[PDF] Résumés des présentations Abstracts

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1 Pascale Bugnon, doctorante pascale.bugnon@unige.ch Université de Genève Département d'études est-asiatiques / Institut Confucius 9es journées de la Relève en études asiatiques et orientales Société Suisse-Asie 31 mai-1er juin 2021 " Encore une recherche sur le patrimoine ! » ou comment justifier son objet d'étude. Réflexions réflexives à partir du patrimoine musulman en Chine - " Vous faites une thèse sur la Chine ! Ça doit être passionnant. Sur quel sujet travaillez-vous ? » me demanda-t-il avec une pointe d'enthousiasme. - " Je travaille sur le patrimoine culturel en Chine » répondis-je. - " Ah... », rétorqua-t-il dans une exclamation qui dissimulait à peine son ennui, " encore une recherche sur le patrimoine culturel... ». Ce genre de conversation auquel je suis fréquemment confrontée lorsqu'il s'agit d'évoquer mon travail de doctorat montre à quel point certains objets d'étude sont devenus des lieux communs sur lesquels tout semble avoir été dit et écrit. De la sorte, ma recherche doctorale ne constituerait qu'une énième étude sur un sujet à la popularité grandissante si galvaudée qu'elle en perdrait tout intérêt. En effet, cette thématique aussi bien présente dans le monde académique que dans les discours des politiques ou de toute communauté désirant mettre en valeur leurs biens culturels, montre que la notion de " patrimoine » s'est transformée en outil pragmatique renvoyant à des utilisations diversifiées et dont l'extension semble en appauvrir le sens. À cette réflexion initiale sur le choix de mon sujet de recherche s'ajoutent d'autres considérations dubitatives comme : " Patrimoine musulman en Chine ?! Mais vous êtes musulmane pour travailler sur un tel sujet » ou e ncore " Quel est l'int érêt de travaill er sur le patrimoine musulman ? ». Ces remarques, un peu désagréables de prime abord, constituent au final un atout réflexif indéniable dans la justification d'un choix d'objet d'étude, et ce, d'autant plus dans le cadre d'une recherche interdisciplinaire touchant aussi bien aux domaines des études asiatiques, de la religion et des politiques institutionnelles. Par conséquent, quels sont les apports d'une telle recherche ? Le " patrimoine », malgré un emploi indifférencié, demeure un doma ine-clé à investiguer, perm ettant de réfléchir non seulement aux pratiques mémorielles multiformes dont nos sociétés semblent si friandes, mais également aux différentes confrontations rhétoriques suscitées par une vaste palette d'acteurs. Topos signifiant, objet de pensée, d'affection ou d'aversion1, il constitue un lieu d'observation privilégié, au sein duquel s'expriment des logiques d'utilisation du territoire et des intérêts divergents, des " manières de faire » par lesquelles des utilisateurs se réapproprient l'espace organisé par les techni ques de la production sociocul turelle2. Par ailleurs , l'e ntremise du patrimoine apporte un angle d'observa tion original à des é pineuses ques tions qu'il serait difficile d'aborder de but en blanc sur le terrain comme celle des politiques religieuses en Chine. En questionnant le place et le rôle du patrimoine musulman chinois, il est possible d'accéder à une compréhension plus nuancée des enjeux mémoriaux contemporains et d'éclairer d'un jour 1 Fabre Daniel, 2000, " L'ethnologie devant le monument historique », in : Daniel Fabre (dir.), Domestiquer l'histoire. Ethnologie des monuments historiques, Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, p.18. 2 de Certeau Michel, 1990, L'invention du quotidien. 1.Arts de faire, Paris, Gallimard, p. XL.

2 nouveau les mutations des relations entre État, société et religion. Cette perspective permet de discuter et disputer la vision usuelle d'un Etat chinois monolithique et d'adopter une approche qui insiste sur la diversité des groupes d'intérêt protéiformes (officiels ou non) par une mise en lumière, au niveau local, des relations interpersonnelles et inter-administrations. "Another research on cultural heritage ! " or how to justify its object of study. Reflexive reflections from the case of Muslim heritage in China - "You are doing a thesis on China! That must be fascinating. What subject are you working on?", he asked me with a touch of enthusiasm. - "I'm working on cultural heritage in China", I replied. - "Ah...", he retorted with an exclamation that barely concealed his boredom, "another research on cultural heritage...". This kind of conversation, which I am frequently confronted with when talking about my doctoral research, shows to what extent certain objects of study have become commonplace, about which everything seems to have been said and written. In this way, my doctoral research would only be the umpteenth study on a subject that has become so overused that it would lose all interest. Indeed, this theme, which is as present in the academic world as in the discourses of politicians or any community wishing to promote their cultural assets, shows that the notion of "heritage" has been transformed into a pragmatic tool referring to diversified uses, the extension of which seems to impoverish its meaning. To this initial reflection on the choice of my research topic, other dubious considerations were added: "Muslim heritage in China? But you are Muslim to work on such a subject" or "What is the interest of working on Muslim heritage ?". These remarks, a bit unpleasant at first sight, are in the end an undeniable reflexive asset in the justification of a choice of study object, and this, all the more in the framework of an interdisciplinary research touching as well on the fields of Asian studies, religion and policies. Therefore, what are the contributions of such research? Despite its undifferentiated use, "heritage" remains a key field to investigate, allowing us to reflect not only on the multiform memorial practices that our soc iet ies seem so fond of, but also on the various rhetorical confrontations generated by a vast range of actors. As a signifying topos, an object of thought, affection or aversion3, it constitutes a privileged place of observation, within which logics of use of the territory and divergent interests are expressed, "ways of doing" by which users reappropriate the space organised by the techniques of socio-cultural production4. Moreover, the intermediary of heritage brings an original angle of observation to thorny questions that would be difficult to tackle outright in the field, such as that of religious policies in China. By questioning the place and role of Chinese Muslim heritage, it is possible to gain a more nuanced understanding of contemporary memorial issues and to shed new light on the c hanging relationship between state, society and religion. This perspective makes it possible to discuss and challenge the usual vision of a monolithic Chinese state and to adopt an approach that emphasises the diversity of protean interest groups (official and unofficial) by highlighting, at the local level, interpersonal and inter-administrative relations. 3 Fabre Daniel, 2000, " L'ethnologie devant le monument historique », in : Daniel Fabre (dir.), Domestiquer l'histoire. Ethnologie des monuments historiques, Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, p.18. 4 de Certeau Michel, 1990, L'invention du quotidien. 1.Arts de faire, Paris, Gallimard, p. XL.

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