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25 c'est toujours la même image de la férocité. Ovide Les Métamorphoses



LES MÉTAMORPHOSES livre I.

OVIDE. Traduction nouvelle avec le texte latin suivie d'une analyse de se rappelant l'horrible festin que Lycaon venait de lui servir



Epreuve de français

Mais voilà que le roi Lycaon arrive il se moqua de leur attitude. D'après Ovide



Séquence 1 « Loup y es-tu

4 août 2018 *Distinguer le texte documentaire du texte littéraire : une mythologie du loup. * Identifiez les caractéristiques du Lycaon décrit par Ovide ...



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La belle et la bête : texte de JM Le prince de Beaumont film de Cocteau Homère Ovide Apulée : contextualisation ... OVIDE Métamorphoses



La sauvagerie domestiquée: lécriture de la métamorphose animale

13 juin 2018 Dans l'univers des Métamorphoses d'Ovide toutes les ... impossible de déceler des points communs entre ces textes qui montrent des êtres ...



Séquence 3 : « Qui est le monstre ? »

À partir du texte d'Ovide les élèves devront détailler la métamorphose de Lycaon en utilisant le vocabulaire des métamorphoses vu en classe.



Défi Métamorphoses Ovide

Lycaon (Texte p. 118) a) Qui est le narrateur de ce texte ? b) De quel défaut Lycaon fait-il preuve en se comportant ainsi vis-à-vis de Jupiter ?



Le Lycan Dune Métamorphose parmi dautres à lapparition dun

occurrences dans le texte. Comme Ovide l'auteur de l'Ovide moralisé crée un effet d'attente en ne révélant pas immédiatement ce que Lycaon a fait



Les Métamorphoses - 17 récits

OVIDE. Les Métamorphoses. 17 récits. Choix des textes traduction

Ariane MANON

Master 1, littérature française

année scolaire 2012-2013

Le Lycan

D'une Métamorphose parmi d'autres à l'apparition d'un mythe littéraire

Introduction

Les loups, loups-garous et lycanthropes hantent notre littérature, nos contes et nos

légendes depuis l'Antiquité. Ennemis des fermiers, rivaux des chasseurs, les loups sont de grands

carnassiers qui ont longtemps effrayé les hommes. Alors qu'il vit dans la forêt, chasse plutôt la nuit

et qu'il est réputé pour ses attaques violentes et sanglantes, au fil des siècles le loup est devenu dans

l'imaginaire collectif la représentation de tout ce qui est obscur, inquiétant et même de la mort.

Ainsi la part d'ombre présente dans le genre humain se transforme grâce aux croyances et aux peurs

transformant le simple loup en garou.

Il est intéressant de s'intéresser à l'étymologie des principales désignations de ces créatures

hommes-loups. Le lycanthrope vient du grec λυκαν [lycan], le loup et ανθωρπες [anthropès],

l'Homme. Le mot loup-garou est en fait un pléonasme puisque garou devrait suffire. En effet, cette

forme courte vient de *garwaf issu de *wariwulf (qui a donné en anglais werewolf, *were étant un

dérivé de l'indo-européen qui a également donné vir, virus en latin), et la forme wolf/wulf signifie le

loup. Quant au bisclavret, mot utilisé par Marie de France dans son lais éponyme, cette désignation

n'est plus utilisée aujourd'hui et son étymologie est très controversée. D'après H. Zimmer, cela

pourrait venir de bleiz lavaret, signifiant " le loup parlant ». En revanche, d'après Joseph Loth, bisc

la culotte » en référence aux problèmes de vêtements qui se posent dans les transformations comme

nous le verrons ci-dessous. C'est également cette idée que l'on retrouve dans Pline l'Ancien ou

Pétrone avec le mot " versipelle » qui désigne celui qui retourne sa peau. Si de nombreuses sources concernant les hommes-loups sont orales, il y a néanmoins des

textes depuis l'Antiquité et le Moyen-Âge qui témoignent de l'influence que ces créatures

pouvaient avoir sur le quotidien. Ainsi, nous étudierons la manière dont une simple transformation

d'un état à un autre, présentée par Ovide au sein des Métamorphoses, a donné naissance à un mythe

littéraire complexe. Pour cela, nous utiliserons deux textes antiques, un extrait du Satiricon de Pétrone, auteur

latin du Ier siècle et la métamorphose de Lycaon en loup dans le premier livre des Métamorphoses

d'Ovide écrites à partir de l'an 1. Nous étudierons également trois textes médiévaux, où la même

métamorphose est reprise dans l'Ovide moralisé, texte anonyme du XIVe siècle, ainsi que deux

lais : Bisclavret de Marie de France au XIIe siècle et enfin le Mélion, faisant parti des Lais féériques

anonymes, écrits quelques années plus tard. Dans un premier temps, la métamorphose de l'homme en loup sera étudiée, entre péché

d'hybris et malédiction. Puis, nous nous intéresserons au mythe du loup-garou, à l'évolution qu'il y

a pu avoir de la transformation de la fable ovidienne à la translation médiévale. 1 I/ Entre péché d' hybris et malédiction Dans cette première partie, nous étudierons comment la figure du loup-garou a

évolué, passant d'une punition divine qui a changé définitivement un homme en loup à une

malédiction obligeant un homme à devenir bête sauvage plusieurs fois dans sa vie.

A/ Le Péché d' hybris

Dans la mythologie antique, nombreux sont les hommes trop orgueilleux punis pour

leur hybris (υβρις). En effet, alors qu'ils cherchent à ressembler aux dieux ou à les défier, la punition

divine ne se fait pas attendre. Arachné dans le sixième livre des Métamorphoses, se compare à

Athéna et est ensuite transformée en araignée. Lycaon, quant à lui, défie Jupiter et remet en doute sa

nature divine. Il sera alors transformé en loup. Il est intéressant de remarquer que comme la fable se

situe dans le premier livre des Métamorphoses, il s'agit également de la première métamorphose

humaine.

1/ Structure des fables

Contrairement aux mythes du loup-garou qui peupleront plus tardivement la

littérature, l'important de cette fable des Métamorphoses n'est pas tellement ce qui se passe une fois

que Lycaon est changé en loup. On sait qu'il continue à commettre des crimes, car malgré son

apparence, sa nature profonde n'a pas changé. Son esprit est resté humain (comme dans quasiment

toutes les métamorphoses d'Ovide puisqu'un esprit humain enfermé dans un corps végétal ou

minéral rajoute du pathos au récit), mais c'est la raison de sa métamorphose qui prime dans cette

fable. En effet, la structure même du récit nous conduit à ce raisonnement, d'autant plus qu'il est

repris par l'auteur de l'Ovide moralisé.

En effet, la fable se constitue d'un récit rapporté par Jupiter lui-même. Assis sur son trône, il

frémit en se souvenant de la scène horrible qu'il vient de vivre et convoque les autres dieux pour

leur expliquer, vers 164 à 167 : " ingemit et facto nondum uulgata recenti foeda Lycaoniae referens conuiuia mensae ingentes animo et dignas Ioue concipit iras conciliumque uocat: tenuit mora nulla uocatos. »1 Il commence ensuite son récit, racontant comment il a annoncé sa venue sur une terre impie et comment Lycaon a voulu l'éprouver, vers 221 à 223 : " inridet primo pia uota Lycaon, mox ait "experiar deus hic discrimine aperto an sit mortalis: nec erit dubitabile uerum. »2

L'auteur continue par le récit du châtiment avec la métamorphose et la conclusion, suivie de la

description d'une nouvelle ère qui remplace les hommes impies par d'autres, plus justes, vers 251-

252 :

1Traduction des vers 164 à 167 : Il gémit; et se rappelant l'horrible festin que Lycaon venait de lui servir, il est

transporté d'un courroux extrême, digne du souverain des dieux; il les convoque; à l'instant ils sont assemblés.

2Traduction des vers 221 à 223 : Lycaon commence par insulter à sa piété : Bientôt, dit-il, j'éprouverai s'il est dieu ou

mortel, et la vérité ne sera pas douteuse. 2 " rex superum trepidare uetat subolemque priori dissimilem populo promittit origine mira. »3

L'auteur de l'Ovide moralisé suit le même schéma narratif, mais développe certains aspects

du récit, ainsi que la fin, qu'il commente sous l'éclairage chrétien en donnant deux interprétations

possibles. Dès le début, on voit un allongement de la fable d'Ovide. En effet, là où le poète n'écrit

que cinq vers pour décrire les crimes commis par les hommes et le désespoir de Jupiter avant qu'il

ne convoque les dieux, l'auteur du moyen-âge en écrit trente-quatre. La description du peuple impie

est alors faite grâce à neuf mots péjoratifs, dont le premier " felonnie », vers 1214 aura cinq autres

occurrences dans le texte.

Comme Ovide, l'auteur de l'Ovide moralisé crée un effet d'attente en ne révélant pas

immédiatement ce que Lycaon a fait, mais des mots comme " tempter » et " murtrir » au vers 1313

permettent de savoir que c'est un crime. Celui-ci est d'ailleurs plus explicite puisqu'on trouve la description de la victime, cuisinée de trois façons différentes vers 1362 à 1363 : " Et piece a piece detrenchier

Partie en pot, partie en haste.

Et partie en mist cuire en paste. »

Comme dans la métamorphose antique, les conséquences suivent la description. Lycaon est tout d'abord épouvanté et surpris par ce qui lui arrive " territus » vers 232 et vers 1371 " Touz paoureuz, touz esbahis » puis il hurle puisqu'il n'a plus la parole, vers 232-233 dans le texte latin : " silentia ruris/exululat frustraque loqui conatur » et vers 1373 dans l'Ovide moralisé. " Quant cuidoit parler, si ullot »

Enfin, la peur semble disparaître sous la rage qui n'a pas quitté le personnage dont c'est le trait de

caractère dominant, vers 233 à 235 : " ab ipso colligit os rabiem solitaeque cupidine caedis uertitur in pecudes et nunc quoque sanguine gaudet. »4 Celle-ci est plus longuement décrite dans le texte du moyen-âge, avec un développement d'" angoisseuse rage » du vers 1375 en un vers entier vers 1376 : " encore angoisse, encore enrage »

La description du massacre des troupeaux est également plus longue avec plusieurs répétitions en

très peu de lignes ce qui donne une impression de profusion, montrant avec plus de force l'ampleur

des massacres (bestes, répété deux fois, mengier/menjuë, deux fois également, et de même pour

acore/acorer, en rime avec encore.) De plus, avec le vers 1379, on a l'impression que Lycaon ne se

contente pas seulement des troupeaux, mais qu'il mange également des " gens » puisque ce mot est

sur le même plan et dans le même vers que " mengier ». Les deux verbes vers 1381 " escorce » et

" desrobe » rajoutent également au cru et à l'imagé de la description.

En revanche, la métamorphose en elle-même est assez peu détaillée. Le texte latin utilise des

verbes qui montrent le changement, la transformation vers 236-237 : " in uillos abeunt uestes, in crura lacerti : fit lupus »5 Ovide est en effet connu pour la description précise d'un état à un autre des victimes de

métamorphoses, décrivant souvent ce que deviennenent chacune des parties de leurs corps. L'auteur

3 Traduction des vers 251-252 : il promet aux immortels une race d'hommes meilleure que la première, et dont l'origine

sera merveilleuse.

4 Traduction des vers 233 à 235 : Transporté de rage, et toujours affamé de meurtres, il se jette avec furie sur les

troupeaux; il les déchire, et jouit encore du sang qu'il fait couler.

5Traduction des vers 236-237 : Ses vêtements se convertissent en un poil hérissé; ses bras deviennent des jambes : il

est changé en loup 3

du moyen-âge se contente quant à lui de deux éléments : les bras devenus cuisses et les vêtements

transformés en poils, détail dont nous verrons l'importance plus bas, vers 1382-1383 : " En pel fut muee sa robe;

Ses bras sont cuisses devenu »

Mais à part ces deux vers, l'homme devient loup comme s'il l'avait toujours été, et non comme une

progression, un changement d'un état à un autre. Les deux fables ne finissent pas de façon identique. Alors que Jupiter demande aux autres

dieux de ne pas s'inquiéter, annonçant que d'autres hommes plus pieux remplaceront l'engeance de

Lycaon dans la fable ovidienne, l'auteur de l'Ovide moralisé refait une synthèse de ce qu'il vient

d'écrire. Au vers 1389, il écrit " Or vous dirai quelz est l'estoire ». Ainsi, il réexplique ce qui s'est

passé, l'impiété de Lycaon, le raisonnement de celui-ci et comment il a fini sa vie. Cette synthèse

explicative a une utilité narratrice, car à cette seconde lecture, le lecteur n'est plus concentré sur une

histoire qu'il découvre, mais peut déjà commencer à chercher une morale à en tirer. C'est en effet ce

qui se passe puisque l'auteur propose un peu plus loin, vers 1462-1463 : " La fable et la Devine Page se vont, se m'est vis, acordant »

2/ La Punition divine

Dans les deux textes, nous avons donc vu que Lycan était un homme qui, puni par

Jupiter, devenait un loup. Une fois la transformation achevée, c'est un état définitif. Si on peut

considérer qu'il est un " homme-loup » c'est uniquement parce qu'il a été homme autrefois et parce

qu'il a encore des traces de son humanité, des restes de sa cruauté " eadem feritatis imago est » vers

239. Ce n'est donc qu'une métamorphose parmi d'autres dans les Métamorphoses : Lycan a été puni

pour son orgueil et a été métamorphosé en un animal qui lui ressemblait, cruel et sanguinaire. De la

même manière, on trouve quelques livres plus tard la figure d'Arachné, jeune fille qui tissait des

tapisseries, qui continue de tisser des toiles sous sa forme animale d'araignée.

Au Moyen-Âge, on dit que le pécher détruit l'âme et le corps du pécheur. Ainsi, Étienne de

Bourbon6 explique :

" le pêché rend l'homme monstrueux, le pêcheur est comme le jongleur, qui a la tête en bas et les pieds en haut. Il est aussi semblable aux monstres marins qui, bien qu'ils aient un corps de poisson, ont la tête de différents animaux. »

Si le mot de péché n'est pas écrit dans la fable, en revanche ce qui décrit ce péché d'orgueil

est très présent. Ainsi, les mots concernant l'orgueil sont très fréquents dans l'ensemble des fables de

l'Ovide moralisé, pourtant, dans cette fable on ne trouve " s'orgueillir » qu'une fois au vers 1477.

De plus, on voit que :

" l'orgueilleux s'oppose aux humbles, mais il se sert d'eux pour asseoir sa supériorité vicieuse »7. Ceci est bien illustré dans la fable antique comme dans la reprise du Moyen-Âge : " uulgusque precari coeperat: inridet primo pia uota Lycaon, mox ait »8 vers 220 à 222 et vers 1346 à 1354 de l'Ovide moralisé :

6 Tractatus de materiis predicabilibus, BN ms lat, 15970, f° 180a

2009, p 102.

8Traduction : Déjà le peuple prosterné m'adressait des voeux et des prières. Lycaon commence par insulter à sa piété

4 " La gent menue

M'honoroit en ma venue,

Mes Lichaon me desprisoit

Qui le regne devoit tenir

Le simple pueple escharnissoit

De ce qu'il me faisoit honour

Et recevoit come seignour

Il pensa qu'il essaieroit

Se dieus estoie »

Néanmoins, dans ce dernier texte, l'orgueil semble être remplacé par la félonie qui est répétée près

de dix fois. Si dans le mot " félon » on trouve la notion de trahison, elle n'est pas présente dans le

mot " félonnie » qui d'après le Godefroy9 signifie : la fureur, la colère, l'emportement, l'ardence, la

violence, l'énergie. Mais associés au désir de trahir Jupiter, de lui faire manger de la viande humaine

(ce qui le rendrait humain et montrerait donc les limites de son pouvoir), ces mots se rapprochent tout de même de l'orgueil d'un homme qui pense pouvoir se mesurer aux dieux. Au travers des yeux

d'un homme du moyen-âge, cet orgueil puni par un châtiment fait penser au châtiment de Lucifer et

à sa chute jusqu'aux enfers.10

3/ Le Cannibalisme

La notion de cannibalisme est très souvent liée aux légendes de loups-garous. En

effet, Lycaon a tué des prisonnier avant de les cuisiner pour les servir à Jupiter. En héritage de la

légende de Lycaon, un culte secret avait été instauré en Grèce, les Lykaïa. Durant une cérémonie, de

jeunes garçons devaient manger de la viande, mais parmi tous les morceaux l'un était de la viande

humaine. Le garçon qui tombait sur cette chair humaine se transformait alors en loup et gardait cette

apparence durant neuf années, jusqu'à la cérémonie suivante.11

Dans des croyances du moyen-âge, on pensait également que manger de la chair de loup enragé ou

de manger un animal tué par un loup-garou transformerait la personne en loup-garou. On retrouve

ici une peur primaire d'épidémie et d'empoisonnement à qui on a donné des origines magiques.

La transmission de la malédiction par la morsure est apparue bien plus tardivement, en amalgame

avec les vampires, dans les films américains du début du XXe siècle, mais la contamination par la

nourriture et le tabou du cannibalisme est, lui, bien présent depuis l'Antiquité. De plus, il faut se souvenir que le loup-garou garde une forme humaine la plupart du temps. Ainsi, si le garou tue essentiellement des animaux, il lui arrive également de s'en prendre aux

hommes. De cette manière, même une fois redevenu humain, il aura mangé de chair humaine et sera

souillé par le péché. Il y a donc une crainte des hommes qui n'ont plus à se méfier seulement des

loups, mais également de leurs congénères qui peuvent se transformer, les tuer et les manger durant

la nuit, leur donnant une mort atroce et les privant de sépulture chrétienne. Quant à l'homme-loup,

souillé pour avoir mangé de la viande humaine, il vit dans un péché qui est propre à sa nature

9GODEFROY, dictionnaire en ligne (consulté le 16 mars 2013), article felonie [en ligne]. Adresse URL :

2009

11 WIKIPEDIA, (consulté le 15 mars 2013) article sur la secte Lykaïa [en ligne]. Adresse URL

:http://fr.wikipedia.org/wiki/Lykaia 5 monstrueuse. De cette manière, comme l'explique Laurence Harf-Lancner12, ce n'est plus tellement la peur d'humains face à des loups, mais d'hommes face à leurs congénères: " la présence du monstre, loin d'instaurer un clivage homme/animal, permet, comme en peinture l'anamorphose, une évocation voilée du meurtre du prochain » B/ L'Apparition de la malédiction du loup-garou Si dans le texte d'Ovide, Lycaon est transformé en loup pour avoir défié Jupiter en

essayant de lui faire manger la chair humaine, le conte que propose Pétrone, malgré son style plus

léger, est beaucoup plus effrayant. En effet, l'histoire est racontée par un narrateur, escorté par un

soldat lors d'un voyage. Alors que la nuit tombe et que la lune est pleine " luna lucebat tanquam

meridie » le soldat a un étrange comportement. Il enlève ses vêtements, urine dessus et se

transforme en loup. Il n'y a nulle mention d'un crime antérieur de la part du soldat et lorsque le

narrateur le revoit le lendemain matin, obtenant la preuve qu'il est bien le loup, il ne lui demande

pas d'explication. Il est donc impossible de savoir si l'histoire racontée démontre un phénomène

récurent ou isolé, ni à quoi la malédiction est dûe. Cette histoire est donc véritablement un conte

précurseur des histoires de loup-garou. En effet, si le garou est considéré comme un monstre (ses

actions nocturnes sont violentes et brutales), l'homme qui vit le jour ne semble pas plus mauvais que

le commun des mortels.

Un autre détail est important dans le texte de Pétrone : il s'agit de l'utilisation des vêtements.

En effet, le soldat enlève ses vêtements avant de devenir loup, il se dépouille de cette manière de

son humanité, mais l'homme urine également sur ses habits. Ce comportement qui est étrange pour

un humain, peut s'expliquer comme une volonté de marquer sa possession par l'homme-loup, mais également par un rituel magique puisque les habits se transformeront en pierre. Ces différents topoï sont repris dans les lais médiévaux, le Bisclavret et le Mélion.

1/ Un État lié à des objets

Contrairement aux textes des Métamorphoses, le Satiricon et les lais proposent une

vision du loup-garou qui sera conservée dans les légendes, l'inconscient collectif et jusqu'à nos

jours, dans les films et la littérature fantasy récente. En effet, le loup-garou peut devenir loup et

reprendre sa forme humaine. Il y a des conditions, mais cela demeure possible. Si dans le texte de Pétrone la pleine lune est mentionnée, ce qui pour un lecteur moderne

apparaît comme un signe évident de fantastique et encore plus de lycanthropie, ce n'était pas le cas à

l'époque antique, ni au Moyen-Âge. En effet, cet élément ne sera repris que beaucoup plus

tardivement, au XIIIe siècle, par Gervais de Tilbury. Il faut ensuite attendre le XIXe siècle pour que

cet élément soit définitivement inclus dans le mythe des loups-garous. En revanche, le thème des vêtements est repris dans le Bisclavret et dans de nombreuses

légendes. Dans les fables ovidiennes, les vêtements sont une part inhérente de la métamorphose

puisqu'ils se transforment en fourrure ou en écorce d'arbre. En revanche, dans de nombreux autres

textes, l'homme doit se dépouille de ses habits, et donc d'une part de son humanité civilisée pour

pouvoir se transformer en loup. Ce geste de dépouillement est également repris à l'inverse dans

certains mythes puisque c'est l'homme qui doit revêtir une peau de loup pour effectuer sa transformation. Dans le cas du Satiricon, le soldat de Pétrone use d'une certaine magie pour

transformer ses habits en pierre afin que ceux-ci ne puissent être volés. Cette magie lui permettra de

redevenir humain, ce qui n'est pas le cas du chevalier Bisclavret. Celui-ci sait qu'il ne pourra

12 Laurence HARF-LANCNER, Métamorphose et bestiaire fantastique au Moyen Âge (recueil d'articles), chap

Polymorphe et métamorphose, p 221, collection de l'École Normale Supérieure de jeunes filles, n°28, 1985, 333p

6

retrouver sa forme humaine sans ses vêtements et ne veut pas confier à sa femme l'endroit où il les

dissimule, vers 72 à 75 : " dame, ceo ne dirai jeo pas; kar si jes eüsse perduz e de ceo feusse aparceüz, bisclavret sereie a tuz jurs; »

Mais une fois qu'il lui a dit, on retrouve le topos du vol des vêtements courant dans les légendes.

Comme les jeunes filles surprises lors de leur baignade dans les mythologies grecques ou celtiques, le personnage dont on a volé les vêtements devient impuissant et ne peut retrouver sa forme

humaine. Ce n'est que lorsque le roi lui rendra ses habits (et lui donnera de l'intimité) qu'il pourra

retrouver sa forme initiale. Dans le lai de Mélion, c'est un objet qui cause la transformation. Une bague permet en effet la métamorphose. Le chaton blanc permet de se transformer en loup et on suppose que le chaton rose permet la transformation inverse. " Mon amie, supplia-t-il, par la grâce de Dieu, ne pleurez plus, je vous en prie ; je porte à la main cet anneau que voici. Dans le chaton, il y a deux pierres. Jamais l'on n'en vit de la sorte : l'une est blanche, l'autre vermeille ; vous allez en entendre dire des choses très étonnantes. Vous me toucherez avec la blanche et la mettrez sur ma tête : quand je me serai déshabillé, je deviendrai un loup grand et robuste. »13

Les objets magiques sont très courants dans toutes les légendes et contes, ils sont en effet un

lien vers le merveilleux. Ainsi, on peut voir le mot " merveille » qui désigne les effets de la bague,

en rime avec " vermeille » pour accentuer l'effet spectaculaire, ce qui est très utilisé chez tous les

auteurs médiévaux, en particulier par Chrétien de Troyes dans Erec et Enide. Les anneaux sont des

objets magiques très importants dans les différents folklores et apportent souvent l'invisibilité à leur

porteur, thème ayant été repris par le Seigneur des Anneaux de Tolkien. " Tout anneau relie et isole à la fois. Il est un signe d'appartenance à une communauté, en même temps qu'il met à part celui qui le porte, il le protège aussi des influences extérieures »

explique H. Berton14. Mais des vêtements peuvent également être magiques et avoir un rôle de

protection. En revêtant les habits d'un autre, le héros peut changer son apparence, et obtient alors les

pouvoirs de l'ancien propriétaire. Les objets magiques offrent donc une protection, soit directement

grâce à leurs vertus, soit grâce à l'interprétation que font les adversaires du héros. Ainsi les bottes de

sept lieues s'adaptent aux pieds de celui qui les porte et permettent au Petit Poucet de fuir. Avoir mis

sur sa tête et celles de ses frères les couronnes des petites ogresses lui a également permis d'usurper

leur identité et de sauver sa vie ainsi que celle de ses frères. Pareillement, la peau d'âne dont le

personnage éponyme se revêt n'a pas en lui-même des propriétés magiques, mais c'est grâce à elle

qu'elle échappera à son père et trouvera son prince, regagnant un statut social lorsque le prince verra

ce qui se cache sous l'apparence au premier abord repoussante.15

Pour rompre le sort, Bisclavret et Mélion ont besoin de leurs habits et Mélion d'être touché

par la bague qui l'avait changé en loup. Mais un autre détail est important dans ce second lai : il

s'agit de la différence qui est faite entre le loup sauvage que Mélion devient une fois arrivé sur les

terres d'Irlande, où il se met à vivre en meute, à tuer du bétail... et le loup apprivoisé qu'il devient au

côté du roi. Le lai décrit qu'auprès du roi, il mange de la nourriture humaine :

13Anonyme, Lais féeriques des XIIe et XIIIe siècles, traduits par A. Micha, Flammarion, Paris, 1992, 347p.

14H. BERTON, Objets de sorcellerie, objets pour guérir, objets pour maudire, p 36, collection La Mémoire du temps,

De Borée, 2008, 223p

15 PERRAULT, Contes de la mère l'Oye, Honoré Champion, Champion classique, Paris, 2012, 466p

7 " Puis, le roi lui donna un morceau de viande que Mélion mangea avec plaisir. " Regardez, seigneurs, ce loup fait mentir sa nature" " s'exclama alors Gauvain. Tous les seigneurs s'accordèrent à dire qu'ils n'avaient jamais vu un loup aussi bien élevé. Le roi fit verser du vin dans une cuvette que l'on déposa devant le loup. Dès que ce dernier l'eut aperçue, il s'empressa d'en boire le contenu. Il en avait grande envie, croyez- moi ! Il en but une bonne quantité et le roi ne manqua pas de le remarquer. »16

Ce passage prouve que malgré sa cruauté dans la forêt, il a conservé son âme humaine. Le fait de

voir un loup manger de la nourriture humaine est un thème repris dans d'autres légendes. En effet,

cette sociabilisation du monde sauvage par ce qui est transformé par la main de l'homme (les

nourritures les plus basiques et chrétiennes étant le pain et le vin) se retrouve dans ce lai, comme

dans un conte finlandais où le vironsusi devient un loup à cause d'une malédiction. Pour rompre le

sort, il n'y a que deux solutions, que quelqu'un ose l'approcher suffisamment sans avoir peur de lui

pour l'appeler par son véritable nom, thème de magie ancienne récurrent dans les légendes et encore

aujourd'hui dans la fantasy moderne, ou lui donne à manger du pain. Cette version de l'histoire peut

faire penser un peu à des histoires de la Belle et de la Bête où un homme ensorcelé doit gagner la

confiance d'un personnage féminin qui acceptera de voir qui il est vrai vraiment malgré son

apparence repoussante, le délivrant enfin de sa malédiction. Cette piste n'a néanmoins pas été

conservée pour le mythe du loup-garou.

2/ La Figure de la femme

Si la femme a de nombreux rôles dans les textes antiques, elle n'a en revanche

aucune place dans l'histoire de Lycan, ni dans les Métamorphoses d'Ovide, ni dans l'Ovide moralisé

et pas plus dans le Satiricon. Il est d'ailleurs intéressant de noter que malgré quelques rares rapports

de cas de lycanthropie féminine (surtout dans les mythologies nordiques avec les vargynjur, mais

également avec les garaches en Vendée et Poitou), ces occurences sont extrêmement rares, le loup

étant un animal masculin par excellence.

La femme a donc un autre rôle, puisque plus ou moins directement, c'est elle qui lance la

malédiction sur l'homme et le transforme en loup. En effet, dans les textes du moyen-âge il n'est

plus question de punition divine. Dans Bisclavret, et Mélion, qui est calqué sur ce premier lai, les

héros sont de parfaits chevaliers, même si Mélion a des rapports difficiles avec la gente féminine

dans le début du conte. Mais ils sont preux, valeureux et justes : " en Bretaine maneit un ber, merveille l'ai oï loër; beaus chevalers e bons esteit e noblement se cunteneit. de sun seinur esteit privez e de tuz ses veisins amez. » vers 15 à 30 du Bisclavret et dans le Mélion on retrouve : " Modèle de courtoisie et de vertu, il se faisait aimer de tous. De compagnie agréable, il était digne des meilleurs chevaliers. La suite du roi était la fleur de la noblesse et tout le monde appréciait en elle sa courtoisie, sa vaillance, sa bonté et sa générosité. » Pour Bisclavret, la malédiction est récurrente, vers 25-26 :

16Ibid note 8

8 " que en la semeine le perdeit treis jurs entiers » mais elle devient permanente à cause de la trahison de la femme traîtresse, vers 75 : " bisclavret sereie a tuz jurs »

Quant à Mélion, il prend volontairement la forme du loup avec l'aide de sa femme, mais celle-ci

(sans raison apparente puisqu'il n'est fait nulle mention d'une quelconque frayeur) repart en Irlande,

son pays natal, abandonnant son époux sous cette forme de bête : " Mais il allait avoir bien du mal pour le rejoindre, le capturer et en retira un morceau de viande.

La dame dit à l'écuyer :

" Laissons-le donc chasser tout son soûl. " Elle monta à cheval, ne s'attarda pas davantage et emmena l'écuyer avec elle. La dame s'en retourna directement en Irlande, son pays. Elle se rendit sur le port, y trouva un bateau, discuta sans plus attendre avec les marins qui devaient la conduire à Dublin, ville située en bord de mer et appartenant à son père, le roi d'Irlande : elle obtint alors satisfaction. Dès qu'elle arriva au port, elle fut reçue à grand renfort de joie. » Ici, les deux femmes trahissent leur époux, le condamnant à rester sous cette apparence

bestiale, mais dans de nombreuses autres légendes, c'est une sorcière qui condamne l'homme à

prendre la forme du loup, en lui lançant un sort. Comme dans l'Âne d'or d'Apulée, le Satiricon de

Pétrone est peuplé de sorcières qui dominent les hommes et usent de la magie pour changer leur

apparence ou celles des autres. Si la femme ne semble pas avoir un rôle dans cette métamorphose,

le spectre des autres sorcières n'est jamais très éloigné. Le rôle de la femme au moyen-âge a en effet

toujours été ambigu. Considérée par la religion chrétienne comme impure, la femme devient

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