[PDF] DArgos Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora





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L’olivier identité et rempart d’Athènes : un épisème de la cité

Il fonde la ville d’Athènes et organise l’Attique en 12 tribus Pendant son règne Athéna et Poséidon s’opposent pour prendre possession d’Athènes et de l’Attique Afin de montrer sa puissance Poséidon frappe le sol de son trident et fait naître une source d’eau salée Athéna elle fait pousser un olivier

Quel est le mythe de fondation d’Athènes ?

Dans le mythe de fondation d’Athènes, lors de sa querelle avec le dieu Poséidon pour remporter le titre de Poliade, Athéna fait croître un olivier sur le sol rocailleux de l’Acropole tandis que Poséidon fait surgir une mer. Cet olivier qui assure la victoire ne saurait se réduire à une preuve de la puissance protectrice de la déesse.

Quels sont les signes de la fondation d’Athènes ?

2 Dans le célèbre mythe de fondation d’Athènes, les deux protagonistes divins Athéna et Poséidon, qui se disputent le patronage de la cité, produisent des signes qui doivent les départager. Poséidon fait surgir une mer en frappant de son trident le sol de l’Acropole, tandis qu’Athéna fait croître un olivier sur la colline pierreuse d’Athènes 1.

Quels sont les avantages de l’indépendance d’Athènes ?

De 229 à 220, Athènes connaît ainsi une période d’indépendance. La cité entame une reprise de grands travaux par le biais de dons de la part de Ptolémée III: nouveaux portiques, temples, et gymnases. Il instaure aussi de nouveaux cultes, comme celui à Démos (personnification du peuple athénien) et celui à Diogène.

Quelle est l'histoire de Athènes ?

Athènes a été habitée sans interruption pendant au moins 3 000 ans. Au Ier millénaire av. J.-C., elle est devenue une des principales villes de la Grèce antique et ses accomplissements culturels durant le Ve siècle av. J.-C. ont créé les bases de la civilisation européenne .

Studi Francesi

Rivista quadrimestrale fondata da Franco Simone

192 (LXIV | III) | 2020

Texte et images entre Moyen

Âge

et

Renaissance

(manuscrits et imprimés anciens) D'Argos, Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora troyenne: la mise en scène de la ville dans les manuscrits de la "Bouquechardière" de

Jean de Courcy

Catherine

Gaullier-Bougassas

Édition

électronique

URL : https://journals.openedition.org/studifrancesi/41613

DOI : 10.4000/studifrancesi.41613

ISSN : 2421-5856

Éditeur

Rosenberg & Sellier

Édition

imprimée

Date de publication : 1 décembre 2020

Pagination : 508-514

ISSN : 0039-2944

Référence

électronique

Catherine Gaullier-Bougassas, "

D'Argos, Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora troyenne: la mise en scène de la ville dans les manuscrits de la "Bouquechardière" de Jean de

Courcy

Studi Francesi

[En ligne], 192 (LXIV | III)

2020, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le

15 octobre 2022. URL

: http://journals.openedition.org/studifrancesi/41613 ; DOI : https://doi.org/

10.4000/studifrancesi.41613

Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modi cation 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0

Nome Cognomecatherine Gaullier - Bougassas

D'Argos, Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora troyenne: la mise en scène de la ville dans les manuscrits de la "Bouquechardière" de Jean de Courcy

Abstract

La Bouquechardière, composed in Normandy by Jean de Courcy, Lord of Bourg-Achard, from

1416 to 1422, is a vast historical work in prose. Its six books are devoted to Ancient Greece and

the peoples associated with its history, right up to the successors and indirect heirs of Alexan- der the Great in the Near East. This article studies the importance that the illuminations of the manuscripts by the Master of the “Echevinage" of Rouen give to the representation of ancient cities in the first three books. They bring out several original elements of Jean de Courcy"s text: the exaltation of the Greek cities and their founding role, the celebration of the union of the Greeks and the Trojans which, through the paradoxical medium of war, then bears fruit with the new urban foundations in Europe. On the other hand, manuscripts produced in other regions often favour a traditional biblical iconography for the opening of a universal history, followed by a tragic vision of the sack of Troy. La Bouquechardière de Jean de Courcy est un vaste ouvrage historique en prose dont

les six livres sont consacrés à la Grèce ancienne et aux peuples associés à son histoire,

depuis ses origines mythiques jusqu"aux successeurs et héritiers indirects d"Alexandre le Grand au Proche-Orient. Composée en Normandie par Jean de Courcy, seigneur de Bourg-Achard, de 1416 à 1422, elle est restée jusqu"ici inédite, classée rapidement parmi les histoires universelles et délaissée. Jean de Courcy dessine pourtant une vision de l"Histoire qui s"écarte des modèles de l"histoire universelle. Son originalité, qui m"a décidée à engager une édition collective - sept volumes sont prévus chez Bre- pols

1 - réside à la fois dans l"objet choisi, l"histoire de la Grèce ancienne au sens large,

de ses origines jusqu"à l"Incarnation, et dans la "moralisation» systématique du récit. Si nous ignorons tout ou presque de l"auteur, nous savons que le succès de l"oeuvre est venu de la commande d"un manuscrit par les échevins de Rouen, à la fin des années 1450, dans le contexte de la fin de la guerre de Cent Ans2. Les échevins en font réaliser un manuscrit très luxueux, l"actuel manuscrit de Paris, BnF, fr. 2685. Leur entreprise a été confortée par l"artiste auquel ils ont confié l"enluminure de ce

(1) Le premier volume est paru dans la collection "Recherches sur les réceptions de l"Antiquité»: C.

Gaullier-Bougassas, La Bouquechardière de Jean de Courcy, t. I, Introduction générale. Des origines de la Grèce jusqu"à Hercule, édition critique et commentaire du livre I (ch. 1-27), 2020, Turnhout, Brepols; trois volumes sont sous presse: S. Hériché-Pradeau, t. IV, La diaspora européenne des Troyens, édition critique et commentaire du livre III; S. Baudelle-Michels, t. V, De l"Assyrie à la Perse, édition critique et commentaire du livre IV; C. Gaullier-Bougassas, t. VI, Philippe II et Alexandre le Grand, édition critique et commentaire du livre V. Trois autres sont à venir, l"édition de la fin de la seconde moitié du livre I par E. Koroleva, l"édition du livre II par D. Burghgraeve et l"édition du livre VI par C. Gaullier-Bougassas, S. Baudelle-Michels, S.

Hériché-Pradeau et E. Koroleva.(2) Sur ces questions et le rôle de la commande d"un manuscrit par cette institution urbaine, je me permets de renvoyer à mon introduction générale, dans le tome I de mon édition de la Bouquechardière cit., pp. 5-99.

D"Argos, Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora troyenne 509 manuscrit et qui a ensuite illustré - lui-même ou un membre de son atelier - une douzaine de manuscrits d"après son premier modèle. Cet artiste a ainsi pensé et réa- lisé un programme iconographique qui a ensuite été reproduit dans son atelier avec quelques transformations3. Plusieurs des illustrateurs de manuscrits non rouennais ont également été influencés par lui, tandis que d"autres peintres ont choisi des sujets différents et se sont écartés, volontairement ou non, de ses modèles. Nous conservons en effet 32 manuscrits de la Bouquechardière, réalisés entre 1450 et 1480 environ en Normandie, dans le Lyonnais et le sud-ouest de la France, à la cour de Bourgogne, dans la région parisienne et peut-être le Val de Loire 4. L"une des particularités des enluminures du maître de l"échevinage de Rouen, peut-être en lien avec le mécénat de cette institution urbaine, est l"importance qu"elles accordent aux représentations des villes antiques: le souvenir des deux sièges récents de la ville de Rouen, par les Anglais en 1418 et 1419, puis par Charles VII contre les

Anglais en 1449, pourrait peut-être contribuer à expliquer cet intérêt pour les scènes

urbaines, de même que la légende de l"origine troyenne des Normands, par l"intermé- diaire d"Anténor, attestée depuis Dudon de Saint-Quentin

5. L"espace très limité de cet

article me contraint à me limiter à quelques exemples des trois premiers livres, pour analyser comment les figurations urbaines du Maître de l"échevinage de Rouen sou- lignent, enrichissent ou infléchissent les données textuelles de la Bouquechardière et la vision de l"histoire qu"elle dessine, tandis que les peintures de manuscrits réalisés dans d"autres régions proposent une lecture différente. J"exploiterai avant tout les témoins suivants6: trois manuscrits rouennais (BnF, fr. 2685, 20124 et 329), un manuscrit réalisé sans doute dans la région parisienne (BnF, fr. 62), des manuscrits lyonnais (BnF, fr. 698 et Bibliothèque de Genève, 70) et un manuscrit bourguignon (BnF, fr. 65). Les manuscrits rouennais illustrés, pour la plupart très luxueux, proposent six grandes enluminures, une au début de chacun des six livres: pour les trois premiers il s"agit du débarquement de l"arche de Noé et des fondations d"Argos et d"Athènes; de l"arrivée d"Hélène et de Pâris devant Troie; des fondations de Venise, Sicambrie,

(3) Sur cet artiste, F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, Flam-marion, 1993, pp. 169-173; C. Rabel, Artiste et clientèle à la fin du Moyen Âge: les manuscrits profanes du Maître de l"échevinage de Rouen, “Revue de l"Art" 84, 1989, pp. 48-60; S. Cassagnes-Brouquet, L"image du fondateur dans les manuscrits de la “Bouquechardière", in Ab urbe condita... Fonder et refonder la ville: récits et représentations (second Moyen Âge - premier XVIe siècle), éd. V. Lamazou-Duplan, Pau, Presses universi-taires de Pau, 2011, pp. 261-274, ainsi que mon introduction générale du tome I de l"édition cit., pp. 33-45.(4) Sur les manuscrits, voir le travail pionnier de B. de Chancel, Étude des manuscrits et de la tradition du texte de la “Bouquechardière" de Jean de Courcy, thèse dactylographiée de l"École nationale des Chartes, 1985; Les manuscrits de la “Bouquechardière" de Jean de Courcy, “Revue d"histoire des textes" 17, 1987, pp. 219-290; Les manuscrits de la “Bouquechardière" de Jean de Courcy et leur décor, in Manuscrits et enlu-minures dans le monde normand (Xe-XVe siècle), éd. P. Bouet et M. Dosdat, Caen, Presses universitaires de Caen, 1999, pp. 181-196. Voir aussi mes nouvelles notices dans mon introduction générale du tome I de

l"édition de la Bouquechardière cit., pp. 101-165.(5) P. Bouet, De l"origine troyenne des Normands, “Cahier des Annales de Normandie" 26, 1995, pp. 401-413; C. Beaune, Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, 1985, pp. 25-34; J. Poucet, Le mythe de l"origine troyenne au Moyen Âge et à la Renaissance: un exemple d"idéologie politique (Anténor, fondateur de Venise. II), “Folia Electronica Classica" 5, 2003, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/05/anthenor2.html (dernière consultation le 25/04/2020. Jean de Courcy ne reprend néanmoins pas cette légende de l"origine troyenne des Normands).(6) Les illustrations de ces manuscrits de la BnF sont reproduites sur ses sites Gallica (https://gallica.bnf.fr), Mandragore (http://mandragore.bnf.fr) et/ou sa Banque d"images (https://images.bnf.fr/#/home/), tandis que le manuscrit de Genève, BGE, 70 et 71 est numérisé sur le site e-codices, avec les notices de P.

Hochuli Dubuis, 2013 (https://www.e-codices.unifr.ch/fr/list/one/bge/fr0070-1; https://www.e-codices.uni-fr.ch/fr/list/one/bge/fr0070-2; dernière consultation de ces sites le 25/04/2020). Dans l"introduction du tome I de mon édition (cit., pp. 101-165), j"ai décrit les enluminures de tous les manuscrits de la Bouquechardière.

510 Catherine Gaullier-Bougassas

Carthage et Rome. L"ampleur de la matière brassée par la Bouquechardière offrait beaucoup de possibilités, la sélection n"allait pas de soi. Comme j"ai pu l"analyser dans le tome I de l"édition

7, la Bouquechardière s"éloigne

profondément du modèle de l"histoire universelle dès le début du livre I. Jean de Courcy revendique son choix de l"histoire des enfants de Japhet, autrement dit des origines de l"Europe, et sa sélection parmi eux de Ianus et Gomar, et de leurs descendants, les Grecs

et les Troyens. Le livre I est consacré aux cités grecques, le livre II à l"histoire de Troie.

Bien que déplorée, la guerre qui oppose les Troyens aux Grecs conduit à leur diaspora

européenne et la destruction de la cité, tel un mal nécessaire, à la renaissance et à la

refondation, objets du livre III. Aux Grecs et aux Troyens, il relie très étroitement les Macédoniens puisqu"il établit avec insistance l"origine troyenne de ces derniers - Hele- nos s"installe en Macédoine -, et relate comment Philippe II et Alexandre assimilent par ailleurs la culture grecque, réalisant en eux une nouvelle union des Troyens et des Grecs. Après le prologue général, le livre I de la Bouquechardière s"ouvre ainsi sur la

célébration de deux cités, Argos et Athènes, fondées par Bacchus et Cécrops. Jean de

Courcy les inscrit dans un temps chrétien: il les date de l"époque d"Abraham. D"em-

blée le texte donne la précellence aux Grecs et à leur rôle fondateur, car il n"entrelace

pas à leur histoire celle des descendants de Cham et de Sem. Le texte passe directe- ment de Noé à Argos et à Athènes: les premiers Grecs apparaissent comme des élus de Dieu, qui apportent la civilisation à la Grèce. Le sujet de l"enluminure que le Maître de l"échevinage de Rouen choisit offre alors une illustration saisissante de cette élection de la Grèce: dans le manuscrit de commande des échevins de Rouen (BnF, fr. 2685, fol. 1 r), l"arche de Noé est repré-

sentée face à la cité d"Argos en construction, comme si, à la fin du Déluge, elle arrivait

directement devant le site de la future Argos, conduite en Grèce par Dieu, figuré en haut de l"image. La construction d"Athènes est peinte juste au-dessous, avec à

côté d"elle une scène de guerre. La contiguïté spatiale, dans l"image, entre l"arrivée

de l"arche et la fondation d"Argos renforce la célébration de l"élection des Grecs. L"illustration fait ainsi ressortir avec éclat la signification majeure de l"ouverture du livre I, bien qu"elle contredise le récit sur les circonstances précises de l"arrivée de l"arche: conformément à la tradition, le récit indique en effet que l"arche s"arrête en

Arménie près du mont "Oriat» (ch. 2). Si d"après le texte la cité d"Argos est fondée

par Bacchus, l"image donne à penser que ce serait plutôt par Noé ou l"un de ses fils, d"autant que le peintre, qui aime pourtant les inscriptions en lettres dorées, n"écrit pas ici le nom du fondateur. Son enluminure unit cette première fondation urbaine à une seconde, qui se déroule au même moment selon le texte, celle d"Athènes par Cécrops, dont le nom ne fait pas davantage l"objet d"une inscription (ch. 13). La bataille qu"il associe à la construction de la cité évoque sans doute l"attaque du roi d"Athènes Pandion par des Barbares (ch. 14). Par ailleurs, le texte de Jean de Courcy n"offre pas de description des villes. Ce qui intéresse l"auteur, ce ne sont pas une esthétique architecturale ni un idéal de beauté et de luxe, mais c"est l"acte de leur fondation, qui est pour lui avant tout une fondation de valeurs politiques et juridiques, ainsi que l"invention de sciences et de techniques qui permettent une vie harmonieuse dans la cité. L"image remédie alors partiellement à l"absence de description textuelle, mais en même temps, en plein accord avec le texte, elle insiste elle aussi sur l"acte de construction avec la représenta-

tion des ouvriers et de leurs outils, avec la scène répétée de la visite du chantier urbain

par le fondateur. (7) Ibidem, pp. 45-93. D"Argos, Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora troyenne 511 Quelles modifications ont apportées les manuscrits rouennais qui, réalisés dans l"atelier du Maître de l"échevinage, suivent les modèles iconographiques du manuscrit de commande des échevins? Dans la majorité d"entre eux, par exemple le BnF, fr. 329 au folio 11 r, la scène guerrière du bas de l"image est effacée, si bien que disparaît le seul élément qui pouvait constituer une zone d"ombre. Quelques-uns offrent des transformations plus importantes. Le manuscrit de Paris, BnF, fr. 20124 (fol. 1 r) simplifie l"image en ne gardant que la moitié supérieure et en mettant l"accent exclusif sur le lien étroit entre l"accostage de l"arche et la fondation d"Argos. Le peintre du manuscrit de la Haye, Museum Meermanno-Westreenianum 10 A 17 - manuscrit sans doute copié à Rouen mais enluminé à Carlat pour Jacques d"Armagnac - choisit de supprimer la représentation directe de l"arche, comme si le rapprochement assuré

par l"image entre l"arche de Noé et la ville d"Argos l"avait déconcerté (fol. 6 r). Seule la

peinture d"une montagne à l"arrière-plan à gauche peut rappeler l"arche pour un lec- teur qui connaît le texte. Ce même peintre figure aussi deux constructions à l"arrière- plan et il porte au premier plan la scène de bataille et de massacre, donnant alors une vision beaucoup plus sombre des origines de la Grèce. Pour l"image frontispice du livre I, plusieurs peintres des manuscrits non rouen- nais ont opté pour des sujets iconographiques bibliques qui diffèrent de l"enluminure du Maître de l"échevinage et qui correspondent aussi beaucoup moins au texte de Jean de Courcy. Ils occultent en effet l"un des éléments les plus originaux de l"ordon- nancement de son oeuvre, à savoir son choix des enfants de Japhet qui le conduit à ne donner que peu de place à l"histoire biblique dans le "récit principal» du livre I et à repousser l"histoire des descendants de Cham et de Sem jusqu"au livre IV. L"un des témoins les plus anciens de la Bouquechardière, le manuscrit de Paris, BnF, fr. 62, manuscrit peut-être parisien et illustré par le Maître de Dunois, puis les manuscrits lyonnais plus tardifs de l"atelier de Guillaume Lambert, le manuscrit de Paris, BnF, fr. 698 et le manuscrit de Genève, Bibliothèque de Genève, 70, présentent des illus- trations bibliques traditionnelles pour l"ouverture d"une histoire universelle. Dans le BnF, fr. 62 (fol. 5 r), une image à quatre compartiments figure la création d"Adam et Ève, leur vie au paradis, leur expulsion, puis l"accostage de l"arche de Noé devant une montagne. Les deux manuscrits lyonnais BnF, fr. 698 (fol. 3 r) et BGE 70/1 (fol. 4 r) représentent Adam et Ève au paradis. Dans un autre manuscrit réalisé en Bourgogne, le manuscrit de Paris, BnF, fr. 65, trois scènes de la Genèse sont aussi réunies dans une même image (fol. 4 r): la création d"Ève de la côte d"Adam; le péché originel; l"expulsion du paradis. Le premier chapitre du livre I de la Bouquechardière contient certes un récit de la création du monde et d"Adam, mais il est très bref et la mention laconique de l"expulsion d"Adam du paradis est suivie de celle, tout aussi elliptique et en outre surprenante, de la création d"Ève, comme si cette dernière avait succédé au péché d"Adam (ch. 1). Les peintres de ces quatre manuscrits érigent donc en scène déterminante une ouverture religieuse qui n"est pourtant qu"un élément presque mar- ginal du texte. Ils illustrent le début de cette oeuvre comme si elle était une histoire universelle et ne rendent pas compte de la spécificité de son contenu comme l"a fait le Maître de l"échevinage de Rouen. Dans la continuité de la première enluminure du Maître de l"échevinage, on attendrait pour le frontispice du livre II consacré à la ville de Troie une représenta- tion de la fondation ou de la refondation de la cité. Jean de Courcy les relate en effet toutes deux, toujours sans description ou presque (ch. 2-3). De la seconde rédaction de l"Histoire ancienne jusqu"à César, de Prose 5 ou de Prose 38, il ne garde que les

(8) Voir sur ces sources le commentaire de D. Burghgraeve dans son édition du livre II, à venir.

512 Catherine Gaullier-Bougassas

mentions des portes de Troie, des fortifications et de la statue d"un homme qui tient une épée, tournée vers la Grèce en signe de menace (ch. 3). Or, dans le manuscrit de commande des échevins (BnF, fr. 2685, fol. 98 r), plutôt que de figurer l"édification

de la ville, et donc de célébrer à nouveau le geste bâtisseur, le Maître de l"échevinage

choisit d"illustrer l"arrivée d"Hélène, accompagnée de Pâris, devant les murs de Troie

où Priam vient l"accueillir avec son entourage, scène retracée au chapitre 7 du livre II. Des inscriptions précises identifient désormais les personnages et les lieux: les per- sonnages sont au premier plan, avec les inscriptions "Paris», "Helayne», "Priamus», et sont figurés au second plan, à gauche, le port de Thenodon, à droite, la ville de

Troie, puis à l"arrière-plan, derrière une mer, près d"un château ("Elaym»), le temple

de Vénus ("Le temple Venus»), avec - souvenir de l"enlèvement d"Hélène (ch. 6) - des corps morts sur le sol à gauche. Sur la plus haute tour de Troie un personnage

se dresse, la pointe de son épée levée vers le ciel, et non plus dirigée vers la Grèce

comme dans le texte. L"arrivée de Pâris et d"Hélène donne ainsi lieu à une scène somptueuse et joyeuse d"entrée urbaine - on remarque les trompettes, le luxe des vêtements et des mon- tures -, qui magnifie Hélène et légitime son mariage avec Pâris, reconnu et célé- bré par Priam et les Troyens. Au chapitre 7 du livre II, lorsqu"il évoque l"arrivée à Troie de Pâris et d"Hélène, Jean de Courcy relate certes la réception de Priam et les marques de joie, mais il inscrit aussi les lamentations de Cassandre et d"Helenos, qui annoncent la guerre à venir. De ce moment comme de toute la guerre de Troie, le Maître de l"échevinage de Rouen choisit de ne retenir qu"une image de joie, qui célèbre l"union des Grecs et des Troyens. Son enluminure occulte donc la guerre et propose une scène optimiste. En même temps, nous remarquons qu"elle ne figure pas l"une des deux fondations de la cité troyenne, alors que le Maître de l"échevinage privilégie les scènes de construction urbaine pour les livres I et III. Le choix de l"arrivée de Pâris et d"Hélène devant la cité de Troie lui permet alors aussi de mettre l"accent, avec justesse, sur une autre donnée à mes yeux majeure du texte de la Bouquechardière: Jean de Courcy n"incarne pas dans la cité de Troie un idéal de civilisation comme il l"a fait pour les cités d"Argos et d"Athènes, il ne lui attache pas l"invention des institutions politiques et des arts. Ce n"est pas tant la ville de Troie elle-même qui éveille son intérêt que les relations et l"union des Troyens et des Grecs, ces peuples cousins descendants de Japhet. Cette union initiée par Pâris et Hélène rendra possible, après la guerre, le deuxième peuplement de l"Europe par la diaspora troyenne. Elle annonce aussi, dans le texte, le deuxième acte de l"union des Grecs et des Troyens, avec, après l"installation d"Helenos en Macédoine, la fusion des héritages troyen et grec, en la personne d"Alexandre, dans le livre V. Dans cette image d"entrée urbaine peinte par le Maître de l"échevinage de Rouen,

rien n"entache la célébration du mariage d"Hélène et de Pâris, sinon la représentation,

au loin, des morts qui entourent le temple de Vénus et rappellent l"enlèvement d"Hé- lène, sinon aussi la statue sur la tour d"Ilion. Les manuscrits rouennais suivants, qui reproduisent cette enluminure, effacent presque tous le souvenir de l"enlèvement, en supprimant ces morts et la statue, comme par exemple le BnF, fr. 329, au folio 108 r et le BnF, fr. 20124, au folio 97 r. En revanche plusieurs peintres non rouennais n"ont pas adopté ce modèle ni cette vision pleinement positive. Les manuscrits de Paris, BnF fr. 62 et fr. 698 et le manuscrit de Genève 70 affichent là encore leur différence. Dans le fr. 62, le livre II contient exceptionnellement deux images, une au début, une à la fin: la première (fol. 57 r) est une scène de construction urbaine, comparable

à celle que le Maître de l"échevinage a réalisée pour le livre I. La seconde illustre la

destruction de Troie et les massacres de la guerre (fol. 85 v). Dans les deux manus- crits lyonnais (BnF, fr. 698, fol. 110 r et BGE 70/1, fol. 114 r), l"unique enluminure du livre II montre Priam et son conseil derrière les remparts de la ville de Troie, D"Argos, Athènes et Troie aux fondations urbaines de la diaspora troyenne 513 avant la guerre. La ville, qui est encore ouverte, est l"élément essentiel de l"image, avec la représentation du pouvoir royal troyen et aussi la présence de la statue mena- çante. Dans ces deux manuscrits, les peintres de l"atelier lyonnais ont ensuite choisi de consacrer à la destruction de Troie l"enluminure frontispice du livre III et d"offrir à la vue des lecteurs une image très sombre de la fin de la guerre (BnF, fr. 698, fol. 180 r;

BGE, 70/1, fol. 181 r).

Pour l"ouverture du livre III, au fol. 159 r du BnF, fr. 2685, le Maître de l"échevi- nage de Rouen avait pourtant choisi un sujet iconographique bien différent et confir- mé sa vision positive de l"histoire antique. Quatre scènes emblématiques de la dias- pora troyenne en Europe sont assemblées sur la même enluminure et ce sont quatre représentations de fondations de ville relatées par Jean de Courcy aux chapitres 3, 5,

13 et 15: en haut et à gauche, la construction de Venise par les Troyens, à droite celle

de Sicambrie par les Troyens; en bas et à gauche celle de Carthage sous les ordres de Didon, à droite celle de Rome sous les ordres de Romulus. Huit inscriptions en lettres dorées permettent identifier les personnages et les lieux, "Les Troyens», "Venise», "Les Troyens», "Cycambre», "Cartage», "Dydo», "Romme», "Romulus». Dans plusieurs manuscrits rouennais, notamment le BnF, fr. 20124 (fol. 154 r), les noms d"Anténor et de Priam le Jeune sont inscrits pour désigner les fondateurs de Venise et de Sicambrie. La représentation très précise des tailleurs de pierre avec leurs outils apparaît comme une ode à la fondation urbaine, et la réunion des quatre scènes sur la même enluminure renforce encore l"insistance du texte sur la célébration des origines troyennes de l"Europe. Le peintre respecte bien l"objet essentiel du livre III, le récit de la translatio imperii de Troie vers l"Europe, que Jean de Courcy a développé en amplifiant sa source principale, l"Histoire ancienne jusqu"à César, à l"aide d"emprunts à plusieurs textes, tant les Grandes Chroniques de France que la Chronique dite de Baudouin d"Avesnes et sans doute une mise en prose du Brut9. Jean de Courcy retrace la fondation d"un grand nombre de villes européennes, Arainnes, Venise, Sicambrie de Priam le Jeune et Sicambrie de Francion, Lutèce, Carthage, Rome, Reims (mais non Rouen), la "Neufve Troye» sur la Tamise... Le peintre en a sélectionné quatre. Bien que ses intentions ne puissent pas nous être connues, comment pouvons-nous interpréter ses choix en lien avec le texte? Trois éléments ont retenu mon attention. Tout d"abord, le Maître de l"échevi- nage n"a figuré aucune ville française ni anglaise. Si l"absence de tout élément qui aurait pu évoquer la monarchie anglaise n"étonne pas dans le contexte rouennais des

années 1450, le désintérêt pour les villes françaises est plus surprenant, d"autant plus

que le décor héraldique du manuscrit BnF, fr. 2685 célèbre avec insistance l"alliance retrouvée de la monarchie française et de la Normandie. Que la réserve du peintre soit intentionnelle ou non, elle est de toute façon en accord avec la faible importance que ces cités jouent dans le texte, puisque Jean de Courcy se contente de mentionner leur fondation (ch. 8-9) et n"évoque jamais l"histoire du temps présent de son écriture (II, ch. 8-9). Par ailleurs quand l"enlumineur inscrit le nom d"Anténor, c"est pour le présenter comme le fondateur de Venise, sans aucun élément qui le mettrait en relation avec les Normands. Jean de Courcy ne reprend pas non plus dans son récitquotesdbs_dbs21.pdfusesText_27
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