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Le cinéma daction américain contemporain: Une abstraction figurative
27 oct. 2016 dépassement excessif et ludique des anciens genres ... Ces rencontres entre les films nous amèneront d'ailleurs à proposer deux définitions.
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DOCTORAT AIX-MARSEILLE UNIVERSITE
délivré par l"Université de Provence - Aix-Marseille I
N° attribué par la bibliothèque
THESE pour obtenir le grade deDOCTEUR D"AIX-MARSEILLE UNIVERSITE
Formation doctorale : Études cinématographiquesPrésentée et soutenue publiquement par
Sylvain ANGIBOUST
le 16 novembre 2010LE CINÉMA D"ACTION AMÉRICAIN CONTEMPORAIN :
Une abstraction figurative
VOLUME 1
Directeur de thèse :
M. Marc Cerisuelo, Professeur à l"Université de Provence - Aix-Marseille I JURY M. Jean-Loup Bourget, Professeur à l"Ecole Normale Supérieure de Paris, Président du jury M. Pierre Berthomieu, Maître de conférences à l"Université Paris 7 - Paris Diderot M. Denis Mellier, Professeur à l"Université de Poitiers 2Sylvain ANGIBOUST
LE CINÉMA D"ACTION AMÉRICAIN CONTEMPORAIN :
Une abstraction figurative
Thèse de doctorat
Directeur de thèse : M. Marc Cerisuelo,
Professeur à l"Université de Provence - Aix-Marseille IUniversité de Provence - Aix-Marseille I
École doctorale 354 : " Langues, Lettres et Arts »29, Avenue Robert Schuman
13621 Aix-en-Provence
Laboratoire : L.E.S.A. - EA 3274
Photo de couverture : Rocky III, l"oeil du tigre de Sylvester Stallone (1982) 3Le cinéma d"action américain contemporain :
Une abstraction figurative
RÉSUMÉ
Le cinéma est naturellement un art de l"action qui enregistre mécaniquement le mouvement des corps et les inscrit dans un cadre fictionnel. Le genre du film d"action se constitue en présentant une action excessive selon une esthétique spectaculaire. Les genres du cinéma classique (western, burlesque, film musical, film de guerre...) sont tous à leur manière des films d"action. Ils sont tributaires du mode de l"action qui est une façon propre au cinéma de raconter des histoires par le mouvement. De façon plus singulière, le film d"action devient à partir des années soixante/quatre- vingt un genre à part entière qui propose un dépassement excessif et ludique des anciens genres spectaculaires. Ce cinéma de la performance physique et technologique s"est imposé comme le moteur de l"industrie hollywoodienne du blockbuster. Après avoir défini le genre du film d"action, nous analyserons sa double nature, entre l"art conceptuel et la fiction populaire. Les structures narratives stylisées du cinéma d"action contemporain donnent naissance à des images faiblement figuratives, héritières de l"art hyperréaliste et proches de certaines pratiques expérimentales. Mais le film d"action est aussi un fortement incarné, met en valeur des corps musclés et des destructions massives, dans un contexte référentiel marqué. La mise en scène du spectaculaire contemporain équilibre ces deux tendances, entre abstraction et figuration, et aboutit à l"immersion physique du spectateur. Celui-ci est invité à prendre part à l"action, sans bien sûr quitter son siège. Pour ce faire, il doit renoncer à sa rationalité discursive et laisser son intuition percevoir l"enchainement dynamique des images.MOTS CLÉS
Abstraction, action, blockbuster, cinéma
contemporain, cinéma de genre, cinéma reaganien, concept, corps, figuration, Hollywood, Hong Kong, immersion physique, intuition, spectaculaire, stéréoscopie.Kathryn Bigelow, James Cameron, Renny Harlin,
Walter Hill, Alfred Hitchcock, John McTiernan,Arnold Schwarzenegger, Tony Scott, Sylvester
Stallone, Paul Verhoeven, John Woo.
Contemporary Hollywoodian Action Films:
A Representational Abstraction
ABSTRACT
Motion picture is by nature the art of motion and
action: the machine records body motions and put them down as storytelling.Action film becomes a genre by showing excessive
and spectacular action. In a way, classical cinema genres (such as western, slapstick, musical, war films) can be seen as an entire class of all action films. They are all driven by the action way which is the way motion pictures tell stories, by motion. From the Seventies or the Eighties, action film becomes an all new genre which converts the old classical genres into an immoderate and spectacular sort of films. Such films are mainly led by physical power and technology. They gave birth to theHollywoodian movie industry of blockbuster.
After having defined action films as a genre, we will analyze its split nature, part abstract and conceptual thinking and part popular storytelling. Narratives are very stylized in contemporary action films and bring low figurative pictures. Contemporary action films pictures are close toPhotorealism and some sort of experimental films.
But contemporary action films also deal with figuration, muscular bodies and mass destruction which are set into a very recognizable world.Contemporary spectacular direction is found
somewhere between these two guidelines that are abstraction and representation. It aims at immersing physically speaking the wiever. He"s like drowned into the movie from his chair. To be immerged in the spectacular movie, viewers willingly give up their rational way of thinking for feeling. Intuition is an other way of perceiving spectacular pictures in motion.KEY WORDS
3-D film, abstraction, action, blockbuster, body,
concept, cinema genre, contemporary cinema,Hollywood, Hong Kong, intuition, reaganite
entertainment, representation, physical immersion, spectacular.Kathryn Bigelow, James Cameron, Renny Harlin,
Walter Hill, Alfred Hitchcock, John McTiernan,
Arnold Schwarzenegger, Tony Scott, Sylvester
Stallone, Paul Verhoeven, John Woo.
4Pour ma mère
REMERCIEMENTS
Marc Cerisuelo, mon directeur, pour sa confiance, sa patience et ses conseils,Pierre Berthomieu, qui a dirigé les premières années de cette thèse et lui a ainsi permis de voir
le jour, Ma famille, pour son soutien, en particulier mon père, ma soeur et Christian Lefèvre, Mes amis, sans qui ce travail et son auteur n"auraient pas été les mêmes : Julien Chane-Alune, Renan Cros, Émilie Etemad, Hélène Thoron, Matthieu Meyer, DaniloZecevic,
Geoffroy Pignal et Clotilde Ricot, pour leurs corrections salvatrices, Mais aussi : Edouard Amouroux, Christophe Beney, Nicolas Bouvron, Marcela Castano- Gutierrez, Aurélien Chastan, Benjamin Chaudagne, Fabien Delmas, Nordine Elgsire, Michel Etcheverry, Ludovic Faudeux, Damien Girard, Yoan Konto-Ghiorgi, Sébastien Léglise, Olivier Legrain, Fabrice Levesque, Eric Nuevo, Arnaud Penalva, Olivier Pungier, Sylvain Reska, Philippe Sam-Long, Elisabetta Spaggiari, Bertrand Tallot, Aurore Thoron, GuillaumeThoron, Marion Tillous, Christophe Vendé,
Florent livet, Guillaume Poirson, Ronan Posnic, Vianney Meurville et tout l"équipe du film " I Stand Alone », pour m"avoir emmené de l"autre côté du miroir. 5SOMMAIRE
VOLUME 1
PREMIERE PARTIE : DEFINITIONS DU CINEMA D"ACTION
A. L"ACTION.................................................................................................................................................31
1. Le mouvement et l"énergie ..................................................................................................................... 31
2. La scène d"action : une forme discontinue ?........................................................................................... 74
3. Une structure organique........................................................................................................................ 123
B. LE SPECTACULAIRE ET SES GENRES........................................................................................... 140
1. Le spectaculaire et ses évolutions......................................................................................................... 140
2. Une diversité sémantique...................................................................................................................... 192
3. Diverses tonalités.................................................................................................................................. 232
C. LE GENRE DU FILM D"ACTION CONTEMPORAIN..................................................................... 262
1. Ce que le genre n"est pas ...................................................................................................................... 262
2. De grands invariants ............................................................................................................................. 305
3. Le mode de l"action, une façon de raconter les histoires...................................................................... 329
VOLUME 2
SECONDE PARTIE : UNE ABSTRACTION FIGURATIVE.........................377A. ABSTRACTION...................................................................................................................................... 377
1. L"abstraction du récit............................................................................................................................ 387
2. Des images ambiguës, entre abstraction et figuration........................................................................... 407
3. Un art concret ....................................................................................................................................... 457
B. " LE MONDE EST UN ÉCHIQUIER » ............................................................................................... 498
1. Une représentation stylisée du réel : non-lieu, ruine, carte postale....................................................... 498
2. Le réseau et ses implications................................................................................................................. 539
3. Une organisation géométrique de la narration et de la mise en scène................................................... 605
C. LE CORPS ET L"ESPRIT...................................................................................................................... 635
1. Les corps des héros............................................................................................................................... 635
2. L"intuition et la mise en images de la pensée ....................................................................................... 669
3. La place du spectateur........................................................................................................................... 731
TABLE DES MATIÈRES.................................................................................828
6TABLE DES ANNEXES
VOLUME 3
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................838
TABLE DES ILLUSTRATIONS......................................................................861 FILMOGRAPHIE SELECTIVE.......................................................................862INDEX DES FILMS CITÉS.............................................................................872
7INTRODUCTION
Une analyse en profondeur et sur la longueur (de la fin des années soixante-dix àaujourd"hui) du cinéma d"action hollywoodien semble être, malgré sa nécessité et tout le
sérieux que nous y avons consacré, en partie incompatible avec tout un pan de la rechercheuniversitaire. Il faut dire que le sujet choisi pour notre travail repose sur deux éléments peu
appréciés d"une certaine doxa (à laquelle il existe heureusement des exceptions) : la culture
populaire et la création contemporaine. Les oeuvres à grands spectacles de ces trente dernières
années (qui ne peuvent d"ailleurs pas toutes être qualifiées de films d"action) sont bien
connues du public. Leur sortie est accompagnée d"un grand bruit médiatique mais elles sonttrop rarement analysées en dehors de textes consacrés à l"actualité cinématographique.
L"universitaire refuse souvent de s"approcher du cinéma contemporain sans unecertaine distance de sécurité car, lui qui travaille sur le long terme, craint d"être confondu avec
le journaliste (qui écrit dans l"instant). Le chercheur s"impose une distance intellectuelle,
nécessaire à l"objectivité de son analyse, mais aussi et surtout un éloignement temporel. Cette
distance semble dotée de la faculté magique de donner aux films un intérêt nouveau aux yeux
de ceux qui n"avaient pas relevé leur importance lors de leur première diffusion (ou qui l"avait
gardée pour eux). Est-ce le film qui change durant cette quarantaine intellectuelle ? Ou bien le contexte de sa réception, rendu plus clair par la mise en perspective d"oeuvres antérieures etpostérieures et par un phénomène de décantation ? Ou alors est-ce simplement le regard de
l"analyste qui se libère progressivement de préjugés qui n"avaient jamais eu lieu d"être ?
Il semble que ce soit bien le problème de la contemporanéité des films qui empêche leur reconnaissance comme sujet d"étude universitaire puisque la question du cinémapopulaire a elle été en partie réglée. Que le cinéma de divertissement hollywoodien, tributaire
d"un mode de production industriel et ayant pour finalité première le plaisir du spectateur, ne
soit pas un objet d"étude sérieux est une croyance qui n"a certes plus vraiment cours dansl"université française, à la condition que les films en question aient été produits avant les
années soixante ou soixante-dix. Après la période classique, ce sont les cinématographies
modernes à dominante européennes qui accaparent l"analyste, laissant souvent Hollywood à l"écart de ses travaux. Lorsque le cinéma contemporain est mentionné, c"est d"abord dans lecadre d"analyses tributaires d"une grille de lecture sociologique ou liées à l"économie du
cinéma, prêtant peu de cas à l"approche esthétique telle que nous la pratiquerons dans les
pages qui suivent. 8 Il nous faut tout d"abord clarifier notre position par rapport à certaines desclassifications qui ont pu être appliquées à ces films. Pour le théoricien américain Frédéric
Jameson, les films spectaculaires hollywoodiens de ces dernières décennies sont " un nouveau type de cinéma commercial »1 qui appartient à la sphère de la culture " postmoderne ». La
dénomination est reprise en France dans les travaux de Laurent Jullier2. Selon Jameson, la
culture postmoderne s"inscrit dans un tout nouveau type de société baptisée " la société
postindustrielle » (Daniel Bell) mais aussi souvent qualifiée de société de consommation,
société des médias, société de l"information, société électronique ou high-tech, etc. »
3 Le monde des villes tentaculaires et des échanges ultra-rapides de capitaux et d"informations donne naissance à une marchandisation de la culture4. Dans la société postmoderne, le rapport
à l"art se réduit à une posture ironique et confuse5, à base de citations et de détournements,
caractérisant un refus de la réalité et de la profondeur. Les films d"action américains
contemporains sont effectivement inscrits dans un système capitaliste, ce qui est d"ailleurs le cas du cinéma comme art industriel depuis ses commencements. Les films spectaculairescoûtent beaucoup d"argent, sont destinés à en rapporter encore plus et semblent donc
s"inscrire dans le " capitalisme tardif » évoqué par Frédéric Jameson. Est-il pourtant légitime
de juger une production artistique uniquement sur son mode de production ? Jean-Marie Schaeffer propose par exemple une autre analyse, éloignée des contingences de la sociologie,au succès du cinéma à grand spectacle et préfère se concentrer sur l"attirance millénaire de
l"être humain pour la narration de fiction : " Comme le montre par exemple le succès mondialrencontré par le cinéma américain, l"amour de la fiction est réparti de manière équitable chez
la plupart des gens. On tente parfois d"expliquer ce phénomène en termes d"impérialiste
culturel. Mais, après tout, personne n"est forcé d"aller voir ces films. Si, partout dans le1 Frédéric Jameson. Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, Paris, École nationale
supérieure des beaux-arts de Paris, trad.2007, p.33.2 Laurent Jullier, L"écran post-moderne, Un cinéma de l"allusion et du feu d"artifice, Paris L"Harmattan,
1997.3 Frédéric Jameson, op.cit., p.35.
4 " Ainsi, dans la culture postmoderne, la " culture » est devenue un produit à part entière ; le marché est
devenu absolument autant un substitut de lui-même et une marchandise que n"importe lequel des articles qu"il
inclut en lui-même : le modernisme constituait encore, au minimum et tendanciellement, une critique de la
marchandise et une tentative pour qu"elle se transcende. Le postmodernisme est la consommation de la pure
marchandisation comme processus. » Idem, p.16.5 " Un trait fondamental, commun à tous les postmodernismes cités plus haut, à savoir l"effacement de la vieille
opposition (essentiellement moderniste » entre la grande Culture et la culture dite commerciale, la culture de
masse. » Id., p.35.Une telle remarque reste problématique dans le cas du cinéma qui s"est caractérise, depuis ses débuts et donc
bien avant l"aire postmoderne, par un constant bariolage des références, de La Bible au spectacle forain.
9 monde, les gens se précipitent pour aller voir Jurassic Park ou Titanic, c"est donc, sans doute, que ces films leur plaisent. » 6La pensée postmodernisme naît de la société postindustrielle qui est effectivement
celle décrite par les films d"action contemporains : ceux-ci prennent place dans un universtechnologique lisse et froid, structuré en réseau, et exploitent les vestiges de la modernité
industrielle (usines, immeubles en construction mais aussi autoroutes et armes automatiques).Le cinéma d"action hollywoodien prend le monde postindustriel pour décor car il est un
cinéma " contemporain », en prise avec son temps et délivrant un commentaire sur la société
par le biais de la fiction spectaculaire. Il ne faut pourtant pas conclure à un simple alignementdes films sur la société qui les produit puisque les fictions du cinéma d"action contemporain
contestent justement le modèle socio-économique du simulacre postmoderne et la dominationdes échanges en réseau. Le monde postindustriel est présenté par les films d"action comme
une structure de contrôle dont doit s"extraire le héros. La puissance physique de ce dernier,son goût de la liberté et sa mise en avant de l"intuition aux dépends du contrôle rationnel, font
saillie dans le flux deshumanisant des capitaux et des informations de la société postmoderne.Frédéric Jameson reconnaît lui-même qu"il faut établir " une distinction radicale entre une
approche du postmoderne comme style (optionnel) parmi beaucoup d"autres disponibles et celle qui cherche à l"appréhender comme dominante culturelle de la logique du capitalismetardif : ces deux approches génèrent en fait deux manières très différentes de conceptualiser
le phénomène dans son ensemble : d"un côté, des jugements moraux (positifs ou négatifs, peu
importe), et de l"autre une tentative authentiquement dialectique de penser notre présent du temps dans l"Histoire. »7 Nous pensons donc que le cinéma d"action contemporain s"inscrit
par la force des choses dans la société postmoderne (par ce que les films appartiennent à leur
époque de production) mais qu"on ne peut pas présenter, comme le fait par exemple Laurent Jullier, le style postmoderne comme le seul horizon esthétique de ces productions, afin de les dénigrer le bloc. La présence d"un style postmoderne dans le cinéma d"action américain contemporainnous apparaît même en partie contradictoire avec l"esthétique de ces films. En effet " le terme
postmodernisme - nom d"un mouvement très général, qui dépasse largement le champ desarts plastiques - fut d"abord employé en architecture pour désigner des pratiques éclectiques,
opposées au fonctionnalisme, avant de s"imposer dans le vocabulaire de la critique d"art. » 86 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999, p.236.
7 Frédéric Jameson, op.cit., p.93.
8 Denys Riout, Qu"est-ce que l"art moderne ?, Paris, Éditions Gallimard, collection folio essais, 2000, p.422.
10Selon Frédéric Jameson " les positions posmodernistes en architecture, et cela de façon plus
décisive que dans les autres arts ou médias, ont été inséparables d"un remise en cause
implacable du haut modernisme architectural de Frank Lloyd Wright ou du style dit international (Le Corbusier, Mies, etc.)... »9 Sauf que les représentations architecturales dans
les films d"action américain contemporains s"inscrivent, nous le verront, dans la continuité de
l"architecture moderne (Style International, architecture High Tech)10, justement opposée au
postmodernisme qui est pourtant censé caractériser ce cinéma. Par de telles observations, nous ne cherchons pas à remettre en cause la théorie postmoderniste dans son ensemble mais plutôt à nuancer certaines de ses conclusions qui nous semblent en contradiction avec une analyse précise du cinéma hollywoodien contemporain. C"est pour cela que nous préférons à toute autre, pour qualifier notre corpus, l"expression générale et peu connotée de " cinéma contemporain »11. Ce terme est neutre en ce qu"il se
contente de couvrir une période temporelle, mais il est aussi relatif (on est contemporain d"une période précise, tout comme on est toujours le moderne de quelqu"un d"autre). Dans lespages qui vont suivre, nous appellerons donc " contemporaine » la période du cinéma d"action
hollywoodien allant du début des années quatre-vingt à 2010, terme de notre étude (même
l"on peut penser que les formes spectaculaires en constante évolution que nous avons analysé ont encore de beaux jours devant elles). Étrangement, les contempteurs du cinéma spectaculaire contemporain posent comme argument premier à leurs observations que ces films ne peuvent pas être analysés comme des productions artistiques. Pour Laurent Jullier, il n"est plus possible, dans la majorité des films contemporains, de " montrer que toutes les matières de l"expression concourent avec unecohésion jamais prise en défaut à produire un sens global homogène. Le " son & lumière »
appelle un discours descriptif ou méta-discursif, il ne fait pas sens, il fait sensation ; quand au
film " allusionniste », passé le moment ludique de la reconnaissance des clichés qu"il recycle,
on se demande pareillement qu"en dire d"autre, à moins de parler de la Post-Modernité en9 Frédéric Jameson, op.cit., p.34.
10 Voir seconde partie, B/ 1).
11 Nous avons également rencontré au fil de nos lectures l"expression de " cinéma néo-classique » pour qualifier
une partie des films américains à partir des années quatre-vingt (le terme est analysé par Vincent Amiel et Pascal
Couté dans Formes et obsessions du cinéma américain contemporain, Paris, Klincksieck, 2003, question
n°24 : " Qu"est-ce que le néo-classicisme hollywoodien ? », p.81-84). Le terme de néo-classique nous apparaît
plus pertinent que celui de postmoderne parce qu"il met l"accent sur la continuité (avec le classicisme) plutôt
qu"avec la rupture (avec la modernité). Néanmoins, l"idée d"un classicisme " nouveau » témoigne d"une vision
trop cloisonnée du classicisme que nous préférons considérer comme une forme égale à elle-même, que son
évolution constante empêche d"être " vieille » ou " neuve ». 11 général. »12 Le théoricien postule l"échec de son discours avant même de l"avoir tenu et pose
comme consubstantielle aux films sa propre difficulté à les élucider. Au contraire, lorsque des analyses consacrées au cinéma populaire actuel aboutissent àdes résultats positifs, donnent lieu à un discours artistique étayé d"exemples et ouvrant des
perspectives de recherche, elles sont rejetées d"emblée comme étant le fait d"" une littérature
à la qualité très discutable diffusée par la culture populaire. Bien que les auteurs, portés par
une verve cinéphilique, une érudition et un souci du détail leur aient consacré quelques
monographies, le principal défaut de ces travaux réside sans doute dans cet enthousiasmecandide pour des formes culturelles considérées comme " illégitimes », enthousiasme qui
constitue davantage un obstacle à la prise en compte du sérieux de l"entreprise et à sa légitimation comme objet de recherche. »13 Ce type de remarque pose la question, sur laquelle
nous allons revenir, de la légitimité des sources sur lesquelles baser un travail de recherche universitaire. Reste que ce rejet par principe de toute forme d"analyse nous apparaît plutôt suspect et aurait tendance en retour à frapper d"inanité les travaux de ceux qui pratiquent de telles d"accusations et ne se refusent aucun des raccourcis et des jugements de valeurs qu"ilscritiquent chez les autres. Ainsi, le sociologue américain Neal King, travaillant sur la
représentation des policiers dans les films contemporains affirme que les principaux sujets de Piège de cristal (John McTiernan, 1988) sont le machisme et de la sodomie14. La façon dont
l"auteur décrypte la présence de cette pratique dans le film reste un mystère à la lecture de son
ouvrage et nous essaierons pour notre part de démontrer que ce film explore également
d"autres terrains intéressants et autrement plus productifs pour l"analyse. Pour Laurent Jullier, " la fusillade finale de Léon (Luc Besson, [1994]) entretient plus de rapports avec le Festival Pyromélodique de Juan-Les-Pins qu"avec le cinéma de Jean Eustache, par exemple » 15. Certes. La tournure d"esprit qui sous-tend ce type de remarques laisse songeur et correspond assez bien aux diverses critiques formulées à l"encontre du cinéma populaire contemporain afortiori le cinéma d"action (qu"il soit hollywoodien ou non, le film de Besson étant à cheval
entre plusieurs cultures). On constate tout d"abord une opposition entre culture " populaire » et culture " haute », opposition binaire, rejetant tout espoir de dialogue entre les deux (pour accentuer cette illusion, il est essentiel pour l"analyste de prendre deux films les plus possible12 Laurent Jullier, op.cit., p.9.
13 Frédéric Gimello-Mesplomb, " Des mythologies politiques du cinéma à la sociologie pragmatique de
l"industrie hollywoodienne ». Frédéric Gimello-Mesplomb (dir.), Le cinéma des années Reagan, un modèle
hollywoodien ?, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2007, p.26.quotesdbs_dbs26.pdfusesText_32[PDF] Black Matters: From W.E.B. DuBois to Elijah Anderson and Marcus A - Les Grands Animaux
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