien propres à vous faire aimer : ilsvous ont dépeint en cent façons les plus agréables dumonde ; et vous savez que tous les amants ne tâchent qu'àvous représenter le plus naïvement qu'ils peuvent, et avectous vos charmes, pour vous faire agréer de leursmaîtresses. Mais puisque nous en sommes sur les

- 11 -

personnes qui se mêlent de vous dépeindre, ne vousêtes-vous point avisé de faire vous-même votre portrait, àprésent que chacun fait le sien ? Vous devriez vous endonner la peine, quand ce ne serait que pour désabusermille gens qui ne vous connaissent que sur de fauxrapports, et qui se forment de vous une idée monstrueuseet tout à fait extravagante.

L'AMOUR.

Un portrait comme vous l'entendez, quand même il seraitde ma main, servirait peu à me faire connaître ; il n'estpas que vous n'ayez vu celui qui fut fait autrefois enGrèce par un excellent maître, et qui depuis a couru partoute la terre, sous le nom de l'Amour fugitif ; vous avezpu voir encore une copie du même portrait de la main duTasse. Ce sont deux pièces admirables, et telles queplusieurs ont voulu que j'en fusse l'auteur. Cependant,quoique tous mes traits y soient fort bien représentés, ilest vrai néanmoins qu'il y manque, comme dans tous lesautres portraits qu'on fait de moi, un certain je ne saisquoi de tendre, de doux et de touchant qui me distinguede quelques passions qui me ressemblent, et qui est eneffet mon véritable caractère : les coeurs que je touchemoi-même le ressentent fort bien, mais ni les couleurs niles paroles ne pourront jamais l'exprimer. Il faut pourtantque je vous en montre un en petit qui est assez joli, et quisans doute ne vous déplaira pas ; il m'est tombé parhasard entre les mains et je l'aime pour sa petitesse ; levoici.

L'Amour est un enfant aussi vieux que le monde,Il est le plus petit et le plus grand des dieux,De ses feux il remplit le ciel, la terre et l'onde,Et toutefois Iris le loge dans ses yeux.

L'AMITIÉ.

Ce portrait me plaît extrêmement, et je trouve qu'on peutajouter comme une chose qui n'est pas moins étonnanteque les autres l'adresse avec laquelle il vous renfermedans quatre vers, vous qui remplissez tant de volumes.Cependant, mon frère, vous êtes bien heureux de trouverainsi des peintres qui fassent votre portrait. Pour moi jene connais personne qui voulût se donner la peine detravailler au mien ; de sorte que pour avoir la satisfactiond'en voir un, il a fallu que je l'aie fait moi-même ; vousverrez si j'ai bien réussi et si je ne me suis point flattée,moi qui fais profession de ne flatter personne.

5J'ai le visage long, et la mine naïve,

Je suis sans finesse et sans art ;

Mon teint est fort uni, sa couleur assez vive

Et je ne mets jamais de fard.

Mon abord est civil, j'ai la bouche riante

10Et mes yeux ont mille douceurs,

- 12 - Mais quoique je sois belle, agréable et charmante,

Je règne sur bien peu de coeurs.

On me cajole assez, et presque tous les hommes

Se vantent de suivre mes lois ;

15Mais que j'en connais peu dans le siècle où nous sommes,

Dont le coeur réponde à la voix !

Ceux que je fais aimer d'une flamme fidèle

Me font l'objet de tous leurs soins ;

Et quoique je vieillisse ils me trouvent fort belle

20Et ne m'en estiment pas moins.

On m'accuse souvent d'aimer trop à paraître

Où l'on voit la prospérité,

Cependant il est vrai qu'on ne peut me connaître

Qu'au milieu de l'adversité.

J'ai vu le temps que je n'aurais pas eu le loisir de faire ceportrait, lorsque j'étais de toutes les sociétés et que je metrouvais dans toutes les grandes assemblées ; mais àprésent que je me vois bannie du commerce de la plupartdu monde, j'ai tâché de me divertir quelques momentsdans cette innocente occupation.

L'AMOUR.

Je trouve, ma soeur, que vous y avez fort bien réussi, sice n'est à la vérité que vous êtes un peu trop modeste, etque vous ne dites pas la moitié des bonnes qualités quisont en vous, puisqu'enfin vous ne parlez point de cettegénérosité désintéressée qui vous est si naturelle et quivous porte avec tant de chaleur à servir vos amis.

L'AMITIÉ.

Vous voyez cependant l'état que l'on fait de moi dans lemonde : il semble que je ne sois plus bonne à rien, etparce que je n'ai point cette complaisance étudiée et cetart de flatter qu'il faut avoir pour plaire, on trouve que jedis les choses avec une naïveté ridicule et qu'en un mot jene suis plus de ce temps-ci. Vous savez, mon frère, que jen'ai pas été toujours si méprisée, et vous m'avez vurégner autrefois sur la terre avec un empire aussi grand etaussi absolu que le vôtre. Il n'était rien alors que l'on nefît pour moi, rien que l'on ne crût m'être dû, et rien quel'on osât me refuser : l'on faisait gloire de me donnertoutes choses, et même de mourir pour moi si l'on croyaitque je le voulusse ; et je puis dire que je me voyais alorsmaîtresse de beaucoup plus de coeurs que je n'en possèdeà présent, bien que les hommes de ce temps-là n'eussentla plupart qu'un même coeur à deux, et qu'aujourd'hui ilne s'en trouve presque point qui ne l'ait double. Je ne saispas pourquoi l'on m'a quittée ainsi, moi qui fais du bien àtout le monde et dont jamais personne n'a reçu dedéplaisir, et que cependant chacun continue à vous suivreaveuglément, vous qui traitez si mal ceux qui vivent sousvotre empire, et qui les outragez de telle sorte qu'onn'entend en tous lieux que des gens qui soupirent et quise plaignent de votre tyrannie.

- 13 -

L'AMOUR.

Il est vrai que la plupart de mes sujets murmurentincessamment, ils crient même tout haut qu'ils n'enpeuvent plus et que je les réduis à la dernière extrémité,et bien souvent ils me menacent de secouer le joug, maistout leur bruit ne m'émeut guère ; je sais qu'ils fonttoujours le mal plus grand qu'il n'est, et qu'il s'en fautbeaucoup qu'ils soient aussi malheureux qu'ils veulentqu'on les croie.

L'AMITIÉ.

Je suis persuadée qu'ils le sont encore plus qu'ils ne ledisent, et je ne connais rien dont les hommes reçoiventplus de mal que de vous. La guerre, la famine et lesmaladies affligent en de certains temps quelque coin de laterre, et quelques personnes seulement, pendant que lereste du monde jouit de la paix de l'abondance et de lasanté ; mais il n'y a point dé temps, de lieux ni depersonnes qui soient exempts de votre persécution. Onaime durant l'hiver comme durant l'été, aux Indes commeen France, et les rois soupirent comme les bergers ; lesenfants même que leur âge en avait jusqu'ici préservés ysont sujets comme les autres, et par un prodige étonnantvous faites qu'ils aiment avant que de connaître, et qu'ilsperdent la raison avant que de l'avoir. Vous n'ignorez pasles maux que vous causez, puisqu'on ne voit partout quedes amants qui se désespèrent, des jaloux qui se serventde poison, et des rivaux qui s'entretuent.

L'AMOUR.

J'avoue que je suis bien méchant quand je suis irrité, et ilest vrai qu'en de certaines rencontres je deviens si terribleque bien des gens se sont imaginé que je me changeais enfureur. Mais s'il m'arrive quelquefois de faire beaucoupde mal, je puis dire qu'en récompense je fais beaucoup debien. La Fortune qui se vante partout que c'est à elle seulequ'il appartient de rendre heureux ceux qu'il lui plaît n'yentend rien au prix de moi ; quelques biens et quelqueshonneurs qu'elle donne à un homme, il n'est jamaiscontent de sa condition ; et on lui voit toujours enviercelle des autres, ce qui n'arrive point aux vrais amants.Pour peu que je leur sois favorable, ils ne croient pas qu'ily ait au monde de félicité comparable à la leur ; lorsmême que je les maltraite, ils se trouvent encore tropheureux de vivre sous mon empire ; et je vois tous lesjours de simples bergers qui ne changeraient pas leurcondition avec celle des rois, s'il leur en coûtait l'amourqu'ils ont pour leurs bergères, toutes cruelles et ingratesqu'elles sont.

L'AMITIÉ.

Ces bergers dont vous venez de parler font bien voir quevous gâtez l'esprit de tous ceux qui vous reçoivent, maisnon pas que vous les rendiez effectivement heureux. Carenfin, quelle extravagance d'être malade, comme ilsdisent qu'ils le sont, et ne vouloir pas guérir ; être enprison et refuser la liberté ; en un mot être misérable, et

- 14 - ne vouloir pas cesser de l'être.

L'AMOUR.

Leur extravagance serait encore plus grande de vouloirguérir, ou sortir de prison, non seulement parce que leurmaladie est plus agréable que la santé et qu'il est moinsdoux d'être libre que d'être prisonnier de la sorte, maisaussi parce qu'il leur serait fort inutile de le vouloir, si jene le voulais pas aussi. Je ne suis pas un hôte qu'onchasse de chez soi quand on veut ; comme j'entrequelquefois chez les gens contre leur volonté, j'y demeureaussi bien souvent malgré qu'ils en aient et je me soucieaussi peu de la résolution que l'on prend de me faire sortirque de celle que l'on fait de m'empêcher d'entrer.

L'AMITIÉ.

Votre procédé, mon frère, est bien différent du mien. Jequitte les gens dès le moment que je les incommode, l'onne m'a qu'autant que l'on veut m'avoir et l'on ne voit pointd'amis qui le soient malgré eux. Quand je suis dans uncoeur, et qu'il vous prend fantaisie d'y venir pour prendrema place, vous savez avec quelle douceur je vous laquitte. Je me retire insensiblement et sans bruit, le coeurmême où se fait cet échange ne s'en aperçoit pas, etquelquefois il y a longtemps que vous le brûlez qu'il croitque c'est moi qui l'échauffe encore et qui le fais aimer.Vous n'avez garde d'en user de la sorte lorsqu'un pauvrecoeur se résout à vous échanger avec moi, parce que laraison le commande et l'y contraint, bien qu'il ait unextrême regret de se voir obligé à une si cruelleséparation, bien qu'il vous conjure en soupirant de lelaisser en paix, et que vous n'ignoriez pas qu'il ne meveut avoir que parce que je vous ressemble et que c'est enquelque façon vous retenir que de m'avoir en votre place.Néanmoins avec quelle cruauté ne vous moquez-vouspoint de ses soupirs ! Vous le poussez à bout, et parcequ'il a eu seulement la pensée de se mettre en liberté vousredoublez ses chaînes et l'accablez de nouveauxsupplices. Que si vous le laissez en repos quelque temps,en sorte qu'il commence à croire qu'il s'est heureusementdélivré de vous, quel plaisir ne prenez-vous point à luifaire sentir qu'il n'est pas où il pense ; vous le pressez detoute votre force, et par un soupir redoublé qui luiéchappe, ou par quelque pointe de jalousie qui le pique, ilne connaît que trop que vous êtes encore le maître chezlui, mais le maître plus absolu et plus redoutable quejamais.

L'AMOUR.

J'en use ainsi, ma soeur, pour montrer que l'on ne peutrien sur moi et que pour entrer dans un coeur ou pour ensortir, je ne dépends de qui que ce soit au monde.Quelques-uns se sont imaginé que j'avais besoin dusecours de la sympathie pour m'insinuer dans les coeurs,et que je m'efforcerais en vain de m'en rendre le maître siauparavant elle ne les disposait à me recevoir. C'est unevieille erreur que l'expérience détruit tous les jours ; et eneffet, bien loin d'être toujours redevable de mon empire à

- 15 -

la sympathie, c'est moi qui lui donne entrée et quil'établis en bien des coeurs où sans moi elle ne se seraitjamais rencontrée. Combien voit-on de gens dontl'humeur et l'inclination étaient tout à fait opposées, queje fais s'entr'aimer, et qui dès aussitôt que je les aitouchés changent de sentiment en faveur l'un de l'autre,viennent à aimer et à haïr les mêmes choses, et enfindeviennent tout à fait semblables.

L'AMITIÉ.

Pour moi j'avoue que je suis redevable à la Sympathie dela facilité que je trouve à m'établir dans les coeurs, et jedirai même qu'il me serait impossible de les lierétroitement si auparavant elle ne prenait la peine de lesassortir. Il ne semble pas qu'elle se mêle de quoi que cesoit, on n'entend jamais de bruit ni de dispute où elle est,et assurément il n'est rien de si doux ni de si tranquilleque la Sympathie. Cependant, par de secrètesintelligences qu'elle a dans les coeurs, et par de certainsressorts qu'on ne connaît point, elle fait des chosesinconcevables et sans se remuer en apparence elle remuetoute la terre. Les philosophes ont souhaité de tout tempsd'avoir sa connaissance, mais il ne leur a pas été possibled'y parvenir et elle a toujours aimé à vivre cachée auxyeux de tout le monde. Quelques-uns ont pris pour elle laRessemblance des humeurs, mais ils ont bien reconnuqu'ils s'étaient trompés, et que si elle a de l'air de laSympathie elle ne l'est pas effectivement. Il n'estpersonne qui les connaisse mieux que moi toutes deux etqui sache précisément la différence qui est entre elles.Autant que j'aime à me trouver avec la Sympathie, autantai-je de peine à m'accorder avec la Ressemblance deshumeurs.

L'AMOUR.

Ce que vous dites là paraît étrange, et l'on a toujours cruque la conformité d'humeurs était une disposition trèsgrande à s'entr'aimer.

L'AMITIÉ.

Il est pourtant vrai que les personnes de même professionet qui réussissent également ne s'aiment point ; cetteégalité est toujours accompagnée de l'Envie, monennemie jurée, et avec laquelle je ne me rencontre jamais.Ceux même qui ont le plus d'esprit ne peuvent vivreensemble quand ils croient en avoir autant l'un quel'autre, et principalement lorsque, l'ayant tourné de lamême façon, ils sont persuadés qu'ils excellent dans unemême chose. On sait que les enjoués, les diseurs de bonsmots, ceux qui font profession de divertir agréablementune compagnie ne peuvent souffrir leurs semblables etqu'ils ont bien du dépit quand ils en rencontrent d'autresqui parlent autant qu'eux. Mais surtout la Ressemblanceet la Conformité d'humeurs me nuit parmi les femmes.Deux coquettes se haïssent nécessairement ; deuxprécieuses encore plus, quelque mine qu'elles fassent des'aimer ; et même c'est assez pour être assuré que deuxfemmes ne seront jamais bonnes amies, si elles dansent

- 16 -

ou si elles chantent bien toutes deux. Je trouve cent foismieux mon compte lorsque leurs humeurs, ou leursperfections, ont moins de rapport ; lorsque l'une d'elles sepique de beauté et l'autre d'esprit ; l'une d'être fière etsérieuse, et l'autre d'être enjouée et de dire cent jolieschoses qui divertissent. La raison de cette bonneintelligence est bien aisée à deviner, c'est que ces sortesde personnes n'ont rien à partager ensemble ; lesdouceurs qu'on dit à l'une ne sont point à l'usage del'autre et elles s'entendent cajoler sans jalousie, ce quin'arrive pas lorsqu'elles ont les mêmes avantages. A vousdire le vrai, de quelque humeur que soient les femmes, jene me rencontre guère avec elles, ou si je m'y rencontrequelquefois, je n'y demeure pas longtemps : ma sincéritéleur déplaît et elles sont tellement accoutumées à laflatterie qu'elles rompent aisément avec leurs mielleusesamies, dès la première vérité qu'elles leur disent.Néanmoins ce qui m'empêche d'avoir grand commerceavec elles, ce n'est pas tant parce qu'elles se disent leursvérités que parce qu'elles ne se les disent pas ; car enfin,si une femme s'aperçoit que son amie a quelque défautdont elle pourrait se corriger, si elle-même le connaissaitne pensez pas qu'elle l'en avertisse ; elle aura une malignejoie de voir que ce défaut lui donne avantage sur elle ; etmême si une coiffure ou un ajustement lui sied mal, elleaura la malice de lui dire qu'il lui sied admirablement.Ceci n'est pas vrai néanmoins pour toutes les femmes :j'en sais qui observent mes lois avec beaucoupd'exactitude et de soumission.

L'AMOUR.

Je puis dire aussi que je connais des femmes qui saventparfaitement aimer, et qui pourraient faire à tous leshommes des leçons de fidélité et de constance. Je diraimême que c'est une injustice que l'on a faite de touttemps à ce beau sexe de l'accuser de légèreté et que je nesais point d'autre raison de la mauvaise réputation qu'il ad'être inconstant que parce que les hommes font les livreset qu'il leur plaît de le dire et de l'écrire ainsi. Il estconstant que comme les femmes aiment presque toujoursles dernières, elles ne cessent aussi presque jamaisd'aimer que lorsqu'on ne les aime plus ; et que, comme ilfaut un long temps et de fortes raisons pour les engagerdans l'affection des hommes, elles ne s'en retirent aussique pour des sujets qui le méritent et qui les y obligentabsolument.

L'AMITIÉ.

Ce n'est pas là l'opinion commune ; et si la chose est ainsique vous le dites, je connais bien des gens dans l'erreur etqu'il serait malaisé de désabuser. Quoi qu'il en soit, je nevois pas que les femmes doivent tirer beaucoup de gloirede cette constance et de cette fidélité dont vous les louez,puisqu'il en est si peu qui en sachent bien user, et que laplupart ne s'en servent que pour aimer des personnesqu'elles feraient mieux de n'aimer point du tout. Envérité, mon frère, c'est une chose étrange que vouspreniez plaisir à mettre la division et le désordre dans lesfamilles, vous qui devriez n'avoir d'autre emploi que d'y

- 17 -

conserver l'union et la paix ; et que ne pouvant durerlongtemps où vous avez obligation de vous trouver, vousn'ayez point de plus grande joie que de vous couleradroitement où il est défendu de vous recevoir. Il semblemême que l'hyménée que vous témoignez souhaiterquelquefois si ardemment vous chasse de tous les lieuxoù il vous rencontre. Car enfin, depuis que je vais auCours, je ne me souviens point de vous avoir vu enportière entre le mari et la femme, au lieu que l'on vousvoit sans cesse entre la femme et le galant, où vous faitescent gentillesses et cent folies, pendant que le mari sepromène un peu loin de là, entre le Chagrin et la Jalousiequi le tourmentent cruellement, et qui de temps en tempsouvrent et ferment les rideaux de son carrosse. SaJalousie les ouvre incessamment pour lui faire voir ce quise passe, et le Chagrin les referme aussitôt pourl'empêcher de rien voir qui lui déplaise.

L'AMOUR.

Il me semble, ma soeur, que toute sage que vous êtes,vous ne vous acquittez pas mieux que moi de votredevoir, et qu'on ne vous rencontre guère souvent où vousdevriez être toujours, je veux dire entre les frères et lessoeurs et entre les parents les plus proches qui, faute devous avoir au milieu d'eux se déchirent les uns les autreset se haïssent mortellement.

L'AMITIÉ.

J'en ai bien du regret, mais je n'y saurais que faire : ilssont la plupart tellement attachés à l'Intérêt, mon ennemicaché et avec lequel j'ai une horrible antipathie ; car voussavez qu'il veut tout avoir à lui, et qu'au contraire je faisprofession de n'avoir rien à moi ; ils sont, dis-je,tellement attachés à ce lâche Intérêt qu'ils m'abandonnentvolontiers plutôt que lui. D'ailleurs, comme ils tirentchacun de leur côté, ils rompent tous mes liens etm'échappent sans cesse.

L'AMOUR.

Je vous pardonnerais d'abandonner des parents intéresséset déraisonnables, si c'était pour vous trouver avec desétrangers sages et vertueux ; mais il est certain que leplus souvent ce n'est que la débauche et le vice qui vousattirent et qui vous font demeurer où vous êtes, et quedeux hommes ne seront bons amis que parce que ce sontdeux bons ivrognes, deux francs voleurs, ou deux vraisimpies.

L'AMITIÉ.

Je ne me suis jamais rencontrée avec ces gens-là ; j'avouequ'il y a entre eux une certaine affection brutale etemportée qui me ressemble en quelque chose, et quiaffecte fort de m'imiter. Il est encore véritable qu'elle faiten apparence les mêmes actions que moi ; je dis cesactions éclatantes qui étonnent toute la terre, mais ce n'estpoint par le principe de générosité qui m'anime, et l'onpeut dire qu'elle les fait de la même manière que la magie

- 18 -

fait les miracles. Les sages qui connaissent les chosesn'ignorent pas la différence qui est entre elle et moi, et ilsont toujours bien su que je ne me rencontre jamaisqu'avec la Vertu, et au milieu des vertueux.

L'AMOUR.

S'il en est ainsi, ma soeur, on ne vous trouve pasaisément, et votre demeure est bien difficile à trouver.

L'AMITIÉ.

Elle l'est assurément plus que la vôtre, puisque je ne meplais qu'avec les sages qui sont fort rares, et que vous aucontraire ne vous plaisez qu'avec les fous dont le nombreest presque infini et dont vous aimez tant la compagnieque si les personnes qui vous reçoivent ne le sont pasencore tout à fait, vous ne tardez guère à les achever.

L'AMOUR.

Je sais bien, ma soeur, qu'il y a longtemps qu'on mereproche de ne pouvoir vivre avec la Raison, et qu'onm'accuse de la chasser de tous les coeurs dont je merends le maître ; mais je puis dire que fort souvent nousnous accordons bien ensemble et que si quelquefois je mevois obligé à lui faire quelque violence, il y a de sa fautebien plus que de la mienne.

L'AMITIÉ.

N'est-ce point que la Raison a tort, que vous êtes bienplus raisonnable que la Raison même ?quotesdbs_dbs46.pdfusesText_46
[PDF] les gens ne m'apprécient pas

[PDF] les gens ne m'écoutent pas quand je parle

[PDF] Les gens pliz critique a faire

[PDF] les gens qui ne disent pas bonjour

[PDF] les gens qui repondent pas au sms

[PDF] les gens sont vraiment pathétique

[PDF] les gérants d'un centre commercial ont construit un parking souterrain

[PDF] les gérants d'un centre commercial ont construit un parking souterrain corrigé

[PDF] les gérants d'un centre commercial ont construit un parking souterrain et souhaitent installer

[PDF] Les gérondifs

[PDF] Les gestions durables de l'eau en Californie

[PDF] Les gladiateurs : numerator

[PDF] Les glaneuses

[PDF] les glaneuses contexte historique

[PDF] les glaneuses hda