[PDF] Sociologie du rap français : Etat des lieux (2000/2006)





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Extraits du carnet de terrain

bah tu n'as qu'à venir passer des disques à ma place ». Elle semble ravie de pouvoir m'aider tout ... Black eyed peas



1

UNIVERSITE PARIS 8-VINCENNES/SAINT DENIS

ECOLE DOCTORALE SCIENCES HUMAINES

Doctorat

Sociologie

Sébastien BARRIO

Sociologie du rap français:

Etat des lieux(2000/2006)

Thèse dirigée par M. RémyPONTON

Soutenue le25/06/2007.

Jury: M.Jean-claude COMBESSIE,Professeurà l'université deParis8 M.Mihai Dinu GHEORGHIU,Professeur à l'universitéAl. I. Cuza de Iasi/ Centre de

Sociologie européenne E.H.E.S.S. Paris

MmeAnne-Marie GREEN,Professeur émérite à l'université de Franche Comté MmeEva KIMMINICH,Professeur à l'université deFreiburg M. Rémy PONTON,Professeur à l'université de Paris8 2

UNIVERSITE PARIS 8-VINCENNES/SAINT DENIS

ECOLE DOCTORALE SCIENCES HUMAINES

Doctorat

Sociologie

Sébastien Barrio

Sociologie du rap français:

Etat des lieux(2000/2006)

3 A la mémoire de mon père André Barrio (1952-2003) 4

Remerciements:

Ce mémoire de doctorat n'aurait pas pu prendre fin sans le soutien de nombreux proches qui ont su me donner les motivations et les encouragements qui m'étaient nécessaires en temps utile. Je pense tout particulièrement à Sophie avec quije partage ma vie et qui a toujours su rester disponible même dans les moments les plus difficiles imputables à mon travail. Je pense également à Eddy,Arnaudet Martialqui ont pleinement pris la place d'amis fidèles,etqui sontde bons conseils.Mais aussià ma mère qui m'a toujours, entre autres, relu avec attention et minutie. Dans le cadre d'un travail plus concret, mon directeur de thèse M.Ponton m'a été d'une grande aide etasu écouter mes attentes etmes besoins,se montrant disponible lorsque qu'un rendez-vous me semblait nécessaire. Malgré nos rares conflits intellectuels et mes problèmes d'écriture, il a su me conseiller quand il le fallait. J'aimerai aussi remercier ici Eva et Roger pour leurs conseils de lectures amicaux et personnels qui m'ont permis d'avancer. J'aimerai aussi saluerpourleuraide et suggestions ponctuelles Jacques, Célia et M.Briand du G.E.T.I., ainsi queVania pour avoir su m'écouter. Une place toute particulière dans mes remerciementsest à accorder à toutes les personnes qui ont pris de leur temps pour me rencontrer et répondre à mes questions, et avec qui je suis pour la plupart resté en contact. Il s'agit bien entendu de, (par ordre alphabétique et non par ordre préférentiel!) Abbas (Anormalyz), Akim (La Swija), Alien D, Artik, Asco (Bunzen),Boss Row, Olivier Cachin (le premier journaliste "rap») D' de Kabal, Enz, Fredo Papi, Hamé (La Rumeur), Hi Tekk (La Caution), Jepp (Less' du Neuf), Kahlil (Bunzen), Khan, Kimto "Luzi Vasquez» (Less' du Neuf), Kobayachi (Anormalyz), L'insensé, La Fouine, Lunik, Mino, Nikk Fury (La Caution), Rach (Impact), Rapp' Deuzzé, Rémi (Impact), Rost, Stéphane, Sté Strausz, Swift, Syntax, Toty, X Slim et

Yed, mon informateur privilégié.

Un grand merci à tous les autres, qui ont participéde près ou de loin à mon doctorat,etque j'aurai par mégarde oublié,de manière non intentionnelle. 5

Résumé de thèse

Cette thèse retrace l'histoire récente de la musique rap en France, en appui avec la "théorie de l'expérience» de Shusterman, notamment de son ouvrage "L'art à l'étatvif, la penséepragmatiste et l'esthétique populaire» (Les Editions de Minuit, 1992), avec des matériaux recueillis par observation ainsi une trentaine d'entretiens. L'évolution du rap est rapprochée des avancées technologiques de l'industrie électronique comme l'arrivée du sampleur ou le développement des platinesdisques. Les travaux anciens dans la

recherche sur le rap sont revisités. La thèse caractérise les différents types de rap, étudie la

relation de ce genre avec les institutions, la scission entre rap underground et commercial, et les rapports entre générations successives de rappeurs. Un chapitre porte sur la

séparation entre culture hip hop et rap, qui est récente. On s'attache à traiter de l'écriture.

Le rap est vu comme un art médiateur entre écrit et oral. A côté des processus de la

création musicale, l'aspect littéraire de cette musique est étudié. Le cadre temporel des

observations et de la trentaine d'entretiens réalisés est la période 2000-2006. Qu'il se situe dans le rap underground ou dans le cadre du rap commercial, l'artiste est associéà d'autres intervenants, ce qui peut être analysé avec une conceptualisation reprise de Howard S.Becker dansLes mondes de l'art(Flammarion, 1988). On s'est intéressé aux intervenants qui ont le statut de "personnel de renfort». Le rap est un domaine en évolution rapide. La présente thèse dresse un état actuel des lieux avec un éclairage apporté par la rencontre avec les artistes qui dessinent un nouveau paysage de cet art depuis 2000 et par une analyse du déroulement des soirées sur scène. Elle seveut une contribution à une histoire de cette musique qui présente désormais une dimension de savoir cumulatif. 6

Summary:

This thesis,relatestherecenthistory of rap music supportedwithShusterman's "experience's theory»from his bookbook "Pragmatist aesthetics, Living beauty, rethinking art" (Les Editions de Minuit, 1992)aswell as aboutthirty interwievs.The evolution rap isconnectedwith thetechnologicaloverhang of the electronic industrysuch asthecomingof the "sampler" or thedevelopement of tune-tables. Several oldresearch intorap areupdated.The thesis characterisesdifferent typesof rap,studiesthe relations with institutions,the split between underground and commercial rap andthe awareness wichleadthe relations between young and old rap's generation.Onechapterisabout the recentdivisionbetween rap and hip hop culture.We aim at dealing with the writting process. Rap is seen as a mediation between written work and oral tradition, close to the musical creation process, the literary aspect of this music has been studied.The temporal scope for observations andabout thirty interviewsisbetween2000-2006.The artist needs help from other people,either in underground rap or in commercial rap: whichcan be analized with a conceptualizationcoming frominArt worlds(Flammarion, 1988) by Howard S.Becker. We'vedealwithpeople also called "support personnal". Rap evolution is very fast. This thesisgives a reviewofthe présentsituationwithan"entry to the ground" with the meeting of the artists whohave beencreated this "new rap" since 2000 and by an analysis of the night shows progress. Itwant itself asa contributiontowardthe history of this music wich nowoffers a dimension ofcumulative knowledge. 7

TABLE DES MATIERES:

Introduction12

ChapitrePremier: Origines et histoire du rap17

1-La culture hip hop18

a) La Zulu Nation19 b) Code moralet attitude positive21

2-L'arrivée du rap aux Etats-Unis23

3-L'arrivée du rap enFrance28

4-Les diverses origines du rap32

5-Le rap aujourd'hui et son arrivée dans l'industrie musicale38

ChapitreII: Le rap, une musique41

1-Le rap, la musique d'une génération42

a) Les anciens43 b) Les nouveaux44

2-Les acteurs du rap45

a) Le concepteur son46 b) Ledeejay47 c) Le compositeur52

3-Une musique singulière53

a) De l'ancien au nouveau53 b) Une norme subversive55 c) Vers une ouverture culturelle de la musique56

4-Une musique liée aux avancées technologiques57

a) La révolutionold school58 b) La révolutionnew school59

5-Des autodidactes de plus en plus instruits musicalement60

8

ChapitreIII: Letexte dans le rap64

1-Une prise de conscience65

a) Une prise de conscience personnelle66 b) Conscience de groupe69 c) Le témoignage71

2-Le rap, un message74

a) De la prise de conscience à la nécessité de dire74 b) Des axes de réflexion76 c) Le savoir est une arme78

3-Une musique propice au message79

a) Une histoire de message79 b) Un discours dense81 c) Un genre musical plus approprié83

ChapitreIV:Les formes du rap86

1-Les différents types de message88

a) Un message évolutif et personnel88 b) La politique89 c) Le social91 d) L'humain92 e) L'éducation95 f) La rue96 g) Le rap défenseur de cause98

2-Les différents types de rap100

a) Le rap festif101 b) Le rap poétique102 c) Le rap humoristique103 d) L'ego-trip104 e) Le rapgangsta rap106 f) Le rap à "thème»107 g) Le rap conscient108 9

ChapitreV: Un discoursfortement normalisé111

1-Comment passer son message?112

a) Le message brut113 b) Le message dilué héritier du conte115 c) L'état d'âme ou le message non voulu117

2-Les formes du message120

a)La sincérité120 b) Ne pas mentir123 c) Le message dangereux125 d) Etre responsable de son discours128

3-Réalité ou fiction130

a)La réalité130 b) La fiction131

4-L'authenticité133

a)Une notion mal comprise133 b) Qu'est-ce que l'authenticité135

ChapitreVI: L'écriture139

1-Le flow, entreoral et écrit141

a) Qu'est-ce que le flow?141 b) Entre écrit et oral145 c) Flow et identité148

2-La rédaction150

a) Comment écrire?150 b) Un besoin d'écrire?152 c) Une écriture cathartique153 d) Des compétences redécouvertes156 e) Des techniques rédactionnelles158 f) Des stylistiques mal maîtrisées161

3-S'adresser à quelqu'un162

a)Le "eux»,le "nous»et le"ils»163 b) Le "je» et le "tu»165

4-L'éducation par le rap167

a) Pour les rappeurs167 b) Pour l'auditeur169 10

ChapitreVII: Une culture populaire172

1-Culture hip hop ou culture rap?173

a) Rap et culture hip hop173 b) Une culture rap?176 c) Une culture quand même!177

2-Pluriéthnicité du rap, une culture urbaine?178

3-Un entre soi (ou la rupture avec l'ordre)183

a) Le pseudo183 b) Un langage185 c) La tenue vestimentaire188

4-Idéologie de l'économie191

a) Le rap, une activité peu coûteuse192 b) L'aspect musical, ses contraintes et ses alternatives194

ChapitreVIII: Rap et institutions196

1-Une chronique judiciaire et médiatique jusqu'à nos jours197

a)Une chroniquejudiciaire et politique198 b) Interactions avec la presse205 c) Le cas particulier des évènements d'octobre/novembre 2005206

2-Une mauvaise image211

3-Un outil institutionnel de contrôle social215

a) La création d'une nouvelle classe dangereuse215 b) Le rap comme outil institutionnel216 ChapitreIX: Entre rap underground et rap commercial219

1-La distinction220

a) Un art perdu221 b) L'underground224 c) Des objectifs antagonistes227

2-Entre attirance et répulsion229

a) Les critiques portées au rap commercial229 b) Les modalités de production musicale232 c) Un besoin d'affranchissement par rapport à l'industrie235

3-Les rapports entre les deux genres237

a) Des points communs238 b) Interaction et influence238 11 ChapitreX: L'organisation de la scène underground243

1-Un lieu d'existence artistique244

a) L'autoproduction244 b) La question de l'argent et le personnel de renfort247 c) La nécessité d'un réseau249 d) La promotion etladistribution250

2-Des histoires de familles252

a) Leader,crewetposse252 b) Compilation et lien social255 c) Lefeaturing256

3-La scène258

a) L'essence du rap259 b) Les soirées underground ou lesBattles261 c) Les soirées thématiques265 d) La loi du plus fort268

Conclusion270

Annexes276

Tableau synoptique des entretiens talon sociologique277 Tableau synoptique des entretiens données musicales281 Tableau des meilleures ventes de rap et leur classement pour l'année 2000285 Tableau des meilleures ventes de rap et leur classement pour l'année 2001286 Tableau des meilleures ventesde rap et leur classement pour l'année 2002287 Tableau des meilleures ventes de rap et leur classement pour l'année 2003288 Tableau des meilleures ventes de rap et leur classement pour l'année 2004289 Tableau des meilleures ventes de rap et leur classement pour l'année 2005290 Tableau des meilleures ventes de rap et leur classement pour l'année 2006291

Règles de la Zulu Nation292

Intervention des différents acteurs dans le cadre de la création musicale294

Codification et"entre soi»dans le rap295

Incompréhension entre rap et médias297

Rap et police300

Commercial et underground, une vieille histoire305

Glossaire306

Bibliographie312

Discographie des disques cités321

Texteschoisis326

Coupure de presse:335

James Mc Bride,La planète hip-hop, National Geographic France,

N°91 Avril 2007, P96-113

12

Introduction:

13

INTRODUCTION:

La théorie de l'expérienceempruntée à Richard Shusterman inspirée des travaux de John Dewey est un outil adéquat pour une sociologie du rap.Il l'entend comme "[...] l'essence et la valeur de l'art ne résidant pas dans les seuls objets d'art qui, pour nous, constituent l'art, mais dans la dynamique et le développement d'une expérience active au

travers de laquelle ils sont à la fois créés et perçus.»1. Cette théorieforce le chercheur à

aborder divers aspects de son objet.Son analyse peut porter sur de nombreuses facettes de

la musique, telles que ses acteurs, la manière dont elle est construite, appréhendée, jouée

sur scène, etc.Adapter la théorie de l'art comme expérience en sociologie revient à laisser

une grande place à la parole desacteurs qui sont plus à même de décrire les sentiments qu'ils partagent, pour le plus grand nombre, sur leur art.Pour ma part, je me suis attachéà mettre en lumière plusieurs particularités du rap qu'ilme semblait importantes de décrire et d'analyser tant les singularités de ce genre sont uniques dans le monde de la musique. Ces dernières années, nul nepeutcontesterl'importantessor dont a bénéficié la musique rap à travers touslesmédias.Ces derniers, qui la considéraient à l'époque comme une "mode passagère sans lendemain»,ne peuvent plus nier cette réussite grandissante allantde pair avec un succès populairetoutaussi important. Aujourd'hui

personne ne s'oppose à l'originalité du rap, ni même à son institutionnalisation au sein du

paysage musical français.Tandis qu'autrefois le rap était relégué à une musique de rue

bruyante de seconde zone,ilest actuellementidentifiécomme "Art» dans le monde musical. Charles Aznavour lui-même a récemment interprété son premier rap lors d'une émissiontélévisée.Un tel hommage de la part d'une vedette de la chanson française est une chose très rare pour une musique nouvelle.Le compositeur de Brelaégalement entièrement élaboréla partie instrumentale d'un artiste rap en 20062.Un ami,ancien étudiantau ConservatoireNationalde Paris,m'a déclaré lors d'une discussion informelle que nombre de ses professeurs composaient et arrangeaient des musiques pour le milieu rap.Ajoutons la récente apparition de rappeurs dits "durs» enprime timepour l'émission Star Academy.La reconnaissance du rap dans les sphères musicales est complète.Pour cette simple reconnaissanced'"apparence»unanime, le rap aurait mérité toute notre

1Richard Shusterman, L'art à l'état vif,La pensée pragmatique et l'esthétique populaire, Editions Les

Editions de Minuit, Collection Le sens commun, 1991, P 48.

2Voir, Abd Al Malik,Gibraltar, Universal Music France, 2006.

14 attention. Pour ma part,je proposerai dans le cadre de mon étude deme centrer sur les aspectsculturels de cette musique tantau niveau"idéologique» qui l'accompagne que dans sa construction musicale et littéraire et de son appréhension par les acteurs qui la produisent.Plus loin, nous avons fait le choix d'employer le terme"artistes»et non "producteurs»comme le préconise Pierre Bourdieu. Ce choix n'est pas le fruit d'une admiration profonde pour les producteurs de la musique rap, maisil m'estapparu comme nécessaire et adapté pourm'entreteniravecles acteurs d'un domaineartistique. A ses débuts en France, le rap a immédiatement bénéficié du qualificatif de

musique à textes militants. En d'autres termes, le rap a été placé aux yeux de tous comme

très politiséet socialisant.Si cette affirmation détientsa part de véritéau début des années

90, elle est aujourd'hui à appréhender avec beaucoup de précautions. En effet, la

professionnalisation massive du rap a entraînéquelques dérives qui affectentunart en

voied'institutionnalisation. Face à cette crise culturelle, la scène rap a su se structurer afin

de conserver saculture authentique3sauve. Le rap est une musique dont le caractère estmarquépardes évolutions très nettes et très rapides. Les acteurs toujours à l'affût des évolutions,tant techniques que technologiques,relancent continuellement la donne. Pourtant,une sociologie du rap reste possible,avecune valeur de"témoignage»d'une époque donnée. A l'instar d'études de très grande qualité comme celles d'Hugues Bazin, de Manuel Boucher, de Georges Lapassade,de Christian Béthune ou d'Anne-Marie Green, la présente étude résulte d'une enquête qui s'est déroulée àunmoment précis,elle visepour validité decernercette époque.Le cadre de mon étude est délimité par les années 2000 à 2006. Ce travail d'investigation est le fruit d'observations tant extérieures que participanteset d'entretiens semi directifs menés sur une trentaine de sujets. Le présent travail cherche à s'inscrire dans la continuité des travaux précédents, sans se démarquer sensiblement des auteurs présentés plus haut, tant ces travaux ont appuyéles analyses.Cependant illes complètepar l'approchedes thématiques qui n'avaient jusqu'alors pas trouvéleurplace dans des études sociologiques sur le rap,pour des raisonscontextuellesqui n'étaientpasalors propicesà l'intégration de ces nouveaux sujets. L'aspect technique delacomposition musicale comme celui de la construction

littéraire des textes ne pouvaient être abordésprécédemment, leur conception n'étant pas

3Edward Sapir,Anthropologie, Editions Les Editions de Minuit, Collections Points, 1971, PP 325-358.

15 encore arrivéeà maturité.Prenant souvent l'apparence d'une monographie autour du rap, la présente enquête a pourobjectifd'apporter des réponses autour de la question du rap, afin d'ouvrir une voie vers une analyse plus complète de la question. Les entretiens que nous découvrirons tout au long de la lecture de ce travail ontété sollicités.Il nous apparaissait comme pertinent de donner la paroleauxacteurs du mouvement, et ce même si ces derniersétaientponctuellementen désaccord. De manière générale,une grande cohérence quant aux propos tenus sur les points principaux est apparueaprès traitement des entretiens. Le choix des personnes que nous avons choisi de désignercomme représentativesdu mouvement rap s'est joué en deux tempsdistincts. Un tiers des entretiens a été effectuéen2000-2001. Ces entretiens m'ont à l'époqueparus représentatifs,car ils épousaient la partieundergrounddu rap, alorsquemon objectif était l'étudeexclusivede ce milieu. Les personnes avec lesquelles il m'avait été donné de m'entretenir étaient alorsBoss Row,D' de Kabal, Khan, Kobayashi, Rach, Rémi, Rost, Spike,Toty, X Slimainsi queOlivier Cachin,qui dans touteslessphèresmédiatiques passe pour être le "journaliste rap».Ces artistes m'apparaissaient intéressantsparce qu'ilsévoluaient alors dans trois sphèresde réseaux distincts qui se revendiquaient tous, plus ou moins,comme faisant partiede la tradition du"chef de file»de la scène underground:le groupe Assassin. La suite desentretiens s'esteffectuéeentreles années

2002 et 2005. Cette seconde vague d'entretiensqui constitue les deux tiers de mon corpus

est plus variée.Elleregroupe des artistes rap de toushorizons, tant underground que de rap institutionnel.Elleintègre des personnes qui ont pour prétention de n'appartenir à aucune "école» ou tradition de rap, si ce n'est pour les artistes se revendiquant de "l'open mic» qui représente plus une façon de vivre son art que de l'aborder thématiquement ou idéologiquement.L'open mic(ou micro ouvert)s'organise autour

d'évènements dans lesquels l'accès à la scène, représentée par le microphone,resteouvert

à toute personne désirant s'exprimer. Bien que le concept n'appartienne pasau sujet de notre étude, cette tendance semble se généraliser dans de nombreuses soirées rap de la capitale. Les acteurs que j'ai rencontrélors de telles manifestations qui feront l'objet d'un chapitre sont: Artik (également champion du monde 2005 d'improvisation rap), Asco (dont le groupe qu'il partage avec Khalil passe pour être le nouveau fer de lance de la scène underground), Enz, Papi Fredo, Khalil, Lunick, Rapp Dezé, Swift et Syntax. Le rap commercial est aussi représenté par l'intermédiaire de La Fouine,artiste de chez Sony et Hamé,membre du groupe La Rumeur,seulgroupe de rap signé chez unemajor (E.M.I.) 16 possédant des textes largement engagés.Nos entretiens donnent également la parole à la scène émergeante alternative rap représentéepar Nikkfurie de La Caution et aux producteurs comme Stéphane. De manière générale,les entretiens mettent en relief différentes voies de coopération et de réseaux dont le rap bénéficie. L'écriture du présent travailépouseune logique précisequiamène progressivement la réponse à"comment s'organise le rap?»et"quels sontlestraitsqui ledistinguentdes autres musiques,que nous regrouperons ici pour plus de commodité sous le terme générique de variété?». Le rap est une musique singulière dont l'organisation originale est ici analysée et expliquéedans ses détails. 17

ChapitrePremier: Origines et histoire du rap

18

CHAPITRE PREMIER:ORIGINES ET HISTOIRE DU RAP

Le rap est issu d'un tout. Il s'inscrit dans une culture et possède une histoire propre. La culture dont est issu le rap se nomme "culture hip-hop». C'est elle qui régit les règles, les codes et les normes auxquels le rap, bongrémalgré, s'est plié. Ne pas traiter de la culture hiphopseraitune erreur.On ne peut comprendrele rapsans l'aborder à partirde sa création dans un contexteglobal. La culture hiphop aspire le rap en son sein. Sans elle le rap n'a pas de sens et ne peut exister en sa forme originelle la plus authentique. C'est une culture complexe qui, selon certains,est incomprise de l'extérieur.C'estpourquoi je me suis efforcéd'en étudier aussi bien les aspects les plus visibles queles plus délicats à percevoir.Je me propose ici d'en définir un sens, un rôle et une finalitéaccessibleau plus néophyte des lecteurs qui s'intéressera au sujet. Car,contrairement à ce que l'on pourrait penser,il n'est pas si complexe d'assimilerles subtilités decette culture idéologiqueetrichedemorale.

S'intéresser à la culture hiphop est avant tout s'intéresser à une culture urbaineàlaquelle

de nombreux jeunes du monde entier s'identifient. La France est la deuxième patrie du hip hop, la première étantles Etats-Unis. Après avoir exploré et défini la culture hiphop, il nous restera à situer dans un contexte historique la création du rap aux Etats-Unis, son pays d'origine et son arrivée en France. Cesélémentsqui retraceront l'histoire du rap ne peuvent qu'élargiret enrichir notre étude, et nous guidervers une compréhension du phénomène rap sur l'hexagone.Un historique minutieuxouvrirala voie vers un entendementdu rap et de ses enjeux profonds.

1-La culture hip-hop

Le hip-hop est àla fois synonyme de culture populaire, d'arts de rue, de philosophies, de mouvementset de conscience. Les pôles artistiques véhiculés au sein de la culture hip-hop se développent en trois axes majeurs: l'expression musicale (rap,djing1, beat-box2), l'expression corporelle (break-dance3,smurf4etdouble-dutch5) et l'expression

1Voir glossaire

2id 19 graphique (tag, graffiti).La pratique d'une deces disciplinesajoute nécessairement un état d'espritet des règles plus ou moins strictes. Même siles expressionsduhip-hop nefont parfois que se croiserde manièreépisodique,elles partagentune même conscience,une philosophie urbaine qui prend sa sourcedans l'"Universal Zulu Nation». C'est au sein de laZuluNationque s'est créé le hiphop et quese sontfédéréesces disciplines.Ces dernières ont en commun un cadre moralexprimé dansleur message,c'est-à-dire un mode de vie alternatif à la violence. Etre hiphop c'est avant tout adopter des attitudes positives et développer sa créativité en"réponse» à un environnementplus ou moins hostile. a)La Zulu Nation La création de la culture hiphopet de laZulu Nationapparaîtsensiblement vers le milieu desannéessoixante-dix.Les dates varient d'un ouvrage à l'autreetd'une source à

l'autre.Toute culture possède ses légendes et la culture hiphop ne déroge pas à la règle.

Face à une profusion de récits,je proposerai ici d'en exposer laplusplausible:l'histoire de Kevin Donovan. Né le 4 octobre 1960 à New York,. Kevin au début des années soixante-dix est membre d'un gang, lesBlack Spades,qui sévit dans un ghetto du sud du Bronx nommé "Bronx River»,à New York. En 1973, fatigué par les guerres de territoires, les affrontements avec l'autoritéet les pertes humaines que cela implique,Kevinprend ses distances aveclesBlack Spadeset se lance comme disc-jockey. SerenommantAfrika Bambaataa(enhommageà un ancien chefzoulou)ilintègre"TheOrganisation»,sorte d'ancêtre de laZulu Nationqui proposait une alternative pacifiste aux gangs violents qui contrôlaient la plupart des quartiers défavorisés de New York.The Organisationn'était

pas tout à fait une association structurée, elle apparaissait plutôt commeun dénominateur

commun sous lequel se réunissait une poignée d'individus refusant les intentions

belliqueuses des gangs,etleur préférant l'état d'esprit conciliant des soirées de musique et

de danse organisées dans les rues du Bronx à cette époque.En janvier 1975, le meilleur ami d'Afrika Bambaataa, Soulski, décède à la suite d'une fusillade lors d'uneintervention de la police dans une rixe entre lesBlack Spadesetd'unebande rivale. Cet événementquotesdbs_dbs47.pdfusesText_47
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