RAPPORT FINAL
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Focales 6
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Focales
6 | 2022
Photographie document(aire) et fiction
Édition
électronique
URL : https://journals.openedition.org/focales/523DOI : 10.4000/focales.523
ISSN : 2556-5125
Éditeur
Presses universitaires de Saint-Étienne
Référence
électronique
Focales
, 62022, "
Photographie document(aire) et
ction» [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2022,
consulté le 21 juin 2022. URL : https://journals.openedition.org/focales/523 ; DOI : https://doi.org/10.4000/focales.523
Ce document a été généré automatiquement le 21 juin 2022.La revue
Focales
est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution -Pas d'Utilisation Commerciale 4.0 International.
SOMMAIREÉditorialDanièle Méaux et Julie NoirotDossierUne histoire de croyanceClaire Fagnart" Le réel c'est les autres, la fiction c'est soi. » Antoine d'Agata funambule de l'aliénationClément ParadisLes romans-photos documentaires de Vincent JarousseauDanièle MéauxL'image de guerre : un dispositif, une fictionSandrine FerretRetrouver la puissance des documents photographiques. La fiction comme acte performatifdans l'art contemporain libanaisAlexander StreitbergerRemontage(s) photographique(s) chez Jean-Luc Godard : documenter l'invisible etfictionnaliser le document à SarajevoSophie RaimondLes ambiguïtés de Jean Le GacJean-Pierre MoureyLes " hétérochronies » photographiques de Stan DouglasRoberta AgneseL'usage du document dans Signs of a Struggle de Clare Strand
Ghislaine Trividic
Le devenir fictionnel du document photographique. Une lecture de La Voix de son maître de Bernard PingaudJan Baetens
Near Fiction - Le travail des images d'Aurélie PétrelNathalie Delbard
Varia Autour de fragments photographiques, un récit d'Isabelle MonninAriane-Esther Carmignac
Le monument de Bouzloudja : emblème d'un effondrementJonathan Tichit
16 avril 1953 : la photographie qui n'aurait pas dû être prise
Histoire d'une image de Roger St-Jean
Benoît Melançon
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Valeurs de gris/valeur du grisD'une orthodoxie à un rejet des demi-teintes photographiques dans la seconde moitié du XXe siècle
Dominique Versavel
Notes de lectures
Peter GEIMER, Images par accident. Une histoire des surgissements photographiquesDijon, Les presses du réel, 2018, 336 pages
Jonathan Tichit
André ROUILLÉ, La Photo numérique. Une force néolibérale Paris, L'Échappée, " Pour en finir avec », 2020, 224 pagesClément Paradis
Laetitia COUSIN, Mathilde FALGUIÈRE-LÉONARD, La Maison Bonfils, une aventure photographique entre Cévennes et Moyen-OrientParis, Musée du Colombier/Médiathèque de l'architecture et du patrimoine/Bernard Chauveau Éditions, 2020,
112 pages
Lydia Echeverria
Anne-Sophie AGUILAR et Éléonore CHALLINE dir., L'Enseigne. Une histoire visuelle et matérielle (XIXe-XXe siècles)Paris, Citadelles & Mazenod, 2020, 208 pages
Anne-Céline Callens
Brenda Lynn EDGAR, Le Motif éphémère. Ornement photographique et architecture au XX e siècle Rennes, Presses universitaires de Rennes, " Art & Société », 2020, 395 pagesCaroline Antoine
Judith LANGENDORFF, Le Nocturne et l'Émergence de la couleur. Cinéma et photographie Rennes, Presses Universitaires de Rennes, " Aesthetica », 2021, 404 pagesAnne-Lise Marin-Lamellet
Entretien(s)
" Théâtres de guerre »Entretien avec Émeric Lhuisset
Julie Noirot et Émeric Lhuisset
Portfolio(s)
" Représentations du conflit, entre document et fiction »Émeric Lhuisset
Focales, 6 | 20222
ÉditorialDanièle Méaux et Julie Noirot
1 Si l'on oppose habituellement ce qui dans les images photographiques relève du
document (du latin docere qui signifie " éduquer », " instruire », " informer ») et ce qui
procède de la fiction (fingere pouvant être traduit par " façonner », " modeler » ou encore " imaginer »), force est de constater que nombre d'artistes contemporainstendent à l'inverse à brouiller les repères et les frontières entre ces deux régimes de
représentation, en plaçant leurs oeuvres dans une indécision paradoxale.2 Des photographes inscrits dans le champ du documentaire recourent, en lesdissimulant ou au contraire en les rendant parfaitement visibles, à des dispositifs de
mise en scène narratifs ou fictionnels. C'est le cas d'Alex Majoli qui plonge, en les spectacularisant à l'aide d'un flash puissant, des situations de la vie réelle dans une obscurité dramatique. D'autres, comme An-My Lê, documentent d'authentiques simulacres : vraies-fausses opérations militaires consistant en des reconstitutions de la guerre du Vietnam en Virginie et en Caroline du Nord (Small Wars, 1999-2002) ou encore entraînements de soldats américains dans de faux villages irakiens construits de toutes pièces dans le désert californien (29 Palms, 2003-2004).3 Parallèlement, d'autres photographes, plus proches d'une esthétique de la mise en
scène, revendiquent une dimension documentaire dans des oeuvres que l'on pourrait qualifier de " factionnelles » en ce qu'elles entremêlent approche fictionnelle et dimension factuelle. Dans la lignée du " presque documentaire » (" Near Documentary ») de Jeff Wall, plusieurs auteurs fondent leurs mises en scène sur des faits réels plus ou moins identifiables, selon une logique plus suggestive que descriptive. C'est notamment le cas de Mohamed Bourouissa dans la série Périphériques (2005-2009). Au sein de sesimages, l'artiste rejoue certains clichés médiatiques de la banlieue, afin de les
déconstruire, tout en puisant son inspiration dans les chefs-d'oeuvre de la peinture classique. Taryn Simon suit quant à elle d'anciens détenus, aux États-Unis, pour les photographier sur les lieux de crimes qu'ils n'ont pas commis (The Innocents, 2003), tandis que Juul Hondius décrit des situations d'exil réelles à travers des photographies entièrement " performées » (série Factions, 2002-2009).4 Certaines créations, situées à la lisière du document, de l'archive et de la fiction, se
fondent sur la fabrication intégrale ou partielle de faux matériels documentaires,Focales, 6 | 20223
procédant alors de ce que Jean-Marie Schaeffer nomme une " feintise ludiquepartagée », qui à l'opposé du mensonge vise moins à tromper qu'à détromper lespectateur. Abordant certains événements oubliés ou négligés de l'histoire officielle,
ces travaux interrogent le processus historiographique de façon oblique et ambigüe. Parmi les oeuvres empruntant ce type de stratégie, figurent les célèbres camouflages photographiques de l'artiste Joan Fontcuberta ou l'ambitieux projet de l'Atlas Group entièrement imaginé par l'artiste libanais Waalid Raad afin de retracer l'histoire contemporaine des guerres civiles au Liban à partir de faux documents d'archives textuelles, photographiques et vidéographiques (1989-2004). On pense encore au projet de l'artiste Zoe Leonard créé en collaboration avec la réalisatrice Cheryl Dunye qui retrace la vie imaginaire d'une célèbre actrice afro-américaine, star fictive du cinéma muet hollywoodien du début du XXe siècle, engagée dans le mouvement des droits civiques, afin de révéler le caractère lacunaire des informations concernant l'histoire des femmes noires lesbiennes américaines.5 Autant de modalités selon lesquelles les artistes opèrent des déplacements dans le
champ documentaire comme dans celui de la fiction. Considérant moins le projet photographique comme une restitution objective et immédiate d'un réel déjà donné que comme un dispositif d'élaboration et d'intellection complexe à imaginer, ces derniers rappellent, à la manière de Rancière, que la fiction loin de s'opposer au réel peut le prolonger, être porteuse de référentialité et même posséder une fonction heuristique.6 À travers l'examen d'une grande variété de productions impliquant d'une manière ou
d'une autre la photographie, ce dossier de Focales questionne la manière dont l'art tantôt fictionne le document, tantôt documente la fiction à des fins de connaissance historique ou critique. En 1977, Michel Foucault affirmait n'avoir jamais écrit que desfictions et entrevoyait la possibilité de " faire travailler la fiction dans la vérité »,
autrement dit " d'induire des effets de vérité avec un discours de fiction », mais aussi de " faire en sorte qu'un discours de vérité suscite, fabrique quelque chose qui n'existe pas encore, donc "fictionne" ». Les contributions ici réunies analysent des oeuvres au statut problématique et hybride qui, à des degrés divers, remettent en cause le partage traditionnel entre document, documentaire et fiction. Loin des discours sur la " post-vérité » ou les " alternative facts », censés révéler un affaiblissement du concept de
vérité dans les sociétés contemporaines et l'instauration d'un régime d'indifférence,
comme le met en évidence Myriam Revault-d'Allonnes dans La Faiblesse du vrai. Ce que lapost-vérité fait à notre monde commun (2018), ces études invitent au contraire à réfléchir à
la façon dont les oeuvres brouillant les frontières entre le vrai et le faux peuvent constituer de précieux outils de questionnement, de problématisation et de résistance, et ainsi mettre en évidence les pouvoirs de la fiction pour interroger le réel et la prétendue transparence de ses représentations.Focales, 6 | 20224
RÉSUMÉSSi l'on oppose habituellement ce qui dans les images photographiques relève du document et ce
qui procède de la fiction, nombre d'artistes contemporains tendent à brouiller les frontières
entre ces deux régimes de représentation, en plaçant leurs oeuvres dans une indécision paradoxale. Il s'agira, dans ce dossier, de s'interroger sur les enjeux de ces démarches, quitravaillent tant à restituer la complexité du réel qu'à questionner le fonctionnement des images
ou les habitudes des spectateurs. While we usually make a distinction between the content of photographic images which documents and that which derives from fiction, many contemporary artists tend to blur the frontiers between these two schemes of representation, by placing their works in a state of paradoxical indecision. In this dossier we will examine the issues pertaining to these approaches, which seek as much to reproduce the complexity of reality as to question the function of images or the preferences of viewers.Focales, 6 | 20225
Dossier
Focales, 6 | 20226
Une histoire de croyanceClaire Fagnart
1 Le couple " photographie documentaire/fiction » renvoie d'emblée à deux positionsintellectuelles radicales, exposées par Thomas Pavel1 (reprises par Nathalie Heinich et
Jean-Marie Schaeffer
2) ; cette mise en tension pourrait être envisagée de deux façons
extrêmes : intégrationniste (niant toute séparation entre documentaire et fiction) etségrégationniste (dressant une frontière étanche entre les termes, dès lors perçus en
opposition). Il y a bien sûr entre ces deux points de vue radicaux, un continuum de positions sur les liens et la valeur de la fiction et de la référence dans les oeuvres " documentaires ».2 La position intégrationniste est beaucoup plus représentée dans la productioncontemporaine d'images. Un des discours qui accompagnent cette position met enévidence la volonté d'" éradiquer l'infériorisation classique de l'imaginaire par rapport
au réel3 », par le biais de la négation de la différence entre réalité et fiction. Cette idée
apparaît chez Jean-Marie Schaeffer4, pour lequel une des origines du questionnement
sur la fiction se trouve dans une interrogation sur l'opprobre pesant sur l'imaginaire.Dans " Les limites de la fiction
5 », Nathalie Heinich fait l'hypothèse que c'est pour
redonner un pouvoir critique à la fiction, pour ne pas la cantonner exclusivement au monde de l'imaginaire, pour spécifier que la fiction aussi peut représenter le réel voireagir sur la réalité, que ce type d'équivalence a été développée. Il s'agirait donc de
s'opposer à la hiérarchie entre documentaire et fiction, d'affirmer qu'il n'y a pas de hiérarchie entre le pouvoir intellectuel (compréhension du monde) d'une image documentaire d'une part et le pouvoir de " reconfiguration imaginative6 » d'une fiction
artistique (construction du monde) d'autre part.3 D'autres raisons sont invoquées pour justifier la tendance à faire disparaître la
frontière entre éléments fictionnels et éléments référentiels : parce que le réel ne se
laisse pas capter, parce qu'il se dérobe quand on s'en approche, parce qu'il est inaccessible en tant que tel, il y a toujours une part de fiction dans sa représentation. Et inversement, parce que toute fiction représente le monde et le fait connaître, elle est parfois considérée comme aussi (voire plus) performante qu'un objet documentairedans sa capacité à documenter la réalité. Ainsi il n'existerait ni fiction sans réalité, ni
réalité sans fiction. L'impossibilité de priver les fictions de références externes, ou de
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priver une oeuvre documentaire d'éléments fictionnels parce que toute représentation,qu'elle soit référentielle ou fictionnelle, comporte toujours un mélange d'élémentsfactuels et d'éléments inventés a conduit à des discours d'indistinction, voire à une
revendication d'équivalence entre fiction et réalité. C'est cette équivalence de principe
entre éléments fictionnels et éléments référentiels que l'on trouve aussi dans des oeuvres qui conjuguent " démonstration scientifique » et " récit fantastique7 »
brouillant les frontières entre fiction (et fonction) artistique et fiction (et fonction)épistémique. La réticence voire l'impossibilité à distinguer de manière claire fiction et
réalité a eu pour incidence l'apparition de genres mixtes tels que les docu-fictions, les fictions autobiographiques, etc. Dans l'art contemporain, nombreuses sont les oeuvres qui cherchent à effacer les signes qui permettent de savoir ce qui est de l'ordre del'invention (fiction) et ce qui est de l'ordre de la référence (réalité). Cette indistinction
constitue l'enjeu même de ce texte.4 La position ségrégationniste, quant à elle, maintient et souligne la distinction entre
représentation référentielle (factuelle) et représentation fictionnelle (imaginaire)8. Elle
est moins représentée dans l'art contemporain. Cependant, même si les éléments évoqués plus haut plaident en faveur d'une porosité entre documentaire et fiction, on constate, en tant que spectateur, qu'il est généralement spontané et automatiqued'identifier - de manière préréflexive - ce qui semble être une représentation
imaginaire (une fiction) et une représentation référentielle (documentaire). Il y aurait donc un hiatus entre le bon sens de la perception et l'approche rationalisée et intellectualisée du couple fiction/documentaire. Cette apparente contradiction et les multiples apories qui émergent de la réflexion sur la question de la relation entre documentaire et fiction semblent être en partie induites par les nombreusesimprécisions concernant le prédicat " fiction » dont les significations semblent
flottantes.La fiction
5 On peut appréhender la fiction en l'opposant à la réalité, au domaine du perceptible et
du factuel, à ce qui existe " en vrai ». Ainsi définie, elle désigne, " ce qui n'est pas vrai »,
ce qui n'existe qu'en apparence. Elle tend alors à se rapporter à une conception philosophique dualiste, héritée de Platon, qui oppose vérité et apparence. C'est probablement cette compréhension de la fiction qu'ont écartée les minimalistesaméricains lorsqu'ils ont refusé la composition du tableau parce qu'elle était
nécessairement au service de l'oeuvre comme " schein », comme paraître. Pour ces artistes, la représentation figurative selon la perspective centrée (euclidienne) était, entant que telle, une illusion, un " faux-semblant ». Envisager la problématique
documentaire/fiction de cette manière revient à poser la question de la conformité entre le monde lui-même et ses représentations. Cette question de la coïncidence entre le réel et l'image qui le documente à partir de la concordance entre ce que nous voyons de fait et ce que nous voyons dans l'image suppose que le réel soit accessible et qu'il yait une conformité entre les deux pôles : réel/ représentation du réel. Cette approche
ontologique de la photographie documentaire, parce qu'elle suppose une réflexion surla possibilité d'une adhérence/transparence entre le réel et sa représentation, n'est pas
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