SÉQUENCE : Sait-on qui est le plus fort ?
DOMAINE 5. ? Organisations et représentations du Maître Renard par l'odeur alléché
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Jan 15 2008 historique
Séquence 4
PATHELIN – Par saint Jean tu as raison
Humanités littérature et philosophie
Jul 2 2019 5. Aucune de ces entrées n'est spécifiquement littéraire ou philosophique. Chacune d'entre elles ... La Farce de Maître Pathelin (XVe s.).
Discipline : Sciences de lEducation
Daniel FRANDJI Maître de conférences HDR
Des jeunes de 14 à 16 ans « incasables » ? Itinéraires délèves aux
Aug 2 2008 Nouvelle scolarisation en collège dans une ville voisine en 5 ... Le maître de stage ne peut accepter les tentatives de vols chez les.
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LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10LA SOCIÉTÉ TOTALITAIRE DANS
LE RÉCIT D'ANTICIPATION DYSTOPIQUE,
DE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXe SIÈCLE,
ET SA REPRÉSENTATION AU CINÉMA
THÈSE
Pour obtenir le grade de Docteur de l'Université Nancy 2Doctora
t nouveau régimeDisciplines
: Littérature Comparée et Sciences de l'Information et de la CommunicationPrésentée et soutenue publiquement par
François RODRIGUEZ NOGUEIRA
Sous la direction des Professeurs
Françoise SUSINI-ANASTOPOULOS et Éric SCHMULEVITCHREMERCIEMENTS
INTRODUCTION
1895 est l'année de la publication d'un roman considéré dans de nombreux ouvrages
spécialisés comme étant le premier roman de science-fictiond'Herbert-George Wells (1866-1946). Le récit de l'écrivain britannique illustre une théorie qui
va se propager dans la littérature de science-fiction : la société moderne porterait en elle les
germes d'une autodestruction quasi inévitable. L'oeuvre laisse transparaître un réalisme social
hérité de Dickens et de Zola, ce qui le conduira à militer en faveur du socialisme (il rencontra
Lénine en Russie en 1920 et Staline en 1934). Dès lors, la science-fiction ne va plus
se développer comme une simple réflexion sur les machines du progrès qui accompagnent lesrêves de sociétés nouvelles et utopiques du XIXe siècle. L'idée d'un XXe siècle n'étant pas à la
hauteur de ce qui apparaissait comme la marche vers la réalisation de ce rêve de progrès, va
profondément modifier les consciences. L'application des théories marxistes en Russie, puisl'essor des fascismes en Italie et en Allemagne vont entraîner une lecture beaucoup plus
pessimiste de l'application de ces utopies. Ce regard porte sur le XXe siècle était notamment celui d'Herbert Marcuse : " Un progrès accru semble devoir être lié à une perte accrue de liberté. Les camps de concentration, les exterminations massives, les guerres mondiales, les bombes atomiques ne sont pas un " retour à la barbarie » mais l'application incontrôlée des progrès de la science, de la technologie et de la domination moderne. La soumission et la destruction les plus effectives de l'homme par l'homme se produisent à l'apogée de la civilisation, alors que les conquêtes matérielles et intellectuelles de l'humanité sembleraient permettre la création d'un monde vraiment libre. » 1 Cette désillusion va se traduire par un changement de point de vue sur la possibilitéd'une société idéale, et notamment sur rôle de la science dans cette entreprise. L'on parlera
alors de dystopie. Parfois utilisée comme synonyme d'anti-utopie, la dystopie est assimilable à
une fiction politique pessimiste, elle est donc communément considérée comme le contraire de
l'utopie. L'homme ne sera plus l'inventeur d'une société parfaite, mais plutôt d'un système
d'oppression absolu, fondé sur un État omnipotent, organisé scientifiquement par un régime qui
élimine rapidement toute opposition. Ce courant dystopique (également appelé contre-utopie),
occupe un espace particulier dans la littérature de science-fiction. La principale caractéristique
de ces récits d'anticipation dystopique est de se projeter dans un futur d'un réalisme saisissant,
1Cité par
Théodore Roszak,
, Paris, Stock, 1970, p. 126.la société imaginaire de la contre-utopie s'opposant à l'apologie du monde parfait, décrit dans
la tradition de l'utopie, et dénonçant les travers de la socié té imaginée. Cependant, la différence entre utopie et contre-utopie n'est pas seulement due aucontenu du récit, de nombreux récits utopiques ont une fâcheuse tendance à créer des sociétés
inhumaines. Si ces deux types de récit divergent sur la forme littéraire, c'est principalement à
ca use de l'intention de l'auteur : la création d'un monde tel qu'il devrait être dans une utopie serésume bien souvent à la construction de sociétés inhumaines, alors que les contre-utopistes, ou
dystopistes, dénoncent l'illusion d'une société idéale qu'ils décrivent comme un enfer pour
l'homme. Réaction au désenchantement causé par l'échec des grandes idéologies du XXe siècle
et dénonciation des dérapages de la science, la dystopie sociale prend le relais de la contre-utopie anti-totalitaire. Elle traduit le désarroi et les interrogations d'une société empêtrée dans
ses problèmes structurels. Métaphore de la psyché des grandes terreurs de notre temps, ellepeint des futurs noirs, carcéraux, rationalisés, déshumanisés, dans l'intention de tirer des
sonnettes d'alarme. Les meilleurs représentants du courant dystopique sont, à ce jour, Aldous Huxley (1894-1963) ave
c (1932), roman qui traite de la pratique de l'eugénisme et du contrôle des émotions et des désirs, George Orwell (1903-1950) qui aborde dans (1948) lamanipulation du langage et du contrôle des consciences afférent: " La guerre, c'est la paix, la
liberté, c'est l'esclavage, l'ignorance, c'est la force. » 1 . Ray Bradbury, avec(1953), dévoile une société dans laquelle les livres et leurs lecteurs sont persécutés et où les
pompiers ont pour mission de brûler ces vestiges de la culture humain e.Mais le premier grand écrivain dystopiste inspiré par Wells est le Russe Evguéni
Zamiatine (1884-1937). Il s'intéressa de près à l'oeuvre de Wells, suffisamment pour lui
consacrer deux articles 2 . Zamiatine va nous donner la première peinture d'une société dictatoriale où règne la " pensée unique » : . En effet, il conçoit pour la premièrefois une dictature fondée sur la science. Au XXVIe siècle, date à laquelle se déroule le récit,
l'État Unique, dirigé par le Bienfaiteur, veille à ce que tous les citoyens obéissent à des lois
fondées sur les mathématiques (nouveau dogme), la collectivité et l'artificialité. Dans cette
société, tout est contrôlé, tous les moyens sont bons pour pouvoir espionner chaque citoyen, il
n'y a presque plus de vie personnelle. C'est un monde aseptisé où l'homme n'est plus qu'unnuméro (stupéfiante anticipation de la réalité concentrationnaire !), et où toute individualité est
1George Orwell,
, Folio, Paris, Gallimard, 1950, p. 15. 2 Ces deux articles sont reproduits dans , recueil de portraits, études et manifestes suivi de , publié en 1990 (Éditions L'Âge d'Homme).niée. Cette dystopie n'aborde plus le progrès dans une perspective scientiste ou purement
technologique, car Zamiatine condamne la science, et dénonce sa confiscation idéologique. Dès
lors, la dystopie traite le "progrès" sous l'angle éthique d'une morale sociale, mais elle est avant tout une oeuvre de propagande anti-totalitaire. Écrit en 1920, les traductions anglaise et tchèque de sont parues en 1924 et1927 sans son consentement. Traduit en français en 1929, ce roman est resté inconnu, car
censuré dans l'ex-URSS, même si nous trouvons quelques fois la référence sur l'influence de
ce roman sur un projet d'Eisenstein, . Pourtant, qu'Eisenstein ait voulu en tirer un film, entre 1927 et 1930, est du domaine de la spéculation sans fo ndements :" L'ignorance des travaux des spécialistes sur Zamiatine réduit ce chapitre à une
spéculation sur l'influence de son roman sur le projet d'Eisenstein (pp. 217-220), bien que cette proximité n'ait jamais pu être étayée sur le moindre fait ou document en dehors d'une vague ressemblance. » 1 Orwell n'a cessé de souligner l'importance du roman de Zamiatine, et a salué en lui son inspirateur. Ce qui fait la particularité de Zamiatine, c'est qu'il a anticipé dans lerégime de Staline. Tout semble avoir été prévu dans ce texte quasi prophétique, notamment la
culture officielle Tous ceux qui s'en sentent capables sont tenus de composer des traités, des odes, des poèmes pour célébrer les beautés et la grandeur de l'État unique. » 2 . Cependant,l'écriture de cette utopie d'inspiration anti-communiste, et surtout sa publication à l'étranger,
vont susciter une réaction de la part de l'État. À partir de 1929, année du grand tournant,
Zamiatine va être l'objet de constantes persécutions. C'est ainsi qu'en 1931, sur le conseil de
Gorki, il demanda à Staline l'autorisation de s'expatrier, et il est le dernier écrivain à avoir
obtenu cette autorisation. Voici les premières lignes de la lettre qu'il envoya à Staline en juin
1931 :
" L'auteur de cette lettre, un homme condamné à la peine capitale, s'adresse à vous avec la requête de commuer cette peine. Vous connaissez probablement mon nom. Pourmoi, en tant qu'écrivain, être privé de la possibilité d'écrire équivaut à une
1Rachit Ianguirov, " Natalia Noussinova,
», , n°43, Varia, 2004, [En ligne], mis en ligne le 15 janvier 2008.URL : http://1895.revues.org/document1672.html
2Evguéni Zamiatine,
, Paris, Gallimard, 1971, p. 15. condamnation à mort. Les choses ont atteint un point où il m'est devenu impossible d'exercer ma profession, car l'activité de création est impensable si l'on est obligé de travailler dans une atmosphère de persécution systématique qui s'aggrave chaque année. » 1 Dans cette lettre adressée à Staline, Zamiatine refuse la mainmise de l'État sur sonécriture, il défend le statut de l'écrivain et de l'art en général. À l'image du combat, plus récent,
mené par Soljénistsyne, il pose la question fondamentale des rapports entre le pouvoir politique
et les écrivains. S'il est courant de voir des écrivains reconnus se soumettre (pour continuer à
écrire et donc survivre) à la volonté d'un régime lors de périodes troubles, il refuse quant à lui
de voir son écriture instrumentalisée. La question de l'engagement de l'artiste est un thème très
important de notre analyse. Avec , Zamiatine anticipe très rapidement les changements qui s'opèrentdans la société russe, il prévoit ainsi le sort de la première révolution socialiste, le triomphe du
stalinisme, les crimes de la bureaucratie totalitaire qui vont constituer, sans aucun doute, l'undes faits majeurs du XXe siècle. Les clefs de son interprétation en ont d'autant plus
d'importance. Le phénomène totalitaire est l'illustration d'une irrépressible volonté de
puissance de la nature humaine qui peut se manifester sous différents masques, notammentcelui de la prétention à faire le bonheur des peuples malgré eux, et à l'image du roman de
Zamiatine, de leur imposer les schémas préconçus d'une cité parfaite. Bien que dans la
littérature, le récit utopique, et par extension, le récit dystopique s'expriment sous différentes
formes, ces deux types de récit suivent deux règles principales. La première de ces règles est le besoin d'isolement spatial et temporel qui exprime unevolonté de séparation, d'exclusion de l'autre et de l'ailleurs, le refus du monde et du présent.
Chez presque tous les utopistes, l'utopie se développe dans un univers clos refusant les
influences extérieures. Chez Platon, elle prend la forme de , sorte de micr ocommunauté refermée sur elle- même ; pour Thomas More, est une île isolée, àl'abri de l'influence du monde extérieur. Pour d'autres, le récit se situe dans un futur caractérisé
par le refus et l'effacement de toute trace du passé. Le déplacement temporel implique donc le principe radical de la . Mais ce qui est important, c'est que la notion même de temps est abolie, y compris le futur. En effet, c'est ici une caractéristique majeure du romand'anticipation dystopique : le récit prend place dans un cadre temporel particulier où la société
est régie par des lois qui empêchent l'idée de progrès, cette absence de temporalité renforçant
1Evguéni Zamiatine,
, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1990, p. 172. Voir l'Annexe (2) pour consulter la totalité de la lettre.cet état de stagnation de la société. Ce type de récit, où le temps semble figé dans une sorte
d'atemporalité inquiétante, est alors situé dans ce qui est plus communément appelé
" uchronie » 1 . Construit de la même manière que le substantif utopie (u-topia), selon la définition de Frédéric Rouvillois le lieu qui n'est pas » 2 , " u-chronos » pourrait être traduit par " le temps qui n'est pas ». Cependant, en tenant compte du propos qui nous intéresse, une meilleure définition donnerait plutôt : "le temps qui n'est pas encore", voire " le temps quirisque d'être ». C'est une traduction plus pessimiste, mais elle semble mieux correspondre à la
nature du récit d'anticipation dystopique, à celle de dude oudepar exemple. Cependant, l'uchronie ne pourra pas être associée àces romans, car cette notion est généralement rattachée à un tout autre type de roman, où le
récit expose une réécriture de l'histoire. Et lorsque l'uchronie entre dans le champ de la
science-fiction, ce qui n'est pas toujours le cas, elle désigne un récit qui bouleverse la réalité
historique, comme dans de l'américain Philip K. Dick, dans ceroman écrit 1962 l'auteur invente une réalité parallèle qui décrit l'éventualité d'une victoire de
l'Allemagne et du Japon lors de la seconde guerre mondiale.La seconde règle du récit dystopique est le caractère collectif associé à la recherche
d'une société idéale, la projection utopique s'accompagnant de la vision d'une société bienheureuse qui passe nécessairement par la notion de bonheur collectif. Cependant, il ne fautpas prendre cette forme de collectivisme comme seulement une " doctrine représentant un
socialisme non étatiste et non centralisateur qui régit la propriété des moyens de production (et
d'échange) par la collectivité » (Déf. Le Petit Robert). Dans le champ dystopique qui nous
intéresse, c'est la vie du citoyen qui est régie par l'État totalitaire. Le contrôle devient total
lorsque la conscience de ce citoyen est soumise à l'influence de l a propagande du régime. Ces critères démarquent donc un champ littéraire bien spécifique, et c'est dans ce cadreque certains dystopistes ont choisi de placer leur récit. Un choix qui n'est pas le fruit du hasard.
Dans le roman de Zamiatine, la bureaucratisation de la société est manifestement à l'oeuvre.
L'exercice du pouvoir fait de nombreuses victimes avec la violence de la Tchéka, le bagne 1 Terme utilisé pour la première fois par Charles Renouvier dans un ouvrage intitulé , en 1876. (Source : de Pierre Versins, Paris,L'Âge d'Homme, 1972, p. 904)
2 Frédéric Rouvillois, , Paris, GF Flammarion, 1998, p. 15. 3 Prix Hugo du meilleur roman de science-fiction en 1963. politique et la déportation dans les îles Solovki 1 , la liberté d'expression est limitée, et bien sûrle parti unique est instauré. Le processus politique de cet État totalitaire est donc déjà en
marche, et Zamiatine a subi les interdits de la censure. L'écriture de constitue doncun témoignage important de ces bouleversements qui ont profondément modifié la société
russe. Son oeuvre est digne d'intérêt parce qu'elle anticipe parfaitement le résultat de la
politique qui est menée en Russie d'abord par Lénine, et qui trouvera son apogée totalitaire
avec Staline. Mais bien plus qu'un témoignage, que nous qualifierons d'anticipatif,illustre le combat de la littérature, et donc de l'art, face à un régime totalitaire, il est la
manifestation de l'esprit dissident qui permet à l'art de survivre. Il apparaît donc intéressant
d'étudier de plus près ce texte afin de saisir au mieux les procédés utilisés par Zamiatine pour
l'écriture de son oeuvre, et de montrer ainsi comment un roman peut dévoiler aussi rapidementles mécanismes d'un régime totalitaire à venir, notamment par le regard d'un narrateur déjà
transformé par le collectivisme en une conscience de groupe. semble doncconstituer un espace d'articulation idéal pour des thèmes aussi importants que ceux des
rapports de l'art à l'utopie, de l'art à la science et de l'art à la politique. Avec , George Orwell se fait le témoin d'un univers concentrationnaire dont le slogan au bas des affiches de propagande : (" BIG BROTHER VOUS REGARDE ») semblefaire écho à son essai sur Charles Dickens de 1965, lorsqu'il faisait " allusion à l'absorption et
à la domestication de l'écriture radicale par la culture et l'enseignement » 2 . Avant même en 1945, Orwell avait, dans ses essais des années trente, formulé unecertaine crainte relative à l'avènement d'un monde dirigé par des dictatures totalitaires. À partir
de sa compréhension du rôle de l'oppresseur dans (, 1934), son premier roman, ou dans la nouvelle intitulée (1936), il montre l'amorce d'un engagement politique, mais c'est avec la guerre civile espagnole
et la seconde guerre mondiale que l'auteur s'engage pleinement dans le combat politique. Orwell n'a jamais caché l'influence de sur l'écriture de , il avait d'ailleurs 1Dès 1921, les prisonniers politiques sont internés dans cet archipel quasiment isolé du monde en hiver. Les îles
Solovki sont utilisées à partir de 1926 comme camp de concentration. 2 Henri Cohen, Joseph J. Levy, Sylvie Cantin, Johanne Fortin1984, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1986, p. 13.
3 Nouvelle disponible dans sa version originale à l'adresse internet suivante :écrit un article
1 ( du 4 janvier 1946) sur le roman de Zamiatine, où il exprimait safascination pour cette description anti-utopique d'un monde rationalisé et déshumanisé. Dans
, il décrit une société anglaise postérieure à un conflit atomique entre le bloc de l'Est et le
bloc de l'Ouest dans les années 50. Cette société voit l'instauration d'un régime de type
totalitaire inspiré du stalinisme, mais aussi de l'idéologie nazie. Cet univers est celui d'une
absence totale de liberté d'expression, les pensées sont fortement encadrées et minutieusement
surveillées. La propagande totalitaire s'affiche sur tous les murs et dans toutes les rues. Signal d'alarme pointant de la plume les idéologies du pire au XXe siècle, le roman d'Orwell illustre clairement l'emprunt au communisme, au fascisme et au nazisme. Le récitdéveloppe sa problématique sur une thématique inspirée de l'inévitable " Parti unique », du
culte de la personnalité, de la propagande, des slogans et des immenses affiches placardées sur
les murs, et lorsque le pouvoir dictatorial se radicalise, des confessions et exécutions publiques
et des camps de rééducation. Mais cible plus précisément le stalinisme. En effet, Staline
est encore au pouvoir lorsque paraît le roman en 1948, et Orwell y développe une réflexion commencée en 1937 avec où il exprime sa désillusion face au Parti communiste et son rôle ambigu pendant la guerre d'Espagne, le texte ayant pour vocation de raconter sa propre version des faits. De plus, la métaphore est assez explicite : en 1945, avec , elle vise directement l'URSS et Staline dans une mise en parallèlesaisissante du récit et de certains événements de 1917 à 1945. On comprend donc que le
cheminement de la pensée de George Orwell suit une logique depuis son combat en Espagne, pour défendre le gouvernement du Front Populaire (1936) dans le Parti Ouvrier d'Unification Marxiste (POUM), montrer la réalité et le danger du régime to talitaire stalinien 2 Pour Aldous Huxley, (1932) est l'occasion de traiter le futur en nous présentant les dérives d'une technologie permettant le clonage (la "bokanovskification"dans le roman) de la grande majorité des hommes. La société dépeinte sépare les hommes en
différentes classes : la base est constituée par une classe de travailleurs manuels, dominée par
une élite intellectuelle grâce à l'éducation et à l'endoctrinement. La pilule du bonheur, le ,
permet l'assujettissement du " prolétariat » dans un bonheur qui le conditionne à toujours plus
travailler. Le est une drogue distribuée par l'administration, qui empêche les habitantsd'être malheureux. Elle fonctionne comme un anxiolytique, ce qui " aide » les sous-groupes à
1 Article disponible dans . Volume IV (1945-1950), Paris, Éditions Ivrea,2001, p. 92.
2L'article " Littérature et totalitarisme » de George Orwell, reproduit dans l'Annexe (1), propose une intéressante
réflexion de l'auteur quant à la question de la liberté de l'individu et du rôle de la littérature face au totalitarisme.
coexister dans l'harmonie et donc sans angoisse. Huxley décrit une société dans laquelle le citoyen est livré au conditionnement du comportement dès le plus jeune âge. Ceconditionnement qui prendra la forme de méthodes hypnopédiques, c'est-à-dire la répétition de
leçons orales pendant le sommeil, va transformer le mode de vie des membres de cette société
en les poussant vers des loisirs nécessitant l'achat de biens de consommation pour stimuler l'activité économique. est un récit dystopique qui évoque la possibilité d'une sociétélittéralement anesthésiée par le progrès scientifique et technique, sept siècles après l'avènement
du fordisme. L'épigraphe de Nicolas Berdiaev qui introduit le roman atteste une réelle volonté
de la part de l'auteur d'inscrire son récit dans la veine dystopique : " Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu'on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ?... Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où lesintellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d'éviter les utopies et de retourner
à une société non utopique, moins et plus ». 1 Dans son roman, Huxley présente une vision pessimiste de ce qui pourrait advenir à notre société de consommation. Le système totalitaire qu'il décrit a une fonction principale : écraser et
anéantir méthodiquement ce qu'il y a d'humain dans l'homme. Cette fonction déshumanisanted'un système totalitaire reprend la thématique de la "société nouvelle" apportée par la dictature au
pouvoir, en opposition à la société traditionnelle du libre-arbitre. L'idée de la science comme
instrument du pouvoir déshumanisant était déjà présente dans (1921), un romandystopique dans lequel Huxley décrit un État tout puissant, fondé sur l'application à la politique du
rationalisme tayloriste. Les citoyens sont ainsi hiérarchisés, compartimentés et conditionnés selon
les besoins théoriques adaptés à chaque groupe :" Dans l'élevage du Troupeau, la suggestibilité quasi infinie de l'humanité sera exploitée
scientifiquement. Systématiquement, depuis leur plus tendre enfance, on assurera aux individus le composant qu'on ne trouve point de bonheur hors du travail et de l'obéissance ; on leur fera croire qu'ils sont heureux, qu'ils sont des êtres d'une considérable importance et que tout ce qu'ils font est noble et significatif. Pour l'espèce inférieure, la terre sera 1Aldous Huxley,
, Paris, Plon, 1977, p. 6.rétablie à sa place au centre de l'univers, et l'homme à la prééminence sur la terre. Ah !
j'envie le sort des gens du commun, dans l'État rationnel ! Travaillant leurs huit heures par jour, obéissant à leurs supérieurs, convaincus de leur immortalité, ils seront merveilleusement heureux, plus heureux que ne l'a jamais été aucune race d'hommes. Ilspasseront leur vie dans un état de griserie toute rosée, dont ils ne se réveilleront jamais. »
1 De même, le monde de Ray Bradbury, dans , reprend les principes d'unpouvoir dictatorial résolu à balayer le moindre sentiment chez ses citoyens. " Les gardiens de la
vérité » sont les garants de cette politique, leur cible principale est la littérature : seul moyen de
partager ses angoisses et ses passions. L'endoctrinement et la simplification de la vie médiatique
moderne sont les règles incontournables pour accéder à cette société du bonheur organisé.
est un véritable pamphlet contre les méfaits de la culture de masse superficielle, lerécit est ici un moyen de dénoncer les risques des avancées scientifiques et technologiques dans un
régime totalitaire. Bradbury remet en question la notion de progrès dans une quête utopique d'une
société du bonheur collectif Nous n'avons pas besoin qu'on nous laisse tranquilles. Nous avons besoin de vrais tourments de temps en temps. » 2 Bien entendu, d'autres dystopies sont très intéressantes à étudier, c'est le cas de (1968) de John Brunner, d' (1970) d'Ira Levin ou des (1971) de Robert Silverberg. Cependant, à part le problème de la surpopulation, ces oeuvres ne renouvellent pas vraiment les thèmes de la dystopie, elles lesmodernisent tout au plus, car, le bonheur obligatoire, l'omniprésence intrusive de l'État,
l'eugénisme et la collectivisation de l'individu sont des thèmes déjà développés dans nos
romans dystopiques. Enfin, si l'on excepte le roman de Zamiatine, nos autres dystopiesprésentent des descriptions si saisissantes de la société totalitaire, qu'elles sont entrées dans la
culture populaire :Eugénisme =
Langage totalitaire = Novlangue
Surveillance de l'État = Big Brother
L'autodafé =
1Aldous Huxley,
, Paris, Union Générale d'Éditions, 1981, p. 207. 2Ray Bradbury,
, Paris, Denoël, 1995, p. 79. Le corpus se limite certes à ces quatre dystopistes majeurs du XXe siècle, mais il reposeégalement sur les épaules de leurs prédécesseurs, héritiers de la tradition utopique. D'autre part,
pour entreprendre une analyse satisfaisante de la représentation de la société totalitaire dans le
récit dystopique, il apparaît évident que l'image comme support de propagande est un détour
inévitable. Comme dans la peinture et l'architecture, l'univers décrit dans les romans
dystopiques trouve un prolongement très intéressant dans sa représentation cinématographique.
Les régimes totalitaires avaient compris l'importance du pouvoir de l'image animée comme l'instrument moderne de leur propagande. De nombreux réalisateurs, Leni Riefenstahl ou Eisenstein, ont ainsi relayé dans leurs oeuvres le discours de propagande des régimes nazi etsoviétique. Cependant, l'intérêt de l'oeuvre cinématographique ne se résume pas ici au discour
sde propagande. En effet, la représentation de la société dans le récit dystopique accorde une
grande importance à la description visuelle de cette société, et notamment de la ville. Cette
représentation de l'univers totalitaire, et de l'exercice de ce pouvoir dans ces nouvelles villes dessinées et organisées par l'État Unique, trouve sa pleine mesure dans le (1927) de Fritz Lang. Film de chevet de Goebbels et Hitler, n'est certainement pas un film nazi, mais l'univers concentrationnaire et la "solution finale" existent bel et bien dans ce film. De plus, la présence imposante de la ville illustre parfaitement cette course au monumentalismearchitectural dans les régimes totalitaires, phénomène abondamment représenté dans nos
dystopies. Enfin, il semble aussi intéressant de recourir à certaines oeuvres cinématographiques,
lorsque celles-ci permettent d'apporter à l'analyse, par une illustration visuelle, un élément
complémentaire, un autre regard sur la dystopie et, peut-être son dernier espace d'expression. Ces adaptations sont les suivantes : (Grande-Bretagne, 1966) de François Truffaut, (Grande-Bretagne, 1984) de l'anglais Michael Radford, et (État-Unis,1971) du réalisateur américain George Lucas pour évoquer et
, et enfin, (Etats-Unis, 1997) du scénariste et réalisateur néo- zélandais Andrew Niccol et du réalisateur mexicain Alfonso Cuaròn (Grande-Bretagne, 2006). Déborder du cadre littéraire consiste ici à suivre le parcours emprunté par la penséeutopique, toujours en quête de renouvellement, de la forme qui conviendrait le mieux à
l'expression des idées et à la réalité contemporaine. Ce qui revient ici à vérifier l'expression qui
dit que " la forme, c'est le fond qui se déguise pour être entendu ». Dans un premier temps, nous verrons comment ces oeuvres sont les héritières de latradition du texte utopique, et nous tenterons de comprendre les raisons de ce véritable
retournement de l'habituel horizon d'attente, où l'on voit peu à peu l'utopie du progrès se muer
en véritable cauchemar : la dystopie, peut-être la seule et vraie finalité de l'utopie. La Russie
contemporaine de , qui constituait à cette l'époque le terrain idéal parl'établissement de rêves politiques utopiques, va alimenter ce texte fondateur de la dystopie au
XXe siècle.
Ensuite, notre étude s'efforcera de montrer de quelle façon ces auteurs d'anticipationdystopique démontent minutieusement les procédés de propagande et de conditionnement
visant au contrôle total de la société et des consciences par l'État Unique dans , ou le Parti de l'Angsoc dans . Comment ces oeuvres illustrent l'organisation du pouvoir, du mensonge fondateur à l'éradication du passé... C'est-à-dire de l'Histoire. Enfin, nous aborderons la question de la lutte de l'art pour survivre dans un régimetotalitaire, et notamment le recours des auteurs à cette forme particulière de la science-fiction
l'anticipation. Cette dernière partie devra montrer que ce type de récit s'adapte parfaitement à
l'illustration de la dissidence artistique dans l'État totalitaire. Nous pourrons ainsi voir
comment l'émotion artistique surgit dans l'organisation unidimensionnelle de l'État totalitaire,
une régénération de l'art refusant l'uniformité entropique de la société totalitaire. Cette
renaissance de l'art, pourtant consumé dans la brûlante actualité de l'organisation totalitaire,
pourra illustrer à son tour l'engagement politique de nos auteurs dans ces romans dystopiquesaux accents historiques particuliers. De plus, cette dernière partie devra illustrer une évolution
majeure de la dystopie au XXe siècle, à savoir sa prise en charge par le cinéma. L'analyse aura
ici pour finalité de montrer que, dans le renouvellement perpétuel de sa forme et de son champd'investigation, l'utopie va trouver sa place dans la représentation cinématographique, et cela
au détriment d'un récit littéraire qui peine de plus en plus à soutenir la comparaison face à
l'immédiateté de l'image dans le film de science-fiction. L'avènement du genre dystopique au
cinéma permettant enfin de montrer la ville, lieu de l'éxagération et espace idéal de la
représentation de la dystopie. Il faut ajouter que cette étude d'une confrontation de l'art au totalitarisme ne pourraitpas être complète sans des illustrations concrètes de ce qu'elle prétend démontrer. Notre propos
sera ainsi accompagné par quelques illustrations et extraits d'oeuvres artistiques de peintres,d'architectes, de poètes qui ont, dès le début, accompagnés la tradition utopique jusqu'à son
dernier avatar, la dystopie.PREMIÈRE PARTIE
DE L'UTOPIE À LA DYSTOPIE
DANSLE RÉCIT D'ANTICIPATION
A. Le récit utopique et la quête de la société idéale C'est dans un effort tendu vers l'avenir, selon le temps linéaire de la tradition judéo-chrétienne, que l'utopiste cherche à retrouver le mythe du paradis perdu. Mais l'idée de
progrès, comme moyen d'y arriver, existait déjà chez les Grecs 1 , puis chez les Romains et notamment Lucrèce : " Navigation, culture des champs, fortifications, lois, armes, routes, vêtements, et tous les autres gains de ce genre, comme aussi tous les raffinements du luxe, poèmes, tableaux, statues d'un art achevé, c'est l'usage et aussi les efforts opiniâtres et les expériences de l'esprit qui peu à peu les enseignèrent aux hommes par la lente marche du p rogrès. C'est ainsi que pas à pas le temps amène au jour chaque découverte, que la science dresse en pleine lumière. Car les hommes voyaient les idées s'éclairer l'uneaprès l'autre dans leur âme, jusqu'au jour où leur industrie les porta au faîte de la
perfection. » 21. Utopie et anti-utopie, eutopie et dystopie
Il est indispensable, pour commencer cette étude, de bien définir les termes que nous allons utiliser : utopie, eutopie, anti-utopie, contre-utopie et plus récemment dystopie. Qu'est-ce que l'utopie ? Si en donner une définition ne paraît pas vraiment difficile, l'usage n'en est
pas pour certains évident. Le récit utopique décrit-il un monde tel qu'on l'espère ? Et le roman
anti-utopique, voire dystopique, donne-t-il à voir la représentation d'un monde cauchemardesque ?1.1. Repères et sémanti
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