[PDF] Untitled Madame de SÉVIGNÉ. LETTRES.





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LETTRES CHOISIES - Madame de Sévigné

vis au Palais-Royal où je vous dis que ce livre courait. Vous vou- lûtes me conter qu'il fallait qu'on eût fait ce portrait de mé-.



Madame de Sévigné et la lecture

Roger Duchene dans son livre Madame de Sevigne ou la chance d'etre femme (1) declare : "Marie de Rabutin regut chez les Coulanges une education.



Lettres choisies de Mme de Sévigné

lettres et madame de Gouville aussi : je croyais en avoir une chez moi ; mais Voilà un livre que mon oncle de Sévigné m'a prié de vous envoyer ; je.



La médecine au XVIIe siècle à travers la correspondance de M m e

Née le 5 février 1626 à Paris M m e de Sévigné mourut le 6 avril 1696 à Grignan. La correspondance de Mme de Sévigné livre des renseignements.



Untitled

Madame de SÉVIGNÉ. LETTRES. Introduction chronologie



Nicolas Garroté LIBER GASTER

https://romancesphere.fas.harvard.edu/files/romance/files/ngarrote_corpus_romance_sphere.pdf



Lectures de Madame Sévigné. Les lettres de 1671 sous la direction

trouverait dans les lettres de Mme de Sévigné l'expression privilégiée d'un ethos Le livre se termine alors au plus près du texte sur la très belle.



Madame de Sévigné moraliste : regard anthropologique et écriture

Madame de Sévigné moraliste » : désigner ainsi Marie de Rabutin-Chantal n'est pas de [f]ace à un sentiment aussi galvaudé





MADAME DE SEVIGNE DETAILS

5 févr. 2013 Lorsque Mme de Sévigné n'avait pas de lettre de sa fille à laquelle ... aussitôt après cette affirmation elle se livre à de scrupuleux et ...

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Madame de SÉVIGNÉ

LETTRES

Introduction, chronologie, notes

et archives de l'oeuvre par

Bernard Raffalli

GF FlammarionRetrouver ce titre sur Numilog.com

© 1976, GARNIER-FLAMMARION, Paris

ISBN

978-2-0807-0282-

1Retrouver ce titre sur Numilog.com

CHRONOLOGIE5 février 1626 : Naissance, place Royale, à Paris, deMarie de Rabutin Chantai. Par son père, elle appar-tient à une très ancienne et très noble famille deBourgogne. Sa grand-mère, Jeanne de Chantai, seraplus tard canonisée par l'Eglise.Sa mère, Marie de Coulanges, est fille d'un financierrécemment anobli.1627 : Mort du père, au siège de l'île de Ré.1633 : Mort de la mère, dont Mme de Sévigné ne parlejamais.1637 : Son oncle et sa tante, Philippe et Marie de Cou-langes sont ses tuteurs. La famille est nombreuse.Entourée de ses cousins, de ses oncles et tantes,l'enfance de Marie se déroule entre Paris et la maisonde campagne des Coulanges à Sucy-en-Brie. Peu decontacts avec la famille paternelle. Elle reçoit uneéducation brillante : elle apprend le chant, la danse,l'équitation, les belles lettres, un peu de latin, d'espa-gnol et surtout l'italien. Son éducation littéraire seraperfectionnée par la suite, grâce à l'amitié de Ménage etde Chapelain.1644 : Mariage de Mlle de Chantai et du baron Henride Sévigné (né en 1623), de bonne noblesse bretonne.Parmi les biens de la famille, le château des Rochersdont il est si souvent question dans la correspondance.Un mari séduisant, mais querelleur, dépensier et tropgalant.10 octobre 1646 : Naissance à Paris de Françoise-Mar-guerite de Sévigné, qui deviendra la comtesse deGrignan.Retrouver ce titre sur Numilog.com

6 CHRONOLOGIE12 mars 1648 : Naissance aux Rochers, de Charles deSévigné, le " frater ». C'est le début de la Fronde.Henri de Sévigné est du parti du duc de Longueville.Selon Conrart, " il était étrangement frondeur, commeparent du coadjuteur » (Retz).1650 : Grâce à la dot de sa femme, Henri de Sévignéachète la charge de gouverneur de Fougères.Mme de Sévigné est éconduite de l'hôtel d'Harcourtpour s'être montrée trop " guillerette ».1651 : Henri de Sévigné se bat en duel pour sa maîtresse,Mme de Gondran. Il est tué." Ce Sévigné n'était point un honnête homme et ilruinait sa femme qui est une des plus aimables et desplus honnêtes personnes de Paris » (Tallemant desRéaux).Mme de Sévigné, à vingt-six ans, se trouve veuveavec deux enfants à élever. Heureusement une bonnepartie de sa fortune a été préservée grâce au " bienBon », l'abbé de Coulanges. Une séparation de biens entreépoux était d'ailleurs intervenue peu après le mariage.1652 : Violente dispute du duc de Rohan et du chevalierde Tonquedec, dans la ruelle même de Mme de Sévi-gné. " La véritable cause du malentendu du duc deRohan et de Tonquedec, est qu'ils étaient tous deuxamoureux de la marquise de Sévigné » (Conrart).Mme de Sévigné est très entourée, très célébrée pen-dant cette période par les poètes Saint-Pavin, Marigny,Montreuil. Parmi ses amis, Mlle de Montpensier (laGrande Mademoiselle), Mlle de la Vergne (qui devienten 1655 comtesse de La Fayette), la veuve du poèteScarron (qui deviendra Mme de Maintenon), Mlle deScudéry, la romancière qui, en 1657, donne dans laClélie un portrait de Mme de Sévigné, sous le nom deClarinte.1661 : Véritable prise du pouvoir par Louis XIV.Arrestation de Fouquet, grand ami de Mme de Sévi-gné. A l'ouverture de la cassette du Surintendant, ontrouve, entre autres documents, des lettres de Mme deSévigné, que le roi lit et trouve " très plaisantes ».1663 : Françoise-Marguerite de Sévigné danse à la Cour,dans Le Ballet des Arts. L'année suivante, dans LeBallet des Amours. Elle semble avoir été un tempsl'objet de l'attention du Roi.Retrouver ce titre sur Numilog.com

CHRONOLOGIE 7

166
4

Fouque

t es t condamn l'emprisonnemen t

àvie.

166
5

Publicatio

n d e

L'Histoire

amoureuse de s

Gaules,où l'auteur, Bussy-Rabutin, fait un portrait cruel desa cousine, coupable d'avoir refusé de lui prêter del'argent nécessaire à une campagne militaire.Début d'une longue querelle entre les deux cousins.Plusieurs seigneurs et grandes dames ont été compro-mis par le livre de Bussy. Celui-ci, en 1666, est exiléen Bourgogne. Il y restera dix-huit ans.

166
9 (janvier L a plu s joli e fill e d e Franc e

épouse

,non pas le plus joli garçon, mais un des plus honnêteshommes du royaume. » Mariage à Paris, de Françoise-Marguerite de Sévigné avec le comte de Grignan,trente-sept ans, deux fois veuf, chef d'une vieillefamille provençale. Mme de Sévigné achète, pour sonfils, la charge de guidon (porte-enseigne) des gen-darmes-Dauphin.M. de Grignan, nommé lieutenant général du Roi enProvence, quitte le premier Paris pour prendre pos-session de sa charge.

167
0

Naissanc

e Paris d e

Marie-Blanche

fill e d eMme de Grignan. A 5 ans, elle entrera au couventpour toujours. 4 févrie r 167
1 Mm e d e

Grigna

n par t seul e rejoindr

eson époux. " Comprenez-vous bien ce que je souffris ? »Marie-Blanche reste à Paris. C'est le début de lacorrespondance entre la mère et la fille." II faut se consoler et s'amuser en vous écrivant. »En novembre, naissance de Louis-Provence de Gri-gnan.

1672-167

3 Mm e d e

Sévign

ren d visit e s a fille e nProvence. Rentre à Paris l'année suivante.

1674-167

5 Mm e d e

Grigna

n Paris .Naissance de Pauline de Grignan.En Bretagne, insurrections et répression brutale. 167
6 Mm e d e

Sévign

au x

Rochers

S a triomphant

esanté » atteinte pour la première fois. Elle a un rhu-matisme qu'elle va soigner à Vichy.Mme de Grignan retrouve sa mère à Paris. Elles sontensemble jusqu'en 1679, à peu près sans interruption;Mme de Grignan n'est retournée que quelques moisen Provence, dans le courant de 1677.Retrouver ce titre sur Numilog.com

INTRODUCTION 13

Pari s l'avai t fêtée jeun e fill e e t jeun e femme c e Pari

sfait de " polisseurs et de polisseuses » lui aurait donné lesel de son esprit. Les " comme disait... » abondent sousla plume de Mme de Sévigné. On ne manque pas nonplus dans le Paris littéraire et mondain du temps de luirenvoyer un écho plutôt favorable. La rumeur des chro-niques, les lettres de Bussy, La Muze historique de Loretesquissent d'elle le portrait d'une femme à la mode. Ellea " ses » poètes qui se font ses adorateurs officiels et lamettent en vers sous le nom d'Iris : Saint-Pavin, Marigny,Montreuil; Bussy laisse entendre qu'elle doit, jeuneveuve, soutenir le siège d'amoureux aussi illustres queFouquet, Turenne, le Prince de Conti! L'abbé Arnaulddans la prose de ses Mémoires, la compare, dans sacalèche, accompagnée de son fils et de sa fille, à rienmoins que Latone flanquée de Diane et d'Apollon.Elle figure dans le Dictionnaire des Précieuses deSomaize ; son portrait littéraire, dû à Mme de La Fayetteest dans la Galerie de Mlle de Montpensier, son person-nage romancé dans la délie de Mlle de Scudéry. Célèbresans être auteur, Mme de Sévigné dès sa jeunesse se voitde toutes parts cernée par la littérature. Sa grand-mèrepaternelle, Jeanne de Chantai, a laissé une abondantecorrespondance. Son père, trop tôt disparu, n'est pourMme de Sévigné que le souvenir d'un brillant billet : desfélicitations en épigramme à un favori d'Henri IV promumaréchal : " Monseigneur, Barbe Noire, Qualité, Fami-liarité, Chantai. » Mme de Sévigné commente : " II étaitjoli, mon père! » Son cousin Coulanges fut un chanson-nier et un poète très goûté. On sait que le chef-d'oeuvrede la littérature méchante et brillante, LHistoire amou-reuse des Gaules est de son autre cousin, Bussy-Rabutin.Ses meilleurs amis enfin se trouvent être le cardinal deRetz, La Rochefoucauld, Mme de La Fayette. Il appa-raît, dans un tel voisinage, bien difficile de reconnaîtreen Mme de Sévigné, un écrivain tout à fait aveugle surson propre talent. Sans doute, l'ambiguïté du genreépistolaire de la lettre familière en particulier, lui permit-elle d'opposer au fatal dilemme de l'écrivain : l'écritureou la vie, une solution originale : l'écriture de la vie.Cette solution appartient aussi à la littérature, quandbien même elle affiche l'écriteau bien connu : " Je ne suispas une page de littérature. » Ce n'est le fait ni d'unécrivain honteux ni d'un écrivain manqué, mais seule-ment d'un écrivain plus subtil.Retrouver ce titre sur Numilog.com

14 INTRODUCTION

A s'e n teni r l'harmonieus e relatio n d'un e personna

-lité polie et vigoureuse et d'un " monde » qui lui res-semble, nous n'aurions sans doute pas une très grandeSévigné. Les billets à Ménage, les relations de l'affaireFouquet à Pomponne. Le duel de mots avec Bussy nereprésente jamais que de très brillants exercices, l'heureuxéchantillonnage des prouesses d'expression d'une sociétéprivilégiée. Claudel a raillé ce bonheur d'expression qu'ilassortit a un pur bonheur d'être. " Comme on étaitheureux en cet heureux siècle! Quelle conviction! quelappétit! Pas le moindre doute n'importe où et surn'importe quoi! Mascaron, Bourdaloue, M. de Condompeuvent prêcher tant qu'ils veulent, on va les écouter avecplaisir et componction, mais chacun sait qu'il n'y a vrai-ment qu'un devoir dans la vie, ma foi, je ne trouve pasd'autre expression, c'est de s'en fourrer jusque-là! »On risque bien de se trouver déçu à chercher dans lesLettres de Mme de Sévigné une exception à cet ordregénéral. L'amitié pour Pilois, jardinier des Rochers, loinde marquer une réelle simplicité, l'ouverture à d'autresmilieux que ceux de l'aristocratie, ne signifie en fait quele dédain souligné pour la bonne compagnie locale :" Fouesnellerie », chevaliers sans manières, vieilles fillesempressées mais ridicules. Les atrocités de la répressionbretonne de 1675 n'entraînent guère que l'occasion deplaisanteries d'un goût douteux sur pendaisons et autressupplices. Passe encore que la prudence ait conduit ausilence la belle-mère d'un lieutenant général du Roien Provence, à propos de cette dure manifestation del'autorité royale. Il y a pourtant des assertions gênantespour qui songerait à s'attendrir sur la " belle âme » deMme de Sévigné : " On commence demain à pendre.Cette province est un bel exemple pour les autres, etsurtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes,de ne leur point dire d'injures, de ne point jeter despierres dans leur jardin » (30 octobre 1675).Hors l'intérêt, toujours sous-entendu, de sa bien-aimée fille, Mme de Sévigné ne voit réellement dansl'histoire que l'accomplissement d'un ordre immuable.Au moindre hiatus, invoquer la Providence. Mais jamaisle moindre coup d'oeil de génie qui permettrait d'accor-der à son oeuvre la valeur de chronique perspicace. Sitôtqu'il est question dans les Lettres de Paris ou de la Cour,ce n'est plus comme l'écrit Claudel, " la Marquiseseule qui a la parole ». Autour d'elle : les siens, ses amis,Retrouver ce titre sur Numilog.com

INTRODUCTION 15sa petite fille, les Coulanges, Bussy-Rabutin, les deChaulnes, la duchesse (sic) de La Fayette, tout cela,chacun avec sa propre voix, en un brouhaha de volière,parle, raconte, décrit, pince, caresse, demande, élude,reproche, excuse, poursuit sans fin, au milieu des larmes,des exclamations, des chansons, des éclats de rire, unrécit vif qui se faufile à travers le lourd dessin de l'his-toire officielle ».Point d'autre loi ici que celle de l'opportunisme, pointd'hypocrisie non plus dans l'aveu de tant de fidélitéssuccessives et parfois contradictoires. L'amie de Fou-quet fait sa cour à Mme Colbert. L'ancienne frondeuse(mais fut-elle frondeuse bien convaincue ?) applauditaux décisions les plus arbitraires du Roi comme larévocation de l'Edit de Nantes. La sagesse apparente deson détachement à l'égard de la Cour : " J'étais bienservante, à mon âge et sans affaires, dans ce bon pays-là »(29 mars 1680), recouvre mal l'amertume d'autres pro-pos : " Nous serons toujours de pauvres chiens... »(4 juillet 1679). Assez tard dans sa vie, Mme de Sévignéreconnaît avoir poursuivi certaines ambitions, commetout un chacun, et tâché de réussir et de se plaire dansun monde dont par ailleurs elle dénonce les mensongeset les laideurs : c'est à Retz, Fouquet, Bussy qu'ellesonge en écrivant : " Pour moi, j'ai vu des moments oùil ne s'en fallait rien que la fortune ne me mît dans laplus agréable situation du monde et puis tout à coup,c'étaient des prisons, des exils... » (31 mai 1680).Il y a bien plus de singularité dans la position reli-gieuse de Mme de Sévigné. " Coeur de glace » et " espritéclairé » selon ses propres expressions, elle voue à Port-Royal un attachement passionné. Le Père Rapin, dansses Mémoires, la situe dans la cabale mondaine des Plessis-Guénégaud, en leur hôtel de Nevers où le jansénismeprend couleur de distance plutôt que d'opposition réellepar rapport à l'autorité civile et religieuse. De ces Guéné-gaud, Mme de Sévigné ne se déclare, il est vrai, l'amieque " par réverbération ». L'amitié pour les Pomponneet surtout l'admiration continue pour les écrivains dePort-Royal témoignent davantage de sa sincérité. Maison est en droit de se demander si, pendant longtemps dumoins, le jansénisme de Mme de Sévigné ne procède passurtout d'un certain goût de la singularité : " Nos frères »," Nos messieurs », " Nos amis » sont d'excellents psycho-logues, de séduisants polémistes aux yeux de la Marquise :Retrouver ce titre sur Numilog.com

16 INTRODUCTIONune manière de parti intellectuel associant le goût de larigueur et l'exigence de la passion, un christianismehéroïque réservé à de grandes âmes : de quoi fascineren Mme de Sévigné la mondaine déçue.Or, la volonté de surprendre et d'impressionner,l'appel constant à l'imagination, la complaisance à biendire qui constituent les plus évidentes caractéristiquesdes Lettres de la Marquise, appartiennent plutôt à uneforme d'esprit que condamne Port-Royal : le triomphepar la parole souveraine d'un moi séducteur qui veut sefaire " tyran » des autres moi. Le commerce épistolaireavec Mme de Grignan, art subtil de retenir à jamais uneâme difficile, bonheur avoué d'une relation exception-nelle, vient précisément s'opposer aux opinions religieusesde Mme de Sévigné. Dieu est aussi dans les Lettres ; iln'est pas tout, il est loin de constituer l'essentiel. Dumoins l'épistolière n'est-elle pas dupe de cette contra-diction. Elle l'assume au contraire et ne cesse de l'appro-fondir, apportant ainsi à la Correspondance certains de sesaccents les plus pathétiques. " Fiez-vous un peu à moi,et me laissez la liberté de vous aimer jusqu'à ce qu'il aitplu à Dieu de vous ôter de mon coeur pour s'y mettre »(3 juin 1675). Du même coup, l'aveu d'amour terrestrey gagne en puissance. Car c'est bien d'amour qu'il s'agitet du sujet premier des Lettres sans cesse repris et débattu,à savoir le conflit entre l'amour pour la créature et l'amourpour le créateur. Car l'univers de Mme de Sévigné fut,bien plus qu'on ne serait tenté de le croire, celui de lasolitude. La fameuse représentation d'Esther est uneimage exceptionnelle de la parisienne à la Cour. A-t-elletrouvé la paix dans son jardin ?Ce jardin est loin de représenter dans la littératurefrançaise la première approche sensible du paysage pourlui-même. Jardin clos, îlot dans l'îlot de la demeure, iln'est guère que réceptacle de souvenirs et tremplin dedésirs. Il est illusion de mouvement dans un espaceouvert qui se borne à prolonger les obsessions de l'épis-tolière, " en tête à tête avec (elle) même ». Ce banc, cesgrands arbres, Mme de Grignan les a connus enfant,puis jeune fille. Ils portent en eux la marque visible d'unpassé qui ne doit jamais signifier le songe. Une alléeporte le nom " d'humeur de ma mère », l'autre celle" d'humeur de ma fille ». La promenade solitaire deMme de Sévigné aux Rochers " avec (sa) canne et Loui-son », jusqu'à la brune, plutôt que de dissoudre la per-Retrouver ce titre sur Numilog.com

INTRODUCTION 17sonne dans un ailleurs apaisant, renforce au contrairel'analyse de soi. En marchant, se prépare la lettre. C'est-à-dire que se poursuit imaginairement le dialogue avecMme de Grignan; et que Mme de Sévigné trouve " saMaison du Berger » dans un " brandebourg » isolé oùelle convoque tendrement l'image de sa fille. D'ailleursles images et les mots envahissent le paysage vrai. Lesarbres se couvrent de devises, des nymphes les habitent,des vers les font parler.On attendrait peut-être de cette présence de la nature,un entraînement au pur abandon, à cette transparenced'expression toujours prétendue. Jamais la parole ne futplus qu'ici détournée et voilée. L'évocation d'un violentorage survient à point quand l'excès du désarroi risquede déséquilibrer le contenu d'une lettre et de nuire àl'échange délicat et feutré de la correspondance. Jamaiseffort pour sortir de soi-même ne fut plus manqué. Ilfaut bien à la Marquise reconnaître cet échec, et vérifierà l'occasion l'ampleur d'une passion et du besoin de ladire qui recouvrent tout l'éventail des lieux, jusqu'à enfaire éclater la hiérarchie : " Vous me disiez l'autre jourque vous étiez bien aise que je fusse dans ma solitudeet que j'y penserais à vous. C'est bien rencontré : c'estque je n'y pense pas toujours au milieu de Vitré, de Paris,de la Cour, et du Paradis si j'y étais? » (i6 septembre 1671).Sans songer à mettre en doute l'intensité du sentimentmaternel de Mme de Sévigné, nourri d'inquiétude et desuspicion, il est peut-être bon de se rappeler que laMarquise connaissait pour l'expression de l'amour et dessentiments tendres un goût assez vif pour l'exercer surd'autres personnes que sa fille.En 1673, se trouvant en Provence auprès de Mme deGrignan, c'est à son amie Mme de La Fayette qu'elleadresse ses plaintes. Mme de La Fayette lui a-t-elleécrit que ses journées sont " remplies » ? La Marquises'inquiète et se croit oubliée. L'exploration de l'absenceà laquelle elle doit alors se livrer s'accompagne de tantde défiance que sa correspondante s'en irrite quelquepeu. Et la romancière qui ne confondit jamais, pour elle,la littérature et la vie, de lui répondre : " Hé bien, mabelle, qu'avez-vous à crier comme un aigle ?... Vous êtesen Provence... Vos heures sont libres et votre tête encoreplus, le goût d'écrire vous dure encore pour tout lemonde. Si j'avais un amant qui voulût de mes lettreschaque matin, je romprais avec lui. Ne mesurez doncRetrouver ce titre sur Numilog.com

l8 INTRODUCTIONpoint notre amitié sur l'écriture; je vous aimerai autant,en ne vous écrivant qu'une page en un mois, que vous,en m'écrivant dix en huit jours » (30 juin 1673).Les lettres de jeunesse à Bussy-Rabutin disent assezcomment on peut avoir le ton et les exigences desamants sans en posséder le statut réel : " Ce ne sont pasles choses, ce sont les manières », estime Mme de Sévigné.La lettre se plait à jouer avec les mots, à faire glisser parexemple la dispute galante sur le terrain du duel :" Levez-vous Comte, c'est bien battre un homme àterre, etc. » Mme de Merteuil reprendra dans Les Liaisonsdangereuses, ce badinage guerrier avec Valmont pour luidonner bientôt le tour cruel qu'on sait, non sans rappeleravec ironie que " nous ne sommes plus au temps deMme de Sévigné ». Cent ans ont passé; la langue de labelle société, avec sa rhétorique éprouvée, ne se contenteplus de séduire et de jouer : elle veut agir et peut perdreet tuer.Les jeux de l'esprit, pour Mme de Sévigné, nourrissentd'abord une vocation d'écrivain révélée par l'événementaux environs de sa quarante-cinquième année. L'espritpour la Marquise n'est plus alors simple chant de l'oiseau :il est la littérature, seule arme de séduction pour cettefemme séparée de l'objet aimé : " Je ne sais où me sauverde vous... », écrit-elle en 1671, lors de la première sépa-ration d'avec sa fille. Et la passion dès lors s'installe enelle. La frivole Sévigné de la jeunesse, celle qui selonla Gazette avait été éconduite de l'hôtel d'Harcourt pours'être montrée " trop guillerette », la trop libre jeunefemme dont parle Tallemant des Réaux, est morte àjamais. Celle qu'avaient célébrée les poètes à la mode,doute soudain d'elle-même : " Embarquée dans la vie sansmon consentement... » " II faut se consoler et s'amuser envous écrivant... » Tel est le projet. Mais bien vite, Mme deGrignan rejoint les images anciennes de la Princesse Loin-taine, et Mme de Sévigné trouve pour s'adresser à elle laplus éprouvée rhétorique de l'amour. Le monde entiers'organise autour de cette passion déchirante : sur lepaysage réel de Paris ou des Rochers vient se superposerle paysage d'abord imaginé de la Provence. Le temps,comme chez Proust, éclate et illumine un univers jus-qu'alors opaque; univers trop protégé que la fêlure de laséparation amène à la conscience de Mme de Sévignépour être exploré et dit. Le texte retourne sans fin à sapropre durée et se nourrit de lui-même.Retrouver ce titre sur Numilog.com

INTRODUCTION 19Le premier effet de l'absence révèle à Mme de Sévignéson temps intérieur : " Je dois à votre absence le plaisir desentir la durée de ma vie en toute sa longueur » (15 sep-tembre 1679). C'est alors qu'elle mesure tout ce qui lasépare d'un monde dont, auparavant et de façon si natu-relle, elle faisait partie intégrante. Bientôt, elle se découvreelle-même et jusqu'en sa douleur prend conscience defaçon aiguë de sa propre singularité. Mieux, dans cetapprentissage de soi-même, qui est le support de toutegrande oeuvre égotiste, Mme de Sévigné se prévoit,s'imagine et se représente. Très vite, si Mme de Grignanconstitue le centre apparent des Lettres, c'est Mme de Sé-vigné qui en est le centre réel. " Cette douleur que jesens pour vous, c'est ma douleur. » Et Mme de Sévignése complaît à détailler ce retour sur soi d'où elle ressortsi exceptionnelle. " J'ai passé ici le temps que j'avaisrésolu, de la manière dont je l'avais imaginé, à la réservede votre souvenir, qui m'a plus tourmentée que je nel'avais prévu. C'est une chose étrange qu'une imagina-tion vive, qui représente toutes choses comme si ellesétaient encore : sur cela on songe au présent, et quandon a le coeur comme je l'ai, on se meurt » (26 mars 1671).Ecrire des lettres, c'est aussi recevoir celles que l'onattend. Peu de temps après la séparation, Mme de Sévignédécouvre, comme lectrice, cet autre piège de l'écriture,exaltant et décevant à la fois : Mme de Grignan aimemieux lui écrire ses sentiments que les lui dire! Uneautre vie serait donc possible, où l'harmonie serait créée...Aux incertitudes de la présence vraie se substituent lestriomphants simulacres de l'écriture. Un jour vient, oùnon sans effroi, Mme de Sévigné s'étonne d'un tel pou-voir. " Eh quoi, ma fille, j'aime à vous écrire, cela estépouvantable, c'est donc que j'aime votre absence! »Un roman d'amour par lettres pouvait alors s'édifierdans le mouvement vrai d'une vie : un roman à coups dephrases et de mots, où règne l'amour mais surtout lamanière de le dire. Il va sans dire que ce " livre » deMme de Sévigné, restitué par le lecteur moderne etmême fabriqué par lui, c'est-à-dire par les éditeurs, sonauteur ne l'a jamais lu. D'abord, parce que ses lettres nepeuvent prendre fin qu'avec les retrouvailles et la mortet que cette oeuvre sans clôture est pour elle secrètejusqu'au bout. C'est sa fille, seule destinataire, seul publicvoulu des lettres, qui rappelle à la Marquise, la litté-rarité de ses textes. Du moins, puisque les lettres deRetrouver ce titre sur Numilog.com

20 INTRODUCTIONMme de Grignan sont perdues, en avons-nous l'écho àtravers les protestations coquettes de sa mère : " Je vousai ouï dire que j'avais une manière de tourner les moindreschoses; vraiment, ma fille c'est bien vous qui l'avez... »(8 janvier 1674). Ses propres compliments à sa fille lais-sent assez entendre que loin de troubler l'expression,la douleur inspire de beaux morceaux : " Vous étiez dansles bouffées d'éloquence que donne l'émotion de ladouleur » (16 août 1675).La plus grande originalité de ce " roman d'amour »tient peut-être à l'impossibilité pour le lecteur de ledégager des lettres sans recourir à un choix plus ou moinsarbitraire. Il y a bien sûr, et surtout dans la privation oùnous sommes des lettres de la fille, ce ton passionné etplaintif qui évoque la Religieuse portugaise. C'est, parfois,presque de l'élégie : " Et plus que tout cela, ma bonne,admirez la faiblesse d'une véritable tendresse, c'estqu'effectivement votre présence, un mot d'amitié, unretour, une douceur me ramène et me fait oublier »(août 1678 ?). Une élégie qui peut se retourner en défi :" Quand c'est au contraire de vous trouver trop dure surmes défauts dont je me plains, je dis " Qu'est-ce quec'est que ce changement ? " et je sens cette injustice, etje dors mal, mais je me porte fort bien et prendrai ducafé, ma bonne, si vous le voulez bien. »Mais près du roman d'amour, coexiste la matière d'unjournal intime, d'un roman de l'argent, et aussi d'unegazette, sinon de Mémoires. Ne s'agit-il pas souvent devoir les choses " par le petit bout de la lorgnette », derévéler " le dessous des cartes » de ce monde conçu commecontrepoint d'une si belle et si incomparable passion car :" S'est-il jamais vu commerce comme le nôtre ? » Onpourrait aussi dégager les éléments d'un itinéraire spiri-tuel, un recueil d'historiettes piquantes, les aphorismesd'un moraliste : livre multiple et mobile qui ne s'arrêtejamais à un type d'écriture. Chaque lettre en particulierobéit à cette loi unique de n'en connaître aucune : élansdu coeur, commérages, cris d'angoisse et badinage,méditation religieuse et critique littéraire, comptes,recettes de cuisine, conseils de médecine, tout le tissude la vie pénètre dans la libre forme de la lettre, maisd'une lettre qui se moque bien des règles épistolaires : " IIfaut un esprit naturel et du monde pour pouvoir s'accom-moder de mes lettres. »La thématique des lettres à Mme de Grignan est cepen-Retrouver ce titre sur Numilog.com

26 INTRODUCTION

vrai e curiosité l e besoi n profondémen t littéraire d'orga

-niser le monde autour d'un centre qui lui est reconnu.Nulle chronique de l'époque qui soit plus truquée quecelle de Mme de Sévigné. Un historien pourrait à justetitre s'irriter des désinvoltures de la Marquise ou de sesomissions volontaires et estimer que les Lettres ne consti-tuent pas une contribution bien sérieuse à l'histoire duxvne siècle. Selon les besoins précis du contexte, la Course fait le lieu le plus glorieux, le plus propre à dispenserle bonheur, ou " l'iniqua corte », l'enfer où grouillentdans l'ombre et dans la lumière les plus affreux scandales;la salle des pas perdus où l'on parle et où l'on ne répondpoint, où il faut deviner, où l'on ment, où les motsconfondent, brouillent et perdent. En contraste, le" commerce » de Mme de Sévigné et de sa fille échappeaux classifications traditionnelles du monde 'et se pared'un éclat renforcé. C'est que grâce à ce commerce,Mme de Sévigné invente en même temps qu'un rapporthumain, un type unique de littérature, rêve secret de biendes écrivains : écrire sans avoir à faire de livre. Il estcertain que Mme de Sévigné plaisante lorsqu'elle évoquepour sa fille le livre qu'elle veut écrire sur l'ingratitudeou sur l'amitié, ou les sollicitations de l'éditeur Bar-bin, pour qu'à son tour elle produise des Princesse de Mont-pensier. Ces doctes traités, ces dissertations brillantes, sifort à la mode de son temps, elle ne se soucie ni de les répé-ter ni de les imiter. Elle en possède largement la matière,mais l'écrit autrement et à travers d'autres matières, parvariations, reprises, exemples, citations, en évitant lavanité du discours général qui prétend à l'intemporalité.Le livre qu'a laissé Mme de Sévigné n'a pas été connud'elle. Pouvait-elle douter, comme l'écrit le prince deLigne, " que la postérité est une grande ouvreuse delettres » ? Aucun livre, on le sait, ne peut se borner àêtre " livre-écrit » et n'existe que par être " livre-lu ».Tel qu'il se présente, c'est le seul livre possible pour lamondaine qui ne veut pas faire profession d'auteur(ce marchand de mensonges).C'est le livre possible pour la chrétienne, dont le pro-pos renvoie aux livres des autres, aux actions des autres,aux guerres des autres, aux amours des autres et recueillede toute cette vie racontée les aphorismes et les véritésgénérales susceptibles de trouver place dans un livrede Raison comme la duchesse de Liancourt par exemplepouvait en rédiger un à l'usage de sa petite-fille.Retrouver ce titre sur Numilog.com

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C'es t enfi n l e livr e possibl e pou r l a femm e d e passio

nqui ne voit et ne vit l'expérience du monde et celle de lamorale que par rapport à l'être aimé : une mort, unmariage, l'état d'une fortune, et c'est en filigrane, la mortpossible de Mme de Grignan privée de soins adaptés,un mariage ou une fortune qui auraient pu mieux illustrer" la belle Maguelonne ». Ainsi, de bien des manières, lalettre fait l'écrivain et assure la bonne conscience.Mais la plus grande ambition de cet art ambigu consisteà vouloir atteindre la transparence absolue de la commu-nication en refusant les " effets » de la littérature. De touteévidence, Mme de Sévigné cherche à convaincre que sonécriture est celle de la spontanéité pure, d'une spon-tanéité qui rendrait parfaitement compte de sa sincéritéprofonde : " On croit quelquefois que les lettres qu'onécrit ne valent rien parce qu'on est embarrassé de millepensées différentes! mais cette confusion est dans latête tandis que la lettre est nette et naturelle » (8 dé-cembre 1673). Mme de Sévigné ne veut pas écrire untexte, composer, " traduire » ses états d'âme dans unelettre mais être cette lettre même. Plutôt que de rendrecompte du vécu, vivre dans l'échange épistolaire. Nullefrontière ne doit exister entre l'écrit et le vécu dès lorsqu' " il n'y a plus de pays fixé par moi que celui où vousêtes » (29 avril 1671). Tout se mêle et se compénètrepour créer l'illusion de la présence : " un souvenir, unlieu, une parole, une pensée un peu trop arrêtée, voslettres surtout, les miennes même en les écrivant... »(18 février 1671).Mais Mme de Sévigné ne se prive pas de recourir à dif-férents styles, y compris celui de la parodie; elle multiplieportraits, maximes, saynètes, quitte à dénoncer du doigt lalittérature : " Voilà une belle digression... » ou " Mais jereviens... » Ce " style naturel » ne saurait passer pourinnocent que pour des yeux naïfs. Il n'existe en fait, plus" d'intériorité » du tout dans la lettre, tout se trouvantplacé au même niveau, l'angoisse d'un coeur privé de laprésence aimée, l'incendie des Guitaut, la lecture desPensées, un mot plaisant de Mme Cornuel, ou une médi-tation sur la mort qui guette l'écrivain lui-même...Mouvement dense, mais toujours et seulement en surface.Rien d'étonnant que l'aspect le plus vanté de l'art deMme de Sévigné soit précisément cette valeur " pictu-rale » de son écriture.Peut-être même ce qui nous touche le plus aujourd'huiRetrouver ce titre sur Numilog.com

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n e serai t autr e qu e cett e histoir e d'un e expérienc e litté

-raire qui a fait l'écrivain, un peu comme le " journal »d'une oeuvre qui par le rappel de la " différence » de la vieet de la littérature, dégage la grandeur de la création.Les lettres à Mme de Grignan s'affirment comme uncombat contre une vie injuste qui impose la séparation etl'inharmonie. La régularité de la correspondance commel'importance des sujets prosaïques traduisent l'impérieuxbesoin pour Mme de Sévigné d'installer solidement l'artdans le réel.Il n'en est pas de même dans les lettres aux correspon-dants autres que Mme de Grignan, où Mme de Sévignése borne le plus souvent à rendre au monde ce qu'elle areçu de lui de meilleur, où le monde reste seul juge etcréateur de ses propres valeurs, y compris les valeursd'esthétiques. Son vrai langage, Mme de Sévigné ne letrouve guère que dans les lettres à sa fille à partir d'uneidée de séparation qui joue chaque fois pour elle le rôlede la tasse de thé ou du fameux pavé disjoint de Proust :l'épreuve d'une distanciation et la découverte d'uneconscience.Aussi si certains schémas ou certains tours de la lettremondaine subsistent, ils sont sans cesse compromis etbattus en brèche par le trop-plein d'un moi toujours prêtà déborder les jolis morceaux réguliers. Tout le prix deslettres est dans cet écart. Le rêve vient parfois jouer avecles catégories de l'espace et du temps, se mêler au souveniret à la culture pour tisser un autre espace, un autretemps. Mme de Sévigné lit-elle aux Rochers, seule, dansun cabinet de verdure, voici le livre qui lui suggère unerencontre idéale aux Rochers de la mère et de la fille :" l'hippogriphe » ou " l'homme noir » amènerait mira-culeusement Mme de Grignan. Celle-ci rejoindrait sonchâteau, la lecture commune terminée. Par la complicitéde l'Arioste, qu'elle aime tant, la Marquise n'hésite pasà recourir à l'extraordinaire et au féerique pour satis-faire, ne serait-ce que l'espace d'une phrase, à un besoind'élargir son ciel. Soudain la littérature se découvre, etaprès ses prestiges, révèle ses limites : l'espoir fragilen'est lié qu'à l'art et à ses artifices. A ce seul prix peuts'envisager la rencontre qui était l'enjeu. Et le rêve seheurte à son implacable fin : Mme de Grignan doitretourner à son château. La distance reparaît, et l'ima-gination doit se tourner ailleurs pour éviter le piétine-ment. Cependant les réunions inspirées sont toujoursRetrouver ce titre sur Numilog.com

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plu s sûre s qu e le s réelle s Mo n coeu r es t e n repo

squand il est auprès de vous », écrit Mme de Sévignéle 5 octobre 1673, mais ce que nous devinons, à traversles lettres, des rencontres réelles des deux femmes,semble bien laisser à entendre que l'harmonie épisto-laire leur accordait plus d'apaisement : " J'étais ledésordre de votre vie », assurait Mme de Grignan. Desamis répétaient chaque jour, après une nouvelle sépa-ration : " Ah! que vous voilà bien, à cinq cents lieuesl'une de l'autre, voyez comme Mme de Grignan seporte; elle serait morte ici; vous vous tuez l'une l'autre! »(27 juin 1677).Les retrouvailles parisiennes de 1678 semblent avoirété particulièrement pénibles. Le désaccord prend dansl'affrontement réel la forme de souffrance la plus vivepour la Marquise : l'absence de communication :" J'accorde avec peine l'amitié que vous avez pourmoi avec cette séparation de toute sorte de confidences... »(août 1678).L'union tendre se reforme sitôt que les " revoilà dansl'écriture ». C'est dire que la Mme de Grignan desLettres comme la Mme de Sévigné des Lettres ne sontsans doute pas exactement celles que leurs contempo-rains ont pu connaître.Une liberté s'instaure dans la lettre qui constitue, pourla Marquise, le champ de tous les possibles. Rien n'estsubi, tout est créé. C'est alors qu'on peut se complairesous la joie de cette révélation, à la réussite d'un mot oud'une tournure, à l'effet d'une phrase, à ce qu'il faut bienappeler le métier d'écrivain. Et ce, jusqu'aux formulesles plus traditionnelles, par exemple celles des fins delettres : " Adieu, ma très chère et très loyale, j'aime fortce mot : ne vous ai-je point donné du cordialement?Nous épuisons tous les mots » (4 juillet 1680).Tant de liberté ne va pas sans contrainte. L'éparpille-ment même de la lettre, la curiosité et le prodigieux pou-voir de distraction qu'elle exprime, plutôt que de lalégèreté ou de l'impuissance à se fixer correspondant àune faculté rare de la littérature : éprouver la multipli-cité des lieux, des temps et des êtres, la retenir et la fixerdans la forme verbale. Morceaux brillants et morceauxatones se soutiennent mutuellement. " Prairies » et<( landes » ne peuvent être séparées ; leur décalage a cepen-dant servi de prétexte pour contester à Mme de Sévignésa qualité d'auteur à part entière. Comme si, pour appar-Retrouver ce titre sur Numilog.com

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teni r l a littérature i l suffisai t d e recouri r u n langag

efictif tel que le roman, la tragédie, l'ode et peut-être legenre épistolaire lui-même. Comme si le seul fait de lapublication constituait l'écrivain.Mme de Sévigné ne publia pas en effet, et n'écrivit quepour une lectrice, avec tout au plus l'idée d'un publictfhappy few. Mais quel écrivain n'a rêvé d'écrire pour celecteur idéal qui saurait comprendre que sa propre litté-rature est autre chose, en deçà ou au-delà de la littérature ?L'expérience de Mme de Sévigné rejoint davantagecelle de Stendhal, de Virginia Woolf ou de Proust quecelle de Voiture ou de Guez de Balzac. C'est en se riantque Mme de Sévigné associe à propos de ses lettres,l'éloge d'une " voiture » ou d'une " portugaise ». On netrouve d'esquisse de Mme de Sévigné ni dans les Lettresgalantes de Pellisseri, ni dans Deimier, ni dans La Serre,ni dans Boursault, autres Secrétaires à la mode, ni mêmedans les Amitiés, Amours et Amourettes de M. le Pays,où l'on rend compte par exemple d'un voyage, d'un balridicule, où l'on trouve des " plaintes pour ne pas recevoirde réponse », où l'on répond " un jour de médecine »,où l'on remercie de " protestations d'amitié », où l'on seplaint d'un départ, où l'on remercie d'une tendresse :exercices d'esprit taillés en modèles, anonymes, simple-ment juxtaposés, ils se proposent comme instruments depolissage d'une société, mais un Rabutin n'aurait rienà apprendre d'eux.Mme de Sévigné apprécie bien plutôt les nuancesimperceptibles et les sous-entendus des grandes âmesqui sont souvent de grands princes et ont de grands motsà double entente : ainsi la duchesse de La Vallière,devenue Soeur Louise de la Miséricorde, et répondantà Mme de Montespan venue la voir : " Je ne suis pasaise, je suis " contente ". » Partout, Mme de Sévigné laisseparaître un goût très vif pour l'allusion et toutes lesformes que prend une pensée pour signifier qu'elle n'estdupe ni des hommes ni de leurs institutions et qu'on nesaurait trouver dans des manuels. Pellisseri lui-mêmedans ses Lettres galantes, après avoir cité un impromptudu duc de Saint-Aignan, nomme Mme de Sévigné parmiles dames qui assurent à Paris la prééminence en matièred'esprit. Tout naturellement, le xvne siècle avait cons-cience de cette " littérature » hors les textes qui nourris-sait et inspirait l'autre. D'autres rapports avec les motset l'écriture existent donc hors des circuits traditionnelsRetrouver ce titre sur Numilog.com

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