[PDF] Pascal Quignard: musique et poétique de la défaillance





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Les larmes de Psyché - Léo Lamarche

Autour du mythe de Psyché et à la suite de la lecture cursive des Larmes de Psyché de Léo. Lamarche des activités sont proposées dans le.



Léo Lamarche

Les larmes de Psyché. Auteur : Léo Lamarche. Illustrateur : Hélène Usdin. Collaborateur : Marie-Thérèse Davidson. Nathan (Histoires noires de la mythologie) 



PROTOCOLE DISTANBUL Droits de lhomme

9 août 1999 accès de colère ou de larmes ? et des problèmes d'ordre alimentaire. ... sous-estimer son impact sur leur psyché et leur développement.



Le sujet et son rapport au manque chez Freud Lacan et Maître

19 avr. 2016 larmes fruit des maux des épreuves



Mythes et métaphores du regard chez Rubens. Aveuglement et

3 fév. 2012 Le regard éclairant de Psyché et l'œil du peintre en abîme ... Georges Bataille Dossier Les larmes d'Eros



Le traitement de la maladie mentale par la médecine traditionnelle

22 jui. 2021 https://fr.wikipedia.org/wiki/Phil%C3%A6#Histoire consulté le 03 avril ... d'une vingtaine de chapitres qui traitent la psyché humaine en.



Pascal Quignard: musique et poétique de la défaillance

26 jui. 2014 deux moments soulignent des axes majeurs autant de la biographie que de ... n'y a plus riche représentation de la psyché humaine qu'un roman ...



1 Sentiment riche et complexe

sont : l'amour d'Éros pour Psyché Éros l'enfant turbulent désarmé par sa mère Aphrodite



La spécificité de la position féminine et le Nom chez le créateur

23 mai 2022 compréhension de la femme et de la psyché féminine. ... bêtises ses larmes et sa peur ; elles lui font découvrir un univers qui lui résiste ...



Le Juif errant I

larmes dans le gouffre de l'éternité ? Psyché. La dame qui avait obtenu le faux Gudin en ... des deux sœurs elles virent une grosse larme qui

Langue, littŽrature et civilisation franaises

Camilo BOGOYA GONZçLEZ

PASCAL QUIGNARD

Sous la direction de Marc DAMBRE

Soutenue le 14 janvier 2011

Jury :

M. Marc DAMBRE

M. Philippe DAROS

, Professeur, Examinateur , Professeur, Rapporteur

M. Eduardo RAMOS-IZQUIERDO

, Professeur, Rapporteur 2

REMERCIEMENTS

Je

ŽmŽrite ˆ lÕUniversitŽ de Paris 3. Sa lecture critique et profonde, ses conseils avisŽs et son

encouragement ont ŽtŽ cruciaux dans le lent mžrissement dÕune somme dÕŽbauches et de

brouillons qui trouvent ici leur visage dernier. Je tiens ˆ exprimer mes remerciements aux membres du jury, MM. les Professeurs Philippe Daros, Dominique RabatŽ et Eduardo Ramos-Izquierdo, qui ont bien acceptŽ dÕŽvaluer mon travail. JÕexprime ma gratitude ˆ Sarah Enees, ˆ Benoit Braunstein et ˆ Laure Issaurat qui mÕont aidŽ ˆ ne pas me noyer dans la marŽe du langage. 3

SOMMAIRE

INTRODUCTION ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 6

ÉÉÉÉÉ 28

Chapitre I

Le langage, cet adversaireÉÉÉÉÉÉÉÉ.............. .................................. 31 Chapitre II : La littŽrature comme dŽfaut du langage ÉÉÉÉ

ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 58

Chapitre III : La fragmentation comme expression de la dŽfaillance É

ÉÉÉÉÉÉÉ 97

n fragmentaireÉÉÉÉ. 127

ÉÉÉÉÉ.. 166

Chapitre I : La musique comme forme du langage : de la lyre dÕOrphŽ e ˆ la perdition de ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 174 Chapitre II : La dŽfaillance sonore ÉÉÉÉÉÉÉÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 217 Chapitre III : Figures du silence ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 259

TROISIéME PARTIE

AUTOBIOGRAPHIQUE ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ

ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ... 301

Chapitre I : Une recherche obscure et tourmentŽe ÉÉÉÉÉ

ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 307

Chapitre II : Les marges de la dŽfaillance ÉÉÉÉÉÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 352 Chapitre III : La dŽfaillance autobiographique ÉÉÉÉÉÉ

ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 398

CONCLUSION ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 458 BIBLIOGRAPHIE ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 463 INDEX ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ... 502 4

Ç Ë un certain moment, les circonstances, cÕest-ˆ-dire lÕhistoire, sous la figure de lÕŽditeur, des

un dŽnouement de pure contrainte, poursuit ailleurs lÕinachevŽ È Maurice Blanchot, LÕEspace littŽraire (1955). 5 1

1. Livres

A

Albucius

B C Carus CP

Le Petit Cupidon

DR, I

Les Ombres errantes

DR, II

Sur le jadis

DR, III

Ab"mes

DR, IV

Les

Paradisiaques

DR, V

Sordidissimes

DR, VI

La Barque silencieuse

EB

LÕaetre du balbutiement

EC

Les Escaliers de Chambord

EE EW

Ethelrude et Wolframm

GT

Georges de La Tour

LEZ LM

La Leon de musique

LR

La Raison

LS

Le Nom sur le bout de la langue

LV LVCM

LÕEnfant au visage couleur de la mort

MD

Michel Deguy

NS

La Nuit sexuelle

OA

LÕOccupation amŽricaine

PD

La Parole de la DŽlie

PT, I ; PT, II

Petits TraitŽs I

Petits TraitŽs II

RE

RhŽtorique spŽculative

SE

Le Sexe et lÕeffroi

SW

Le Salon du Wurtemberg

TB

Les Tablettes de buis dÕApronenia Avitia

TMM : Tous les matins du monde

TR

Terrasse ˆ Rome

TT

Triomphe du temps

VA

Villa Amalia

VS

2. Textes divers

PQS : Pascal Quignard le solitaire : rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Paris, les

Flohic, coll. Ç Les Singuliers È, 2001.

VP La voix perdue È, Adriano Marchetti (dir.), Pascal Quignard : la mise au silence,

Seyssel, Champ Vallon, 2000, pp. 7-35.

1 No celle des Žditions GalilŽe pour les ouvrages qui ne sont pas publiŽs en livre de poche. 6

INTRODUCTION

Auteur canonique au sein de la littŽrature contemporaine, Pascal Quignard dessine ˆ

romancier, ayant publiŽ des livres ˆ neuf exemplaires ou ˆ des tirages considŽrables, il

propose une fonction complexe de la littŽrature. Sans vouloir tre le porte-parole dÕune

gŽnŽration, cherchant ˆ faire surgir lÕimprŽvisibilitŽ du texte, construisant une mythologie

spŽculative et personnelle, Quignard interroge des problŽmatiques inŽdites. une structure propre, un chant singulier. Cependant, sa diversitŽ peut se condenser en deux

grandes stratŽgies. Au son rude, brutal, sec et discontinu, sÕoppose un accent linŽaire, intime,

avanant par prolifŽration. Les deux musiques sont pourtant reliŽes par leur mŽlancolie, leur

luciditŽ et leur cadence. Elles peuvent rŽsonner en mme temps, intŽgrŽes ˆ un mme

ouvrage, ou bien marquer le passage dÕun livre ˆ lÕautre. ensemble de paradoxes : faire appel au savoir pour exprimer lÕincertain, dire lÕautobiographie

pour mieux dispara"tre, rŽvoquer les genres pour en proposer un Ð le non-genre total.

LÕambigu•tŽ traverse cette littŽrature au point que la fascination quÕelle suscite enfante une

gne. Il sÕagit dÕune Žcriture qui, notamment dans son versant fragmentaire, revendique la

difficultŽ. Elle ne rŽclame pas du lecteur une complicitŽ confortable, elle tente de faire de la

lecture, plus quÕune rencontre, une collision. Cette expŽrience de choc est faonnŽe par

lÕŽnonciation du langage, la juxtaposition de styles, lÕexigence cognitive et mnŽmotechnique,

par la dŽmesure mme de la parole quignardienne.

mme quÕelle se positionne dans une expŽrience des limites : les marges de lÕindŽcidable, les

formes pour transgresser aussi bien les contours de lÕessai que les conventions rhŽtoriques de

la fiction. Limites pour effacer lÕŽcart entre la main qui signe la paternitŽ du texte et la main

qui rŽŽcrit les textes du passŽ. ExpŽrience des limites, enfin, pour amener ˆ la surface de la

page les profondeurs de lÕintime. Ces marges font rŽfŽrence, il faut le prŽciser, ˆ deux mythes fondateurs qui hantent la

littŽrature quignardienne. LÕun annonce lÕunitŽ, lÕautre la dissolution, lÕun dit la lecture en tant

7

quÕexpŽrience fondamentale, lÕautre le premier royaume en tant que grotte utŽrine ˆ jamais

perdue.

livres sont configurŽs par lÕinjonction dÕŽcrire en lisant. Il sÕen dŽtache, plus quÕune mŽmoire

spŽcifique de la littŽrature, une archŽologie des textes historiques, anthropologiques,

encyclopŽdique et Žrudit, mais non moins incertain. DÕautre part, la question du prŽ-verbal, ˆ

lÕŽchelle du sujet ou de lÕhumanitŽ, voue cette littŽrature ˆ une restitution imaginaire de

lÕinaccessible. Si lire et Žcrire se disposent dans un rapport de continuitŽ, en revanche le

fracture, rŽgresser dans le temps, chercher les indices dÕune narration pour exprimer le dŽfaut

dŽcennies, la littŽrature quignardienne ne cesse de diversifier et sa portŽe et sa rŽception.

LÕintŽrt croissant que la critique lui porte montre la place quÕelle occupe ˆ lÕintŽrieur de

contemporaine : le retour du rŽcit, la question de lÕhybriditŽ des genres, la dynamique de

lÕautobiographie, le statut du fragmentaire. Cette rŽception dŽborde les Žtudes spŽcialisŽes.

Les institutions littŽraires comme les travaux dÕautres artistes tŽmoignent du retentissement de

MalgrŽ lÕampleur de sa rŽsonance, cette Žcriture continue ˆ revendiquer sa solitude et

groupe. Elle sÕŽloigne volontiers du dŽsir de transmettre, elle se met ˆ lÕŽcart de toute

tentative de sacralisation. Elle tient ˆ une Žthique, cÕest-ˆ-dire ˆ une qute personnelle quÕil

religieux ; et ˆ une Žrotique de la littŽrature, cÕest-ˆ-dire ˆ une expŽrience de la fascination

accomplie par la voluptŽ du savoir hypothŽtique et de la parole.

en train dÕŽcrire une page dans lÕhistoire littŽraire. Nous allons Žtudier lÕespace de cette page

aussi sidŽrante que sophistiquŽe, aussi inquiŽtante que diffici le ˆ apprŽhender. 8 Une

au contemporain. Double parce quÕil nÕy a pas de distance vis-ˆ-vis de lÕobjet dÕŽtude, et

physique de nos jours, ˆ un corps obŽissant au mouvement et ˆ lÕentropie. De ce fait, ni les

critique dÕune pratique passŽe et qui leur permettrait dÕŽchapper ˆ ce quÕils reconnaissent

comme leur propre situation : ils sont absents ˆ la littŽrature, ils sont cependant soumis au spectacle de la littŽrature È

2. Nous ne mesurons pas les axes de ce spectacle, car ni la

de cette Žtude : la dimension transitoire de toute formulation sur le contemporain. Cette prŽcaution prise, il nous semble essentiel de proposer une dŽfinition du terme

pour donner un premier cadre ˆ notre travail. Plus que de dŽvelopper lÕhistoire du mot Ç issu

du bas latin contemporaneus, qui signifie Ôdu mme tempsÕ È3, ou de nous arrter sur ses

acceptions multiples, il nous importe de rŽpondre ˆ cette question : quÕest-ce que le

contemporain quignardien ? Deux textes publiŽs ˆ vingt ans dÕintervalle y rŽpondent. Nous

faisons rŽfŽrence au petit traitŽ intitulŽ Ç Le mot contemporain È et au dialogue avec Tiphaine

Samoyault concernant le jadis. Dans le premier, lÕauteur Žbranle l

Õassise temporelle du mot :

Nous sommes contemporains dÕun univers sans fin. Cette rŽgion Ç contemporaire È va de la

et de lÕabsence de langage ˆ la vue et ˆ la peur. Elle sÕŽtend jusquÕˆ lÕacquisition de la langue,

Richelieu (PT, II, 491).

Toute division en Žpoques, toute historicitŽ est dŽmontŽe par cette proposition. La

consŽquence dÕune telle nŽgation de la pŽriodicitŽ souligne le premier trait du contemporain

se confondent, ˆ lÕinstar du monde baroque, dans une mme perception. La lecture permet de

3 Lionel Ruffel Ç Introduction. QuÕest-ce que le contemporain ? È, QuÕest-ce que le contemporain ?, textes rŽunis

9

se faire les contemporains du passŽ, de faire revenir des Žtymologies, des figures mŽconnues,

des textes oubliŽs. Pourtant, ce passŽ qui revient ne vise pas seulement lÕimaginaire. Nous sommes les contemporains dÕun univers en expansion, dans la mesure o Ç actuellement le big bang explose È

4, comme le dit Quignard dans son dialogue avec Tiphaine Samoyault. Il en

trace de lÕoriginaire. Ainsi, la notion du contemporain Žchappe ˆ un dŽterminisme temporel, pour affirmer dŽphasage et son anachronisme :

La contemporanŽitŽ sÕinscrit, en fait, dans le prŽsent en le signalant avant tout comme

archa•que, et seul celui qui peroit dans les choses les plus modernes et les plus rŽcentes les

indices ou la signature de lÕarcha•sme peut tre un contemporain. Archa•que signifie proche de

chronologique : elle est contemporaine du devenir historique et ne cesse pas dÕagir ˆ travers

lui, tout comme lÕembryon continue de vivre dans les tissus de lÕorganisme parvenu ˆ

maturitŽ, et lÕenfant dans la vie psychique de lÕadulte 5. Avec un langage aussi proche de Benjamin que de Quignard, la pensŽe dÕAgamben

co•ncide avec celle des Petits TraitŽs, en mettant lÕaccent sur lÕoriginaire. Ë la simultanŽitŽ

des ‰ges se juxtaposent le primitif, le prŽ-verbal, le prŽhistorique. Il sÕagit dans ce sens dÕune

vision anhistorique du terme. Chez Quignard, lÕappel du contemporain le conduit ˆ porter son

attention sur lÕimmŽmorial. Ce geste fonde la singularitŽ de sa littŽrature de mme que la

6.

intertextuelle qui creuse pour faire surgir Ç cette explosivitŽ indŽterminŽe, profondŽment

ÔpulsionnelleÕ È

7 qui nous rappelle une tension qui nÕest pas soumis au langage. Ë ce propos,

4 Ç Dialogue avec Pascal Quignard et Tiphaine Samoyault sur les catŽgories du temps È, QuÕest-ce que le

contemporain ?, op. cit., p. 207.

5 Giorgo Agamben, QuÕest-ce que le contemporain ?, traduit de lÕitalien par Maxime Rovere, Paris, Rivages

poche, coll. Ç

6 Ibid, p. 35.

7 Ç Dialogue avec Pascal Quignard et Tiphaine Samoyault sur les catŽgories du temps È, art. cit., p. 216.

10 Dominique Viart appelle Ç les pulsions archa•ques È

8, lÕexploration des pulsions prŽdatrices et

moderne, pour emprunter la formule de Rimbaud, Quignard oppose le dŽsir dՐtre absolument lÕorigine. Agamben propose une autre dŽfinition, assez Žnigmatique. Pour le philosophe, Ç seul parvient ˆ saisir en elles la part de lÕombre, leur sombre intimitŽ È

9. Distinguer les ombres des

interprŽtons la mŽtaphore dÕAgamben selon un autre point de vue. Pour nous, Ç celui qui

10, est celui qui

propose un regard critique tout en sachant que sa perspective reste conj ecturale. Žnigmatique. Nous pouvons le formuler ainsi : le contemporain est ce qui nÕest pas encore et qui attend, suspendu sur lÕŽchine du temps

11. Dans le dialogue avec Tiphaine Samoyault,

vivant. Cette attitude, partagŽe partiellement par dÕautres musiciens, comme Froberger par

exemple, illustre le jugement de lÕartiste vis-ˆ-vis de ses contemporains : soit ils nÕauront pas

la capacitŽ de comprendre, soit ils comprendront et il vaut mieux se taire. Les deux postures

dÕimmaturitŽ et, de lÕautre, elle trop mature. Dans cette perspective, tre contemporain serait

lŽgende, Kafka rŽdigeant un testament pour demander ˆ Max Brod de dŽtruire deux valises de

manuscrits.

Quoi quÕil en soit, ce qui attire lÕattention de Quignard, toujours en faisant allusion ˆ la

musique, est la consigne Ç jouer ˆ discrŽtion È qui appara"t sur certaines partitions de

Froberger. LÕexplication de ce conseil fait appel au mot extemporaneus qui veut dire jouer de

8 Dominique Viart et Bruno Vercier, La LittŽrature franaise au prŽsent. HŽritage, modernitŽ, mutations (2005),

Paris, Bordas, 2008, pp. 275-278.

9 Giorgo Agamben, QuÕest-ce que le contemporain ?, op. cit., p. 21.

10 Ibid, p. 22.

images du passŽ indique quÕelles ne pourront tre lues quÕˆ un moment dŽterminŽ de leur histoire È (Ibid, p. 40).

11 possibilitŽ de Ç la libertŽ, la puissance, lÕimprovisation È

12. Ainsi lÕauteur, par rapport ˆ sa

propre Žcriture, joue ˆ discrŽtion : Ç Tout, dans ce que je fais, comme dans ce que jÕimprovise, cherche ˆ se simplifier jusquÕˆ rŽobtenir lÕattaque dÕorigine LEZ , 207). Dans c ette

perspective, tre contemporain de sa propre Žcriture signifie chercher la dŽfaillance. De ce

DÕune part, Žtudier le contemporain revient ˆ tourner le regard vers quelque chose qui nÕexiste

pas encore, qui est en train de se faire ou de se dissimuler, voire dÕattendre son lecteur.

la critique dÕaffirmer son autonomie, notamment lorsquÕil sÕagit de la littŽrature

contemporaine.

Ces quatre principes, ˆ savoir, la simultanŽitŽ, lÕarcha•sme, la pensŽe critique et

et

la critique quignardienne. Cependant, il nous faut ˆ prŽsent un autre cadre, celui de

lÕhistoire, pour dŽterminer dans la linŽaritŽ du temps la pl ace quÕoccupe cette littŽrature. Pascal Quignard dans la littŽrature contemporaine

Avre, 1948) associŽe ˆ quelques problŽmatiques, notamment celle du langage et de la

musique, ˆ quelques Žpoques, lÕAntiquitŽ romaine, la Chine classique, le Japon impŽrial et

lÕ‰ge baroque, ˆ certains procŽdŽs comme lÕŽcriture fragmentaire et le dŽsaveu des genres, et

ˆ des traits stylistiques que lÕauteur rŽcuse Dans la notice du Petit Larousse lÕapprŽciation

Ôune Žcriture exigeante et parfois mme prŽcieuseÕ est non seulement inutile, elle est nocive

LEZ , 207). Ë ce portrait se juxtaposent la double ascendance de lettrŽs et de musiciens, lÕenfance marquŽe par lÕautisme et lÕanorexie, les distincti ons et les prix littŽraires 13. Dans son approche de la catŽgorie du contemporain, Lionel Ruffel rappelle, conscient

12 Ç Dialogue avec Pascal Quignard et Tiphaine Samoyault sur les catŽgories du temps È, art. cit., p. 230.

Prix du roman de la Ville de Paris (1998), Prix de la fondation Prince Pierre de Monaco (2000) et Grand Prix du

roman de lÕAcadŽmie franaise (2000) pour Terrase ˆ Rome, Prix Goncourt pour Les Ombres errantes (2002),

Grand Prix Jean Giono pour Villa Amalia (2006).

12

mondiale le dŽbut du contemporain. Mais dÕautres Žvoquent plus prŽcisŽment Mai 68 È

14. Ces

deux moments soulignent des axes majeurs autant de la biographie que de la poŽtique quignardienne. Le premier circonscrit lÕenfance de lÕauteur ˆ l a fracture de lÕhistoire :

Voilˆ le lieu o jÕai passŽ mon enfance : une ville dŽtruite de fond en comble sous les bombes

lendemain de cette guerre qui bouleversa les donnŽes jusque-lˆ progressistes et pour ainsi dire

cumulatives, de lÕhistoire universelle et qui dŽfigura ˆ jamais la face, jusque-lˆ pieuse et

admirable, du genre humain (PQS, 24).

Se dŽtachent deux ŽlŽments de cette citation : un paysage en continuitŽ avec les

sordidissimes passŽ ˆ travers ses failles dŽlivrŽe de la requte dÕun sens tŽlŽologique, elle sÕaffranchit de la chronologie, de la dŽmonstration et de la continuitŽ linŽaire È

15. Dans ce sens, lÕempreinte

de cette cŽsure se traduit par la contestation de toute euphorie quant ˆ lÕhistoire et ˆ lÕhomme,

la mŽfiance vis-ˆ-vis de lÕhumanisme, la rŽticence ˆ vouloir transmettre un savoir ou ˆ

ˆ la place de lÕŽcrivain dans la sociŽtŽ contemporaine, dans la mesure o son statut est Ç

liŽ ˆ lÕimage dŽclinante de la littŽrature dans le corps social È

guerre. Cette circonstance permet ˆ lÕŽcrivain de se positionner par rapport ˆ la gŽnŽration

prŽcŽdente Il faut vous souvenir que je ne suis pas nŽ comme Blanchot ou Des Forts ou Bataille ou

Levinas avant la guerre. Je suis nŽ dans lÕincroyable Moyen åge qui a suivi la Seconde Guerre

de dŽshonorer tous les honneurs et de pulvŽriser toutes les manifestations collectives et les huŽes unanimes et les effrayants mots dÕordre qui sÕŽlevaient avant la guerre 17.

14 Lionel Ruffel Ç Introduction. QuÕest-ce que le contemporain ? È, art. cit., p. 11.

15 Dominique Viart, Ç Une rŽcapitulation de lÕhistoire humaine ? Le traitement de lÕHistoire dans Le Dernier

Royaume È, Europe, Pascal Quignard, No. 976-977, aožt-septembre 2010, p. 167.

16 Dominique Viart et Bruno Vercier, La LittŽrature franaise au prŽsent. HŽritage, modernitŽ, mutations, op.

cit., p. 311.

17 Pascal Quignard, Ç Lettre ˆ Dominique RabatŽ È, Europe, Pascal Quignard, No. 976-977, aožt-septembre

2010, p. 10.

13 Quignard se dŽmarque de la gŽnŽration de ses a"nŽs par la rupture historique et le retrait

des r™les qui sÕensuivent. LÕauteur revendique son individualisme en dŽpit des

aventures collectives et de lÕappartenance sociale. Pour Quignard, les Žcrivains de lÕavant-

guerre Ç Žtaient engagŽs dans des causes prophŽtiques, fascisme, communisme, nation, piŽtŽ.

Ils Žtaient salariŽs. Ils occupaient des fonctions È

18. DŽsormais, lÕauteur sÕinscrit dans ce

LÕautonomie, qui se consolide par dŽfaut, se radicalise dans le cas de Quignard. Par

consŽquent, la distance vis-ˆ-vis dÕune communautŽ ou dÕune fratrie signale une conviction

qui distingue lÕauteur aussi bien ˆ lÕŽgard de la gŽnŽration prŽcŽdente que de ses propres

contemporains. En ce qui concerne Mai 68, cette date fixe un grand tournant dans la vie de lÕauteur 19. : Ç les mois de mars, avril, mai, juin 1968 ont balayŽ dÕun coup ce dŽsir dÕenseignement

È (PQS, 28). Quignard a renoncŽ ˆ la

philosophie tout en adhŽrant Ç sans rŽserve au mouvement de mars et dÕavril qui montait en

puissance B

philosophie, conserve le mme avis sur lÕimage dŽprŽciŽe des institutions du savoir propre au

mouvement de Mai La dŽprŽciation de lÕUniversitŽ et de lÕenseignement est extrme et,

pour le crŽateur, la dŽvalorisation de ce regard est une chose positive. La thŽorie a crevŽ

EE

Žtablit un contraste avec lÕintŽrt de Quignard pour les discours qui ont faonnŽ le climat de

cette Žpoque. De ce fait, ˆ la rupture institutionnelle il faut ajouter lÕeffervescence de la vie

intellectuelle qui marquera cette gŽnŽration. Nous pouvons la rŽsumer ainsi lÕintŽrt pour

la littŽrature, celle qui se lit Žgalement en dehors des bancs de lÕuniversitŽ, ne peut se

disjoindre dÕune curiositŽ pour ce qui commence ˆ constituer le vif des sciences humaines philosophie, Žvidemment, mais linguistique, anthropologie et psychanalyse aussi qui

20. LÕhŽritage de ce moment de lÕhistoire

sÕinscrira dans la poŽtique quignardienne en tant que pluralitŽ de discours, rejet de toute

parole autoritaire, critique des institutions, radicalitŽ esthŽtiq ue.

18 Ibid, p. 9.

19 Du point de vue des r™les sociaux, lÕautre grande rupture est celle de 1994 lorsque Quignard dŽmissionnera du

comitŽ de lecture des Žditions Gallimard et de son poste de secrŽtaire gŽnŽral (PQS, 29).

/ Sejer, Paris, 2008, p. 12. 14

Žtudiante,

sont Žgalement les caractŽristiques dÕune gŽnŽration. NŽanmoins, ces donnŽes

historiques doivent se mettre en perspective avec une pratique de la littŽrature. Dans ce sens, qui sont les contemporains de Pascal Quignard ? Qui sont les pairs qui partagent un champ commun, une reconnaissance aussi officielle quÕanonyme, un air de famille ? La critique, en

suivant des analogies et non des facilitŽs chronologiques, a commencŽ ˆ Žtablir ce dialogue

entre Quignard et ses contemporains. De ce fait, nous retenons parmi dÕautres les noms de Pierre Michon (1945), GŽrard MacŽ (1946), Jean Echenoz (1947), Pierre Bergounioux (1949), Richard Millet (1953), HervŽ Guibert (1955-1991) et, pour dŽpasser le domaine francophone,

Gert Jonke (1946-2009), Žcrivains qui ont ŽtŽ mentionnŽs par la critique dans la mme

cartographie du contemporain.

21. Cette formule de

Dominique RabatŽ visait le rŽcit en tant que forme problŽmatique ˆ lÕencontre de lÕidŽe

lÕeffacement de lÕauteur dans La SoirŽe avec Monsieur Teste, les marges de la parole et le dŽbordement de la voix dans Le Bavard, LÕInnommable ou La Chute22. La littŽrature conduit

dans cet Žpuisement une qute autorŽflexive qui se continue dans lÕexploration des formes et

dans les tentatives pour renouveler la langue.

Se dŽtache de la littŽrature de lÕŽpuisement une pŽriodisation qui ne met lÕaccent ni sur

le c™tŽ gŽnŽrationnel ni sur le c™tŽ chronologique mais sur des questions de poŽtique. Ainsi,

dÕun projet La littŽrature contemporaine ne passe pas pour une littŽrature projective È 23.
concernant la dŽprogrammation de la littŽrature :

Nous avons besoin de cesser de rationaliser, de cesser de sÕordonner ceci, de cesser de

avons besoin, cÕest dÕune dŽprogrammation de la littŽrature (EE, 249).

1999, p. 134.

22 Dominique RabatŽ, Vers une littŽrature de lÕŽpuisement, Paris, JosŽ Corti, 1991.

23 Dominique Viart, Quel projet pour la littŽrature contemporaine ? (1995), publie.net, coll. Ç Voix critiques È,

2008, p. 6.

15

Le dŽtour de la pensŽe et le risque de lÕaporie, lÕoubliŽ et lÕŽtrange, le sordide et le

sexuel, la libŽration des contraintes gŽnŽriques et lÕinterrogation sur les origines sont les traits

de cette absence de projet collectif qui signale cependant une sŽrie de problŽmatiques propres ˆ une notion du contemporain. De ce fait, Jean Echenoz, HervŽ Guibert et Pascal Quignard

sont solidaires dÕune esthŽtique de lÕindŽcidabilitŽ, o les positions formelles et sŽmantiques

ne sont pas fixes mais en mouvement, mettant ˆ lÕŽpreuve le romanesque et affirmant

lÕambigu•tŽ de lÕŽcriture

24. De mme, Pierre Michon, GŽrard MacŽ, Pierre Bergounioux et

Pascal Quignard sÕinscrivent dans le retour du rŽcit de filiation, o les figures de soi attestent

dÕune identitŽ plurielle. Ces quatre auteurs Ç ont en commun de dire ensemble une ascendance

blessŽe et la mŽlancolie dÕune mŽmoire È

25. Le rapport entre la musique et la littŽrature,

tenant compte des paradoxes du monde sonore, Žtablit Žgalement des liens avec Richard

Millet

Ç la littŽrature archŽologique qui entend toujours refonder Ð Jean Rouaud, Pascal

Quignard È

28. Ce panorama des enjeux contemporains permet de visualiser des Žcritures

dialogue amplement avec les Žcrivains de notre temps.

Sur la critique quignardienne

Dans une approche didactique, nous pouvons rŽpartir selon trois axes les travaux qui

lÕautre, des Žtudes se limitent ˆ lÕunivers quignardien, approfondissant un aspect singulier,

24 Bruno Blanckeman, Les RŽcits indŽcidables : Jean Echenoz, HervŽ Guibert, Pascal Quignard, Paris, Presses

Universitaires du Septentrion, 2000.

25 Laurent Demanze, GŽnŽalogie et filiation: une archŽologie mŽlancolique de soi: Pierre Bergounioux, GŽrard

26 Concernant lÕinfluence de Quignard, Millet affirme : Ç Quant ˆ des Forts et ˆ Quignard, je les ai connus

personnellement, lÕun dÕailleurs gr‰ce ˆ lÕautre, et ils mÕont ŽnormŽment apportŽ (pas nŽcessairement dans les

domaines que lÕon pourrait croire) È (Richard Millet, Ç Entretien avec Aline Mura-Brunel È, Le Roman franais

au tournant du XXI

Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 278).

115
-126. 16 sÕinterroge sur le rapport entre la littŽrature et dÕautres expressions artistiques

29. Ce point de

vue co•ncide avec lÕimportance accordŽe chez Quignard ˆ la peinture tant prŽhistorique que

contemporaine, ˆ la gravure, aux azulejos, aux arts plastiques en gŽnŽral et, bien sžr, ˆ la

musique. De mme, lÕoptique comparatiste se dŽveloppe avec le dialogue entre roman et cinŽma, notamment en ce qui concerne lÕŽtude de Tous les matins du monde et de Villa

Amalia

Des dossiers monographiques dans des revues (

Scherzo

, Cahier Critique de PoŽsie,

Revue des Sciences Humaines

Europe

) et des rencontres ou des colloques consacrŽs ˆ lÕŽcrivain, celui de Bologne en 1998, celui de Cerisy en 2004, et celui de Paris en 2010, ainsi que de nombreux articles dans la

presse Žcrite et mme sur le web, attestent de la vitalitŽ de la critique quignardienne. Une

intellectuelle et acadŽmique. Dans ce bref parcours, nous voulons nous arrter sur les travaux auxquels notre Žtude

doit une grande partie de sa substance. Plus dÕune dizaine dÕarticles, un livre dÕentretiens et

Chantal Lapeyre-Desmaison les textes fondateurs de la critique quignardienne. Son livre dÕentretiens, Pascal Quignard le solitaire, pointe des aspects tant biographiques que

poŽtiques en offrant une perspective globale et dŽtaillŽe ; en raison de son importance et des

nombreuses citations qui en dŽcoulent, nous lÕavons intŽgrŽ

ˆ la liste dÕabrŽviations.

Žtablissent un dialogue entre diffŽrentes modalitŽs des Žcritures contemporaines. LÕanalyse de

notions dÕhybriditŽ mais qui met en relief les enjeux du texte intraitable. De ce fait, son

interprŽtation traverse ce travail, dÕautant plus que le concept de dŽfaillance est une mutation

de son esthŽtique de lÕindŽcidabilitŽ. De mme, nous avons repris ses points de vue sur les

Petits TraitŽs

et Tondo En ce qui concerne la musique, le livre de Jean-Louis Pautrot, Pascal Quignard ou le fond du monde , et les articles de Claude Coste publiŽs dans Les Malheurs dÕOrphŽe,

Žbauchent le cadre gŽnŽral de notre propos. Leur dŽfinition de la musique quignardienne ainsi

29 Ph
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