[PDF] Argumentation et Analyse du Discours 8





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Les injures sexistes.

Les injures sexistes sont plus souvent mono-caractérisées par les femmes que par les hommes . puisque la forme acea signifie vulgaire en latin.



Gros mots et insultes des adolescents

6 févr. 2020 insultes à une violence verbale2 plus caractérisée traduit aussi ... la langue (Duchêne et Moïse 2010) ils sont d'autant plus vulgaires.



Gros mots et insultes des adolescents

jurons ou insultes à une violence verbale2 plus caractérisée traduit des mal- et Moïse 2010)



Les mots qui font mal : travailler sur les insultes

Travailler sur le vocabulaire des émotions et sur les registres de langue. ACTIVITÉS PRÉALABLES. Plus la classe a l'habitude de débattre plus ce genre d' 



Procédés de transfert des jurons roumains portant sur le sexe de la

gros mot l'insulte et l'injure le plus employé de la langue. diffèrent par le degré de vulgarité



Insultes et joutes verbales chez les jeunes: le regard des

1 juil. 2008 quartiers parler comme entre soi pour se faire entendre des plus jeunes ... ils évoquent les insultes



Argumentation et Analyse du Discours 8

14 avr. 2012 d'années à l'insulte/injure1 et plus largement à la « violence verbale »



RAPPORT 2020

22 nov. 2020 et les urgences : celui sur la violence verbale (insultes ... Il continuait à insulter l'agent



Les injures à caractère homophobe

Deuxièmement l'interrogation en deux temps



Charte de modération et dengagement page Facebook Préfet du Cher

Une liste d'insultes les plus violentes est enregistrée et si un ou plusieurs des mots les commentaires violents insultants

Argumentation et Analyse du Discours

8 | 2012

Insulte, violence verbale, argumentation

Laurence

Rosier

(dir.)

Édition

électronique

URL : http://journals.openedition.org/aad/1242

DOI : 10.4000/aad.1242

ISSN : 1565-8961

Éditeur

Université de Tel-Aviv

Référence

électronique

Laurence Rosier (dir.),

Argumentation et Analyse du Discours

, 8

2012, "

Insulte, violence verbale,

argumentation » [En ligne], mis en ligne le 14 avril 2012, consulté le 24 septembre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/aad/1242 ; DOI : https://doi.org/10.4000/aad.1242 Ce document a été généré automatiquement le 24 septembre 2020.

Argumentation & analyse du discours

est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modi cation 4.0 International. Des dictionnaires aux grands quotidiens, des blogues aux vestiaires sportifs, des conversations banales aux échanges plus formalisés, l'insulte fait partie intégrante de nos pratiques sociales et de nos rituels conversationnels. Au vu de leur importance dans la dynamique sociale des échanges, on ne peut que se réjouir du nombre et de la qualité des travaux consacrés, depuis une vingtaine d'années, à l'insulte/injure et plus largement à la " violence verbale ». Dans ce sillage, les contributions du présent numéro explorent les fonctions de l'insulte et d'autres formes de violence verbale dans différentes productions discursives en interrogeant leur relation à l'argumentation.

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SOMMAIREIntroductionLaurence RosierLa conflictualité en discours : le recours à l'injure dans les arènes publiquesClaire OgerInsulte, injure et diffamation : de la linguistique au code pénal ?Dominique LagorgetteInsulte, disqualification, persuasion et tropes communicationnels : à qui l'insulte profite-t-elle ?Diane Vincent et Geneviève Bernard BarbeauLa " marmitte renversée » : construction discursive et fonctionnement argumentatif d'uneinsulte dans les polémiques des guerres de religion (1560-1600)Caroline Mellet et Paul-Alexis MelletArgumentation, confrontation et violence verbale fulguranteClaudine MoïseL'insulte comme argument et outil de cadrage dans le mouvement " anti-Sarko »Eithan OrkibiLa langue qui fâche : quand la norme qui lâche suscite l'insulteDeborah Meunier et Laurence RosierVariaTranscender les différends : une réaction possible aux situations de désaccord profondDavid ZarefskyComptes rendusChateauraynaud, Francis. 2011. Argumenter dans un champ de forces. Essai de

balistique sociologique (Paris : Editions Petra, coll. " Pragmatismes »)

Marianne Doury

Tracy, Karen. 2010. Challenges of Ordinary Democracy. A Case Study in Deliberation and Dissent (University Park : The Pennsylvania University Press, coll. Rhetoric and

Democratic Deliberation)

Ruth Amossy

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Maria Brilliant

Amossy, Ruth & Marcel Burger (éds). 2011. SEMEN - Revue de sémio-linguistique des textes et discours 31, " Polémiques médiatiques et journalistiques. La discours polémique en question(s) »

Loïc Nicolas

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IntroductionLaurence Rosier

1 Au vu de leur importance dans la dynamique sociale des échanges, on ne peut que se

réjouir du nombre et de la qualité des travaux consacrés, depuis une vingtaine d'années, à l'insulte/injure

1 et plus largement à la " violence verbale », une catégorie

qui peut apparaître " fourre tout » pour certains (Largèche 2011), mais facilement identifiable du point de vue pragmatique et lexical aux yeux de l'institution, et de nature à être contrôlée pénalement (Moise & Auger 2003, 2004 notamment). En témoigne encore, par exemple, une excellente bibliographie en ligne sur le sujet dans le site d'ADARR.

2 De même le site " L'insulte en politique »3, qui montre l'enjeu théorique,

politique et social qu'il y a à étudier les mécanismes linguistiques, discursifs,

pragmatiques, ou encore les contextes historiques et géographiques de ces " réprouvés » du discours pourtant si présents dans notre quotidien. Comme le dit Evelyne Larguèche, l'une des pionnières en matière de théorie de l'insulte : Pour peu que l'on y prête attention, il ne se passe pas un jour sans que soit retenue une phrase insultante d'un personnage politique vis-à-vis d'un autre, sans que soient évoqués, parce que le procès a lieu, des propos ayant engendré des plaintes. Et ne parlons pas même des " affaires » qui font la une de toutes les presses confondues pendant plusieurs jours [...] (2011, en ligne).

2 Des dictionnaires aux grands quotidiens, des blogues aux vestiaires sportifs, des

conversations banales aux échanges plus formalisés, l'insulte fait partie intégrante de nos pratiques sociales et de nos rituels conversationnels.

1. Une dynamique sociale du sens

3 Pour ma part, j'ai commencé à aborder l'insulte dans le cadre plus général de l'étude de

ce que je nomme le lexique clandestin (Rosier & Ernotte 2000) : il s'agissait d'étudier, d'une part, les modalités matérielles de transmission de l'insulte, la circulation clandestine des vocables (selon le principe exclusion sociale = exclusion verbale) ; d'autre part, les conflits idéologiques au coeur même des mots, la double axiologie des termes utilisés comme insultes, en inscrivant ceux-ci dans un processus dynamique de construction sociale du sens et de construction identitaire subie, assignée. Je montrais

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ainsi comment des appellatifs institués, officiels, apparemment neutres, pouvaient fonctionner comme insultes (arabe, communiste, paysan) lorsqu'un des programmes de sens se révélaient dominer les autres à un moment donné de l'histoire.

4 Ce faisant, j'abordais le terrain des rapports complexes établis entre la mémoire inter-

discursive et le contexte de profération de l'insulte

4, terrain que j'ai continué de

labourer. Progressivement, j'ai quitté la clandestinité des appellatifs identitaires pour la mise en spectacle des insultes publiques tandis que la question de l'identité laissait

peu à peu sa place à celle de l'ethos, l'usage instrumentalisé de l'insulte servant à la mise

en scène du locuteur insulteur. Mais, plus encore, l'insulte était pensée dans ses effets, sa réception, sa composante intersubjective (Rosier 2009).

5 Je poursuivais cependant mon analyse de la circulation " malgré soi » et du poids

sémantique des termes insultants, de l'axiologie négative d'un mot puisque la mémoire du discours, dormante ou non, l'inscrit dans son programme de sens (Rosier 2009). Par ce fait, je reposais la question de la thèse intentionnelle de la charge insultante d'un propos : malgré lui, le locuteur peut donc bien perpétuer une dimension axiologique négative en faisant circuler un mot chargé de son poids historique. Le terme bougnoule

est exemplaire de cette " dé-mémoire » lexicale : lors d'une enquête de terrain menée il

y a plus de dix ans, nombre d'interviewés disaient utiliser le mot de façon affectueuse, déniant le noyau sémantique original (bougnoule vient du oulof, signifie noir, et

désigne dès le début, de manière péjorative, les indigènes du Sénégal). S'il est vrai que

l'analyse de la force perlocutoire de l'insulte (soit sa capacité à blesser) ne doit pas faire oublier ces emplois hypocoristiques

5 ou de solidarité (Lagorgette & Larrivée 2004), si le

sens premier peut être opacifié au profit d'un consensus discursif construit dans une interaction, le désamorçage ne parvient jamais à effacer complètement l'axiologie péjorative et raciste d'un terme.

6 Il semblait aussi inévitable que le rapport à l'argumentation soit posé. Déjà, la stratégie

de la redéfinition du sens d'un terme à des fins persuasives s'articulait à notre conception d'un sens dépassant le cadre cognitif individuel pour celui de la mémoire inévitable des mots circulants. Puisqu'il s'agissait maintenant d'approcher les insultes spectaculaires, en particulier leur médiatisation, le corpus s'orientait vers la masse des discours publics, dont le politique qui entretient des rapports particuliers mais certains avec l'insulte. Actuellement, on ne peut faire l'économie des théories de l'argumentation pour aborder le domaine politique même si l'évidence du lien n'a pas toujours été exploitée dans les approches discursives (Amossy & Koren 2010).

2. L'insulte au service de l'argumentation ou vice

versa ?

7 L'insulte est traditionnellement vue comme une métaphore des rapports sociaux.Intégrée dans cet ensemble plus vaste dénommé violence verbale, elle devient un outil

d'analyse des normes et des formes discursives en vigueur dans une société.

8 L'argumentation est elle aussi devenue un paradigme de l'analyse des discours sociaux,

comme l'écrit en effet Ruth Amossy (2008) : l'argumentation en langue naturelle apparaît comme une partie intégrante d'un fonctionnement discursif global. Celui-ci doit être exploré dans sa situation de discours, son genre and ses aspects dialogiques, intertextuels et rhétoriques (ethos et pathos). Cette théorie se fonde sur une définition de l'argumentation empruntée à

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la nouvelle rhétorique de Perelman mais élargie - au-delà des discours à visée persuasive - aux discours qui, sans se targuer de persuader, déploient néanmoins une " dimension argumentative » qui contribue à faire voir le réel d'une certaine façon (en ligne).

9 Or, on a coutume d'opposer l'insulte à l'argumentation : une citation anonyme connue

perpétue l'idée que " l'insulte est souvent l'argument final de celui qui ne trouve plus

rien à dire... ». La formulation est équivoque puisqu'elle assimile en partie l'insulte à un

argument. L'approche en continuum de l'insulte comme une montée en tension vers une violence non plus symbolique mais physique pourrait trouver ses origines dans

l'échange argumenté, où l'insulte représenterait un basculement, un palier irréversible

vers un durcissement irréductible des positions de locuteurs devenus adversaires, vers une conflictualité pouvant dégénérer en " sport de combat ».

10 Les questions que pose ce numéro tournent autour de la relation au premier abordproblématique entre insulte, violence verbale et argumentation. Et tout d'abord :l'insulte peut-elle être considérée comme faisant partie intégrante d'uneargumentation ? Quel lien entretient-elle avec la polémique, traditionnellementaccusée d'avoir recours à l'attaque verbale ? Par ailleurs, les stratégies argumentativeslégitimeraient-elles, dans certaines situations à préciser, le recours à l'outrancelangagière ? Dans ce cas, l'argumentation serait-elle une condition de dicibilité de la

violence verbale en général sur la place publique, en particulier politique ? On peut se demander s'il faut opposer ces stratégies, comme le faisait Schopenhauer (voir la citation dans Meunier & Rosier, dans le présent numéro), bien que celui-ci considère l'insulte comme une autre manière de convaincre, ou revendiquer comme Alain Badiou (cité dans la contribution d'Oger) un droit à l'insulte ? En bref, quels sont les liens entre rhétorique, argumentation et violence ? " Bien sûr, le langage et l'argumentation constituent pour l'homme l'alternative à la force brutale. Mais le talent oratoire peut aussi être une pression, une violence exercée sur le plus faible », écrivait Emmanuelle Danblon dans son essai Argumenter en démocratie (2004 : 7). Si dans toute argumentation il y a confrontation, on peut soutenir que la violence (verbale) est aux prémisses de toute situation d'argumentation comme un danger potentiel selon la situation, les rapports entre les protagonistes, l'actualité, les enjeux et l'implication émotionnelle face aux éléments du débat.

11 Puisque tout discours ne vise pas nécessairement à convaincre ou à persuader, il faut

d'abord envisager les différentes formes de l'insulte (de la plus " policée » à la plus explicite, soit la plus " brute ») selon les genres de discours où elle s'exerce, voire selon les genres de discours qui lui accordent une place non négligeable ou ceux où la violence est en quelque sorte constitutive. On connaît par exemple une certaine

tradition littéraire autour de l'invective, où se mêlent obscénité, provocation,

grossièreté. La polémique, art oratoire depuis l'Antiquité, recourt volontiers à l'insulte.

La célèbre étude de Marc Angenot sur La parole pamphlétaire (1982) montrait que celle-ci était violente, agressive, incisive, se voulant par ailleurs insistante à la fois sur sa fonction et ses postulats idéologiques ambigus, tout comme sa violence et la maîtrise verbale qu'elle suppose. L'insulte est dès lors bien intégrée dans un processus discursif qui se veut une arme politique.

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3. L'insulte, un genre politique ?

12 Le linguiste et historien de la langue Ferdinand Brunot (1939) a abondamment décrit

l'intense circulation sociale et médiatisée des gros mots et des argots durant la période révolutionnaire française : dans la rhétorique politique de l'époque, on trempe la plume dans le vitriol et le purin, mêlant l'obscène et l'insulte. Brunot relève le " style

forcené », où s'échangent les coquins et les scélérats. L'ordurier devient un genre

politique, qu'on soit d'ailleurs révolutionnaire ou royaliste et l'on peut même parler

d'une théorie de la grossièreté nécessaire, comme l'affirme Camille Desmoulins : " il n'y

a pas à barguigner [...] il faut opter entre la mollesse des formes polies et correctes et l'injure ordurière » (citée par Brunot : 168) avant de poursuivre : " j'aime [...] mieux

qu'on dénonce à tort et à travers, j'ai presque dit qu'on calomnie, même, comme le Père

Duchesne, mais avec cette énergie qui caractérise les âmes fortes et d'une trempe républicaine » (ibid.). C'est la même période qu'étudie Roselyne Koren (1991) qui montre comment le débat public révolutionnaire pouvait constamment dévaloriser l'adversaire par une rhétorique de la terreur légitimée.

13 Faisons un bond dans le temps et puisons un autre exemple de la libre circulation de

cette violence verbale outrancière et extrême, celui des radios dites de confrontations ou trash radio qu'a bien étudiées l'une des participantes à ce numéro, la sociolinguiste Diane Vincent (2008). Ces radios ont mis au point une stratégie interactionnelle de dénigrements de tiers reposant sur des compétences stylistiques et rhétoriques : les animateurs peuvent ainsi tenir sur les ondes publiques des propos méprisants,

obscènes, virulents, choquants, qui rejoignent les discours racistes, sexistes et

d'incitation à la haine. Ils le font au nom du divertissement et revendiquent, au nom de la liberté d'expression, une tradition burlesque ou carnavalesque qui désamorcerait la violence des propos tenus. Ils arguent également d'une spontanéité des propos dont les analystes de discours ont montré au contraire, par l'étude précise des procédés rhétoriques utilisés, l'anticipation et la construction.

14 Les normes sociales et culturelles permettent donc à certaines formes de grossièretés etde violences verbales de circuler dans la société. Mais plus encore : l'insulte peut aussi

devenir une marque de distinction langagière et d'héroïsme rhétorique. C'est, à mon sens, cette dimension qui confère à l'insulte un rôle dans l'argumentation, celle-ci se réduisant alors à sa dimension polémique dans des contextes polarisés (comme la

période de la Révolution française). Cette légitimité " argumentative » de l'insulte sera

également accrue par un paradigme important, celui de l'insulte comme marqueur de maîtrise langagière, point sur lequel je m'attarde quelque peu et qui se trouve illustré dans ma contribution avec Deborah Meunier.

4. L'insulte comme maîtrise de la langue

15 Les défenseurs du bon français n'ont cessé de défendre une pureté du langage qui passe

bien entendu par la maîtrise de normes et un conservatisme doublée d'un important scepticisme à l'égard de toute innovation. Mais cette défense ne dédaigne pas un certain art de la verdeur et de la transparence idéologique que permettrait l'insulte, celle-ci illustrant une bonne maîtrise des normes du discours : bien insulter, c'est faire montre d'un savoir langagier (connaître du vocabulaire), rhétorique (clouer le bec de l'adversaire, faire mouche) et pragmatique (insulter au bon moment et à bon escient).

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Le chroniqueur et essayiste Pierre Merle, auteur de nombreux ouvrages sur la languefrançaise à tendance puriste, fustige le " politiquement correct » et regrette l'effetdéfoulant de l'insulte (2002). Dans les approches renouvelées du pamphlet, on voit que

la " parole vitupérative » s'appuie sur le " dire vrai » et l'impossible nostalgie d'une parole authentique et transparente. Ce souci de la transparence politique rejoint celui de la clarté et de l'idéologie du mot juste (supposé monosémique et fondé sur un rapport univoque entre la langue et le monde). L'insulte apparaît alors comme un procédé rhétorique, dans un contexte en tension, qui rompt avec une politesse verbale sentie non comme une convenance sociale mais comme un procédé de dissimulation et de manipulation. Mieux encore, elle peut être " une insolence » au sens où l'entend Michel Meyer (1998), salvatrice et bienvenue, dans une société policée.

16 Sur un mode plus ludique, mais qui révèle autant la considération sociale dont

bénéficie un certain art de l'insulte, on citera les ouvrages de l'écrivain Jean-Louis Fournier comme Je vais t'apprendre la politesse petit con (1998) et Mouchons nos morveux (2001) : parodiant les célèbres manuels de convenances, de bonnes manières et

d'éducation, il répond clairement à la question " A-t-on le droit d'insulter ses

enfants ? » : Oui ça détend. N'hésitez pas à les traiter de petits cons, même quand ils

sont grands. Mais à distance » (2001 : 33) et de donner une liste de mots prêts à servir :

rat d'égout, minus, cancrelat, pisseuse, têtard, bon à rien... Et que dire de cette invite, à

l'occasion de la réédition du célèbre Dictionnaire des injures d'Edouard (1967), recueillie

dans le magazine Lire : " L'injure est saine, hygiénique, et participe d'un certain esprit civique dans la mesure où, on le sait, les mots pallient les coups [...] Injurions-nous, sacré nom de Dieu de bon dieu, et le monde tournera plus rond. »

17 On trouve inversées les valeurs du bon usage dans un cadre largement épidictique où se

retrouvent l'éloge, la malédiction, le blasphème, la diffamation. Le caractère

carnavalesque de l'insulte est souligné. Le clivage sociologique fondé sur l'articulation

entre classe sociale et retenue langagière se brouille : l'insulte s'écarte de la grossièreté

puisque bien maniée, elle est un signe de distinction. Cependant, tout le monde ne peut se permettre cet usage sans prendre le risque de retomber dans le brutal, l'impoli, le

mal dégrossi, la rustrerie : il faut en plus être doté d'un talent rhétorique. C'est ce que

j'ai appelé l'effet Cyrano pour désigner à la fois un locuteur-insulteur héros rhéteur et

rendre compte de la dimension théâtrale de l'insulte. Dans une théorie des effets, qu'on le nomme auditoire, instance tierce ou tiers-écoutant, il y a toujours une écoute et une publicité de l'insulte qui a sa propre scénographie spectaculaire inscrite dans son programme de sens. J'ai déjà parlé de la diffusion et de la propagation médiatique des phrases insultantes ; je rappelle également les joutes d'insultes largement étudiées par la sociolinguistique et l'anthropologie, qui insistent sur sa dimension rituelle et la mise en scène des affects sociaux qu'elle permet ; je mets enfin au coeur de l'appréhension sociale de la violence verbale cette légitimation de l'insulte par la capacité rhétorique du locuteur et par des normes et règles implicites ou explicites propres à des communautés discursives et à des genres de discours.

18 Les contributions du présent numéro illustrent les questionnements et pistes deréflexion qui précèdent, entre théories et pratiques. Elles ont à coeur de poser laquestion de la construction dynamique du sens dans des corpus très contrastés, à la fois

dans le temps et dans l'espace. Elles montrent les fonctions (esthétique, rhétorique,

politique, etc.) de l'insulte dans des productions discursives marquées par des

interactions ou des modes de communication sociales spécifiques. J'ai choisi

Argumentation et Analyse du Discours, 8 | 20127

d'organiser les contributions comme suit : d'abord j'ai privilégié celles qui entendaient

faire un bilan large de la place de l'insulte dans la société et de ses liens généraux avec

des pratiques spécifiques de discours : la polémique (Oger), la diffamation (Lagorgette), la persuasion (Vincent). Ensuite, je suis naturellement passée aux contributions qui se focalisaient sur des corpus particuliers pour montrer en quoi l'insulte, pour les diverses raisons exposées plus haut (maîtrise rhétorique par exemple), fait partie d'une forme d'argumentation liée à des genres de discours spécifiques : polémique religieuse (Mellet), polémique et discussions sur la toile (Moïse), polarisation et politique (Orkibi), polarisation et normes langagières (Meunier et Rosier).

19 Le texte de Claire Oger cadre de façon large les conditions de légitimation de la violence

verbale comme forme licite de l'adresse à autrui, tout en montrant l'irréductibilité de son caractère intolérable selon certains champs, comme le sexisme en politique par

exemple. Il y a bien une évolution des modèles normatifs qui trouvent en la

ritualisation actuelle de l'insulte une sorte de syncrétisme entre une société valorisant un modèle agonistique (défendre ses positions de façon argumentée) et une société favorisant un modèle oratoire fondé sur l'expression des émotions et des passions. L'auteure illustre son propos par un corpus spécifique constitué de polémiques médiatisées d'une part, et d'ouvrages de femmes politiques dénonçant le recours à l'insulte comme violence sexiste d'autre part.

20 C'est également un cadrage que propose Dominique Lagorgette, qui revisite, d'un pointde vue terminologique d'abord, les approches linguistiques et juridiques de l'insulte/

injure et de ses multiples avatars. Ensuite, pointant plus particulièrement les rapports entre diffamation et injure elle pose une question cruciale : peut-il y avoir une vérité de l'injure ? Conçue comme un point de vue ou une expression personnelle, l'injure ne peut être niée alors qu'une diffamation peut être déconstruite par des preuves. Mais les cas concrets subvertissent ces frontières juridiques abstraites. Et les relais médiatiques de ces " affaires d'Etats » en matière d'insultes tiennent un discours non seulement sur les faits et les mots mais aussi sur la manière dont les positions vont être argumentées pour décider du caractère injurieux ou diffamatoire de tel ou tel propos.

21 C'est le lien entre l'insulte et la persuasion que questionne Diane Vincent, et plus

particulièrement les relations persuadeur/persuadé et insulteur/insulté. La dimension foncièrement émotive de l'insulte s'articule aux rôles de l'ethos et du pathos dans l'argumentation. De quoi veut-on persuader celui qu'on insulte ? Certainement pas qu'il

est con en le traitant de con. Mais peut-être à le disqualifier, à écorner l'image qu'il a de

lui, d'autant plus si cette insulte est produite devant témoins. Le corpus étudié est issu de la toile et présente des extraits de sites d'évaluation de professionnels qui illustrent particulièrement bien la thèse de l'auteure : les actes de disqualification, qui sont des insultes, se situent sur le double axe du faire haïr/faire agir, et jouent sur le double tableau de l'émotion et de l'argumentation.

22 Les contributions suivantes se centrent plus précisément sur des corpus spécifiques,allant des écrits historiques aux nouveaux modes de communication sur Internet,rendant toute sa place à la question de la mémoire versus le contexte des énoncésinsultants, de la pérennité, de l'efficace de leur charge axiologique.

23 Caroline Mellet nous plonge dans l'histoire d'une construction discursive spécifique

aux polémiques des guerres de religion (1560-1600) : en effet, liée à l'eucharistie, l'image culinaire, le motif de la " marmite », est fondamental dans le cadre des écrits entre catholiques et réformés et se trouve au carrefour de traditions scripturaires,

Argumentation et Analyse du Discours, 8 | 20128

littéraires, populaires et picturales. L'historicité de l'insulte et sa fonctionargumentative sont au service de tensions confessionnelles particulièrement fortesdans l'Europe du 16e siècle.

24 Claudine Moïse se penche sur les argumentations polémiques dans des listes de

discussion, à partir d'une réflexion générale sur les mécanismes de violence verbale dans des interactions différenciées. En quoi l'argumentation se met-elle au service d'une violence verbale indirecte ? Pourquoi les discussions par Internet sont-elles

propices à ce " genre menaçant » ? À partir d'échanges de courriels entre les mêmes

membres d'une filière d'un département au sein d'une université française sur le corrigé d'un examen, elle montre comment les conditions d'interaction, le contexte de non-coopération rendent structurellement agressifs des échanges dans lesquels les locuteurs essaient de sauvegarder leur face ou de construire des ethè positifs (même s'il s'agit de celui de victime).

25 Eithan Orkibi s'est attaqué à un morceau de choix : les rapports entre le pouvoir, les

modes de contestation et l'insulte dans le contexte de la France de Sarkozy. Il part d'un " désir d'injure » que susciterait le chef de l'Etat (mais n'est-ce pas le lot de tout responsable politique de premier plan ?) et passe au crible de l'analyse différents dispositifs et genres (affiches, blogues, chansons, graffitis) qui ont pris Nicolas Sarkozy comme cible politique. Le mouvement anti-sarkozyste y apparaît comme une véritable industrie d'insultes (par diabolisation, ridiculisation, obscénité, etc.) fondée sur la polarisation, stratégie rhétorique qui vise à la (re)catégorisation, base même du

processus discursif de l'insulte. Celle-ci se veut dès lors fédératrice par la désignation et

le partage d'un ennemi commun mais produit un effet paradoxal : le mouvement qui s'ancre dans la gauche politique (là où il voudrait fédérer) apparaît davantage rassembleur sur un plan plus large, sans idéologie commune : qui trop insulte mal

étreint ?

26 Ce recours à la polarisation, on le retrouve dans la dernière contribution, celle de

Laurence Rosier et Deborah Meunier sur les dénominations insultantes des groupes de Facebook à l'égard des locuteurs ne maîtrisant pas la norme grammaticale. Partant d'un aspect ludique puisqu'ils sont généralement à vocation humoristique, ces groupes se révèlent finalement d'une violence verbale extrême. Nul besoin d'argumenter ici pour défendre une doxa déjà polarisée (les locuteurs censeurs contre les locuteurs fauteurs qui n'ont le droit ni à la parole ni à l'écrit) : personne ne peut remettre en question l'utilité de la maîtrise de la langue en société. L'argumentation est alors réduite a minima au profit de l'émotion. La violence de ces groupes ne trouve sans doute son fondement que dans ce qu'ils ressentent comme un outrage à la langue, auquel ils répondent par des propos eux-mêmes outrageants.

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Moise, Claudine et al. 2008. " De la violence verbale, pour une sociolinguistique des discours et des

interactions » (en ligne : http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00553728)

Paveau, Marie Anne & , Laurence Rosier. 2008. La langue française. Passions et polémiques (Paris :

Vuibert)

Rosier, Laurence (2009 [2006]), Petit traité de l'insulte (Bruxelles : Labor)

Rosier, Laurence & Philippe Ernotte. 2004. " L'ontotype ; une catégorie pertinente pour classer les

insultes ? » Langue française 144, Les insultes : approches sémantiques et pragmatiques, 35-48

Rosier, Laurence & Philippe Ernotte. 2000. Le lexique clandestin. La dynamique sociale des insultes et

appellatifs à Bruxelles (Bruxelles : Duculot coll. Français et Société 12) VincentDiane, MartyLaforest& OlivierTurbide. 2008." Pour un modèle d'analyse fonctionnel du

discours d'opposition : le cas de la trash radio », Moïse, Claudine, Nathalie Auger, Béatrice

Fracchiolla & Christina Schultz-Romain (éds), La violence verbale. Espaces politiques et médiatiques, 2

vol. (Paris : L'Harmattan), 1 : 81-108

Argumentation et Analyse du Discours, 8 | 201210

NOTES1. Dans le cadre de cette introduction, je choisis de ne pas distinguer les deux termes. Je laisse

aux contributeurs leurs choix terminologiques.

2. http://www.tau.ac.il/~adarr/index.files/bibliographies/violence.html.

3. http://passerelle.u-bourgogne.fr/publications/atip_insulte/.

4. Ces rapports sont complexes notamment du point de vue de la loi : doit-on partir du fait que la

mémoire des mots (en particulier la mémoire raciste, coloniale, historique) est inscrite une fois

pour toute dans leur programme de sens ou que la dé-mémoire fait son oeuvre en permettant à un mot de redevenir " vierge » sémantiquement ? C'est un débat extrêmement actuel et une réflexion que je mène avec des juristes. Voir l'exemple de bougnoule juste après.

5. C'est-à-dire qu'elles perdent leur charge violente au profit d'une connivence , ou à tout le

moins d'une négociation assumée entre les protagonistes.

AUTEUR

LAURENCE ROSIER

Université Libre de Bruxelles, Centre de linguistique LADISCO

Argumentation et Analyse du Discours, 8 | 201211

La conflictualité en discours : lerecours à l'injure dans les arènespubliques Conflict in Discourse: Resorting to Insults in Public Arenas

Claire Oger

1 " Eh bien, finalement, je plaide coupable. J'utilise en effet sans remords les

"métaphores zoologiques". Ce qui caractérise la politique [...], c'est qu'il y a des ennemis. Et pourquoi diable, si ce sont de vrais ennemis, me serait-il interdit de les injurier ? »

1. S'il est rare de revendiquer un droit à l'injure, comme le fait ici Alain

Badiou, il l'est moins de reconnaître à la politique son caractère de combat, de lutte parfois sans merci pour l'accès au pouvoir. Dès lors, la disqualification de l'adversaire, y compris dans ses formes brutales, peut être présentée comme une " règle du jeu politique », à laquelle il serait naïf de vouloir échapper.

2 A l'origine de notre questionnement se situe précisément la question des conditions

dans lesquelles l'usage de l'injure - communément réprouvé - peut être présenté

comme licite, voire légitime, dans certains contextes polémiques (Oger 2003).

Inversement, nous nous sommes intéressée à des discours qui la présentaient comme

une forme intolérable de violence verbale : le cas précis qui nous a intéressée est celui

des ouvrages de femmes politiques s'attachant à dénoncer la pratique de l'injure sexiste

en politique (Oger 2006, 2008a, 2011). Cet article se propose de poursuivre ce

questionnement non par une nouvelle étude de corpus mais par un parcours interdisciplinaire parmi des travaux, récents ou plus anciens, qui relèvent des études argumentatives, de la psychanalyse, de la sociologie, de la science politique ou de l'histoire et qui nous semblent susceptibles de contribuer à la construction d'un cadre de réflexion général sur le sujet.

Argumentation et Analyse du Discours, 8 | 201212

1. Le continuum de l'argumentation polémique, entrepsychanalyse et matérialités langagières

3 Un premier axe d'analyse concerne l'intrication entre argumentation et recours à laviolence verbale, dont les polémiques médiatisées entre intellectuels fournissent desexemples emblématiques. En effet, une première forme de légitimation repérableréside dans la continuité que l'on peut établir entre des procédés qui, dans le même

texte, relèvent pour certains de la réfutation du propos adverse, et pour d'autres, de l'attaque personnelle. La dimension injurieuse d'un énoncé peut donc se trouver minorée - et comme autorisée - par le co-texte (quand il présente les éléments d'une argumentation construite et étayée) et/ou par le contexte éditorial (s'il s'agit par exemple d'une tribune publiée dans un journal dit " de référence » comme Le Monde)2.

4 A la différence des interactions verbales, où l'on peut observer des phénomènes de

" montée en tension » (Moïse 2006), il nous a semblé délicat de tracer dans les corpus

étudiés

3 une frontière nette entre des procédés qui relèvent d'une argumentation

respectueuse de l'adversaire, et ceux qui appartiennent au registre de la violence verbale car le passage de l'un à l'autre n'y apparaît pas comme un saut qualitatif, mais davantage comme une zone trouble

4 : pour en interroger les ambiguïtés, le recours aux

travaux de la psychanalyste Evelyne Larguèche s'est avéré très éclairant car il nous a

permis de repérer comment l'injure dite " spécifique »

5 assurait une forme de

continuité entre l'argumentation ad hominem6 et l'injure " non-spécifique » : car l'injure qui " spécifie son attaque, la particularise [...], qualifie une personne et pas une autre,

[...] dépeint au plus près du vérifiable et du vraisemblable » (Larguèche 2011 : 363),

abritant en cela un " noyau argumentatif ».

5 Ces recherches permettent aussi de comprendre la complexité de l'" effet-injure », et ladiversité des procédés ou des comportements qualifiés d'injurieux : insinuations,sourires en coin, allusions, rumeurs, brouhahas, ou même silences peuvent êtredifférenciés d'un point de vue formel, mais se rejoignent et se cumulent dans la

perception de l'agression (Oger 2006)

7. Linguistes et sociolinguistes ont décrit les

paradoxes des situations de communication où l'adresse injurieuse, signe de complicité,

se fait " insulte de solidarité » ou assaut ritualisé de " vannes », mais aussi la façon dont

tout mot peut en contexte conflictuel devenir une insulte

8. Seules les traces de la

qualification du procédé par les destinataires, analysées selon une approche

métadiscursive, peuvent donc guider l'interprétation, et la mesure de l'" effet-injure » ne peut obéir à une catégorisation a priori.

6 La psychanalyse jette également un éclairage intéressant sur l'ambiguïté des relations

entre humour, dérision et agression, soulignée par ailleurs par l'analyse des discours et les sciences de l'information et de la communication (Mercier et al. 2001). Tandis que l'injure interpellative prend à partie l'injurié, l'injure référentielle

9 s'adresse à un tiers

(en présence ou en l'absence de l'injurié) et s'apparente en cela au " mot d'esprit » étudié par Freud (1992 [1905]). Or, en mettant au jour la façon dont le trait d'esprit, décoché pour nuire et pour humilier, traduit une tendance hostile, l'approche proposée par Freud contribue à fragiliser l'excuse humoristique, parfois invoquée par les injurieurs 10.

7 Enfin, la psychanalyse comme l'analyse du discours des injurié(e)s invitent à considérer

avec beaucoup de réserve ou de circonspection la valorisation paradoxale de la violence

Argumentation et Analyse du Discours, 8 | 201213

verbale, présentée parfois comme un substitut somme toute positif à la violencephysique, à laquelle elle éviterait au moins de recourir11. La mise à mort symbolique de

l'adversaire comme procédé langagier (Oger 2003), et dans le cas des femmes,

l'humiliation traumatique comparée à celle du viol (Oger 2006) constituent des indices d'une relation - symbolique, à défaut de consécutive - entre violence verbale et violence physique.

8 En désignant des ambiguïtés, et en récusant l'innocuité supposée de pratiques dont elle

éclaire les soubassements hostiles, la psychanalyse apporte une contribution qui nous semble décisive à l'analyse des énoncés injurieux et plus généralement du discours polémique. En pointant des lieux de recouvrement entre argumentation et injure, elle interroge également la pertinence de l'antique division entre dialectique et éristique, ou entre dialectique consensuelle et dialectique éristique, décrite par Angenot comme une opposition entre un art de la discussion sereine et un art de la controverse et de la dispute - technique de la " guerre argumentative » où il s'agit de gagner " par tous les moyens », " à tout prix » (2008 : 49, 52).

2. Les études argumentatives et la construction des

normes

9 Dans les corpus que nous avons étudiés, beaucoup de locuteurs tendent pourtant àétablir une frontière normative entre pratiques discursives licites et illicites, et à fixer

des règles évaluant les comportements de leurs adversaires. Ainsi, nombre de femmes politiques qui dénoncent l'injure sexiste attribuent à leurs injurieurs un ethos guerrier, disqualifié comme une pratique de " meute », et fondé sur un entre-soi machiste et vulgaire. La plupart d'entre elles y opposent l'argument du genre selon lequel les femmes contribueraient à introduire en politique des moeurs plus pacifiques et une forme de modération

12. Dans ce type de discours, on voit se dessiner des normes

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