[PDF] LES PRÉCIEUSES RIDICULES COMÉDIE





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Les Précieuses ridicules

Jun 28 2009 Il y a notamment interprété Panisse dans Fanny de Marcel Pagnol mis en scène par Irène Bonnaud



LES PRECIEUSES RIDICULES

1. DOSSIER PEDAGOGIQUE. LES PRECIEUSES RIDICULES de Molière. Mise en scène : Vincent Bonillo. Jeu : Fiamma Camesi Pierre Spuhler



Molière Les Précieuses ridicules : résumé scène par scène et analyse

En bons imposteurs ils se conduisent en gentilshommes et charment les naïves Magdelon et Cathos. RESUME SCENE PAR SCENE. SCÈNE 1. Première rencontre entre les 



LES PRÉCIEUSES RIDICULES COMÉDIE

LE VICOMTE DE JODELET valet de Du Croisy. DEUX PORTEURS DE CHAISE. VOISINES. VIOLONS. La scène est à Paris. - 



La description des femmes dans LÉcole des femmes et Les

Oct 17 2014 Molière – L'École des femmes – Les Précieuses ridicules – naiskuva – naisen asema ... Analyse. 2.1. Remarques préliminaires. Tableau 1.



Les Précieuses ridicules

Les Précieuses ridicules. Préface. 33. Scène 1. 37. Scène 2. 39. Scène 3. 40. Scène 4. 41. Scène 5. 48. Scène 6. 49. Scène 7. 52. Scène 8. 54. Scène 9.



EN QUOI LA SCENE DEXPOSITION PERMET ELLE LA CRITIQUE

Précieuses Ridicules » de Molière. Il s'agit d'une comédie en un acte scène 1 deux gentilshommes dédaignés par deux jeunes provinciales se vengent en.



Les Précieuses ridicules

Cathos nièce de Gorgibus



Les Précieuses ridicules

CATHOS nièce de Gorgibus



LA PRÉCIOSITÉ: DE LÉCLAT DES SALONS AUX PRÉCIEUSES

1. Définition de précieux et de préciosité . avec l'analyse de trois pièces de théâtre de Molière : Les Précieuses ridicules L'École des.

LES PRÉCIEUSES

RIDICULES

COMÉDIE

Réprésentée au Petit-Bourbon

MOLIÈRE

1660
Publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièvre, Août 2015 - 1 - - 2 -

LES PRÉCIEUSES

RIDICULES

COMÉDIE

Réprésentée au Petit-Bourbon

À PARIS, chez Guilaume de LUYNES, Libraire juré au Palais, dans la Salle des Merciers, à la Justice.

M. DC. LX. AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

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Préface

C'est une chose étrange qu'on imprime les gens malgré eux. Je ne vois rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plutôt que celle-là. Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et mépriser, par honneur, ma comédie. J'offenserais mal à propos tout Paris, si je l'accusais d'avoir pu applaudir à une sottise. Comme le public est le juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence à moi de le démentir ; et, quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du monde de mes Précieuses ridicules avant leur représentation, je dois croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens ensemble en ont dit du bien. Mais, comme une grande partie des grâces qu'on y a trouvées dépendent de l'action et du ton de voix, il m'importait qu'on ne les dépouillât pas de ces ornements ; et je trouvais que le succès qu'elles avaient eu dans la représentation était assez beau pour en demeurer là. J'avais résolu, dis-je, de ne les faire voir qu'à la chandelle, pour ne point donner lieu à quelqu'un de dire le proverbe ; et je ne voulais pas qu'elles sautassent du théâtre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu l'éviter, et je suis tombé dans la disgrâce de voir une copie dérobée de ma pièce entre les mains des libraires, accompagnée d'un privilège obtenu par surprise. J'ai eu beau crier : Ô temps ! Ô moeurs ! on m'a fait voir une nécessité pour moi d'être imprimé, ou d'avoir un procès ; et le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisserait pas de faire sans moi. Mon Dieu ! l'étrange embarras qu'un livre à mettre au jour, et qu'un auteur est neuf la première fois qu'on l'imprime ! Encore si l'on m'avait donné du temps, j'aurais pu mieux songer à moi, et j'aurais pris toutes les précautions que messieurs les auteurs, à présent mes confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre quelque grand seigneur que j'aurais été prendre malgré lui pour protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tenté la libéralité par une épître dédicatoire bien fleurie, j'aurais tâché de faire une belle et docte préface ; et je ne manque point de livres qui m'auraient fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragédie et la comédie, l'étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition et le reste. J'aurais parlé aussi à mes amis, qui, pour la recommandation de ma pièce, ne m'auraient pas refusé, ou des vers français, ou des vers latins. J'en ai même qui m'auraient loué en grec, et l'on n'ignore pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace à la tête d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me reconnaître ; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie. J'aurais voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire honnête et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes à - 4 - être copiées par de mauvais singes qui méritent d'être bernés ; que ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont été de tout temps la matière de la comédie ; et que, par la même raison les véritables savants et les vrais braves ne se sont point encore avisés de s'offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan ; non plus que les juges, les princes et les rois, de voir Trivelin, ou quelque autre, sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince ou le roi : aussi les véritables précieuses auraient tort de se piquer, lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luyne veut m'aller relier de ce pas : à la bonne heure, puisque Dieu l'a voulu. - 5 -

PERSONNAGES

LA GRANGE, amant rebuté.

DU CROISY, amant rebuté.

GORGIBUS, bon bourgeois.

MAGDELON, fille de Gorgibus, précieuse ridicule. CATHOS, nièce de Gorgibus, précieuse ridicule.

MAROTTE, servante des Précieuses ridicules.

ALMANZOR, laquais des Précieuses ridicules.

LE MARQUIS DE MASCARILLE, valet de La Grange.

LE VICOMTE DE JODELET, valet de Du Croisy.

DEUX PORTEURS DE CHAISE.

VOISINES.

VIOLONS.

La scène est à Paris.

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SCÈNE I.

La Grange, Du Croisy.

DU CROISY.

Seigneur la Grange...

LA GRANGE.

Quoi ?

DU CROISY.

Regardez-moi un peu sans rire.

LA GRANGE.

Eh bien ?

DU CROISY.

Que dites-vous de notre visite ? En êtes-vous fort satisfait?

LA GRANGE.

À votre avis, avons-nous sujet de l'être tous deux ?

DU CROISY.

Pas tout à fait, à dire vrai.

LA GRANGE.

Pecque : Terme d'injure. Femme sotte

et impertinente qui fait l'entendue. [L]Pour moi, je vous avoue que j'en suis tout scandalisé.A-t-on jamais vu, dites-moi, deux pecques provincialesfaire plus les renchéries que celles-là, et deux hommestraités avec plus de mépris que nous ? À peine ont-ellespu se résoudre à nous faire donner des sièges. Je n'aijamais vu tant parler à l'oreille qu'elles ont fait entre elles,tant bâiller, tant se frotter les yeux, et demander tant defois : "Quelle heure est-il ?" Ont-elles répondu que oui etnon à tout ce que nous avons pu leur dire ? Et nem'avouerez-vous pas enfin que, quand nous aurions étéles dernières personnes du monde, on ne pouvait nousfaire pis qu'elles ont fait ?

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DU CROISY.

Il me semble que vous prenez la chose fort à coeur.

LA GRANGE.

Précieuse : Femme qui est affectée

dans son air, dans ses manières, et principalement dans son langage. [Ac.

1762]Donzelle : Terme burlesque qui se dit

pour demoiselle ; mais il est odieux et offensant ; et se prend ordinairement

en mauvaise part. [F]Sans doute, je l'y prends, et de telle façon, que je veux mevenger de cette impertinence. Je connais ce qui nous afait mépriser. L'air précieux n'a pas seulement infectéParis, il s'est aussi répandu dans les provinces, et nosdonzelles ridicules en ont humé leur bonne part. En unmot, c'est un ambigu de précieuse et de coquette que leurpersonne. Je vois ce qu'il faut être pour en être bien reçu ;et si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux unepièce qui leur fera voir leur sottise, et pourra leurapprendre à connaître un peu mieux leur monde.

DU CROISY.

Coquette : Ce mot se prend en

mauvaise part. Celle qui s'ajuste pour donner dans la vue des galants. [R]Et comment encore ?

LA GRANGE.

J'ai un certain valet, nommé Mascarille, qui passe, ausentiment de beaucoup de gens, pour une manière de belesprit ; car il n'y a rien à meilleur marché que le bel espritmaintenant. C'est un extravagant, qui s'est mis dans latête de vouloir faire l'homme de condition. Il se piqueordinairement de galanterie et de vers, et dédaigne lesautres valets, jusqu'à les appeler brutaux.

DU CROISY.

Eh bien ! Qu'en prétendez-vous faire ?

LA GRANGE.

Ce que j'en prétends faire ? Il faut... Mais sortons d'iciauparavant. - 8 -

SCÈNE II.

Gorgibus, du Croisy, La Grange.

GORGIBUS.

Eh bien ! Vous avez vu ma nièce et ma fille : les affairesiront-elles bien ? Quel est le résultat de cette visite ?

LA GRANGE.

C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'ellesque de nous. Tout ce que nous pouvons vous dire, c'estque nous vous rendons grâce de la faveur que vous nousavez faite, et demeurons vos très humbles serviteurs.

GORGIBUS.

Ouais ! Il semble qu'ils sortent mal satisfaits d'ici. D'oùpourrait venir leur mécontentement ? Il faut savoir un peuce que c'est. Holà !

SCÈNE III.

Marotte, Gorgibus.

MAROTTE.

Que désirez-vous, Monsieur ?

GORGIBUS.

Où sont vos maîtresses ?

MAROTTE.

Dans leur cabinet.

GORGIBUS.

Que font-elles ?

MAROTTE.

De la pommade pour les lèvres.

GORGIBUS.

C'est trop pommadé. Dites-leur qu'elles descendent. Cespendardes-là, avec leur pommade, ont, je pense, envie deme ruiner. Je ne vois partout que blancs d'oeufs, laitvirginal, et mille autres brimborions que je ne connaispoint. Elles ont usé, depuis que nous sommes ici, le lardd'une douzaine de cochons, pour le moins, et quatrevalets vivraient tous les jours des pieds de moutonqu'elles emploient.

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SCÈNE IV.

Magdelon, Cathos, Gorgibus.

GORGIBUS.

Il est bien nécessaire vraiment de faire tant de dépensepour vous graisser le museau. Dites-moi un peu ce quevous avez fait à ces Messieurs, que je les vois sortir avectant de froideur ? Vous avais-je pas commandé de lesrecevoir comme des personnes que je voulais vousdonner pour maris ?

MAGDELON.

Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nousfassions du procédé irrégulier de ces gens-là ?

CATHOS.

Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable sepût accommoder de leur personne ?

GORGIBUS.

Et qu'y trouvez-vous à redire ?

MAGDELON.

La belle galanterie que la leur ! Quoi ? Débuter d'abordpar le mariage !

GORGIBUS.

Et par où veux-tu donc qu'ils débutent ? Par leconcubinage ? N'est-ce pas un procédé dont vous avezsujet de vous louer toutes deux aussi bien que moi ?Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien sacré oùils aspirent, n'est-il pas un témoignage de l'honnêteté deleurs intentions ?

MAGDELON.

Ah ! Mon père, ce que vous dites là est du dernierbourgeois. Cela me fait honte de vous ouïr parler de lasorte, et vous devriez un peu vous faire apprendre le belair des choses.

GORGIBUS.

Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que lemariage est une chose simple et sacrée, et que c'est faireen honnêtes gens que de débuter par là.

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MAGDELON.

Les personnages cités sont ceux des

très longs romans précieux de

Madeleine de Scudery : Clélie, histoire

romaine (1654-1660) et Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653). Notons que Magdelon est le diminutif

de Madeleine.Mon Dieu, que, si tout le monde vous ressemblait, unroman serait bientôt fini ! La belle chose que ce serait sid'abord Cyrus épousait Mandane, et qu'Aronce deplain-pied fût marié à Clélie !

GORGIBUS.

Que me vient conter celle-ci ?

MAGDELON.

Magdelon illustre le cheminement de

la "Carte du tendre" présente dans le roman de M. de Scudery, "Clélie, histoire romaine".Inclination : Se dit aussi de l'amour, du penchant, de l'attachement qu'on a

pour quelqu'un. [F]Mon père, voilà ma cousine qui vous dira, aussi bien quemoi, que le mariage ne doit jamais arriver qu'après lesautres aventures. Il faut qu'un amant, pour être agréable,sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux, letendre et le passionné, et que sa recherche soit dans lesformes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à lapromenade, ou dans quelque cérémonie publique, lapersonne dont il devient amoureux ; ou bien être conduitfatalement chez elle par un parent ou un ami, et sortir delà tout rêveur et mélancolique. Il cache un temps sapassion à l'objet aimé, et cependant lui rend plusieursvisites, où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapisune question galante qui exerce les esprits de l'assemblée.Le jour de la déclaration arrive, qui se doit faireordinairement dans une allée de quelque jardin, tandisque la compagnie s'est un peu éloignée ; et cettedéclaration est suivie d'un prompt courroux, qui paraît ànotre rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant denotre présence. Ensuite il trouve moyen de nous apaiser,de nous accoutumer insensiblement au discours de sapassion, et de tirer de nous cet aveu qui fait tant de peine.Après cela viennent les aventures, les rivaux qui sejettent à la traverse d'une inclination établie, lespersécutions des pères, les jalousies conçues sur defausses apparences, les plaintes, les désespoirs, lesenlèvements, et ce qui s'ensuit. Voilà comme les chosesse traitent dans les belles manières et ce sont des règlesdont, en bonne galanterie, on ne saurait se dispenser.Mais en venir de but en blanc à l'union conjugale, nefaire l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, etprendre justement le roman par la queue ! Encore uncoup, mon père, il ne se peut rien de plus marchand quece procédé ; et j'ai mal au coeur de la seule vision quecela me fait.

GORGIBUS.

Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du hautstyle. - 11 -

CATHOS.

En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de lachose. Le moyen de bien recevoir des gens qui sont tout àfait incongrus en galanterie ? Je m'en vais gager qu'ilsn'ont jamais vu la carte de Tendre, et que Billets-Doux,Petits-Soins, Billets-Galants et Jolis-Vers sont des terresinconnues pour eux. Ne voyez-vous pas que toute leurpersonne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air quidonne d'abord bonne opinion des gens ? Venir en visiteamoureuse avec une jambe toute unie, un chapeaudésarmé de plumes, une tête irrégulière en cheveux, et unhabit qui souffre une indigence de rubans !... Mon Dieu,quels amants sont-ce là ! Quelle frugalité d'ajustement etquelle sécheresse de conversation ! On n'y dure point, onn'y tient pas. J'ai remarqué encore que leurs rabats nesont pas de la bonne faiseuse, et qu'il s'en faut plus d'ungrand demi-pied que leurs hauts-de-chausses ne soientassez larges.

GORGIBUS.

Baragouin : Langage corrompu ; ou

inconnu, qu'on n'entend pas; jargon composé de mots barbares, ou si mal

prononcés qu'on ne les entend pas. [F]Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis riencomprendre à ce baragouin. Cathos, et vous, Magdelon...

MAGDELON.

Eh ! De grâce, mon père, défaites-vous de ces nomsétranges, et nous appelez autrement.

GORGIBUS.

Comment, ces noms étranges ! Ne sont-ce pas vos nomsde baptême ?

MAGDELON.

Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mesétonnements, c'est que vous ayez pu faire une fille sispirituelle que moi. A-t-on jamais parlé dans le beau stylede Cathos ni de Magdelon ? Et ne m'avouerez-vous pasque ce serait assez d'un de ces noms pour décrier le plusbeau roman du monde ?

CATHOS.

Aminte : drame pastoral en vers du

Tasse, créé en 1573.Polyxène : héroïne de l'Iliade, aimant

et aimée d'Achille.Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtitfurieusement à entendre prononcer ces mots-là ; et lenom de Polyxène que ma cousine a choisi, et celuid'Aminte que je me suis donné, ont une grâce dont il fautque vous demeuriez d'accord.

GORGIBUS.

Écoutez, il n'y a qu'un mot qui serve : je n'entends pointque vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont étédonnés par vos parrains et marraines ; et pour cesMessieurs dont il est question, je connais leurs familles etleurs biens, et je veux résolument que vous vous

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disposiez à les recevoir pour maris. Je me lasse de vousavoir sur les bras, et la garde de deux filles est une chargeun peu trop pesante pour un homme de mon âge.

CATHOS.

Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c'estque je trouve le mariage une chose tout à fait choquante.Comment est-ce qu'on peut souffrir la pensée de couchercontre un homme vraiment nu ?

MAGDELON.

Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beaumonde de Paris, où nous ne faisons que d'arriver.Laissez-nous faire à loisir le tissu de notre roman, et n'enpressez point tant la conclusion.

GORGIBUS.

Balivernes : Discours inutiles qui

n'ont ni raisons ni solidité ; sornettes,

contes faits à plaisir. [F]Il n'en faut point douter, elles sont achevées. Encore uncoup, je n'entends rien à toutes ces balivernes ; je veuxêtre maître absolu ; et pour trancher toutes sortes dediscours, ou vous serez mariées toutes deux avant qu'ilsoit peu, ou, ma foi ! Vous serez religieuses : j'en fais unbon serment.

SCÈNE V.

Cathos, Magdelon.

CATHOS.

Mon Dieu ! Ma chère, que ton père a la forme enfoncéedans la matière ! Que son intelligence est épaisse et qu'ilfait sombre dans son âme !

MAGDELON.

Que veux-tu, ma chère ? J'en suis en confusion pour lui.J'ai peine à me persuader que je puisse être véritablementsa fille, et je crois que quelque aventure, un jour, meviendra développer une naissance plus illustre.

CATHOS.

Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences dumonde ; et pour moi, quand je me regarde aussi...

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SCÈNE VI.

Marotte, Cathos, Magdelon.

MAROTTE.

Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et ditque son maître vous veut venir voir.

MAGDELON.

Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement.Dites : "Voilà un nécessaire qui demande si vous êtes encommodité d'être visibles."

MAROTTE.

Dame ! Je n'entends point le latin, et je n'ai pas appris,comme vous, la filofie dans le Grand Cyre.

MAGDELON.

L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela ? Et qui est-il,le maître de ce laquais ?

MAROTTE.

Il me l'a nommé le marquis de Mascarille.

MAGDELON.

Ah ! Ma chère, un marquis ! Oui, allez dire qu'on nouspeut voir. C'est sans doute un bel esprit qui aura ouïparler de nous.

CATHOS.

Assurément, ma chère.

MAGDELON.

Il faut le recevoir dans cette salle basse, plutôt qu'en notrechambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, etsoutenons notre réputation. Vite, venez nous tendre icidedans le conseiller des grâces.

MAROTTE.

Par ma foi, je ne sais point quelle bête c'est là : il fautparler chrétien, si vous voulez que je vous entende.

CATHOS.

Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, etgardez-vous bien d'en salir la glace par la communicationde votre image.

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SCÈNE VII.

Mascarille, deux porteurs.

MASCARILLE.

Maraud : Terme injurieux qui se dit

des gueux, des coquins qui n'ont ni bien ni honneur, qui sont capables de

faire toutes sortes de lâchetés. [F]Holà, porteurs, holà ! Là, là, là, là, là, là. Je pense que cesmarauds-là ont dessein de me briser à force de heurtercontre les murailles et les pavés.

PREMIER PORTEUR.

Dame ! C'est que la porte est étroite : vous avez vouluaussi que nous soyons entrés jusqu'ici.

MASCARILLE.

Faquin : se dit aussi en quelque sorte

figuré, pour un homme sans mérite, sans honneur, sans coeur, digne de

toute sorte de mépris. [F]Je le crois bien. Voudriez-vous, faquins, que j'exposassel'embonpoint de mes plumes aux inclémences de lasaison pluvieuse, et que j'allasse imprimer mes souliersen boue ? Allez, ôtez votre chaise d'ici.

DEUXIEME PORTEUR.

Payez-nous donc, s'il vous plaît, Monsieur.

MASCARILLE.

Hem ?

DEUXIEME PORTEUR.

Je dis, Monsieur, que vous nous donniez de l'argent, s'ilvous plaît.

MASCARILLE, lui donnant un soufflet.

Comment, coquin, demander de l'argent à une personnede ma qualité !

DEUXIEME PORTEUR.

Est-ce ainsi qu'on paye les pauvres gens ? Et votre qualiténous donne-t-elle à dîner ?

MASCARILLE.

Ah ! Ah ! Ah ! Je vous apprendrai à vous connaître ! Cescanailles-là s'osent jouer à moi.

PREMIER PORTEUR, prenant un des bâtons de sachaise.

Çà ! Payez-nous vitement !

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MASCARILLE.

Quoi ?

PREMIER PORTEUR.

Je dis que je veux avoir de l'argent tout à l'heure.

MASCARILLE.

Il est raisonnable.

PREMIER PORTEUR.

Vite donc.

MASCARILLE.

Oui-dà. Tu parles comme il faut, toi ; mais l'autre est uncoquin qui ne sait ce qu'il dit. Tiens : es-tu content ?

PREMIER PORTEUR.

Non, je ne suis pas content : vous avez donné un souffletà mon camarade, et...

MASCARILLE.

Doucement. Tiens, voilà pour le soufflet. On obtient toutde moi quand on s'y prend de la bonne façon. Allez,venez me reprendre tantôt pour aller au Louvre, au petitcoucher.

SCÈNE VIII.

Marotte, Mascarille.

MAROTTE.

Monsieur, voilà mes maîtresses qui vont venir tout àl'heure.

MASCARILLE.

Qu'elles ne se pressent point : je suis ici postécommodément pour attendre.

MAROTTE.

Les voici.

- 16 -

SCÈNE IX.

Magdelon, Cathos, Mascarille, Almanzor.

MASCARILLE, après avoir salué.

Mesdames, vous serez surprises, sans doute, de l'audacede ma visite ; mais votre réputation vous attire cetteméchante affaire, et le mérite a pour moi des charmes sipuissants, que je cours partout après lui.

MAGDELON.

Si vous poursuivez le mérite, ce n'est pas sur nos terresque vous devez chasser.

CATHOS.

Pour voir chez nous le mérite, il a fallu que vous l'y ayezamené.

MASCARILLE.

Pic, repic et capot : terme de jeu de

cartes qui signifie gagner facilement. Ah ! Je m'inscris en faux contre vos paroles. Larenommée accuse juste en contant ce que vous valez ; etvous allez faire pic, repic et capot tout ce qu'il y a degalant dans Paris.

MAGDELON.

Votre complaisance pousse un peu trop avant la libéralitéde ses louanges ; et nous n'avons garde, ma cousine etmoi, de donner de notre sérieux dans le doux de votreflatterie.

CATHOS.

Ma chère, il faudrait faire donner des sièges.

MAGDELON.

Holà, Almanzor !

ALMANZOR.

Madame.

MAGDELON.

Voiturer : Transporter par des

voitures une chose d'un lieu à une autre. [F]Vite, voiturez-nous ici les commodités de laconversation.

MASCARILLE.

Mais au moins, y a-t-il sûreté ici pour moi ? - 17 -

CATHOS.

Que craignez-vous ?

MASCARILLE.

Quelque vol de mon coeur, quelque assassinat de mafranchise. Je vois ici des yeux qui ont la mine d'être defort mauvais garçons, de faire insulte aux libertés, et detraiter une âme de Turc à More. Comment diable, d'abordqu'on les approche, ils se mettent sur leur gardemeurtrière ? Ah ! Par ma foi, je m'en défie, et je m'envais gagner au pied, ou je veux caution bourgeoise qu'ilsne me feront point de mal.

MAGDELON.

Ma chère, c'est le caractère enjoué.

CATHOS.

Amilcar : ou Hamilcar, nom de

plusieurs généraux Catharginois, synonyme d'homme courageux.

Hamilcar Barca était le père

d'Hannibal.Je vois bien que c'est un Amilcar.

MAGDELON.

Ne craignez rien : nos yeux n'ont point de mauvaisdesseins, et votre coeur peut dormir en assurance sur leurprud'homie.

CATHOS.

Mais de grâce, Monsieur, ne soyez pas inexorable à cefauteuil qui vous tend les bras il y a un quart d'heure ;contentez un peu l'envie qu'il a de vous embrasser.

MASCARILLE, après s'être peigné et avoir ajusté sescanons.

Eh bien, Mesdames, que dites-vous de Paris ?

MAGDELON.

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