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Identité verbale et modèles dexpression dans les lettres de poilus

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`` Langue écrite et langue parlée pendant la Première Guerre

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Fiche 3 - Analyse de lettres de poilus à partir de

Analyser des lettres de poilus et d'autres documents afin de comprendre les Synthèse générale / Conclusion : Trace écrite générale (développement carte.



Discipline : Histoire Période : 4 Niveau: CM1 La Première Guerre

Production d'écrit : Ecrire la lettre d'un poilu ;. Musique : La chanson de Craonne (Pour montrer que la Première Guerre Mondiale était une guerre totale).



De lécrit vers la parole. Enquête sur les correspondances peu

Si le célèbre recueil Paroles de Poilus publié en 1998 par. Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume nous a donné à lire des lettres écrites par les soldats de 14 



Léthos « poilu » dans les lettres des soldats de la Grande Guerre

de repérer des traces d'un discours de contestation dans les lettres écrites par les poilus à leurs proches : notre hypothèse est en effet que le discours 

Mots. Les langages du politique

121 | 2019

Restons

groupés La construction discursive desrelationssociales Identité verbale et modèles d'expression dans les lettres de poilus Verbal identity and expression patterns in letters from the First World War Identidad verbal y modelos de expresión en las cartas de los soldados franceses de la Primera Guerra Mundial

Anne-Laure

Kiviniemi

Édition

électronique

URL : https://journals.openedition.org/mots/25788

DOI : 10.4000/mots.25788

ISSN : 1960-6001

Éditeur

ENS Éditions

Édition

imprimée

Date de publication : 14 novembre 2019

Pagination : 109-130

ISBN : 979-10-362-0195-0

ISSN : 0243-6450

Référence

électronique

Anne-Laure Kiviniemi, "

Identité verbale et modèles d'expression dans les lettres de poilus

Mots. Les

langages du politique [En ligne], 121

2019, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 22 avril 2022.

URL : http://journals.openedition.org/mots/25788 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mots.25788

© ENS Éditions

Mots. Les langages du politique n° 121 novembre 2019 • 109Anne-Laure KiviniemiIdentité verbale et modèles d'expression

dans les lettres de poilus D'aucuns se sont déjà installés pour la correspondance. Barque debout, son papier posé à plat sur un carnet dans une anfractuosité de la paroi, semble en proie à une

inspiration. Il écrit, écrit, penché, le regard captivé, l'air absorbé d'un cavalier lancé

au galop. Lamuse, qui n'a pas d'imagination, passe son temps, une fois qu'il s'est assis, qu'il a posé sur la pointe matelassée de ses genoux sa pochette de papier et mouillé son crayon- encre, à relire les dernières lettres reçues, et à ne pas savoir quoi dire d'autre que ce qu'il a déjà dit, et à s'entêter à vouloir dire autre chose. Une douceur de sentimentalité semble répandue sur le petit Eudore qui s'est recro- quevillé dans une sorte de niche de terre. Il se recueille, le crayon aux doigts, les yeux sur son papier ; rêveur, il regarde, il dévisage, il voit, et on voit l'autre ciel qui l'éclaire. Son regard va là- bas. Il est agrandi jusqu'à chez lui... Le moment des lettres est celui où l'on est le plus et le mieux ce que l'on fut. (Bar- busse, 1969 [1916], p. 69) L'identité, dans la dernière phrase de cet extrait du Feu, semble conçue comme un objet à la fois : évolutif : il y a ce qu'on est et ce qu'on a été - le passé simple induit l'idée de perte irréversible, tandis que les superlatifs témoignent d'une tension vers ce que l'on fut sans possibilité de réinvestissement total : l'identité d'avant- guerre est définitivement perdue ; et • susceptible d'être construit discursivement, au moment des lettres. Ces deux aspects de l'identité sont également retenus par Ruth Amossy dans son approche théorique - interactionnelle et sociodiscursive - de l'image de soi. Selon elle, toute prise de parole implique la projection d'une image de soi, com- prise comme mise en scène, délibérée ou involontaire, de sa personne dans le discours. Cette image, manifestée dans le discours, se construit par le discours (ethos discursif) : " L'identité n'est pas une essence qui se traduit sur un mode plus ou moins authentique et qu'on peut exhiber ou au contraire dissimuler anne- laure.l.c.kiviniemi@jyu.fi

110 • Mots. Les langages du politique n° 121 novembre 2019 Anne-Laure Kiviniemipour des besoins stratégiques [...] mais une construction verbale effectuée dans

l'échange » (Amossy, 2010, p. 211). " Il ne s'agit pas de ce que le sujet est [...] mais de l'image qu'il projette dans une situation précise » (ibid., p. 27). Or toute projection d'image de soi suppose la prise en compte de l'image qu'on croit que nos interlocuteurs ont de nous : je ne peux dire qui je suis qu'en me situant par rapport à ce que je crois être pour toi. C'est en validant, en récu- sant ou en infléchissant l'image que je crois que l'autre a de moi que je peux me définir. L'ethos discursif est toujours une réaction à l'ethos préalable - ma présentation de moi se fonde toujours sur l'idée que mon interlocuteur se fait d'ores et déjà de ma personne. Cet ethos préalable est compris par Ruth Amossy (ibid., p. 73) " comme l'ensemble des données dont on dispose sur le locuteur au moment de sa présentation de soi ». L'ethos préalable prédétermine donc l'ethos discursif. Construire une image de soi, c'est toujours s'engager dans un dialogue avec l'idée que les autres se font de notre personne. Et à son tour, l'ethos discursif a des conséquences sur l'ethos préalable. Le locuteur tente d'agir sur des représentations qui ne répondent plus à ses besoins identitaires. La représentation mentale qu'élaborent les interlocuteurs fait l'objet d'une négociation qui se perpétue, puisque l'identité est intrinsèquement inconsistante. Les lettres des poilus apparaissent indiquées pour étudier l'ethos discur- sif, d'abord en raison du genre auxquelles elles appartiennent, puisque l'épis- tolaire - dialogue en différé et hors la vue - permet au sujet écrivant de négo- cier son ethos préalable sans subir les aléas de la conversation en face- à-face. Ensuite, le contexte historique a des incidences sur l'image que les corres- pondants veulent donner d'eux- mêmes et sur l'image qu'ils croient que les autres ont d'eux. L'objectif sera de déterminer comment les scripteurs usent des pronoms personnels pour manifester leur présence et leurs appartenances. Car il faut aussi considérer le fait que l'ethos, qu'il soit discursif ou préalable, se com- pose de l'identité individuelle du locuteur (ethos personnel) et de son identité sociale liée à ses appartenances de groupe (ethos collectif). L'ethos personnel est l'image que le locuteur projette de sa personne, tandis que l'ethos collec- tif est l'image attachée à un ou plusieurs groupes auxquels le locuteur appar- tient et qui fondent son identité. D'autre part, toute présentation de soi se nourrit de représentations collectives : Qu'elle soit individuelle ou collective, la construction d'une image de soi est tou- jours tributaire d'un imaginaire social. C'est [...] en fonction de normes partagées, que je construis une identité à l'intention de mes partenaires. (Amossy, 2010, p. 44) L'identité, modulée au fil des interactions auxquelles le locuteur prend part, est instable, multiple et " étroitement liée à la question de l'efficacité verbale » (ibid., p. 212). L'identité se forme dans l'usage de la langue.

Mots. Les langages du politique n° 121 novembre 2019 • 111Identité verbale et modèles d'expression dans les lettres de poilus

Figure 1. Ethos préalable et ethos discursif

Figure 2. Construction de l'identité verbale

112 • Mots. Les langages du politique n° 121 novembre 2019 Anne-Laure Kiviniemi

L'image de soi peut découler du dit : ce que le locuteur énonce explicitement sur lui- même en se prenant comme thème de son propre discours. En même temps, elle est toujours un résultat du dire : le locuteur se dévoile dans les modalités de sa parole, même lorsqu'il ne se réfère pas à lui- même. C'est ce que Maingueneau a appelé [...] ethos dit et ethos montré. (Amossy, 2010, p. 113) L'ethos dit est ce que le locuteur dit sur lui- même et l'ethos montré, ce que montre sa manière d'énoncer. Pour résumer, l'ethos discursif, personnel et collectif, tributaire de modèles culturels, se forme à partir d'un ethos dit et d'un ethos montré qui s'exercent à négocier un ethos préalable, en le ratifiant, le contestant ou l'infléchissant dans

le sens - délibéré ou irréfléchi - du locuteur. C'est par les modalités du dire des

poilus - leurs usages des pronoms personnels, plus que par ce qu'ils disent d'eux- mêmes1 - que nous voulons interroger l'identité verbale qu'ils construisent dans leurs lettres. Comment les scripteurs, dans leurs manières d'énoncer (ethos montré), reprennent et réactivent l'image qu'on peut se faire d'eux (ethos préalable), la modulent ou essayent de la modifier en profondeur ? Les scripteurs sont tous des produits de l'école de la Troisième République, qui avait notamment pour rôle de diffuser dans l'ensemble de la société française une langue commune, le fran- çais national. Il s'agissait de " communiquer les connaissances des règles de la langue nationale à tous les enfants de la nation, sous la forme des Éléments de la Grammaire » (Balibar, 1999, p. 258). Ce français civique élémenté (simplifié

de manière à donner des notions élémentaires) était inculqué à l'école primaire,

tandis que, dans le secondaire, on continuait à enseigner un français humaniste2 (la grammaire française raisonnée héritière de Port-Royal avec la comparaison systématique des langues mortes et des langues vivantes et l'étude d'auteurs littéraires, modèles d'écriture et de rhétorique). Ainsi " la langue de la Leçon de choses et la langue de la dissertation d'idées étaient instituées dans des éta-

blissements séparés » (Balibar, 1985, p. 406), la première à " l'école du peuple »,

de 6 à 13 ans, la seconde à " l'école des notables »3, de 8 à 18 ans (Prost, 1968). Aux classes dirigeantes, l'école secondaire avec la culture classique ou scienti- fique dont elles ont besoin et qu'elles peuvent payer ; pour le peuple, les rudiments suffisent, pourvu qu'ils soient imprégnés de moralité et inculquent l'obéissance. (Prost, 1968, p. 10) L'identité verbale construite par les épistoliers est- elle en prise directe sur les modèles d'écriture avec lesquels ils ont été familiarisés ?

1. Sur cet aspect, voir Vicari, 2012, Housiel, 2014 ou Steuckart éd., 2015.

2. Les termes sont de Renée Balibar (1985, p. 251). Le français civique est celui qui permet de déve-

lopper les échanges entre tous les citoyens ; le français humaniste est celui qui permet de déve-

lopper les échanges entre privilégiés de la République des lettres.

3. Les termes sont d'Antoine Prost (1968).

Mots. Les langages du politique n° 121 novembre 2019 • 113Identité verbale et modèles d'expression dans les lettres de poilus

La référence personnelle dans les lettres de poilus : vue d'ensemble L'analyse des pratiques de présentation de soi se fera par l'examen des pro- noms personnels dans des correspondances de guerre. La présence du scrip- teur dans son texte se manifeste en effet d'abord par l'utilisation des pronoms personnels - repères de subjectivité traduisant l'appropriation de son propre discours par le sujet parlant (Benveniste, 1966). La référence aux actants de la communication informe sur l'image de soi : " l'analyse des pratiques de pré- sentation de soi commence nécessairement par l'examen des personnes gram- maticales [...] [qui] soulèvent des questions de fond sur la nature et les fonc- tions de l'ethos » (Amossy, 2010, p. 103). Un relevé des indices personnels (tableau 1) a été effectué dans les échanges épistoliers de quatre soldats de parcours scolaires différant par leur longueur et par leur contenu. Seront étudiés les écrits de Baptiste Lapouge, peu- lettré de l'école publique, ceux d'André Boulo et d'Henri Rivière qui ont tous deux obtenu le certificat d'études, le premier en effectuant sa scolarité dans une école catho- lique, le second dans une école publique, et ceux d'André Fugier, bachelier de l'école privée4. Les fonds Fugier, Rivière et Boulo sont conservés au centre de documentation de l'Historial de la Grande Guerre, à Péronne. Ils ont été choisis parmi les correspondances en français selon les critères suivants : quantité de lettres constituant l'échange : les échanges épistolaires contenant moins d'une cinquantaine de lettres ont été éliminés ; existence d'informations sur l'auteur de l'échange : les descriptions four- nies par les donateurs des documents authentiques ont orienté le choix, car il fallait sélectionner des fonds écrits par des scripteurs d'habileté différente, donc de niveaux d'instruction et de parcours scolaires divers ; diversité du fonds : les fonds contenant des documents complémentaires (photographies, carnet de guerre, généalogie, etc.) ont été privilégiés. Des recherches supplémentaires ont toutefois été nécessaires pour l'obten- tion de l'échange épistolaire conséquent d'un peu- lettré. C'est sur le site inter- net du Crid 14-185 qu'a été trouvée mention du fonds Lapouge se trouvant au Centre d'études Edmond Michelet à Brive. Les archives nous sont parvenues sous forme de cédérom numérisé.

4. B. Lapouge (1885-1973) est un paysan corrézien qui écrit à sa femme tout au long du conflit.

A. Boulo (1897-1965), après une formation de mécanicien, part à la guerre en février 1917 et cor-

respond avec ses parents jusqu'à la fin de son service militaire en août 1919. H. Rivière (1882-

1916) est employé de bureau dans une usine de tissage. Il écrit à son frère entre novembre 1914

et septembre 1916, date de son décès sur le front. A. Fugier (1896-1966) se destine à la carrière

militaire. Sa correspondance commence en 1915 et s'arrête en 1917 alors qu'il est grièvement blessé lors d'une attaque (amputation de la jambe droite).

5. http://www.crid1418.org/ (consulté le 20/05/2019).

114 • Mots. Les langages du politique n° 121 novembre 2019 Anne-Laure Kiviniemi

Le fonds Lapouge contient 99 documents, dont 63 lettres ou cartes écrites par Baptiste entre 1914 et 1918. Le fonds Boulo contient 55 lettres pour la périodequotesdbs_dbs47.pdfusesText_47
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