[PDF] [PDF] des Mille et une nuits - CNLJ





Previous PDF Next PDF



[PDF] Les Mille et Une Nuits - Réseau Canopé

Ce conte illustre un certain nombre de caractéristiques propres aux Mille et Une Nuits: la violence des mises à mort la magie orientale (le personnage du génie 



[PDF] des Mille et une nuits - CNLJ

L'ensemble que sont les Mille et une nuits En effet la mille et unième nuit ne résout rien Vous personnages pour introduire des milieux



Schéhérazade figure de la femme orientale - Érudit

Dans Les mille et une nuits Schéhérazade est l'incarnation de la sirène qui personnage du sultan Schahriar afin de mieux interroger l'effet



[PDF] LES MILLE ET UNE NUITS Tome premier

LES MILLE ET UNE NUITS pour s'embrasser ; et après s'être donné mille marques de ten- place afin qu'à mon tour je fasse aussi mon personnage ? —



[PDF] 5A_français_15-mai_Les-Mille-et-une-nuits-corrigépdf - saint joseph

Irak Iran 7 Quel est le personnage principal des Mille et une nuits? C'est Shéhérazade 8 Pourquoi ce personnage raconte-t-il autant d'histoires ?



[PDF] La Bibliothèque des Nuits: sélection bibliographique sur les Mille et

Fantaisie humour rebondissements magie érotisme poésie et prose rimée les Contes nous emportent dans un tourbillon de lieux de personnages et d'aventures 



[PDF] Séance 1 – Découvrir le recueil des Mille et une nuits

Donnez un exemple de personnage d'objet d'animal et de lieu qui sont merveilleux dans des contes que vous connaissez Il y en a beaucoup ! Par exemple on 

pour une lecture vivante de s Mill e e t un e nuit

spar J.E. Bencheikhprofesseur de littérature arabeà l'Université de Paris VIII Vincennesdirecteur du département d'arabe

Les prochains numéros de la

Revueseront consacrés à deux thèmes qui sou-vent se rejoignent : le Conte, les Traduc-tions et adaptations pour les enfants.Parmi les recueils célèbres, les Mille etune nuits est peut-être celui que nous con-naissons le moins, tant il a souffert decoupures et de distorsions. A travers lesimages d'Epinal qu'on en donne aux en-fants et les versions contradictoires pro-posées aux aînés, que

nous est-il

parvenude la parole vivante des conteurs ?Sur ce malentendu, entretenu depuisprès de trois siècles, voici le témoignagede J.E. Bencheikh, enregistré au cours dustage sur le conte organisé par la Joie parles livres, à Vaugrigneuse, en mars 1976.

Pou r situe r le s Mill e e t un e nuit s Cec i n'es t pa s un e conférence encor emoins un cours, probablement une cau-serie. I l es t asse z difficil e d e parle r d e cett eoeuvre en si peu de temps, d'autant queraffinement des techniques d'analyse tex- tuelle l a possibilit d e pénétre r cett e oeu

-vre très complexe et très hétérogène pardes chemins différents, nient un peu la pré-tention d'en présenter une analyse unique.L'ensemble que sont les Mille et une nuitspeut, par exemple, se prêter aisément àune analyse de type morphologique. C'estun terrain extrêmement propice à cet exer-cice. On peut en faire aussi ce qu'il estconvenu d'appeler une analyse thémati-que,

c e qu i n e signifi e pa s grand-chose

,sinon qu'on recueille quelques schèmesprincipaux qui traversent le texte, quelquessituations significatives et qu'on essaie deles commenter. On peut aussi en faire - je crois que c'est la perspective que je vaischoisir - une sorte d'analyse génétique,

1

6voir comment s'est constitué et commentpeut fonctionner cet ensemble. J'ai choisicette perspective parce qu'elle permet derester dans des

généralités e n mettan t tou tde même en relief certains problèmes. D e quo i s'agit-i l J e croi s qu e tout

edéfinition des Nuits est réfutable ou peuopératoire parce que c'est un ensemblehétérogène. Je vais d'abord essayer de lessituer dans leur contexte. C'est un monu-ment de la littérature arabe, et en mêmetemps de la littérature universelle. Car lesNuits ne sont pas nées chez les Arabes,mais chez

le s

Indiens

Ceux-c

i le s on

ttransmises aux Iraniens et ce sont les Ira-niens qui les ont livrées aux Arabes. Apartir de ce premier point, on peut direque c'est un terrain très favorable auxcomparaisons. Je ne pense pas qu'il y aitdans le patrimoine universel un exempleaussi net de collaboration de plusieurspeuples à l'élaboration d'une oeuvre. D'au-tant que le destin des Nuits ne s'est pas

arrêt au x

Arabes

Curieusement

c e son

tles Européens qui les ont redécouvertes,avec Galland notamment, qui en a proposéla traduction que vous connaissez. Et lesNuits ont poursuivi leur chemin. Toutesles littératures ont des exemples d'oeuvresinspirées par elles. Je vous rappelle, parexemple, qu'elles sont au coeur de la créa-tion proustienne, que la littérature anglaisea des exemples célèbres de leur utilisation,etc., et qu'il y

a mêm e e u quelque s tenta

-tives de prolonger leur aventure. Voussavez qu'il s'agit d'une oeuvre suspenduedans le temps, dans l'espace, elle n'est pasachevée. Il y a mille et une nuits, donc, etje connais, pour ma part, deux " Mille etdeuxième nuit », dont l'une écrite parEdgar Poe. Malheureusement ce n'est pasdans le sens que j'espérais. En effet, lamille et unième nuit ne résout rien. Vous

savez quel est le cadre des Nuits, c'est uneespèce de lutte contre la mort. Non pasune succession de contes, mais un rapportdramatique établi entre celui qui écoute etcelui qui parle ; c'est-à-dire que le verbedevient le seul lieu de sauvegarde, et cettefemme qui raconte son histoire lutte contrela mort. Par conséquent, c'est un discourssuspendu et personne, à ma connaissance,n'a osé l'achever, dire comment se résoutle destin de ce conte, parce que le verbene peut pas s'anéantir, ou alors avec lemonde.

J e vai s essaye r d'évite r autan t qu e pos

-sible l'érudition, et toutes mes référencesseront extrêmement accessibles. Je ne vousdonnerai pas de noms en indien, en ira-nien, en arabe, cela compliquerait leschoses. Je vais me borner au schéma géné-ral.

L a premièr e mentio n qu i a ét fait e de

sNuits, dans la littérature arabe, remonte aumilieu du ive siècle - du Xe siècle chré-tien. C'est un auteur qui, dans un ouvragecélèbre appelé Les prairies d'or, cite latraduction en arabe de contes indiens trans-mis par les Perses. Je vous donne à peuprès un terminus a quo, un départ d'où lesituer. C'est important parce qu'il fautparler de la situation des Nuits dans lalittérature arabe. Vous savez que celle-ciest une littérature d'élite, savante, sérieusesi j'ose dire, qui ne retient de sa cultureque les éléments qui confortent le sys-tème, qui l'établissent. Or les Nuits sonthors de ce système ; elles ne relèvent pasde la littérature savante. Peut-on dire pourautant que cela relève de la littératurepopulaire ? Ça n'est pas si simple quecela. Il y a au moins deux critères quipermettent de dire d'une littérature qu'elleest populaire ou non.

I l y a l e critèr e d e l a langue e t celu i d

ufonctionnement. Que pouvons-nous direà ce sujet ? Il y a une première contra-diction. Les Nuits relèvent de la littératureorale, ce sont des contes, ils ne fonction-nent comme oeuvre que dans le récit parlé.Par conséquent la transcription, la misepar écrit est déjà une atteinte à la naturemême de l'oeuvre en tant que conte, etsurtout en tant que conte inachevé. Pour-quoi ? Parce que le conteur est libre, il estcréateur.Le conte, structure ouverte

J'ouvr

e un e parenthès e dan s cett e cau

-serie pour vous rappeler ce qu'est unconteur et surtout un conteur arabe. C'estquelqu'un qui pratique son art sur la placepublique. Ceux qui ont eu l'occasion devisiter le Moyen Orient ou le Maghreb,ont pu constater, dans des villes commeMarrakech ou Damas, que les choses sepratiquent encore de cette façon. Unconteur commence à parler, les gens segroupent autour de lui et il raconte. Unconteur est un merveilleux pédagogue ; ilsait que dans telle ville, avec tel auditoire,il y a des choses qui plaisent et d'autresqui ne plaisent pas. Il choisit donc unregistre. Et puis dans l'ordonnancementdes anecdotes, dans la suspension du ré-cit - car il ne peut pas parler toute lajournée, c'est un rendez-vous qui se per-pétue, on revient le lendemain pour écou-ter la suite - il ajuste son discours auxnécessités du moment. Il peut très bienreculer tel épisode, tel fait, en avancer unautre, souligner une situation, en suppri-mer une autre et, pour l'avoir écouté moi-même, je sais que le conteur " suit » sonauditoire. Lorsqu'un héros est particuliè-rement antipathique et que le conteur sentque le public réagit bien contre le gen-darme qui rosse Guignol, il met legendarme en valeur, il excite son audi-toire. Lorsqu'il sent que le destin d'unehéroïne est un mobile, quelque chose quiémeut, il le noircit, il en rajoute.

J e vou s di s tou t cel a parc e qu e j e sui

sen train d'étudier les structures du conte,or ces structures ne relèvent pas de l'écritmais de l'oral, elles sont donc fluctuantes,c'est-à-dire qu'à partir des schèmes, leconteur est libre de les manier. Ainsi, lepassage à l'écrit mutile profondément lepotentiel du conteur ; lorsqu'il y a écrit,il n'y a plus que répétition d'un texte uni-que, fixé. Que ce soit dans la lecture desNuits ou bien dans leur récitation, leschoses se figent, l'oeuvre ne vit plus, leconteur ne s'adapte plus à toute la gammedes auditoires possibles. Ecoutez-le parexemple s'adresser à des hommes qui l'ontprié de venir égayer leur soirée : à la de-mande il appuiera sur les passages eroti-ques ; et à ce sujet, je vous dirai, à propos

1 7

des traductions ou des adaptations qui enont été faites, que vous n'avez entre lesmains qu'une pauvre imitation des Nuits.Doublement pauvre, d'abord parce qu'ellea été fixée, ensuite parce qu'elle a été cen-surée. Les Galland, Mardrus et autres tra-ducteurs ont horriblement mutilé ce texte.Pourquoi ? parce qu'ils faisaient leur mé-tier de conteur. Galland offre à ses lec-teurs l'image que ces lecteurs cherchent,il a récrit un conte français du xvne - xvme

siècle i l n e tradui t pa s le s

Nuits.

D e l

amême façon qu'à la fin du xixe siècle Mar-drus ajuste sa traduction à son lecteur, ils'investit dans la traduction.

Vou s voye z don c qu e l e cont e es t quel -que chose d'éminemment mouvant et entreles mains du conteur. Je referme cetteparenthèse. Troi s situation s

L'oeuvr

e es t don c mentionné e pou r l

apremière fois au iv* siècle (xe siècle chré-tien) dans un texte arabe. Il y a là déjàun substrat d'une dizaine de contes in-diens avec les trois grandes situations quivont donner le cadre des Nuits. Ce ne sontpas des thèmes, mais des situations. Pre-mière situation : un prince, déçu parl'amour, et qui poursuit une vengeance.Deuxième situation : une femme, poursui-vie par la vengeance et qui essaie de luttercontre la mort. Troisième situation : unefemme aux prises avec des forces maléfi-ques, avec des démons, et qui essaie deles vaincre. Il semble bien que dans lesubstrat indien ces trois situations aient étéindépendantes. Je m'explique : il y avaittoute une production qui développait in-dépendamment la situation 1. du princetrompé, la situation 2. de la femme assu-mant sa condition de femme vis-à-vis deshumains, et 3. de la femme assumant sacondition de femme vis-à-vis de l'au-delà.Mais, très vite, va se dégager de ces troissituations une situation unique qui formele cadre des Nuits : c'est le prince qui esttrompé, mis en face de la femme qui luttecontre sa vengeance ; vous avez reconnule thème prétexte des Nuits. Le souverainindien, Shahriyar, s'aperçoit que sonépouse le trompe tout à fait odieusement - non seulement elle le trompe mais, dé-tail qui ajoute à l'horreur, le trompe avec

1

8un esclave noir - et va se venger. Cettesituation retrouve celle de la femme quilutte contre la mort en recourant à l'ima-ginaire, au conte, alors que la troisièmesituation ne fait plus que des réapparitionsdans le corpus général sans être une situa-tion prétexte.

J'insist

e su r c e poin t qu e nou s somme

slà descendus d'un cran, et qu'en fait lessituations étaient à l'origine indépendantes.Car si on se livre à une analyse affinée,on s'aperçoit que les trois situations re-couvrent des champs qui peuvent être in-dépendants les uns des autres, mais quidéveloppent des thèmes qui interfèrent.

Mai s nou s avon s perd u beaucou p de

scontes qui se rattachaient à ces trois si-tuations, et nous sommes contraints d'ac-cepter cette perspective opératoire à partirdu cadre, à partir de l'opposition Shahri-yar Shéhérazade qui, aidée par sa soeurDinarzade, essaie de se sortir de cettesituation pénible. Shéhérazade n'est pas lafautive, elle est au contraire une femmequi choisit ce destin, qui prend sur ellede défendre l'ensemble des femmes. C'estla fille du premier ministre. Lorsque l'ap-pétit sanguinaire du prince a fini par déci-mer toutes les jeunes vierges en état dese marier, c'est elle qui se propose pourabattre le démon. C'est Thésée allant dé-fier le Minotaure, accompagné d'Ariane.Shéhérazade va à la grotte du Minotaurepour sauver sa communauté. Il n'est pasd'ailleurs indifférent de rapprocher aussila structure labyrinthique des contes decette première image, cet espace où Thé-sée progresse vers la conclusion finale.

A parti r d e l nou s observon s don c l

aconstitution progressive d'un ensemble,mais d'un ensemble dont les liens internesvont devenir de plus en plus lâches, parceque le but de ce qui constitue les Nuits neva pas être de traiter des thèmes définis :à partir des trois situations initiales, onne file plus un thème, on poursuit un dis-cours, même s'il n'a aucun rapport avecces situations et on l'adjoint au cadre.Shéhérazade doit avoir de la matière, elledoit tenir en suspens la curiosité du roi,par conséquent il sera très facile de join-dre n'importe quel conte à ce cadre pré-texte. Les Iraniens vont le faire, les Grecsaussi : je veux dire par là qu'on va uti-

User, insérer dans ce cadre général descontes iraniens, et Von Grunebaum arelevé des influences helléniques évidentesdans des situations affectives, dans cer-tains motifs. Les Arabes s'en emparent àleur tour au Xe siècle. Là il y a deux étapes,ce que j'appellerai l'étape bagdadienne,savante, et l'étape égyptienne, populaire.

L e développemen t arab e

L'étap

e bagdadienn e savante qu'est-c

eque c'est ? Cela va me permettre de mon-trer que les Nuits sont un lieu extrême-ment intéressant d'analyse de la situationarabo-islamique dans son ensemble. Bag-dad est créée vers 750 avec la prise dupouvoir par la dynastie abasside. Un nomsitue cette période, celui d'un de ses califesles plus glorieux, Haroun al Rachid. Sivous avez lu les Nuits, vous y avez ren-contré ce calife de rêve, qui parcourt lesrues de sa capitale, avec ses ministres, sacour, ses favorites, etc. Donc la constitu-tion d'une capitale, d'un Etat très centra-lisé, et un développement extrêmementbrillant de la civilisation arabe dans tousles domaines. Notons, pour ce qui nousconcerne, un essor décisif de la littératurearabe, de la poésie, de la prose, mais ausside la musique, mais aussi de la pensée. Ilse crée à Bagdad, au début du me siècle,ce qu'on appelle la Maison de la Sagesse,où des traducteurs de toutes les languesconnues à l'époque se mettent à l'ouvragepour introduire dans le domaine culturelarabe des oeuvres indiennes, iraniennes etgrecques. C'est notamment à cette époqueque la pensée hellénique fait son irruptiondans le domaine de la culture arabo-isla-mique. Le développement de la littératurefait que l'on s'empare du cadre des Milleet une nuits pour y insérer, sous forme delégende, l'histoire de la dynastie abassidede Bagdad. C'est-à-dire que prennent placedans les contes : des souverains, commeHaroun al Rachid, des poètes, des musi-ciens, des savants, des ministres célèbres,des généraux, etc. Les Mille et une nuitsdeviennent une espèce de Légende doréede l'histoire de la dynastie.

A ce t appor t v a s e joindre u n siècl

eplus tard, une nouvelle couche que j'ap-pelle l'égyptienne. Là, les choses vontchanger. Il y a deux éléments nouveaux.Tout d'abord, on se détourne un peu despersonnages pour introduire des milieux,on commence à avoir des images des ruesde Bagdad et du Caire, des magasins, desboutiques, on trouve non plus des souve-rains, des grands poètes, mais des cor-donniers, des savetiers, des tenanciers debains maures, des marchands d'étoffe, despersonnages issus du peuple. On lit aussides jugements sur les grands de ce monde.Autrement dit, l'époque est en train d'uti-liser les Nuits pour s'exprimer, pour dire ;le conte a une espèce de fonction critique,et le corpus que nous avons entre les mainsest incontestablement incomplet. Il y aune espèce de censure, sinon d'autocen-sure, qui s'est exercée. Il est sûr que nousignorons tout un ensemble de contes misdans le cadre des Nuits et qui étaient fran-

Sindbad

le marin.

Dessin

extrait des Mille et une nuits

Gautier-Languereau,

épuisé.

1 9

chement subversifs. Mais je vous disaistout à l'heure que la culture arabo-islami-que était une culture elitiste dont avait étéexclue toute une part, perdue irrémédia-blement, et qui ne représentait pas dutout les normes de la culture officielle. Jesuis moi-même en train d'essayer de re-trouver des bribes de poèmes non confor-mistes, de poésies de refus, écrites par desmarginaux, des opposants, qui contribuent,dans cette littérature du silence, de l'ou-bli, à nous donner une image quelque peudifférente de celle qu'on trouve dans lalittérature dite officielle.

L a fonctio n subversiv e C'es t l qu e le s Nuits prennen t tout e leu

rvaleur. C'est là en même temps que lesNuits, lorsqu'elles passent à l'écrit, per-dent aussi leur fonction. Car le conteurne peut être subversif que s'il a d'abordun contact direct avec les auditeurs, ques'il n'est pas ensuite tenu de s'arrêter à uneversion. Tout conte peut se renverser. Lastructure en est suffisamment souple pourque le conteur déforme les anecdotes, leurdonne un sens, fasse surgir des person-nages, leur fasse tenir des discours qui nesont pas ceux que l'on connaît. Qu'est-cequ'une variante d'un conte ? La plupartdu temps, les érudits analysent les va-riantes hors du fonctionnement réel duconte. Ce sont des répétitions à leursyeux. Ce sont des formes qui se distin-guent légèrement mais qui se rattachentà une même perspective. Or il est certainqu'ont existé des variantes subversives,c'est-à-dire radicalement autres, du mêmeconte.

J e m e souvien s d'u n fai t particulière

-ment significatif, c'est qu'au début de laguerre d'Algérie, une des premières me-sures des autorités a été d'interdire lesconteurs sur les places publiques. Pour-quoi ? Parce que le conte se prête éton-namment aux substitutions de person-nages. Il suffit de mettre au jour les traitsd'un personnage pour que, à la place detel tyran, puisse apparaître tel personnagevivant. Et, encore à l'heure actuelle, leschoses n'ont pas changé ; il y a des paysoù les conteurs sur les places publiquessont pourchassés et interdits. Car il y a

2

0une pratique politique intense du conteet une possibilité pour le conteur d'actua-liser le récit, qui devient une espèce deroman à clé. Dès lors qu'il est écrit, leconte perd une de ses dimensions essen-tielles, d'être une création anonyme encontact avec une réalité vécue. Il devientun objet de consommation culturelle, etaboutit sur nos tables, avec des illustra-tions plus ou moins réussies, qui " illus-trent » les histoires de Sindbad le marinet d'Aladin et la lampe merveilleuse.

S i j e cit e u n pe u ironiquemen t ce s deu

xcontes, c'est pour arriver à ce sujet quime passionne dans l'analyse et qui aideà nous faire réfléchir sur nos procédés,sur nos méthodes. Si l'on revient à l'ana-lyse morphologique par exemple, on s'aper-çoit très vite que celle-ci, dans la distinc-tion des unités du récit, dans la créationd'ensembles, va dans le même sens quel'entreprise de blocage du développementgénétique. En fait, ce que je reproche àPropp et à sa méthode, c'est de bloquerla création et de légitimer la mise par écrit.Il y a une espèce de sanction définitive.On ne fait de grammaire que sur des faitsde langue qui n'évoluent guère. Or ce quiest intéressant avec un texte comme lesMille et une nuits c'est d'essayer de re-trouver, non pas la réalité des Nuits, maisl'espace silencieux qui nous sépare de leurfonctionnement. Entre la lecture de Gal-land et le conte tel qu'il a vécu dans leréel, il y a tout un espace qu'il nous fautreconstituer.

Lecture

s croisée s

Considéron

s pa r ailleur s c e qu e son

tdevenues les Nuits en Occident : ou biendes traductions où le traducteur exprimebien plus et bien moins que le texte, oubien des lieux de fonctionnement de cer-tains mythes, qui ne sont d'ailleurs pasexclus des Mille et une nuits. Regardezles bandes dessinées, les réclames et lesfilms, et vous lirez l'Orient tel qu'il est lupar l'Occident. Il y a un choix de cer-tains schèmes qui réapparaissent. J'ai faitfaire il y a quelques années en Sorbonneune maîtrise sur " L'Orient dans les ban-des dessinées ». Les observations sont pas-sionnantes à déchiffrer. Tout d'un coup,

l'architecture s'assouplit et se gondole,les visages se voilent, les yeux se fendent,les formes humaines se modifient. Il y aune définition de l'espace Orient quipasse par les mythes de l'Occident, c'est-à-dire que dans votre lecture, c'est vousque nous lisons !

A l'inverse dan s notr e ignoranc e de

sNuits, c'est nous que vous pouvez essayerde deviner. Je m'explique : il a fallu lesEuropéens pour redécouvrir les Nuits. LesArabes ne se sont jamais senti le besoinde les analyser ; il y a peut-être deux ou-vrages qui existent - travaux d'érudition - sur les Nuits dans le domaine arabe,mais il n'y en a pas d'édition scientifique,seulement des éditions commerciales, ex-purgées. Ainsi, au Caire, en 1963, ondonne une version commerciale où lafemme est un être pur, soupirant, larmo-yant, c'est-à-dire répondant aux normesde la vertu officielle, alors, vous le savez,que les Nuits, c'est tout autre chose, quele merveilleux n'y est pas du tout Aladin ;c'est une façon de vivre l'amour, c'est unefaçon absolue d'être, de dessiner le blasond'un corps, d'échapper aux pesanteurs dela morale rigoriste. Si les Arabes ne sesont pas souciés de faire une édition cri-tique de ce texte, ce n'est pas parce queles érudits ont reculé devant la difficulté(les érudits ne reculent devant aucune dif-ficulté, surtout quand il s'agit d' " exécu-ter » un texte), c'est au contraire parcequ'ils ont admis son statut, comme un res-pect informulé, et non innocent d'ailleurs,des Nuits dans leur fonctionnement réel.C'est parce qu'un jour ou l'autre les Ara-bes peuvent aller sur une place du Caire,de Marrakech, de Damas, et dire que cen'est pas Haroun al Rachid que l'on décritdans le conte, ni un cordonnier, que c'estun cordonnier cairote qui parle de Sadate,pas d'autre chose. C'est comme cela qu'afonctionné le conte, c'est un discours libre,qui s'est développé librement, qui a finipar trouver un lieu d'insertion culturel ;ce lieu d'insertion, ce sont les savants quil'ont dessiné ; je vous parlais des Prairiesd'or tout à l'heure. Et c'est là que s'estexercée la censure. Car un conte ne peutpas être inclus dans une culture, d'unepart, et ne pas être fixé par l'écriture. Dèslors qu'il y avait un dangereux fonctionne-ment culturel, les savants l'ont récupéré etl'on nous a donné un manuscrit, d'ailleurs" multiple », et c'est significatif.

L'amou

r I I es t for t difficil e d e parle r d e thème

spour les Nuits. Je choisirai deux registres.D'abord l'amour. Il y a toutes les formesde situations amoureuses, erotiques, ausens propre du terme, dans les Mille et unenuits et toute la gamme est décrite. On vade l'amour quasi platonicien de deux êtresqui s'aiment dans toutes les dimensions deleur être, jusqu'à la description quasi rabe-laisienne. Sur ce point, qui va me retenirlongtemps, toutes nos conclusions précé-dentes se retrouvent. Il n'est point éton-nant que dans une société très structurée,où la distance entre l'homme et la femmeest considérable, où la morale en placeconsidère la femme comme un lieu véri-table de perdition, où la passion est tenuepour une atteinte irrémédiable à l'équilibreharmonieux de l'homme, où donc la femmeest un danger, il n'est pas étonnant que cesoit le conte populaire ou semi-populairequi ait dit l'amour.

J e serai s oblig d'entre r dan s de s dé

-tails pour vous dire quelle fut l'évolution,par exemple, de la poésie amoureuse chezles Arabes ; elle est allée vers une abs-traction de plus en plus grande : elle s'estdéshumanisée, on a créé un personnage de" dame » idéale dans la mesure où la créa-ture humaine était mise à l'écart. Ce sontdeux mouvements qui vont de pair. Dansla mesure où la femme vivante était main-tenue éloignée, s'est développé un person-nage de dame éthérée à partir d'un idéalcourtois ; vous savez que tout ce qui estcourtoisie est passé par les Arabes avantd'aboutir en Europe. Donc la poésie amou-reuse arabe se déshumanise alors qu'aucontraire - mouvement inverse - dansles Mille et une nuits nous avons un casremarquable de langage libre, d'une vérita-ble fête du verbe. Il y a des pages quevous ne connaissez pas, qui sont absolu-ment merveilleuses. Ne serait-ce au'au ni-veau du langage, la description du corpsde la femme et du corps de l'homme, ladescription de l'acte d'amour font l'objetd'un véritable feu d'artifice où la langue

2 1

Le dormeur éveillé, Gautier-Languereau.

s'empar e d e tou s le s mot s qu i son t cen

-surés dans la production officielle de laculture arabe. C'est étincelant, et la forcemême du langage est telle qu'on a là réelle-ment un plaisir physique à la lecture decertaines pages, en cette langue vivante,drue, violente, torrentuelle. Lorsqu'oncompare certains de ces textes à la poésiearabe qui ne cesse de devenir de plus enplus abstraite, éthérée, espèce d'exerciceentre hommes de culture, où l'on se pâmeparce que l'on fait allusion au septièmedegré que seul l'initié peut comprendre,on voit bien la nature de ce déferlement,de cette prise à bras-le-corps du réel quiest étonnante.

Mai s i lquotesdbs_dbs47.pdfusesText_47
[PDF] Mille excuses !

[PDF] mille merci in english

[PDF] mille merci meaning

[PDF] mille merci orthographe

[PDF] mille mercis en anglais

[PDF] mille mercis pour votre aide

[PDF] millennium ii simulation

[PDF] millennium run simulation

[PDF] millennium simulation database

[PDF] millennium simulation paper

[PDF] millennium simulation video

[PDF] millennium xxl simulation

[PDF] Millet et Courbet points communs

[PDF] mime

[PDF] Mimer une musique courte