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CORPUS DE SEQUENCE : LEtranger un héros de labsurde ?

http://www.telerama.fr/livre/bd-l-etranger-le-roman-d-albert-camus-adapte-par-jacques- · ferrandez96095.php critiques repensent le personnage-clef.



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1 déc. 2020 Un recueil d'articles critiques parus entre 2004 et 2015 dans lesquels ... de la BD et de l'image Angoulême



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LITTERATURE ET LES AUTRES ARTS.

Doc 1.2 : Le crime

Doc 1.4 : Face au juge.

Doc 1.5 : Au tribunal

Doc 1.6 : Le verdict

ferrandez,96095.php

d'abord avec L'Hôte en 2009, puis avec L'Etranger, qu'il vient d'adapter. Ses aquarelles lumineuses

restituent élégamment des paysages écrasés de chaleur, où se déroule un drame sourd : l'indéchiffrable

Meursault a tué un homme, et va être condamné à mort. Mais le jury est-il plus sensible à cet assassinat,

ou à l'indifférence affichée de l'accusé lors de l'enterrement de sa mère ? Pour Télérama.fr, Jacques

Ferrandez commente trois planches de son album.

" Aujourd'hui, Maman est morte. » de voix off : c'est de la bande dessinée, il faut dialoguer les situations pour les rendre vivantes. J'ai donc dû trouver une astuce. Albert Camus m'a fourni la solution : son héros s'assoupit dans le bus, quelques pages plus loin. J'ai profité de cette situation pour opérer un retour en arrière dialogué, et conserver ensuite cette forme de narration. J'ai choisi de faire de Meursault un homme jeune. Pour moi, L'Etranger est un roman sur la jeunesse, il

pointe un refus du mensonge et des règles de la société. J'ai pensé à James Dean ou Gérard Philipe pour

créer mon héros. Comme je dessine l'intrigue au fur et à mesure, mon trait évolue : au début, je cherche

mes personnages, je peine à les rendre ressemblants d'une case à l'autre. Cela va finalement bien à

Meursault, qui est si difficilement cernable... »

L'enterrement de la mère.

" Voilà la fin de la scène de l'enterrement de la mère de Meursault. Dans son livre, Camus évoque le goudron de la route qui fond, tant il fait chaud. Il était donc essentiel de montrer à quel point la chaleur baigne toute l'histoire, jusqu'au malaise. Elle constitue le fil rouge de ce récit. Il m'a fallu faire passer un sentiment d'écrasement. Je représente un soleil presque enfantin, très codifié. J'utilise là un vocabulaire très " ligne claire », qu'on peut retrouver chez Hergé ʹ notamment lorsqu'il montre le Capitaine Haddock saoul, ou le Professeur Tournesol en pleine confusion : des spirales, des gouttes... Les couleurs sont évidemment importantes, puisqu'elles traduisent la lumière. Lorsque j'ai commencé à travailler sur l'Afrique du Nord, je me suis inspiré des peintres orientalistes. Mais c'était trop vif, criard. J'ai opté pour des teintes plus douces, qui montrent mieux l'aveuglement généré par le soleil. »

Le procès de Meursault.

Document 3 : rama :

" Pas évident de montrer le procès de Meursault sans être ennuyeux et répéter des joutes verbales un peu similaires. Un vrai challenge, puisque vingt-quatre pages de cette BD se déroulent au sein d'un tribunal ! J'ai donc utilisé des scènes à l'aquarelle pour figurer l'ambiance générale, et permettre à la planche de respirer. J'ai aussi

alterné des plans serrés et généraux. Mais l'ensemble est véritablement porté par le

Jacques Brochier, un intellecturel parisien dans la mouvance de Jean-Paul Sartre, qui avait qualifié Albert Camus de " philosophe pour classe de terminale ». Et j'ai fait à Céleste ʹ le patron du restaurant où Meursault a ses habitudes ʹ la tête de William Faulkner, pour lequel Camus avait beaucoup d'admiration. Un peu plus loin, j'ai transformé Sartre en journaliste agressif venu de Paris... Une façon de venger Camus, en quelque sorte ! »

" Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » Ainsi commence L'Etranger, le plus

célèbre des romans d'Albert Camus, vendu à plus de dix millions d'exemplaires. Nombre de collégiens,

avec ce livre, découvrent le concept d'" absurde », et s'identifient au mal-être de Meursault, au non-sens

du monde qui les entoure. Jean-Paul Sartre, lui, s'était intéressé au temps des verbes dans le livre : le passé

composé plutôt que l'imparfait, la brièveté plutôt que la durée ! Mais c'est aussi un roman dont certains

critiques repensent le personnage-clef. Car la question de " l'Arabe », elle, n'avait pas effleuré ceux de

l'époque. Aujourd'hui, des lectures plus politiques, aiguisées par l'actualité, soulèvent une question,

presque une énigme : mais qui est donc " l'étranger » de L'Etranger ? Est-ce Meursault, Français d'Algérie

parmi d'autres, impassible qui ne pleure pas à la mort de sa mère et ne s'abandonne qu'à " la tendre

indifférence du monde » ? Meursault est-il l'archétype de celui qui rejette les codes sociaux et finit

guillotiné pour n'avoir pas " joué le jeu », comme l'écrivit Camus dans sa préface à l'édition américaine, en

1946 ? Ou n'est-il que la version romanesque du Mythe de Sisyphe et de sa réflexion philosophique sur

Doc 5.1 : Incipit (1ère partie, chapitre 1)

Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de

l'asile: " Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.» Cela ne veut rien dire. C'était

peut-être hier.

L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à

deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai 5

demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse

pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit : "Ce n'est pas de ma faute." II n'a pas

répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser.

C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il

me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après 10

l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.

J'ai pris l'autobus à deux heures. II faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste,

comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit: "On n'a qu'une

mère". Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu

que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, 15

il y a quelques mois.

J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de tout cela

sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me

suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre

un militaire qui m'a souri et qui m'a demandé si je venais de loin. J'ai dit "oui" pour n'avoir plus à 20

parler.

Doc 5.2 : La demande en mariage (I, 5)

Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit

que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je

l'aimais. J'ai répondu comme je l'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute

je ne l'aimais pas. "Pourquoi m'épouser alors?" a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune

importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D'ailleurs, c'était elle qui le demandait 5

et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J'ai

répondu : "Non". Elle s'est tue un moment et elle m'a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait

simplement savoir si j'aurais accepté la même proposition venant d'une autre femme, à qui je serais

attaché de la même façon. J'ai dit : "Naturellement." Elle s'est demandée alors si elle m'aimait et moi,

je ne pouvais rien savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais 10

bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour

les mêmes raisons. Comme je me taisais, n'ayant rien à ajouter, elle m'a pris le bras en souriant et elle

a déclaré qu'elle voulait se marier avec moi. J'ai répondu que nous le ferions dès qu'elle le voudrait. Je

lui ai parlé alors de la proposition du patron et Marie m'a dit qu'elle aimerait connaître Paris. Je lui ai

appris que j'y avais vécu dans un temps et elle m'a demandé comment c'était. Je lui ai dit: "C'est sale. 15

Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche."

Puis nous avons marché et traversé la ville par ses grandes rues. Les femmes étaient belles et

j'ai demandé à Marie si elle le remarquait. Elle m'a dit que oui et qu'elle me comprenait. Pendant un

moment, nous n'avons plus parlé. Je voulais cependant qu'elle reste avec moi et je lui ai dit que nous

pouvions dîner ensemble chez Céleste. Elle en avait bien envie, mais elle avait à faire. Nous étions 20

près de chez moi et je lui ai dit au revoir. Elle m'a regardé: "Tu ne veux pas savoir ce que j'ai à faire?"

Je voulais bien le savoir, mais je n'y avais pas pensé et c'est ce qu'elle avait l'air de me reprocher.

Alors, devant mon air empêtré, elle a encore ri et elle a eu vers moi un mouvement de tout le corps

pour me tendre sa bouche. 25

J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante de soleil

se pressait derrière moi. J'ai fait quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il

était encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La

brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. 5

C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait

mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais

plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais que c'était stupide, que je ne me

débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et

cette fois, sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil. La lumière a 10

giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front. Au même

instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un

voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus

que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau

toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est 15

alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait

sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur

le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois

sec et assourdissant, que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais

détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré 20

encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme

quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.

Doc 5.4 :

L'après-midi, les grands ventilateurs brassaient toujours l'air épais de la salle et les petits

éventails multicolores des jurés s'agitaient tous dans le même sens. La plaidoirie de mon avocat me

semblait ne devoir jamais finir. A un moment donné, cependant, je l'ai écouté parce qu'il disait: "Il est

vrai que j'ai tué". Puis il a continué sur ce ton, disant "je" chaque fois qu'il parlait de moi. J'étais très

étonné. Je me suis penché vers un gendarme et je lui ai demandé pourquoi. Il m'a dit de me taire et, 5

après un moment, il a ajouté: "Tous les avocats font ça." Moi, j'ai pensé que c'était m'écarter encore de

l'affaire, me réduire à zéro et, en un certain sens, se substituer à moi. Mais je crois que j'étais déjà très

loin de cette salle d'audience. D'ailleurs, mon avocat m'a semblé ridicule. Il a plaidé la provocation très

rapidement et puis lui aussi a parlé de mon âme. Mais il m'a paru qu'il avait beaucoup moins de talent

que le procureur. "Moi aussi, a-t-il dit, je me suis penché sur cette âme, mais, contrairement à 10

l'éminent représentant du ministère public, j'ai trouvé quelque chose et je puis dire que j'y ai lu à livre

ouvert." II y avait lu que j'étais un honnête homme, un travailleur régulier, infatigable, fidèle à la

maison qui l'employait, aimé de tous et compatissant aux misères d'autrui. Pour lui, j'étais un fils

modèle qui avait soutenu sa mère aussi longtemps qu'il l'avait pu. Finalement j'avais espéré qu'une

maison de retraite donnerait à la vieille femme le confort que mes moyens ne me permettaient pas de 15

lui procurer. "Je m'étonne, messieurs, a-t-il ajouté, qu'on ait mené si grand bruit autour de cet asile.

Car enfin, s'il fallait donner une preuve de l'utilité et de la grandeur de ces institutions, il faudrait bien

dire que c'est l'Etat lui-même qui les subventionne." Seulement, il n'a pas parlé de l'enterrement et j'ai

senti que cela manquait dans sa plaidoirie. Mais à cause de toutes ces longues phrases, de toutes ces

journées et ces heures interminables pendant lesquelles on avait parlé de mon âme, j'ai eu l'impression 20

que tout devenait comme une eau incolore où je trouvais le vertige. A la fin, je me souviens seulement que, de la rue et à travers tout l'espace des salles et des

prétoires, pendant que mon avocat continuait à parler, la trompette d'un marchand de glace a résonné

jusqu'à moi. J'ai été assailli des souvenirs d'une vie qui ne m'appartenait plus, mais où j'avais trouvé les

plus pauvres et les plus tenaces de mes joies: des odeurs d'été, le quartier que j'aimais, un certain ciel 25

du soir, le rire et les robes de Marie. Tout ce que je faisais d'inutile en ce lieu m'est alors remonté à la

gorge et je n'ai eu qu'une hâte, c'est qu'on en finisse et que je retrouve ma cellule avec le sommeil.

C'est à peine si j'ai entendu mon avocat s'écrier, pour finir, que les jurés ne voudraient pas envoyer à la

mort un travailleur honnête perdu par une minute d'égarement, et demander les circonstances

atténuantes pour un crime dont je traînais déjà, comme le plus sûr de mes châtiments, le remords 30

éternel. La cour a suspendu l'audience et l'avocat s'est assis d'un air épuisé. Mais ses collègues sont

venus vers lui pour lui serrer la main. J'ai entendu: "Magnifique, mon cher." L'un d'eux m'a même pris

à témoin: "Hein?" m'a-t-il dit. J'ai acquiescé, mais mon compliment n'était pas sincère, parce que

j'étais trop fatigué. 35

Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai

dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à

moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi

entrait en moi comme une marée. A ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles

annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. 5

Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais

pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un "fiancé», pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas

aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la

mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur

elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé 10

d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre

indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que

je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y

ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.

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