[PDF] Dictionnaire biographique des frères prêcheurs Notices





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Dictionnaire biographique des frères prêcheurs Notices

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La guerre civile finlandaise de 1918 vue dune commune rurale

Maurice Carrez. Presses Universitaires de France



in der von I. Halévy herausgegebenen Àthiopischen Esra-Apok K. 8

Pasteur Maurice Carrez. *. * *. G. W. Buchanan To the Hebrews. Translation



LES HISTORIENS MIS AU DÉFI ? MÉMOIRES DE GUERRE ET

Maurice Carrez « Les violences de la guerre civile finlandaise de 1918 Ce fils de pasteur né en 1900 et engagé très jeune dans les Gardes civiques.



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Mémoires et publications de la Société des sciences des arts et des

attenante au temple le pasteur catéchise les enfants. Maurice Leenders

Dictionnaire biographique des frères

prêcheurs

Dominicains des provinces françaises (XIXe-XXe

siècles)

Notices

biographiques

BEAUPÈRE Maurice

BEAUPÈRE Maurice à l'état civil, BEAUPÈRE René en religion

Étienne

Fouilloux

Édition

électronique

URL : http://journals.openedition.org/dominicains/1285

ISSN : 2431-8736

Éditeur

IMM-EHESS - Institut Marcel Mauss, Centre d'études des mouvements sociaux

Référence

électronique

Étienne Fouilloux, "

BEAUPÈRE Maurice

Dictionnaire biographique des frères prêcheurs [En ligne], Notices biographiques, B, mis en ligne le 25 juillet 2020, consulté le 20 mars 2021. URL : http:// Ce document a été généré automatiquement le 20 mars 2021.

© CEMS / IMM-EHESS

BEAUPÈRE MauriceBEAUPÈRE Maurice à l'état civil, BEAUPÈRE René en religionÉtienne FouillouxNOTE DE L'ÉDITEURNotice mise en ligne le 25/07/2020.

• Vestition pour la Province de Lyon : 7 décembre 1944 à Angers • Profession simple : 8 décembre 1945 à Angers • Profession solennelle : 25 février 1949 à Saint-Alban-Leysse • Ordination sacerdotale : 9 juillet 1951 à Saint-Alban-Leysse

1 Écrire que le père Beaupère est né à Lyon le 2 mars 1925 ne suffit pas. Il faut ajouter

qu'il est né dans l'appartement familial, au coin de la rue Gentil et de la rue de la République joignant la place des Terreaux à la place Bellecour, c'est-à-dire dans la presqu'île entre Saône et Rhône, coeur de la capitale des Gaules. Difficile de trouver plus Lyonnais que lui ! Il parcourra beaucoup le monde à la découverte des multiples facettes du christianisme, mais son port d'attache demeurera cette presqu'île à laquelle il reviendra toujours et dont il hésitera à franchir les fleuves, ne serait-ce que par boutade. Il est le fils premier né de Louis Beaupère, médecin radiologiste, fils de médecin, et de Jeanne Leclerc, fille de médecin, tous deux originaires de Saône-et-Loire.

Ils auront six enfants, quatre garçons et deux filles, dont Maurice est l'aîné. Baptisé le

4 mars 1925 à l'église Saint-Nizier, toute proche du domicile de ses parents, il voit le

jour dans une famille de la bourgeoisie catholique lyonnaise qui possède appartement (et cabinet de consultation) rue de la République, pour l'automne et l'hiver, et propriété

à la Croix-Rousse, pour le printemps et l'été. Il s'agit d'une famille unie, dont l'aîné,

selon une coutume fréquente, devient parrain du benjamin, Jean Beaupère, né en 1935.

Les enfants Beaupère ont une nombreuse parentèle dotée de la sociabilité qui

caractérise les grandes familles lyonnaises. Le père Beaupère pourra compter sur elle pour assurer la vie matérielle du Centre Saint-Irénée.BEAUPÈRE Maurice Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques1

2 Scolarisé dans une petite école tenue par des religieuses, quai Saint-Antoine, pour le

primaire, il entre en 7 e dans l'un des collèges catholiques les plus réputés de Lyon, l'Institution des Chartreux, sur la Croix-Rousse, où il effectue ses études secondaires, jusqu'au baccalauréat mention philosophie, obtenu en 1941. De cette scolarité sans éclat, il ne retient que deux professeurs : l'abbé Robert Amiet qui lui fait aimer la

liturgie et le convainc que le plus beau des prénoms est René, surtout s'il est écrit ReNé,

car il associe son porteur à la résurrection du Christ. Le jeune Beaupère s'en souviendra quand il lui faudra choisir un nom de religion ; et l'abbé Paul Couturier, professeur de sciences, ennuyeux et peu compétent, mais habité par la hantise de la division des chrétiens. L'enfance et l'adolescence de Maurice Beaupère sont marquées par la lecture assidue de l'hebdomadaire Benjamin, qu'anime Jean Nohain sous le pseudonyme de Jaboune. Le père Beaupère multipliera ensuite les appels pour combler les quelques vides de sa collection qu'il veut complète. Un événement dramatique interrompt brutalement cette enfance heureuse en 1937 : son père meurt des suites d'une banale opération chirurgicale. Le jeune Maurice n'a alors que douze ans et se retrouve, sinon chef de famille, du moins principal soutien de sa mère devenue veuve avec plusieurs

enfants en bas âge. Loin de l'abattre, un tel malheur révèle ses qualités d'initiative et de

décision. " Non pas que je sois spécialement autoritaire, mais en tout cas je sais assez bien où je veux aller. Je n'ai pas tendance à suivre le troupeau ! J'ai même plutôt tendance à prendre sa tête pour lui indiquer le chemin », confiera-t-il bien plus tard (Nous avons cheminé ensemble, p. 13).

3 Maurice Beaupère ne se voit pas médecin ni architecte, comme deux de ses frères, mais

plutôt professeur de français, de latin et de grec. Aussi rejoint-il en 1941 l'hypokhâgne

du lycée du Parc pour se préparer au concours d'entrée à l'École normale supérieure de

la rue d'Ulm. Il adhère simultanément à la Conférence Ampère, dans laquelle des jésuites encadrent les lycéens catholiques, et à la Route des scouts de France dont l'aumônier est le provincial dominicain de Lyon, Emmanuel Cathelineau. Avec la Route,

où il a pour totem " hibou vigilant », il participe au célèbre pèlerinage du 15 août 1942

au Puy-en-Velay, sommet de la convergence entre un certain catholicisme et la Révolution nationale de Vichy. Il n'a donc que l'embarras du choix, quand il décide brusquement, au printemps 1942, de devenir religieux, sans qu'on puisse déceler d'influence, familiale ou autre, sur cette vocation subite. Religieux, pas prêtre séculier, mais dominicain ou jésuite ? Le père Cathelineau lui passe une vie de saint Dominique

qu'il lui laisse méditer. Son cousin jésuite Jean Pérouse, qui fera carrière au Liban, lui

fait miroiter la possibilité d'un poste de professeur et lui passe les Exercices spirituels de saint Ignace. Rebuté par un cadre qu'il juge trop contraignant, le choix entre les deux étendards notamment, Maurice Beaupère préfère la liberté dominicaine.

4 Mais la guerre fait rage : Lyon est occupée par les Allemands en novembre 1942. Aussi

décide-t-il de subordonner son entrée en religion à la fin du conflit. Dans l'expectative, il s'inscrit en lettres classiques à l'université en 1942. Son assistant de latin s'appelle André Mandouze, qui donne comme exercice de thème des extraits du Pilote de guerre d'Antoine de Saint-Exupéry pour lequel Maurice Beaupère se prend d'une passion qui éclairera toute sa vie. Mandouze est aussi l'un des rédacteurs du Témoignage chrétien clandestin, organe de la Résistance spirituelle au nazisme, que le jeune Beaupère diffuse autour de lui. Mandouze retrouve en outre à Lyon son camarade de promotion de la rue d'Ulm le luthérien Albert Greiner, assistant d'allemand à la Faculté des lettres.

Première manifestation oecuménique dont il soit l'initiateur, la conférence de celui-ciBEAUPÈRE Maurice

Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques2 sur Luther enthousiasme le futur dominicain. Il y est d'autant plus sensible qu'il tisse, entre 1941 et 1944, un dialogue filial avec son ancien professeur l'abbé Couturier qui lui transmet alors, bien plus qu'aux Chartreux, sa passion pour la cause de l'unité des

chrétiens séparés. C'est à ce moment que Maurice Beaupère décide de consacrer sa vie

religieuse à l'oecuménisme.

5 La France étant presque entièrement libérée, il entre dans la province dominicaine de

Lyon le 7 décembre 1944. Comme il n'est pas majeur, c'est accompagné de sa mère qu'il se présente au noviciat d'Angers, après douze heures de voyage depuis Lyon, tant le réseau ferroviaire est perturbé par les bombardements. Désormais revêtu de la robe blanche, il devient René en religion, nom étrange dans l'Ordre, mais choisi en souvenir de l'abbé Amiet. Éloigné des siens et de Lyon pour la première fois de son existence, le frère Beaupère apprend la vie dominicaine sous la houlette du maître des novices, Marie-Bernard Nielly, dans une maison surpeuplée, plusieurs de ses confrères, parmi lesquels le futur théologien et linguiste François Genuyt, ayant eux aussi retardé leur entrée dans l'Ordre ; et dans une atmosphère confinée où les bruits de l'extérieur ne parviennent qu'assourdis. Le frère Beaupère suit de loin les événements qui marquent la fin de la guerre en 1944-1945. Seule ouverture : il aide le père Joseph Kopf, professeur

à la faculté de théologie d'Angers, à préparer la semaine de prière pour l'unité du mois

de janvier 1945. Cette année se termine par sa profession simple, le 8 décembre 1945.

6 Il est alors envoyé au couvent d'études de la province de Lyon, installé à Saint-Alban-

Leysse, dans la banlieue de Chambéry, pour y faire sa philosophie et sa théologie. Dans

la fidélité à l'héritage du père Jandel, le régime de la maison est austère et Beaupère en

signale " les moeurs un peu rudes, un peu rugueuses, pas très policées » (Nous avons cheminé ensemble, p. 45) ; mais les jeunes frères ne s'en plaignent pas, car la plupart ont pâti de restrictions semblables durant la guerre. René Beaupère y suit une scolarité non dépourvue d'obstacles, aucun de ses professeurs ne suscitant chez lui l'attachement du disciple envers un maître. Bien au contraire. " Au milieu de mes études, j'ai connu une espèce de passage à vide concernant la philosophie, la logique », avoue-t-il (Nous avons cheminé ensemble, p. 44). Or ce sont là les disciplines phares de la maison, avec des figures comme le père Hyacinthe Paissac. René Beaupère n'est pas un spéculatif.

" J'avais beaucoup plus de goût pour l'Écriture Sainte, pour l'histoire et, à mon avis, il y

avait trop de philosophie qui ne m'intéressait guère » (ibid.). Plutôt que d'interrompre sa formation, il fait le gros dos tout en cultivant sa vocation oecuménique. " Durant toute ma formation dominicaine, durant mes moments de loisir, j'ai travaillé et me suis documenté sur la question, ceci non seulement avec l'accord mais l'encouragement du TRP Gerlaud, puis du TRP Paissac. Vous m'avez vous-même conseillé de suivre cette voie » (lettre au provincial Damase Belaud, 31 mars 1953). Il obtient que le couvent célèbre la semaine de prières du mois de janvier selon la formule de Couturier, il se félicite que le père Congar y soit invité en 1946 pour donner une série de cours sur l'oecuménisme et il intéresse à l'unité un groupe de confrères qu'il entraîne en pèlerinage sur la tombe du lazariste Fernand Portal sous le mont Revard. Hors de la sphère dominicaine, il bénéficie du carnet d'adresses de l'abbé Couturier qui lui fait

connaître ses jeunes amis de Taizé. " Vous allez vous consacrer à l'Unité », lui écrit Max

Thurian le 6 avril 1946. Nous sommes heureux de toutes ces vocations dans l'Église

romaine [...] Bientôt peut-être nous connaîtrons-nous » (Scatena, p. 187). En fait, René

Beaupère ne montera à Taizé, pour faire la connaissance de Roger Schutz et de MaxBEAUPÈRE Maurice

Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques3 Thurian, qu'en août 1948 ; mais ce premier contact est décisif et scelle une amitié que renforce une rencontre en Terre sainte, au début de 1953.

7 Jalonnée par la profession solennelle, le 25 février 1949, par un pèlerinage vers Rome, à

pied, pour l'Année sainte 1950, et par l'ordination sacerdotale, des mains du cardinal Gerlier, à Saint-Alban le 9 juillet 1951, la scolarité de René Beaupère est néanmoins suffisante pour le conduire jusqu'au lectorat, en 1952, avec une thèse sur le caractère sacerdotal chez Thomas d'Aquin, dirigée par le père Humbert Bouëssé ; et même pour lui valoir une année supplémentaire qu'il choisit de passer à l'École biblique de Jérusalem, un renfort en exégèse ne pouvant qu'être utile au dialogue avec des protestants. Tel n'est pourtant pas l'avis de l'abbé Couturier, fatigué et malade, qui tente en vain de le retenir : " il eut de la peine à accepter mon départ pour un an à Jérusalem : il lui semblait que je désertais », confirme Beaupère à son provincial au lendemain de la mort du prêtre des Chartreux (lettre citée). Le père Beaupère part donc pour la Terre sainte aussitôt après la rencontre de 1952 du groupe des Dombes à

laquelle il participe pour la première fois avec le père Biot et les deux frères de Taizé. Il

n'a que vingt-sept ans...

8 De ses longues études, cette année sabbatique est sans nul doute la plus fructueuse.

Alors qu'il ne cite, dans ses souvenirs, aucun de ses professeurs de Saint-Alban, il fait mémoire avec gratitude des exégètes et archéologues de l'École biblique, compagnons ou émules de son fondateur, le père Lagrange : Hugues Vincent, Roland de Vaux ou

Pierre Benoît. Le père de Vaux préfacera d'ailleurs l'édition française de l'Atlas de la

Bible du dominicain hollandais Luc Grollenberg, que Beaupère publie en 1955, avec l'aide du frère de Taizé François Stoop (Chrétiens en marche, octobre-décembre 2018, p. 7). L'approfondissement de ses connaissances bibliques, n'est pourtant pas le seul

bénéfice, ni le plus important, que le père Beaupère retire de cette année faste. Lui qui

n'est pas un mystique et dont la foi a besoin de s'incarner, découvre avec enthousiasme une Palestine encore proche de ce qu'elle était au temps de Jésus : avec un peu d'imagination pour en évacuer les constructions postiches, les lieux saints s'animent et

le message évangélique prend corps sous ses yeux. L'éblouissement d'une telle

découverte marque à jamais le jeune dominicain. Curieux de tout ce qui peut nourrir sa

vocation oecuménique, il profite également de son séjour à Jérusalem pour découvrir la

richesse et la diversité de l'Orient chrétien : il s'initie au chant liturgique russe chez des moniales orthodoxes et aux subtilités du patchwork oriental avec les Pères Blancs du séminaire Sainte-Anne. Il touche aussi du doigt le drame que constitue la partition de Jérusalem entre sa partie orientale, jordanienne, où se trouve l'École biblique, et sa partie occidentale, israélienne à laquelle on accède par une porte bien gardée. Si les rapports avec le judaïsme et avec l'islam sont hors du champ de vision oecuménique du

père Beaupère, le conflit israélo-arabe est la toile de fond de son séjour à Jérusalem, et

en complique bien des démarches.

9 Cette année sabbatique est décisive aussi pour ses projets lyonnais, comme le montre

son abondante correspondance avec celui qui va devenir pour dix ans son coéquipier en oecuménisme, le père François Biot, Irénée en religion. " Parmi les sympathisants leyssois de l'idée oecuménique, je n'avais jamais compté... le père Biot, écrit-il le

31 mars 1953. Sans doute avais-je parlé avec lui, alors que je rêvais [...] à d'autres

collaborateurs. Aussi ai-je considéré comme une action providentielle la rencontre de

l'abbé Couturier et du père Biot à l'automne 1951. Je m'étais contenté, sur la demande

du P. Biot partant de Leysse pour Lyon, de les mettre simplement l'un l'autre enBEAUPÈRE Maurice Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques4 rapport. La fatigue de l'abbé Couturier commença quelques jours après qu'il eut fait la connaissance du P. Biot. Tout naturellement, il fit appel à lui pour l'aider dans la préparation de la Semaine de l'Unité 1952. C'est ainsi que s'institua entre eux une collaboration d'un an et demi » (lettre citée au provincial). François Biot n'est pas n'importe qui : c'est l'un des enfants du Docteur René Biot, apôtre d'une médecine pleinement humaine et figure majeure du catholicisme social lyonnais. Après la fin de ses études, Biot est assigné en 1951 au couvent du Saint-Nom-de-Jésus, près de la Part- Dieu, pour y poursuivre des recherches en vue du doctorat. Ni lui ni Beaupère, qui risque de la rejoindre à son retour de Jérusalem, n'apprécient beaucoup cette " pension de famille pour vieux garçons » (lettre de Biot à Beaupère, 26 avril 1952), excentrée dans un quartier alors mal famé et dépourvue de véritable rayonnement. " Notre couvent est en dehors de tout ce qui est vraiment vivant en cette ville », écrit Biot au père Dumont le 10 mars 1953. Tout comme Beaupère, il rêve de fonder au coeur de Lyon une nouvelle communauté dominicaine, plus jeune, plus dynamique et ouverte sur les problèmes de la cité. Or le lieu existe : l'Ordre possède place Gailleton, en face de

l'Université et à deux pas de la gare de Perrache, une moitié d'immeuble dont l'activité,

réelle durant la guerre, s'est étiolée depuis. Biot n'a aucune formation oecuménique, mais il apprend vite au contact de l'abbé Couturier et il convainc Beaupère de greffer leur projet oecuménique sur ce lieu, avec le concours du père Christophe-Jean Dumont, directeur du Centre Istina de Boulogne-sur-Seine. " Sous le nom de "Centre Saint- Irénée" serait constituée à Lyon une association chargée d'étudier les questions

oecuméniques. Cette association serait patronnée par le Centre d'études Istina.

L'association lyonnaise garderait pourtant une autonomie réelle par rapport à Istina, de telle façon que seule sa propre responsabilité soit directement engagée par ses activités. Cette association serait intégrée, du moins en principe, dans une équipe conventuelle ». Les tâches qu'elle se fixe sont ambitieuses : suivre les travaux du Conseil oecuménique des Églises et des théologiens qui y travaillent ; " réunir une information sûre et vraie sur toutes les confessions chrétiennes » ; organiser des conférences publiques de formation à l'oecuménisme ; fournir des conférenciers sur le sujet ; " organiser des rencontres interconfessionnelles régionales, dans un souci

d'approfondissement théologique ». Le père Dumont, auquel ce projet a été envoyé le

21 février 1953, donne son accord de principe tout en s'étonnant de ne pas y trouver la

diffusion de la prière pour l'unité, ni même le nom de l'abbé Couturier. Biot répond que

celui-ci n'a pas voulu s'associer à un projet trop différent du sien.

10 Mais Couturier meurt dans la nuit du 23 au 24 mars 1953. Biot change son fusil d'épaule

et revendique l'ensemble de sa succession, diffusion de la Semaine de l'Unité comprise. Alors qu'il croyait pouvoir compter sur la notoriété de sa famille et sur la proximité de son père avec le cardinal Gerlier pour l'obtenir, il se heurte au front commun des amis du prêtre des Chartreux, hostiles à une mainmise dominicaine et parisienne, par l'intermédiaire d'Istina, sur une oeuvre lyonnaise. La solution péniblement adoptée en exclut les dominicains, avec l'appui décisif de Gerlier. Beaupère, qui n'a pu rentrer de Jérusalem pour assister aux funérailles de Couturier, est moins marri que Biot de

l'échec de cette prise de contrôle par Istina, qui n'était pas vue non plus d'un très bon

oeil par le père Dumont. Dans un cadre dominicain moins ambitieux, Biot et Beaupère auront les coudées plus franches que sous tutelle diocésaine. Le Centre Saint-Irénée voit donc le jour à l'automne 1953, bien que sa déclaration en association loi 1901 ne date que de novembre 1955. Cette formule lui donne une réelle marge de manoeuvre par rapport à l'Ordre.BEAUPÈRE Maurice Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques5

11 Il faut en effet deux ans pour que la situation du père Beaupère se stabilise. Sur le point

de rentrer en France, il se met à la disposition du père Paissac, régent des études, qui renonce alors au cours d'ecclésiologie envisagé pour lui à Saint-Alban-Leysse. " Vous savez qu'il n'était pas question pour moi de faire appel à vous pour un emploi de lecteur au studium », écrit Paissac le 26 juillet 1953 : " Vous avez trop souffert dans cette maison pour que j'aie la cruauté de chercher à vous y maintenir. » Aussi a-t-il

convaincu ses collègues du modératoire d'accorder à Beaupère sa " libération » pour

" la réalisation de [ses] si légitimes espérances » dans le domaine oecuménique : assigné

au Saint-Nom-de-Jésus, le jeune religieux est d'abord envoyé en Beaujolais pour une brève expérience d'aumônerie d'une oeuvre de jeunesse féminine, puis invité pour Pâques 1954 à Dieulefit, dans la Drôme où il prend contact avec le protestantisme local. S'ils participent tous deux à la session des Dombes 1953, c'est Biot qui prend l'initiative des premières rencontres du Centre Saint-Irénée autour de personnalités comme le moine de Chevetogne Clément Lialine, le professeur de Genève Jaques Courvoisier ou la bibliste Suzanne de Diétrich. Biot et Beaupère n'emménagent qu'en 1955 dans les locaux de la place Gailleton, bientôt érigés en " maison » sous le patronage curieux de Saint-Abraham, suggéré par Beaupère. Abraham n'est pas un saint, mais certaines liturgies orientales font mention du patriarche. Outre bureaux et salle de réunion, ces locaux comportent une bibliothèque, à laquelle Beaupère accorde d'emblée une grande importance, et une chapelle dotée en 1957 de trois vitraux par le frère de Taizé Éric de Saussure. Les premières années du Centre sont des années de rodage dans un climat qui

n'est favorable ni à Rome, en fin de pontificat de Pie XII, ni à Lyon où le sulpicien Pierre

Michalon, nommé par le cardinal Gerlier pour assurer la succession Couturier, voit d'un

mauvais oeil les activités du Centre Saint-Irénée et s'en plaint à de multiples reprises.

12 Bien que n'étant pas une succursale lyonnaise d'Istina, celui-ci reçoit un appui décisif

du père Dumont. Pendant plusieurs années, Beaupère et Biot passent une semaine de chaque mois à Boulogne auprès de lui. C'est d'ailleurs dans la revue Istina qu'ils publient leurs premiers travaux : pour Beaupère, une recension des débats autour de la confession, sur laquelle Max Thurian vient de publier un livre audacieux pour un protestant (1954, p. 369-385), ou une recension autour du Saint-Pierre d'Oscar Cullmann (1955, p. 347-372). Et c'est le père Dumont qui introduit ses deux jeunes confrères, dès 1953, à la Conférence catholique pour les questions oecuméniques, première ébauche de concertation internationale entre spécialistes catholiques. Le père Beaupère, qui s'entend fort bien avec Dumont, le considère comme un véritable tuteur pour l'entreprise lyonnaise. Celle-ci ne tarde pas à s'aguerrir et à multiplier les initiatives : réunions entre prêtres et pasteurs de la région ou participation à une exposition sur le Conseil oecuménique des Églises, avec conférence de sa cheville ouvrière, le pasteur hollandais Visser't Hooft, en 1957.

13 À la fin de cette même année, une décision de ses supérieurs investit le père Beaupère

d'une tâche bien différente. Il est chargé, avec le père Jean-Yves Jolif, de la direction de

la revue Lumière & Vie, fondée en 1951 à Saint-Alban-Leysse par le père Augustin Grail. Celui-ci étant malade et le couvent d'études s'installant près de L'Arbresle, la revue en est dissociée et domiciliée place Gailleton, avec un nouveau directoire et sous l'égide " d'un groupe de dominicains de la Province de Lyon ». Beaupère ne peut pas refuser une mission que le père Dumont juge pourtant nuisible à son travail oecuménique. Et il

se prend au jeu. En équipe avec Jolif, puis seul maître à bord à partir de 1962, il relève le

défi de " serrer de plus près la réalité contemporaine » (octobre 1967, p. 7), sansBEAUPÈRE Maurice

Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques6 renoncer pour autant au but pédagogique initialement poursuivi par la revue. Elle continue de sortir cinq numéros à thème unique par an sous une maquette peu

modifiée. Sur " l'Espérance » (janvier 1959), sur " le sacrement de pénitence »

(novembre 1964) ou sur " Satan » (mai 1966), ils prolongent une veine didactique qui vaut aussi pour des sujets profanes comme l'argent, les malades ou la ville. Le changement d'orientation est cependant net dans des domaines où la revue ne s'aventurait guère auparavant, la culture en particulier. Une discothèque adaptée au thème traité, confiée aux dominicains enseignants d'Oullins Henri Laxague et François Sanson, s'ajoute à la librairie, elle aussi recentrée. Quant au rapport entre " Cinéma et

vie chrétienne », il fournit la matière d'un numéro remarqué sur le septième art, en

septembre-octobre 1961, avec le concours du jeune critique Christian Zimmer... et du père Beaupère qui doit signer de trois croix la chronique qu'il consacre à une " expérience lyonnaise » de cinéphilie autour du chanoine Georges Chassagne à laquelle il participe avec enthousiasme (ciné-club de la rue de Condé et revue Écrans lyonnais). Ses supérieurs ont estimé qu'un religieux ne pouvait mettre sa signature au bas d'un texte sur un sujet aussi futile que le cinéma.

14 De façon prévisible, Lumière & Vie connaît, sous la houlette du père Beaupère, un net

regain d'intérêt pour l'oecuménisme. Trois livraisons, puisées aux meilleures sources non catholiques, font le point sur le protestantisme (décembre 1958), les Églises d'Orient (novembre-décembre 1961) ou la communion anglicane (août-octobre 1963).

La revue signale bien sûr les activités du Centre Saint-Irénée, les pèlerinages

oecuméniques en Terre Sainte notamment. Deux numéros sont d'ailleurs consacrés à Israël (mai 1958 et mars-avril 1969), le second suscitant l'une des rares polémiques dont la revue fasse état, au lendemain de la guerre des Six Jours. Lumière & Vie accueille aussi à bras ouverts un concile réformateur qui comble ses attentes : trois livraisons majeures sont consacrées en 1959, 1962 et 1965 à l'événement conciliaire. Cette osmose

avec une Église en état de concile assoit la réputation de Lumière & Vie qui sollicite tous

les grands noms de la " nouvelle théologie ». Son retrait par rapport à l'actualité religieuse n'est plus de mise : la revue y colle de plus en plus, aux avant-postes de la

réforme imprimée à l'Église par Vatican II. Aussi est-elle particulièrement sensible aux

prodromes de la crise de la fin des années 1960. Elle consacre un numéro prémonitoire au silence de Dieu (janvier-février 1964) et un autre aux théologies de la mort de Dieu (septembre-octobre 1968), avant que des personnalités aussi différentes que Louis Althusser, Marie-Dominique Chenu et Jean-Marie Domenach ne livrent leur diagnostic sur le marasme de " L'Église aujourd'hui », désormais patent (mai-juin 1969).

15 Le père Beaupère ne fournit guère d'articles à Lumière & Vie, mais de multiples

recensions d'ouvrages et des chroniques à caractère documentaire, sur le mouvement oecuménique notamment. La charge de la revue pèse pourtant de plus en plus sur ses épaules. S'il n'apparaît guère dans les sommaires, il suit chaque livraison de sa conception à sa finition, au prix d'une lourde correspondance avec les auteurs et de fastidieuses séances de relecture d'épreuves. Sans ce travail caché, la revue n'existerait

pas. Aussi souhaite-t-il en être déchargé pour se consacrer entièrement à

l'oecuménisme en plein essor. Le jeune successeur pressenti ayant brutalement quitté l'Ordre, il doit attendre 1970 pour que le père Alain Durand prenne le relais. Entre 1957 et 1970, ce ne sont pas moins de soixante-trois numéros qui sont passés entre les mains de Beaupère. Il a largement contribué à transformer un modeste organe de catéchèse supérieure en grande revue généraliste à diffusion internationale.BEAUPÈRE Maurice Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques7

16 Les années 1960 sont aussi des années fastes pour le Centre Saint-Irénée. Si le père Biot

s'en éloigne, après dix ans de compagnonnage, pour aller enseigner au couvent d'études de L'Arbresle, le père Beaupère anticipe l'ouverture oecuménique de l'Église catholique actée par le concile. Il lance plusieurs initiatives originales qui confèrent son

identité au centre dominicain lyonnais. À la différence du père Michalon, voué à la

diffusion de la prière pour l'unité, en milieu catholique principalement, René Beaupère ne conçoit pas de travail oecuménique sans collaboration étroite avec les " frères

séparés », en dépit du déséquilibre confessionnel français. Aucun des départements du

Centre Saint-Irénée " n'a été lancé ni maintenu sans la collaboration étroite, sur pied

d'égalité, d'un catholique (en général le père René Beaupère) avec un ami "chef de

service" non catholique » (Chrétiens en marche, juillet-septembre 2009). En 1959, il imagine ainsi, avec le journaliste de L'Illustré protestant Paul Eberhard, un premier pèlerinage oecuménique au pays de la Bible : du 23 mars au 7 avril 1961, trente-neuf protestants et trente-neuf catholiques, encadrés par les pasteurs Daniel Atger et Henri Eberhard, père de Paul, et par les dominicains René Beaupère et Louis-Marie Orrieux,

inaugurent une opération couronnée de succès que saluent deux émissions télévisées

conjointes de " Présence protestante » et du " Jour du Seigneur » catholique en juin 1961. Renouvelée les années suivantes, l'entreprise s'élargit à l'Asie mineure en

1963, puis à bien d'autres directions permettant aux voyageurs de découvrir les

différentes confessions chrétiennes, avec une prédilection marquée pour l'Orient arabe, grec ou slave. Regroupés sous le sigle CLEO, pour " Culture, Loisir et OEcuménisme », ces voyages envoient à travers le monde chrétien une trentaine de groupes par an dans les années 1970-1980, sous la houlette d'une cinquantaine d'animateurs, protestants et catholiques, parmi lesquels les pasteurs Daniel Atger, Maurice Carrez ou Paul Guiraud, et les dominicains de la province de Lyon Damase Belaud, Bruno Carra de Vaux, Pierre Cren ou Louis-Marie Orrieux. Au moment du cinquantenaire du Centre Saint-Irénée, en

2003, le rythme s'est quelque peu ralenti : une douzaine de groupes seulement pour

cette année jubilaire.

17 Dès la fête de Pâques 1964, un bulletin ronéotypé trimestriel sert d'organe de liaison et

d'information entre les anciens voyageurs. Vers Jérusalem compte vingt-huit livraisons jusqu'au numéro de Noël 1970. Il est alors remplacé par un titre plus ambitieux,

Chrétiens en marche, qui passe de la polycopie à l'imprimé avec " un agréable format à

l'italienne » agrémenté de photographies. Il n'a que sept numéros jusqu'à Noël 1972

avant de revenir à la polycopie entre juin 1973 et son cinquantième numéro, en

décembre 1983. Le retour à l'imprimé, de façon définitive cette fois, intervient à Pâques

1984 (René Beaupère, " Le faux numéro 100 », Chrétiens en marche, 100, octobre-

décembre 2008, p. 1). Comme l'indique son sous-titre, " Bulletin oecuménique », le magazine Chrétiens en marche ne se contente plus de faire écho aux voyages, mais donne des informations sur les autres activités du Centre Saint-Irénée et sur l'actualité oecuménique dans son ensemble.BEAUPÈRE Maurice Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices biographiques8

Droits réservés.

18 Au début des années 1960, le père Beaupère et le pasteur luthérien Henry Brustonconstatent que les barrières invisibles qui préservaient l'endogamie confessionnelle

sont en train de tomber au sein des groupes interconfessionnels qu'ils animent. Dans une grande ville comme Lyon, de plus en plus de jeunes protestants choisissent un conjoint catholique et subissent les contraintes que leur impose le droit canon romain : cérémonie religieuse de second ordre à l'église, pressions au moment du baptême des enfants et promesse de les éduquer dans la foi catholique notamment. Pour

accompagner les " foyers mixtes » sur ce chemin difficile et pour éviter qu'il

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