[PDF] Laboratoire dErgonomie





Previous PDF Next PDF



La confiance au travail

An integrative model of organizational trust. Academy of management review 20(3)



Un nouvel enjeu pour lintervention ergonomique : favoriser le travail

2012 à Toulouse et chercheur associé au CNAM dans le laboratoire définir la notion de travail en confiance ; puis je l'illustrerai par une étude que ...



Quand le changement affecte lidentité professionnelle et dégrade la

Mots-clés : résistance au changement accompagnement du changement



CONFIANCE INTERPERSONNELLE ET COMMUNICATIONS DE

malgré quelques exceptions notables (ex. de Keyser



Construction de sens et confiance.docx

relations de confiance face à une crise. On s'appuiera pour cela sur un travail de conceptualisation de la relation entre construction de sens et confiance 



Comment faire confiance dans les situations à risque

confiance interpersonnelle et s'appuyant sur ce modèle



LUSAGER ET LOPÉRATEUR : ERGONOMIE ET RELATIONS DE

comme facteur des conditions de travail de l'opérateur l'usager comme objet du "Le patient est censé se conformer aux principes de confiance et de.



Laboratoire dErgonomie

Résumé : L'ignorance et la non-reconnaissance du travail verbal des hôtesses il s'agit des principes de confiance et de sincérité et du côté du médecin ...



Vers la construction dun collectif de travail et de la mémoire

logiciels visant à améliorer leurs outils de travail. La demande a proprement parlé est formulée en ces termes : Dans ce contexte



Laboratoire dErgonomie

(1993) L'auto-analyse ergonomique du travail. Mémoire de DEA d'ergonomie. (CNAM EPHE

Laboratoire dErgonomie

Laboratoire d'Ergonomie

Conservatoire national des arts et métiers - Paris

Pierre FALZON

LES ACTIVITÉS MÉTAFONCTIONNELLES

ET LEUR ASSISTANCE

1994

Réf. : Falzon, P. (1994). Les activités méta-fonctionnelles et leur assistance. Le Travail Humain, 57

(1), 1-23.

Théories et Méthodologies

Les activités métafonctionnelles

et leur assistance

Pierre Falzon

Laboratoire d'Ergonomie

Conservatoire National des Arts et Métiers

41 rue Gay-Lussac, 75005 Paris, France

falzon@cnam.cnam.fr

1. La gestion des savoirs techniques....................................

2. Les activités méta-fonctionnelles........................................................................

...................2

2.1. Les activités méta-fonctionnelles : définition..........................................................2

2.2. Méta-cognitif, méta-opérationnel, et méta-fonctionnel..........................................3

3. Les activités méta-fonctionnelles : des exemples...................................................................6

3.1. L'exploration du travail........................................................................

....................6

3.2. La construction d'un outil........................................................................

................6

3.3. L'identification de cas........................................................................

......................7

3.4. L'élaboration d'une mémoire portative....................................................................9

3.5. En résumé ........................................................................

......................................10

4. L'assistance aux activités méta-fonctionnelles.....................................................................11

4.1. Les outils organisationnels ........................................................................

............12

4.2. Les outils cognitifs........................................................................

.........................14

4.3. Les outils technologiques ........................................................................

..............16

5. Conclusion ........................................................................

Références .......................................................

Les activités méta-fonctionnelles Page 1

1. La gestion des savoirs techniques

Une demande émerge de plus en plus fréquemment de la part des organisations : celle d'une aide à la gestion des savoirs techniques. Cette question est devenue un enjeu crucial du fait de la combinaison de deux phénomènes :

- d'une part la nécessité des entreprises de procéder à des aménagements de leur mode de

production, et donc de transformer les pratiques de travail ;

- d'autre part le risque de voir disparaître certaines compétences suite à différents facteurs

: départs à la retraite (parfois anticipée), mobilité des personnels interne à l'entreprise,

turn-over). L'expérience apparaît volatile. Ces phénomènes n'ont rien de très nouveau en eux-mêmes, mais ils ont pris une importance accrue et leurs effets sont maintenant perçus comme dangereux pour la conservation ou l'adaptation du savoir technique de l'entreprise. En effet, dans un système stable

technologiquement, le départ de tel ou tel opérateur, fut-il très compétent, peut être compensé

par le groupe : le remplaçant, à son contact, acquiert graduellement la connaissance

nécessaire. De plus, ces savoirs stabilisés sont formalisés, et peuvent être enseignés, à l'école

ou lors de formations dans l'entreprise. L'accélération des progrès technologiques bouleverse

cette situation. D'une part, le départ d'un opérateur expérimenté, voire expert, devient catastrophique : les opérateurs restants n'ont plus qu'une vision partielle du savoir-faire technique. D'autre part, l'évolution technologique doit s'accompagner d'une évolution des compétences, sous peine de voir les opérateurs et leurs pratiques deve nir inadaptés. Le savoir technique construit devient ainsi d'une importance cruciale lorsque les techniques

évoluent rapidement. C'est le cas notamment da

ns les industries de pointe, comme l'industrie aérospatiale par exemple. Un facteur aggravant est que ce savoir technique peut s'avérer

difficile à construire dans certaines situations. Je pense en particulier aux activités de bureau

d'étude dans lesquelles le savoir n'est pas construit sous l'influence de la répétition de cas

similaires. Dans ces situations, les opérateurs ne traitent qu'un petit nombre de cas, et ces cas

peuvent être très différents les uns des autres. Le savoir n'existe au départ que sous forme

d'une mémoire des cas traités (une mémoire des épisodes), et non sous forme de connaissances abstraites à partir de ces cas (une mémoire sémantique). Ce travail d'abstraction peut être difficile à réaliser, ce qui complique d'autant le transfert des connaissances d'un opérateur à un autre. On pourrait objecter qu'il existe une mémoire de l'entreprise, sous forme de documents

relatifs aux problèmes traités dans le passé (dans le cas d'un bureau d'études, ces documents

sont par exemple les spécifications initiales et la solution finalement proposée). Malheureusement, il s'agit là de traces du travail, pas de traces de l'activité. Les essais et

erreurs, les problèmes rencontrés, les solutions qui ont été trouvées, les pistes abandonnées et

les justifications des décisions prises sont absentes. Or c'est là que gît l'expertise. Dans une

étude de l'activité d'ingénieurs dans un bureau d'étude (menée en collaboration avec W.

Visser), nous avions ainsi pu constater plusieurs effets négatifs liés aux problèmes ci-dessus

évoqués :

- des cas où les opérateurs se souvenaient de la solution précédemment établie, mais non

du raisonnement qui y avait conduit. Les contraintes pesant sur les choix effectué s

Les activités méta-fonctionnelles Page 2

avaient notamment été oubliées, et la question se posait alors de savoir si la solution précédemment construite était applicable au cas traité maintenant.

- des cas où les opérateurs, face à un problème particulier, se rappelaient qu'ils avaient

déjà eu à le traiter, mais ne se souvenaient plus de la solution qu'ils avaient construite et

du raisonnement qu'ils avaient suivi. Ces situations conduisent à deux interrogations : - quels moyens mettre en place pour assurer le passage permanent des connaissances des opérateurs les uns aux autres ? - quels moyens mettre en place pour favoriser l'évolution des compétences, la construction de connaissances à partir des expériences de travail

L'argument de ce texte est qu'une partie des réponses à ces interrogations peut être trouvée

dans la description d'activités peu étudiées (parce que mal identifiées) par l'ergonome : les

activités méta-fonctionnelles. Ces activités (dont une définition plus précise apparaît dans la

section suivante) peuvent être considérées comme une réponse spontanée des opérateurs à la

nécessité de construire le savoir technique. Leur étude apparaî t donc souhaitable.

Le plan de ce texte est le suivant. Tout d'abord on proposera une définition de l'activité méta-

fonctionnelle, en la différenciant de l'activité méta-cognitive et de l'activité méta-

opérationnelle. Dans un second temps, on examinera des exemples d'activités de ce type dans différentes situations professionnelles. Enfin on abordera la question de l'assistance aux activités méta-fonctionnelles.

2. Les activités méta-fonctionnelles

2.1. Les activités méta-fonctionnelles : définition

La grande majorité des activités étudiées par l'ergonome (ou l'organisateur) sont des activités

fonctionnelles, c'est-à-dire des activités directement orientées vers la production immédiate

ou préparatoires à celle-ci. Par exemple, l'opérateur devant peindre une pièce doit d'abord

protéger les parties qui ne doivent pas être peintes. Cette activité préparatoire est incluse dans

l'activité fonctionnelle : elle vise à satisfaire les pré-requis de l'action. Par exemple encore

l'action peut être précédée par une phase de planification, pendant laquelle l'opérateur définit

ses objectifs et construit une procédure d'action. Cette activité de planification est elle aussi

incluse dans l'activité fonctionnelle.

Or, on constate lors de l'analyse de situations de travail l'existence d'un autre type d'activités :

les activités méta-fonctionnelles. Il s'agit d'activités non directement orientées vers la

production immédiate, activités de construction de connaissances ou d'outils (outils matériels

ou outils cognitifs), destinés à une utilisation ultérieure éventuelle, et visant à faciliter

l'exécution de la tâche ou à améliorer la performance. Ces activités prennent place en marge du travail (elles viennent se greffer sur le temps de

travail, en parallèle à l'activité fonctionnelle ou lors de phases de moindre activité), et

trouvent leur source dans le travail : ce sont des faits se produisant lors du travail qui

Les activités méta-fonctionnelles Page 3

provoquent l'apparition d'activités méta-fonctionnelles. Ces deux aspects leur confèrent un caractère parasitaire (parasitisme temporel et génétique) par rapport à l'activité. Comme on le verra en section 3, les activités mé ta-fonctionnelles sont parfois, mais rarement,

formalisées et reconnues. Le plus souvent, elles sont spontanées et ignorées. Elles sont dans

certains cas clandestines et combattues par l'organisation. Or il s'agit d'activités nécessaires

pour l'évolution et le développement du savoir technique.

2.2. Méta-cognitif, méta-opérationnel, et méta-fonctionnel

Il importe dans cette introduction de différencier le méta-fonctionnel d'autres dimensions "méta" décrites par ailleurs, et tout d'abord du méta-cognitif. Méta-connaissances et activité méta-fonctionnelle La méta-connaissance est un savoir sur le savoir. "Par exemple, nous connaissons souvent

l'étendue et l'origine de nos connaissances sur un sujet particulier, sur la fiabilité de telle

information, ou sur le degré d'importance de faits particuliers. La méta-connaissance inclut ce

que nous savons de notre propre performance en tant que système de traitement cognitif : nos

forces, faiblesses, sensibilités à l'erreur, niveaux d'expertise dans différents domaines, et

sentiments de progresser durant la résolution de problème" (Barr & Feigenbaum, 1981, pp.144-145).

Les méta-connaissances servent à réguler l'utilisation des autres connaissances. Les travaux

de Valot (1990) sur la méta-cognition mise en oeuvre par des pilotes d'avion de chasse en sont un bon exemple : l'auteur montre comment les méta-connaissances de compétence (i.e. le

savoir des pilotes sur ce qu'ils savent, sur le degré de familiarité de telle procédure, sur leurs

limites de traitement) sont utilisées pour planifier les vols. Les méta-connaissances sont donc des connaissances fonctionnelles, utilisé es pour prendre des décisions d'action (action immédiate ou action future). L'utilisation des connaissances et des méta-connaissances a pour objectif l'action sur l'environnement.

L'activité méta-fonctionnelle a pour objectif la création de savoirs et d'outils. Ces savoirs

créés peuvent être des connaissances au sens usuel ou des méta-connaissances. Comme la

figure 1 le fait apparaître, du point de vue méta-fonctionnel, l'objet du travail, c'est l'activité

fonctionnelle.

Méta-opérationnel et méta-fonctionnel

La notion d'activité méta-opérationnelle est énoncée dans un texte de Teiger (199

4). L'auteur

analyse des situations de travail répétitif (production de masse) où la communication verbale

n'est pas nécessaire à la réalisation de la tâche, et de plus interdite soit formellement soit du

fait des conditions matérielles (ambiance sonore, éloignement des opératrices). S'interrogeant

alors sur la raison d'être des activités langagières qu'elle constate, elle observe que ces prises

de parole non "directement" fonctionnelles ont, aux dires mêmes des opératrices, diverses fonctions opérationnelles : pouvoir durer (en rompant la monotonie), maintenir l'attention (en

particulier en période de moindre vigilance, e.g. après le déjeuner), jouer (et donc faire passer

le temps), favoriser une activité mentale auto-contrôlée (c'est-à-dire dont elles ont elles-

mêmes la maîtrise), autonome, tout en maintenant le lien social.

Les activités méta-fonctionnelles Page 4

C. Teiger qualifie de méta-opérationnelles ces activités langagières. Ce qualifica tif "méta- opérationnel" pourrait s'appliquer à des activités non-langagières visant elles aussi à rendre possible le travail. Prenons l'exemple d'un conducteur devant réaliser un long parcours en voiture. Après quelques heures de route, il constate que sa vigilance baisse. Il peut alors

décider de diverses activités : mettre la radio, ou décider de faire une pause. Ces activités ne

sont pas directement fonctionnelles (elles ne servent pas à la conduite), mais sont bien méta- opérationnelles (elles contribuent à permettre la conduite). Ce qui semble caractériser l'activité méta-opérationnelle, c'est ainsi sa centration sur l'opérateur lui-même : elle vise non à réaliser la tâche, mais à rendre possible

l'accomplissement de la tâche. Comme l'activité méta-cognitive, l'activité méta-opérationnelle

est donc centrée sur l'ici et maintenant, alors que le méta-fonctionnel est orienté vers le futur.

La section suivante présente des exemples d'activités méta-fonctionnelles spontanées.

Page suivante : Figure 1

Activité fonctionnelle et activité méta-fonctionnelle

Les activités méta-fonctionnelles Page 5

ConnaissancesMéta-connaissances

Traitements

Actions

Situations

Outils de recueil

et de traitement

Activité

fonctionnelle

Connaissances

méta-fonctionnelles

Traitements

Activité

méta-fonctionnelle

Outils de recueil

et de traitement

Les activités méta-fonctionnelles Page 6

3. Les activités méta-fonctionnelles : des exemples

3.1. L'exploration du travail

Le premier exemple est emprunté à une étude conduite par Magaud et Sugita (1991). L'objectif de cette étude est la comparaison de deux entreprises, l'une française, l'autre japonaise, fabriquant des produits similaires (des téléviseurs).

Au cours de cette étude, les auteurs remarquent, dans l'entreprise japonaise, l'épisode suivant.

Une nouvelle machine d'étiquetage vient d'être livrée. Cette livraison va donner lieu, plusieurs jours durant, à des réunions informelles, un peu brouillonnes, de 4 ou 5 personnes, en fin de journée. Or, comme le notent les auteurs, si l'on devait comptabiliser les temps

passés par les opérateurs à manipuler cette machine, on aboutirait à un coût prohibitif, sans

commune mesure avec le bénéfice escompté de l'introduction de ce nouvel outil. Ceci est en décalage important par rapport au comportement usuel des opérateurs de cette entreprise. Que se passe-t-il donc ?

Selon les auteurs, une hypothèse possible est de voir là "une sorte d'étude de cas permettant à

plusieurs techniciens et opérateurs d'apprendre à définir les tâches, d'apprendre quel pouvait

être l'effet sur une tâche, puis sur le système dans son ensemble, de modifications opérées sur

d'autres tâches. [...] en l'occurrence, mettre en route la machine à étiqueter, c'était aussi

apprendre à analyser et recomposer la ligne de montage" (p.15).

Cet épisode peut ainsi être vu comme un exemple d'activité méta-fonctionnelle. Il ne s'agit

pas pour les opérateurs de satisfaire un objectif immédiat, mais plutôt de travailler à une

possible activité future, de reconstruire mentalement le travail.

3.2. La construction d'un outil

Le second exemple est emprunté à une étude de J.L. Minguy (Minguy, 1992 ; Minguy &

Rabardel, 1992), portant sur l'analyse de l'activité d'un patron-pêcheur. Celui-ci doit effectuer

un ensemble de tâches visant à la capture du poisson. Il dispose pour ce faire d'une panoplie d'instruments, lui permettant notamment de positionner le navire en surface tout en gérant des informations concernant le fond. Les observations réalisées indiquent en premier lieu que les

informations délivrées par ces instruments sont inégalement utilisées. En second lieu, il

apparaît que ce capitaine de pêche consacre une fraction importante de son temps à la création de cartes marines adaptées à ses besoins.

Ces cartes sont créées à partir de documents existants (cartes de relevés topographiques,

cartes de relevés de température, cartes de navigation). A chaque passage sur une zone, le patron-pêcheur porte sur la carte qu'il s'est confectionnée un certain nombre d'indications prélevées sur les instruments de bord. Il s'agit d'enrichir la carte par deux types d'informations au moins, directement liées aux opérations de chalutage : - des informations topographiques : il s'agit soit de chiffres indiquant la profondeur de l'océan, soit de traits pointillés ou pleins (en fonction du degré de fiabilité de l'information) indiquant les isobathes ; - des informations sur la nature du fond : il s'agit en particulier d'identifier les croches, c'est-à-dire les accidents du fond susceptibles de provoquer (ou ayant provoqué) des

Les activités méta-fonctionnelles Page 7

accrochages du chalut. La codification conçue par le patron-pêcheu r permet de différencier les croches "vues" par les instruments, celles qui ont été seulement

identifiées par le fait que le chalut s'y est accroché, celles qui ont causé des dégâts

importants, comme la perte du chalut (et qui sont donc à éviter absolument), celles enfin qui ont seulement interrompu le processus de capture.

D'autre part, ce patron pêcheur reporte sur la carte des éléments d'histoire de sa constitution et

d'élargissement du contexte d'utilisation. Ainsi,

à un type de symbolisme employé correspond

un type d'appareillage source des indications traduites. De même, telle règle de conversion

représentée graphiquement facilite la correspondance entre l'échelle métrique et celle des

miles marins, tel vecteur dessiné indique la direction et le sens de la translation à effectuer en

cas de changement de système de positionnement. On voit donc que les indications portées permettent d'obtenir une représentation du fonds

marin plus riche, mieux adaptée à la tâche (en particulier en ce qui concerne les risques de

croche), et intégrant le degré de certitude des informations portées. La construction de la carte

est un processus permanent, la carte s'enrichissant à chaque passage dans la zone concernée.

Ces cartes sont ainsi le résultat d'un travail. Elles synthétisent des déductions effectuées à

partir d'informations de natures différentes : indications des instruments, sensations lors du chalutage, observations du chalut. Elles formalisent un certain état du savoir de ce patron-

pêcheur sur les zones concernées. Ces cartes constituent d'autre part un outil de travail : elles

permettent la prise de décision lors de la conduite du train de pêche (moment et lieu d'immersion du chalut, planification des trajectoires à effectuer).

Cette activité d'élaboration de carte relève de l'activité méta-fonctionnelle : renseigner la carte

est peu utile au moment du chalutage, mais pourra être utile plus tard, lors d'un nouveau passage dans la zone. Cette activité est particulière à ce patr on-pêcheur, et n'est vraisemblablement pas étrangère au fait que celui-ci, reconnu comme un des plus qualifiés par ses pairs, soit aussi celui dont les prises de pêche sont parmi les plus élevées.

3.3. L'identification de cas

Un troisième exemple provient d'un travail réalisé par S. Poidevin (1993), relatif à l'activité

des stationnaires sapeurs-pompiers dans un centre de traitement des alertes. Les stationnaires

reçoivent les appels téléphoniques en provenance (surtout) de particuliers et doivent, aussi

rapidement que possible, définir les moyens à envoyer (types de véhicules de secours, types de personnel). Les stationnaires disposent d'un système informatique qui leur permet d'entrer les

informations nécessaires (lieu de l'incident, numéro de téléphone de la personne qui appelle,

etc.), de décider de la classe de l'incident (e.g. incendie dans un lieu public, accident de

véhicule, etc.) et de choisir les secours à faire partir. Le système, élaboré par des pompiers

expérimentés, dispose de 25 classes d'incident. Après le choix d'une classe, une liste de moyens apparaît (correspondant à ce qui est jugé souhaitable po ur cette classe). Le stationnaire est cependant libre d'adapter cette liste, en envoyant moins de moyens, ou des moyens différents, s'il le juge souhaitable dans le cas particulier.

L'étude a porté sur les stratégies de décision des stationnaires. Comment catégorisent-ils les

problèmes qui leur sont soumis ? Comment décident-ils des secours à envoyer ? La méthode

a consisté à soumettre 3 enregistrements d'appels réels à 8 stationnaires (4 professionnels, 4

Les activités méta-fonctionnelles Page 8

novices). Ces appels (extraits des enregistrements téléphoniques effectués en permanence)

avaient été préalablement divisés en séquences. Dans un premier temps, on fait écouter

l'enregistrement de l'appel au stationnaire, en lui demandant de réagir à l'issue de chaque séquence. A l'issue de l'écoute de l'appel, le stationnaire doit caractériser la nature du problème qui se pose, puis préciser les moyens qu'il souhaite envoyer. On lui demande

ensuite de consulter la liste des classes proposées par le système et des moyens associés à ces

classes, et d'effectuer un choix (classe choisie et moyens finalement envoyés). Les résultats indiquent plusieurs différences entre novices et pro fessionnels : - les professionnels sont certains des moyens qu'ils veulent envoyer et s'y tiennent, même si la classe d'appartenance qu'ils choisi ssent propose des moyens différents de ceux qu'ils ont choisi. La classe propose en généra l plus de moyens qu'ils n'en envoient. Les professionnels utilisent une stratégie de moindre engagement, c'est-à-dire qu'ils essaient de minimiser les moyens mis en oeuvre, de façon à disposer d'une marge de sécurité pour les appels à venir. - les novices adaptent leur choix initial de moyens à ce qui est proposé par le système suite à leur choix de classe. De ce fait, ils sont souvent conduits à envoyer plus de moyens que ceux qu'ils avaient à l'origine décidés.

Jusque là, ces résultats, bien qu'intéressants, sont peu surprenants : les novices s'appuient plus

que les professionnels sur le système d'aide. Ce qui est en revanche plus intéressant, c'est un

comportement constaté chez l'un des stationnaires professionnels. Celui-ci ne se contente pas de sélectionner des moyens. Lorsqu'il ne trouve pas, dans les classes proposées par le

système, une classe qui lui convient, il choisit dans deux cas de créer une nouvelle classe (ce

qui est possible avec ce système), à laquelle il associe les moyens qu'il juge nécessaires :

- dans le premier cas (incendie dans un bar), il trouve deux classes possibles : feu dans un hôtel (FHOT), et feu d'établissement scolaire (FSCO), qui proposent bien les moyens qu'il souhaite engager, mais qui lui semblent inadaptées. En effet, ces deux classes ont des implications (possibilité d'étages dans le premier cas, présence d'enfants dans le second), qui ne se manifestent pas dans le cas rencontré. Il décide alors de créer une classe superordonnée "feu dans un établissement public", qu'il code "FEP" et dont

FHOT et FSCO sont des cas particuliers.

- le second cas (personne victime d'un malaise dans un supermarché) pose un problème particulier. Le stationnaire a le choix entre "malaise dans un lieu public" (VM) ou "urgence médicale" (VUM). Ce second choix implique l'envoi non d'un véhicule des pompiers, mais d'une ambulance hospitalière (SAMU), de règle lors des interventions chez des particuliers. Se pose donc la question de savoir si un supermarché est un lieu public ou un lieu privé. Le stationnaire décide de l'envoi d'un véhicule des pompiers, et, pour lever l'ambiguïté, crée une nouvelle classe "malaise dans un établissement public", sous-classe de VM. Ce qui est frappant dans ces observations, c'est que la création de classes n'est pas une

nécessité pour l'action. Le stationnaire aurait pu (comme ses collègues l'ont d'ailleurs fait)

choisir une classe existante, qui proposait les moyens qu'il souhaitait. La création de classe ne

répond donc pas à un besoin fonctionnel immédiat, mais à l'anticipation de cas à venir, pour

lesquels il pourrait être utile de disposer de ces nouvelles classes. Il s'agit donc bien d'une activité méta-fonctionnelle.

Les activités méta-fonctionnelles Page 9

On pourrait considérer qu'il s'agit là d'un phénomène marginal, peut-être propre à cet

opérateur particulier. Ce n'est pas ce que d'autres observations révèlent. En effet, l'auteur a eu

accès aux répertoires existants dans deux centres de traitement des appels. Alors que le

système proposait à l'origine 25 classes d'incidents, il note dans un centre un répertoire de

plus de 70 classes, et dans un autre centre un répertoire de 110 clas ses ! A l'évidence, les

stationnaires ont abondamment utilisé la possibilité ouverte par le système de déclarer de

nouvelles classes. On pourrait supposer que l'ajout d'un tel nombre de classes est injustifié, et qu'un certain nombre d'entre elles sont redondantes. Dans le premier centre, un examen a effectivement été conduit dans l'objectif d'éliminer les classes inutiles. Or cet examen n'a conduit qu'à une faible réduction : le répertoire, après filtrage, dispose encore de 65 classes.

Suite à l'annonce de ces observations, la réaction des responsables des sapeurs pompiers a été

immédiate : le système a été verrouillé de façon à interdire l'ajout de nouvelles classes.

L'argument avancé est que la prolifération non contrôlée des classes peut avoir des effets

nocifs : elle rend plus longue la consultation (alors que les 25 classes d'origine étaient rapidement balayées du regard, cela n'est plus possible avec des répertoires étendus et évolutifs), et elle pose des problèmes de cohérence ou de redondance. Néanmoins, comment ne pas voir le côté extrêmement positif du comportement des stationnaires : ceux-ci tentent

d'optimiser le système en créant des classes significatives pour eux, qui leur permettront plus

tard de mieux classer les problèmes rencontrés.

3.4. L'élaboration d'une mémoire portative

Le dernier exemple est extrrait d'une étude portant sur l'activité de techniciens très qualifiés,

chargés d'intervenir sur des machines complexes entre le moment où elles sortent des chaînes

de montage et celui où elles sont livrées au client (Juniet, 1993). Dans cet intervalle, les

équipements particuliers demandés par le client sont installés, et différents essais sont réalisés

pour s'assurer du bon fonctionnement de la machine. Cet intervalle de 7 à 8 semaines est très

court compte tenu du nombre d'opérations à réaliser, du retard pris en général sur la c

haîne de montage (qu'il va falloir rattraper, puisque la date de livraison est - elle - fixe) et de l'imprévisibilité et de la complexité des défauts et pannes constatés. On constate que les opérateurs concernés por tent en permanence sur eux un carnet, dans lequel ils inscrivent différentes informations. Ce carnet n'est pas le signe d'un noviciat. Au

contraire, ce sont les opérateurs expérimentés qui disposent de tels carnets, et l'épaisseur de

ceux-ci est présentée comme un signe de compétence. Que trouve-t-on dans ces carnets ? Un ensemble d'éléments disparates : - des numéros divers : numéros de téléphone de spécialistes de domaines techniques particuliers, numéros de référence de manuels où se trouvent certaines informations, numéros de tests à effectuer ; - des plans : plans des circuits électriques par exemple, schémas de fonctionnement divers, sur lesquels sont identifiés les équipements importants (en particulier les calculateurs) ;

- des traces des diagnostics et réparations effectuées : schémas de la procédure de résolution,

texte de description de l'incident ; - enfin un lexique d'anglais technique, la documentation étant rédigée dans cette langue.

Les activités méta-fonctionnelles Page 10

Interrogés sur la raison d'être de ces carnets, les opérateurs indiquent différentes fonctions :

ils permettent de conserver l'information (ils constituent une mémoire artificielle), d'éviter des

déplacements (ce qui n'est pas négligeable compte tenu de l'éloignement entre les diverses sources d'information), de répondre aux questions d'autres opérateurs. Les opérateurs mentionnent deux rôles supplémentaires : les carnets sont un outil d'apprentissage, et une "assurance pour l'avenir". En effet, ils permettent une stabilisation du savoir qui peut être utile dans le cas d'un éventuel licenciement ou, plus simplement, d'un changement de fonction. La tenue de ces carnets est une activité importante pour ces opérateurs, qui y consacrent beaucoup de temps : - d'abord au cours de l'activité : les opérateurs notent sur le carnet des informations obtenues lors des réparations de panne. - ensuite lors des temps morts entre deux interventions : les opérateurs vont alors consulter la documentation de ces machines, ceci sans être orientés par un objectif immédiatement fonctionnel : il ne s'agit pas de rechercher des informations permettant de traiter un problème qu'ils ont à résoudre à ce moment-là. C'est une activité prévisionnelle. - enfin, et c'est probablement le fait le plus frappant, à domicile. En effet, il arrive un moment où le carnet est rempli. Que se passe-t-il alors ? L'opérateur commence-t-il un nouveau carnet ? Pas exactement. Il recopie, sur un nouveau carnet, toutes les informations du carnet précédent qu'il souhaite conserver. Il filtre donc certaines informations : les unes parce qu'elles sont maintenant mémorisées (par exemple certains numéros de référence de manuels), d'autres parce qu'elles sont devenues obsolètes (par exemple, certaines pannes ne peuvent pl us se produire, du fait de modifications techniques). L'outil de travail que constitue le carnet est donc recréé périod iquement. Ce travail de recréation est analogue à la maintenance d'une base de connaissance.

Enfin, l'auteur constate aussi l'existence d'un carnet d'équipe. Ce carnet collectif diffère des

carnets individuels par le fait qu'il n'est évidemment pas conservé par une personne particulière, mais qu'il est rangé (les opérateurs disent "caché", on verra pourquoi ci-dessous) dans un tiroir, et par le fait qu'il est composé essentiellement de plans photocopiés.

On constate donc une fois encore l'existence d'une activité méta-fonctionnelle spontanée, qui

apparaît très liée à la compétence. Or, la constitution de ces carnets est interdite par

l'organisation ! Les raisons avancées sont d'abord que ces carnets tendent à constituer des

documentations parallèles, alors que la documentation "officielle" évolue, au fur et à mesure

de l'évolution des machines. La seconde raison est qu'il existe des consignes, des procédures préparées à l'avance par les services techniques : la prise de notes est donc inutile

3.5. En résumé

Les exemples proposés ci-dessus peuvent être synthétisés de la faç on suivante : • Exploration du modèle du système technique (section 3.1) Dans cet exemple, les opérateurs cherchent à élaborer collectivement une meilleure représentation du système technique, en explorant d'autres possibilités d'organisation des tâches. En reprenant la formalisation proposée par Rasmussen (1983), l'objet sur

Les activités méta-fonctionnelles Page 11

lequel les opérateurs semblent travailler, c'est le modèle du système technique ; ils alimentent donc les connaissances utilisées au troisième niveau de fonctionnement proposé par Rasmussen (le model-based behavior). • Construction de classes de problèmes/solutions (section 3.3 et 3.4) Les pompiers dont il est question en section 3.3 ajustent leur système de classification, de façon à mieux répondre aux situations rencontrées. Ils affinent donc les connaissances utilisées au second niveau de fonctionnement proposé par Rasmussen (le rule-based behavior). De même, une des fonctions des carnets décrits en section 3.4,

créés par les techniciens de dépannage, consiste à mémoriser les problèmes rencontrés

et les solutions apportées. • Construction d'un outil de travail (sections 3.2 et 3.4) Dans le cas décrit en 3.2, il s'agit pour le patron-pêcheur de créer une image opérative du système dans lequel il évolue. Le patron-pêcheur se crée donc un outil de représentation finalisé.

Dans le cas décrit en 3.4., les carnets créés ont aussi pour fonctions de faciliter l'accès

aux ressources : ressources documentaires (par le nom des références ou directement la copie des informations pertinentes), ressources individuelles (nom et numéro de téléphone des spécialistes à contacter). Une remarque importante est ici à formuler : ces activités méta-fonctionnelles s'appuient elles-mêmes sur des connaissances et des outils. Le patron-pêcheur a graduellement construit

un système de filtrage et de codage des informations. Le pompier expérimenté tire parti d'un

système informatique qui lui permet d'entrer de nouvelles associations problème/solution. Le

technicien de dépannage a appris avec le temps quelles étaient les informations importantes à

noter et celles qu'il pouvait laisser de côté. Pour les opérateurs de l'usine japonaise, c'est le

fonctionnement collectif autour d'un "jeu de mi se en oeuvre" qui permet le travail sur le

modèle du système technique. On voit donc ainsi que ces activités méta-fonctionnelles sont

rendues possibles par des moyens, internes ou externes, pré-existants ou forgés par les opérateurs eux-mêmes.

L'activité méta-fonctionnelle s'appuie ainsi sur des connaissances et des outils (cf. figure 1).

Dans la perspective adoptée ici, qui pose l'activité méta-fonctionnelle comme une activité

nécessaire au travail et à son amélioration, se pose donc la question d'améliorer ces

connaissances et ces outils, et donc d'assister l'opérateur dans son activité méta-fonctionnelle.

Ceci fait l'objet de la section suivante.

4. L'assistance aux activités méta-fonctionnelles

On envisagera successivement 3 classes d'outils pouvant être mis en oeuvre pour assister

l'activité méta-fonctionnelle : des outils organisationnels, des outils cognitifs, et des outils

technologiques. Certains de ces outils n'existent qu'en tant que projets, mais il existe cependant des cas où des outils existent formellement. On trouvera donc dans cette section aussi bien des outils existants que des outils potentiels.

4.1. Les outils organisationnels

Les activités méta-fonctionnelles Page 12

Les outils organisationnels présentés ci-dessous visent à favor iser l'élaboration des savoirs techniques, par exploitation des cas passés ou des cas en cours de tr aitement.quotesdbs_dbs28.pdfusesText_34
[PDF] EP3-Fondamentaux de la confiance en soi au travailindd

[PDF] Configuración de Red de Distribución en empresa de - Sintec

[PDF] nomenclature et isomerie - Faculté des Sciences de Rabat

[PDF] TP : Configuration de routeurs CISCO - LACL

[PDF] Configuration d 'un tunnel IPSEC statique entre deux USG - Zyxel

[PDF] Théorème de Thalès et sa réciproque - Logamathsfr

[PDF] chapitre-5-structure-atomique-et-proprietes-periodiques

[PDF] Configuration électronique

[PDF] atomes et molécules - Physagreg

[PDF] Guide de configuration des messages d 'alerte et des - Lexmark

[PDF] CONFIGURATION D UN MODEM WIFI D- LINK

[PDF] Configuration du proxy dans Firefox

[PDF] repertoire des mises a jour - sagemcom support

[PDF] QIG 253271827A Fast 1704_GB without WPSbook - sagemcom

[PDF] Comment créer/configurer la numérisation réseau sur votre - Axius