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Balzac et la digression: une nouvelle prose romanesque

Balzac et la digression

une nouvelle prose romanesque

GROUPE INTERNATIONAL DE RECHERCHES BALZACIENNES

Collection Balzac

BALZAC ET LA DIGRESSION

UNE NOUVELLE PROSE ROMANESQUE

Aude Déruelle

publié avec le concours du Centre de Narratologie appliquée de l'Université de Nice

Collection Balzac

dirigée par Nicole Mozet sous l'égide du

Groupe international de recherches balzaciennes

Cette nouvelle " Collection Balzac » du GIRB prend la suite de la " Collection du Bicentenaire », aux éditions SEDES, dans laquelle sont parus Balzac et le style (Anne Herschberg Pierrot éd., 1998) ; Balzac ou la tentation de l'impossible (Raymond Mahieu et Franc Schuerewegen éd., 1998) ; Balzac, Le Roman de la communication (par Florence Terrasse-Riou, 2000) ; L'Érotique balzacienne (Lucienne Frappier- Mazur et Jean-Marie Roulin éd., 2001) ; Balzac dans l'Histoire (Nicole Mozet et Paule Petitier éd., 2001) ; Balzac peintre de corps (par Régine Borderie, 2002).

Dans la même collection :

• Balzac, La Grenadière et autres récits tourangeaux de 1832, édition établie et présentée par Nicole Mozet, 1999. • Penser avec Balzac, José-Luis Diaz et Isabelle Tournier éd., 2003. • Ironies balzaciennes, Éric Bordas éd., 2003. • Balzac géographe : territoires, Philippe Dufour et Nicole Mozet éd., 2004.
• Balzac et la crise des identités, Emmanuelle Cullmann, José-Luis Diaz et Boris Lyon-Caen éd., à paraître, 2005. Abréviations : CH, pour La Comédie humaine, avec indication du tome et de la page, Pléiade, 12 vol. ; OD, po ur les OEuvres diverses, ibid., 2 vol. ; PR pour Premiers Romans, Laffont, 2 vol. ; Corr., pour la Correspondance, Garnier, 5 vol. ; LHB, po ur les Lettres à madame Hanska, La ffont, 2 vol. ; AB, po ur L'Année balzacienne, suivie de l'année. Le calcul des occurrences utilise la Concordance de Kazuo Kiriu (CH, OD, PR, Corr., Lettres à Mme Hanska et Contes drolatiques), mise en ligne sur le site de la

Maison de Balzac à Paris.

INTRODUCTION

Étudier une notion de poétique da ns un corpus particul ier invite nécessairement à s'interroger sur l'objet auquel on veut accorder la primauté. Gérard

Genette souligne la difficulté à faire coexister théorie littéraire et critique, ne voulant

ni réduire la Recherche de Prous t à un " lieu d'illustration », ni restreindre les questions de poétique à un " détour théorique 1

». De mêm e, voir en l'oeuvre de

Balzac un simple réservoir d'exemples destinés à illustrer un travail sur la digression risque de restreind re l'approche de la not ion, trop inexplor ée cependant pour permettre un parcours de La Comédie humaine sans tenter de répondre à certaines questions théoriques. Approfondir la poétique balzacienne, et donner par là même un nouvel éclairage sur la notion de digression, voilà donc le double enjeu de cet ouvrage. La digression est un objet flou qui se dérobe au discours critique. Les problèmes de définition sont en partie liés à des questions de catégorisation : aux côtés de quelles notions placer la digression 2 ? Absente, à juste titre, des listes de figures (voir ch. I), la digression est un phénomène hors normes dont l'existence même est parfois remise en question. Les dictionnaires de langue ne sauraient pallier l'insuffisance de la théorie. Furetière d éfinit la digres sion c omme un " vice d'éloquence, où l'on tombe lorsqu'un Orateur sort de son principal sujet pour en traiter un autre 3 ». C'est là, mis à part l'aspect normatif, la définition courante de la notion, que l'on retrouve dans le Dictionnaire de l'Académie française : " ce qui dans un discours est hors du principal sujet 4

». Marquée au coin de la subjectivité,

une telle définition, qui procède à l'assimilation entre les notions de digression et de hors sujet, soulève des problèmes plus qu'elle n'en résout, surtout dans le cadre du genre romanesque, que l'on ne saurait réduire à un propos ou un sujet (voir ch. II) - les deux d éfinitions citées, de m anière significative, se réfèren t au modèle du discours oratoire. Cause ou conséquence de ce flou théorique, la digression a longtemps été saisie à travers un système axiologique fortement polarisé : on la condamne, plus rarement on la loue, o n ne l'étudie guère. La stigmatisati on de la digr ession a prévalu à l'âge classique, au nom d'une conception du discours fondée sur l'ordre, l'unité et la br ièveté. A co ntrario, Je an Gaudon soulign e le " bonheur » de " se

1. G. Genette, Figures III, Seuil, " Poétique », 1972, p. 68.

2. C'est, selon Ph. Hamon, un " lieu stratégique », un " moment de scansion du texte » comme l'incipit

ou la conclusion. Mais ce lieu se caractérise néanmoins par l'imprévisibilité de ses endroits d'apparition,

bien que certaines constantes puissent être dégagées (" Clausules », Poétique n° 23, Seuil, 1975, p. 496).

3. Furetière, " Digression », Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinieer Leers,

1690.

4. Article " Digression », Dictionnaire de l'Académie française, Firmin Didot frères, 1835.

Balzac et la digression 8

laisser conduire pa r le romancier 1 », et ass ocie la digr ession à la pure liber té créatrice. Mais l'éloge de la discontinuité demeure dans une logique normative, dans une confrontation du pour et du contre, sans donner les outils nécessaires à une étude un tant soit peu objective - c'est-à-dire qui se refuse à juger, du moins avant de chercher à expliquer et plus encore à décrire - de la notion. Si la rhétorique a accordé peu d'importance à la digression, sauf pour la condamner, il faut bien avouer que la théorie moderne, pendant longtemps, ne s'est guère attachée à cette

notion. Et ce à tel point qu'avant même de procéder à son étude, une première étape

réflexive devenait nécessaire : pourquoi un tel désintérêt pour cet objet poétique ?

C'est ainsi qu'en 1970, dans un arti cle essenti el, Michel Charles montre que " la digression n'existe pas pour la critique 2

». La critique littéraire ne

peut envisager cette notion sans aller à l'encontre de ses propres principes, de son mode de fonctionnement qui consiste à trouver une cohérence au texte, à réduire au maximum la dispar ate d'une oeuvr e : " il y a contra diction e ntre le repérage de transgression (redites, obscurités, digressions...) et la tendance des analystes à tout légitimer dans une oe uvre 3 ». Dans une approche sinon sim ilai re, du moi ns comparable en ce qu'elle s'interroge sur le rapport de la théorie littéraire à la digression, Maurice Laugaa, en 1971 4 , déplore le fait que la digression n'ait pas été étudiée par les méthodes modernes d'analyse, et s'intéresse aux nombreuses prises

de position sur cette notion qui ont existé depuis l'époque hellénistique jusqu'à l'âge

classique. Une telle analyse, au lieu de rester dans une logique normative, prend justement celle-ci pour objet , inst aurant une distance nécessair e à l'élaboration d'une réflexion théorique. Dans le prol ongement de ces analyses, la thèse de Randa Sabr y constitue à plusieurs titres une étape essentielle. Cet ouvrage dresse un panorama de la digression, de la rhétorique grecque à quelques écritures romanesques du XX e siècle. Après avoir analysé les discours tenus sur la digression, Randa Sabry montre que la " pratique digressionniste romanesque » a beaucoup évolué, en distinguant " deux phases de mutation : un e relève du dig ressionnisme baroq ue par un digressionnisme critique [...] ; un e relève du d igressionnisme critique par un digressionnisme de l'excursus 5

», tout en focalisant son analyse sur ce

digressionnisme critique si bien représenté par Tristram Shandy. La digression y étant vue de façon surtout diachronique (même si l'auteur déclare ne pas suivre de fil chronologique), on peut regretter que le problème de la définition soit disséminé au fil de l'oeuvre 6 , et que certaines questions essentielles telles que les fonctions n'aient pas été abordées. Néanmoins, Randa Sabry a mis au jour de nombreuses problématiques attachées au phénomène de la digression. En outre, ce travail de

1. J. Gaudon, " Éloge de la digression », Travaux de Linguistique et de Littérature VI (2), Strasbourg,

1968, p. 132.

2. M. Charles, " Digression, régression », Poétique n° 40, Seuil, 1970, p. 397.

3. D. Maingueneau, Pragmatique pour le discours littéraire (1990), Dunod, 1997, p. 136.

4. M. Laugaa, " Le théâtre de la digression dans le discours classique », Semiotica IV (2), La Hague,

1971, p. 97-126.

5. R. Sabry, Stratégies discursives : digression, transition, suspens, EHESS, 1992, p. 9.

6. Le mimétisme avec l'objet étudié est tentant dans le cas de la digression. Ainsi R. Sabry insère-t-elle

des digressions dans son ouvrage. Une telle méthode se justifie surtout lorsque la digression du critique

s'immisce dans le texte de l'auteur, comme dans S/Z de R. Barthes (Seuil, 1970, p. 22) : " le texte tuteur

sera sans cesse brisé, interrompu sans aucun égard pour ses divisions naturelles (syntaxiques, rhétoriques,

anecdotiques) ; l'inventaire, l'explication et la digression pourront s'installer au coeur du suspense ».

Introduction 9

recherche a sans doute été le déclenc heur de qu elques réflexions. De manière significative, la revue Textuel consacre à cet objet un numéro où figure notamment une contribution importante de Maurice Laugaa qui prend " acte de l'indifférence geté 1 C'est en revanche dans une tout autre perspective que s'élabore la réflexion de Pierre Bayard sur Le Hors sujet, consacrée à la digression proustienne 2 Cette analyse e xplore la dimension psyc hanalytique du " hors sujet » : la libre association, en sortant du " sujet » (res), conduirait au " sujet » (ego). Pierre Bayard n'en aborde pas moins de front certaines questions difficiles liées à l'étude de la digression (définition, critères, fonction), en engageant un débat avec la thèse de Randa Sabry. Plus une affaire de temps que de lieu, la digression serait un intervalle entre la rencontre de l'écart (surpri se) et sa réduction par le lecteur (cohérence retrouvée). Enfin, plus récemm ent, Éric Bordas s'est intéressé à la digression balzacienne 3 . Son approche, stylistique, le conduit à déceler, à côté des digressions entre les phrases (du récit), des digressions au sein même de la phrase : seraient digressifs les expansions qui se greffent sur la matr ice narrative (enchâssem ents propositionnels, hypotaxiques ou apposés), ainsi que les changements énonciatifs (le fameux " un de ces... qui » balzacien) qui font passer du cas narratif à la loi extra- textuelle, du monde de la fiction à ce qui est présenté comme le monde du réel. Au terme de ce parcours, un constat s'impose : la digression a accédé au st atut d'objet poétique, mai s elle suscite des approches si diverses, voire opposées, qu'elle est loin d'avoir acquis une définition stable. Plus précisément, deux écueils s'opposent à la tentative de cerner ce procédé rebelle à l'analyse. D'une part , on peut soutenir que r ien n 'est à propr ement parler digression. Il paraît toujours possi ble de rattacher le passage concer né au projet global de l'oeuvre, en montrant qu'il le sert par des voies détournées : " il n'est pas de digression qu'une technique exégétique élaborée ne puisse ramener au droit fil du discours 4 » - inversement, celui qui verrait des dig ressions dans une oeuvre ne ferait preuve que de son incompétence. C'est alors ruiner le concept de digression, pour lui refuser toute existence spécifique. Ce point de vue est trop fréquent - et l'objection trop forte - pour que l'on se contente de l 'écarter sans plus de justification : il fa ud ra démontrer la légitimité d'un dis cours sur la digression. L'ouvrage de Pierre Bayard retravaille cette optique : toute digression qui peut être rattachée à l'oeuvre n'en est pas une - autrement dit, le digressif est éphémère, résorbé dans le mouvement même de l'analyse critique. De manière générale, cette optique aboutit à un " débat quelque peu artificiel dont le scénario est connu : ces

1. M. Laugaa, " Identifier la digression », in N. Piégay-Gros, La Digression, Textuel n° 28, Paris 7, 1994,

p. 113. Voir également la parution d'un ouvrage sur la digression dans une collection scolaire (Chr.

Montalbetti et N. Piégay-Gros, La Digression dans le récit, Bertrand-Lacoste, " Parcours de lecture »,

1994).

2. P. Bayard, Le Hors sujet. Proust et la digression, Éd. de Minuit, 1996.

3. Da ns le cadre de s a thèse (Balzac, discours et d étours. Pour une stylistiqu e de l'énonciation

romanesque, To ulouse, Presses universitaires du Mirail, 1997), puis dans un article (" Pratiques balzaciennes de la digression », AB 1999 (I), p. 293-316).

4. M. Charles, " Digression, régression », art. cit., p. 397.

Balzac et la digression 10

digressions en sont-elles ? n'y a-t-il pa s un lien très fo rt entre ces segments digressifs et le reste de l'oeuvre ? 1 D'autre part, on peut s'attacher, comme Éric Bordas ou Olivier Barbarant, qui décrit une " digression phrastique, "généralisée" 2

», à déceler

" l'infime de la digre ssion 3 », en voyant l es relatives, appositions, com pléments comme autant d'excroissances digressives. Sans mener obligatoirement à " voir des digressions partout », une telle perspective conduit incontestablement à une dilution de la notion. Il s'agira de poser la question de l'extension de la notion, afin de lui conserver toute sa validité - et son intérêt. Ces deux écueils critiqu es, dans l'excès du rien et du tout, se retrouvent en ce qu'ils privilégient le point de vue du critique sur la digression au détriment de sa perception par le lecteur 4 . S'il est particulièrement difficile de bâtir un discours théorique sur cet objet se dérobant à toute entreprise de définition, la reconnaissance d'une digression dans une oeuvre est pourtant une pratique de lecture courante et expérimentée par tout un chacun. Le lecteur est souvent tenté de sauter les passages qu'il considère comme des digressions, ce qui montre qu'il sait, la plupart du temps, les repérer au sein du texte. S'il ne s'agit pas de bâtir un discours à partir d'une coll ection d'expériences individuelles et empiriques, il n'est pas dit qu'il faille pour auta nt rejeter totalemen t les enseignemen ts de cette " reconnaissance intuitive 5 », qui ne saurait fournir des critères de définition, mais atteste néanmoins que la digr ession est un objet par ticul ier, et justifie que l'on s'attache à l'étudier. Nier l'existence des digressions en cherchant à les rattacher

coûte que coûte à l'ensemble de l'oeuvre, cette position ne tient pas face à l'évidence

de la lecture courante : tout lecteur a été confronté à l'altérité du digressif. L'excès inverse consiste dans une visi on large ou lâche de la digression, qui, à partir de la définition courante de la notion (" ce qui s'écarte du propos principal »), l'étend à tout élément au sein de la phr ase susceptible de recevoir une telle caractérisation. Or les relatives, incidentes ou autres phénomènes intra-phrastiques 6 , ne sont pas des digres sions aux yeux du lect eur, qui les lit toujours, et ne se demande jamais s'il va ou non les " sauter ». Pour ne pas diluer la notion, il est donc nécessaire de faire appel au critère de la longueur - la poétique classique remplaçait d'ailleurs parfois le terme de " digression » par celui de

1. M. Laugaa, " Identifier la digression », art. cit., p. 106.

2. O. Barbarant, " Ombre bleue, aubergines et mandragores. Digression et séduction dans un extrait du

Traité du style d'Aragon », in La Digression, op. cit., p. 55-56.

3. R. Sabry, op. cit., p. 67.

4. " Il est donc temps de remplacer le point de vue du poéticien par celui du lecteur » (V. Jouve, L'Effet-

personnage dans le roman, PUF, 1992, p. 13).

5. Ph. Hamon, Du descriptif, Hachette, 1993, p. 37.

6. Pe ut-être le terme de " catalyse », proposé par R. Barthe s dans son " Introduction à l'analyse

structurale des récits » (1966) (in Poétique du récit, Seuil, 1977, p. 21) serait-il adapté pour nommer

certaines caractéristiques de la phrase balzacienne - É. Bordas le reprend d'ailleurs dans son article

(" Pratiques balzaciennes de la digression », art. cit., p. 305). Plus gé néralement, la dissension avec

l'analyse proposée par É. Bordas découle d'une divergence méthodologique : faut-il donner des noms

différents à des phénomènes somme toute distincts, ou subsumer ceux-ci au sein d'une dénomination

unique, privilégier le continuum au détriment de la différenciation ?

Introduction 11

" longueur 1 ». La digression est en effet une séquence textuelle 2 et occupe comme telle un certain volume au sein de l'oeuvre. Mais ce critè re de la longueur semble éminemm ent subje ctif. Comment quantifier la limite en deçà de laquelle un pass age n'est plus une digression ? Une page, un paragr aphe, une phrase ? Il est absurde de poser une norme arbitraire. C'est qu'il n'y a pas tant longueur qu'effet de longueur - le tout étant d'analyser à quoi est due cette impressi on. Dans un récit , le sentim ent de longueur éprouvé par le le cteur tient à la rupture du fil n arratif : il n 'y a pas d'avancée dans l'action, celle-ci étant com me suspendue par le narrateur - l'étymologie latine (digredi signifiant " quitter le chemin ») ne se réfère d'ailleurs pas tant au sujet et à ce qui lui est extérieur qu'elle ne met en évidence l'écart par rapport au fil du discours ou du récit. C'est pourquoi une digression sera jugée plus ou moins longue en fonction de l'emplacement qu'elle occupe dans l'oeuvre. Une séquence digressive figurant juste avant le dénouement ou une scène très attendue, au cours de laquelle de nombreux éléments de l'intrigue qui étaient restés en suspens sont censés trouver leur résolution, sera jugée sans aucun doute plus longue que la même digression à un autre endroit de l'oeuvre. À cet égard, une phrase - complexe s'entend, une phrase simple constituée d'un sujet, d'un verbe et d'un complément ne provoquant pas d'effet de retard dans la lecture 3 - pourrait être considérée comme digressive si elle se trouve juste avant une séquence de dénouement ou de révélation, et encore plus si elle se situe peu après le début de cette séquence, venant l'entraver dans son déroul ement. L e critère de la longueur, qui pouvait paraître purement subjectif, est en fait relatif à la gestion globale du récit. Il ne s'agit pas pour autant de voir une digressi on dans toute interruption du récit. Celle-ci peut êtr e due à l'entrelacement de plusieurs fils narratifs, procédé cher au roman-feuilleton en ce qu'il engendre mécaniquement du suspens (voir ch. V ). À cet égard , on a égale ment trop tenda nce à rabattre le digressif, au sein d'un roman, sur le discursif (que celui-ci soit rattaché ou non à la narration par des formulati ons généralis antes). À l'occasion des " pauses descriptives », Genette procède à cette assimil ation en r emarquant que " toute description ne fai t pas pause », et qu'inversement " certaines pauses sont plutôt digressives, extradiégétiques, et de l'ordre du commentaire et de la réflexion plutôt que de la narratio n 4 ». Mais comme le remarque à jus te titre Rand a Sabry, " la

1. Condillac, dans un chapitre consacré aux " longueurs », dit que " dans tout discours il y a une idée par

où l'on doit commencer, une par où l'on doit finir, et d'autres par où l'on doit passer. La ligne est tracée ;

tout ce qui s'en écarte est superflu » (L'Art d'écrire (1775), Dufart père, 1812, p. 326).

2. La définition de la séquence adoptée n'est pas celle de Cl. Brémond mais celle de J.-M. Adam (" Pour

une pragmatique linguistique et textuelle », in L'Interprétation des textes, Éd. de Minuit, 1989, p. 204-

205) : " la séquence est une unité constituante du texte dont on peut formuler l'hypothèse qu'elle est

constituée de paquets de propo sition s, les macro-propositions, à leur tou r constituées d e n

(micro)propositions. [... ] Si les discou rs, pro duits empir iques, semblent aussi différe nts les uns des

autres, si donc la créativité et l'hétérogénéité peuvent apparaître avant les régularités, c'est avant tout

parce qu'au niveau textuel la combin aison des séquences est généralemen t comp lexe. [...] un texte

combine des séquences différ entes : description dans un récit, récit dans une argumentation ou une

conversation, etc. ».

3. La digression diffère donc de la maxime - É. Bord as assimile ces deux pratiques d'écriture

(" Pratiques balzaciennes de la digression », art. cit., p. 309).

4. G. Genette, Nouveau discours du récit, Seuil, 1983, p. 25.

Balzac et la digression 12

digression telle qu'elle a été pratiquée déborde et dément ce cadre étroit 1

» - une

séquence digressive peut êt re descriptive, discursive, m ême narrative (ane cdote, récit second). De fait, toute définition de la digression par le contenu ou la nature de la séquence est vouée à l'échec. Hésitant à nommer digression ce qui ne s'avoue pas ainsi, et afin de cerner plus attentivement cet objet rebelle à l'analyse, Maurice Laugaa s'interroge sur " la prése nce (peut-être obligatoire) du mot digression pour identif ier "une digression" 2 ». Et i l ajoute : " quelque chose, r elevant de la croyance ou de l'illusion, est ici en acte », et qui n'est pas " séparable d'une fonction pragmatique de l'énonciation 3 ». Il ne s'agit pas, pour autant, de rechercher le digressif dans les intentions avouées de l'auteur - parce que le regard qu'il porte sur son oeuvre est tout aussi subjectif - mais plutôt de voir que la digression, loin de se définir par un contenu plus que vague, marqué par la négativité et l'altérité (ce qui n'est pas le sujet, ce qui sort du propos), renvoie à des questions d'énonciation. Ce serait alors définir la digression par la forme, c'est-à-dire par sa formulation métadiscursive. Ainsi, selon Randa Sabr y, " est digressi on ce qui se signale comme tel [... ], la digression ne se laisse en effet sai sir que dans l'exubérance de son autodésignation 4 ». Par des marques s pécifiques, sinon par le mot lui -même, la digression s'affiche : le narrateur exhibe l'acte de débrayer de l'histoire. L'écart - qui ne se conçoit, il est vrai, que par rapport à une certaine linéarité (mais celle-ci n'est-elle pas un horizon indépassable du récit ?) - est souligné par une démarcation. Ce critère pe rmet ainsi de différencier une " simple » descr iption d'une digr ession descriptive - le métad iscours permettant d'introduire une justification du descriptif (chez Balzac, on trouve des énoncés du type : " ici une description est nécessaire »). Ce fais ant, Maurice Laugaa refuse de considér er qu 'il en va de la digression comme de la descripti on - " le lecteu r moyen, en géné ral, identifie d'emblée et sans hés itation une description 5

». Mais une telle approche du

phénomène digress if n'est pas contradi ctoire avec s on identification int uitive (et certes quelque peu aléatoire) par le lecteur, qui réagit aux signaux du texte. Si le lecteur reconnaît une digression, c'est non par la saisie d'un hors sujet, mais en raison de la présentation ostentatoire du passage digressif : " son repérage n'est pas affaire de subtilité, mais d'évidence, et même d'excès d'évidence 6 La digr ession se définit donc comme une séquence textuelle programmant un effet de longueur à la lecture, signalée par la présence d'un métadiscours (plus ou moins développé) jouant le rôle d'une cheville démarcative

qui souligne l'écart par rapport à la trame narrative. Ce métadiscours est caractérisé

par certains invariants bien analysés par Françoise van Rossum-Guyon et Éric

1. C'est ce que R. Sabry appelle la " traversée des genres » (op. cit., p. 236). Cette notion de " genre » est

ici abusivement employée, et son usage doit être réservé, comme le dit G. Genette, aux " catégories

proprement littéraires », " faits de culture et d'histoire », tels que le roman ou la comédie (" Introduction

à l'architexte » (1979), in Théorie des genres, Seuil, 1986, p. 142).

2. M. Laugaa, " Identifier la digression », art. cit., p. 110.

3. Ibid., p. 111.

4. R. Sabry, op. cit., p. 191.

5. Ph. Hamon, Du descriptif, op.cit., p. 37.

6. R. Sabry, op. cit., p. 191.

Introduction 13

Bordas

1 : intervention du narrateur 2 , passage aux temps du discours, jeu de certaines métaphores, termes réflexifs (" digression », mais également " description », " explication », etc.). Il reste cependant que l'effet de digression est sans aucun doute plus ou moins accentué selon le nombre et la nature de ces signaux. Ainsi, de nombreuses séquences sont à la frontière du digressif, lorsque seuls certains des critères sont réunis : de s passages d iscursifs procèdent à une rupture d u fil narratif et créent également une impression de l ongueur, mais ne sont pas introd uits par un métadiscours. Il y a alors pause du réc it sans pose d u narr ateur, écart sans démarcation. Il existe d'ailleurs des degrés intermédiaires dans l'auto-signalisation d'une digr ession, de quelques éléments métadiscurs ifs à la présence du vocabl e " digression ». Cette recherche s'inscrit dans un e approche poétiqu e du textequotesdbs_dbs28.pdfusesText_34
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