[PDF] Goûts pratiques et usages culturels des jeunes en milieu populaire





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Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) Observatoire de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

01 70 98 94 00www.injep.fr

RAPPORT D"ÉTUDEINJEP NOTES & RAPPORTS

Goûts, pratiques et usages

culturels des jeunes en milieu populaire

Sous la direction de Chantal DAHAN,

et Christine

DÉTREZ

Avec la collaboration de Marlène BOUVET,

Emmanuelle GUITTET, Tomas LEGON et

Clémence PERRONNET,

AUTEUR·E·S

Octobre 2020

INJEPR-2020/10

Octobre 2020

I

NJEPR-2020/10

INJEP NOTES & RAPPORTSRAPPORT D'ÉTUDE

Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) , service à compétence nationale

Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

95 avenue de France

75650 Paris cedex 13 01 70 98 94 00www.injep.fr

INJEPR-2020/10

Chantal DAHAN, Christine DETREZ (dir.)

Goûts, pratiques et usages culturels des jeunes en milieu populaire GOÛTS, PRATIQUES ET USAGES CULTURELS DES JEUNES

EN MILIEU POPULAIRE

Ce rapport de recherche vise à décrire, de manière résolument qualitative, les pratiques culturelles de jeunes

de milieux populaires résidant dans les quartiers populaires de villes moyennes, aux abords de Paris et de

Lyon - de la proche banlieue aux limites de l'agglomération. Dans les catégories analytiques et méthodo-

logiques qu'elle convoque, elle emprunte à une riche tradition de recherche en sociologie de la culture,

culturel dans les usages et appropriations des loisirs, des années 1970 ) aux années 2010 et 2020, des travaux

sur les pratiques de lecture des étudiant.e.s en école préparatoire littéraire, ou encore sur la réception des

Il s'est donc agi de construire, à travers les monographies de trois quartiers de la politique de la ville (situés à

vue générale et non exhaustive des pratiques culturelles d'adolescent·e·s partageant des conditions sociales

et territoriales proches, en privilégiant des comparaisons internes à ce groupe social. Pour documenter les

pratiques de ces adolescent·e·s aussi précisément que possible, l'étude questionne le périmètre actuel d'une

tion déceptive de ce qu'elles ne sont pas.

culture, sert à poser des normes et des valeurs qui soudent le groupe social. Les chercheuses et chercheurs

médias et l'école dans l'appropriation par les jeunes de normes et de valeurs.

L'enquête présente les univers culturels dans lesquels baignent les jeunes interrogés dans le domaine du

sport, des médias audiovisuels, de la musique, de la lecture, des pratiques artistiques et créatives et des

sorties culturelles. Elle a ainsi permis de mettre en avant la diversité de pratiques des jeunes issus de milieux

classique entre le savant et le populaire en mettant en lumière combien des pratiques populaires peuvent

Gožts, pratiques et usages culturels

des jeunes en milieu populaire

Sous la d

irection de : Chantal Dahan, chargŽe dՎtudes et de recherche ˆ lÕINJEP et Christine DŽtrez professeure des universitŽs en sociologie ˆ lÕENS, directrice du laboratoire Max-Weber avec la collaboration de : Emmanuelle Guittet, chargŽe de recherche au LabEX ICCA et chercheuse associŽe au CERLIS,

Tomas Legon

, docteur en sociologie de lÕEHESS ClŽmence Perronnet, sociologue, ma"tresse de confŽrences en sciences de lՎducation ˆ lÕuniversitŽ catholique de lÕOuest

Pour citer ce document

Dahan C., DŽtrez C. (dir.), Bouvet M., Guittet E., Legon T., Perronnet C., Gožt, pratiques et usages culturels en milieu populaire, INJEP Notes & rapports/Rapport dՎtude.

SOMMAIRE

INTRODUCTION : Ë LA RENCONTRE DES UNIVERS CULTURELS DE JEUNES DES

QUARTIERS POPULAIRES DE VILLES MOYENNES 7

Les pratiques culturelles des jeunes de milieu populaire, une fausse évidence 7! Au plus près des pratiques culturelles des jeunes de milieux populaires

Hypothèses et axes de recherche 9

Documenter, parmi une population de jeunes de milieux populaires de 11 à 20 ans, les pratiques relatives à la

culture et aux loisirs 10

Comprendre les processus de socialisation à l'oeuvre dans le développement des goûts et des pratiques :

variables et prescriteur·ices 11 Spatialiser l'accès et les pratiques des loisirs : mesurer les effets de l'offre culturelle 11!

Poser la question des ressources : un capital culturel spécifiquement populaire et cosmopolite ? 12!

Une enquête multisite : choix méthodologiques 13! Critères de choix des terrains d'étude : un recrutement dans les QPV 13! La constitution du guide d'entretien individuel 15! Description d'un corpus qui traverse trois territoires 16!

PARTIE 2. BOURGOIN-JALLIEU 19!

1.!Partir à la rencontre d'une jeunesse populaire : territoire, population, méthodologie 19!

Aborder un territoire par l'histoire et les statistiques : Champfleuri, un QPV par excellence 19!

Terrain et méthodologie d'enquête 20!

2. Univers culturels des adolescent·e·s de Bourgoin-Jallieu 23!

Pratique sportive : à Bourgoin, les filles ont du punch ! 23!

Goûts musicaux

24!

Lecture

26!

Médias audiovisuels 27!

Pratiques artistiques et créatives 31!

Sorties culturelles 31!

3. Les instances de socialisation 32!

La socialisation par les pairs, la fratrie et les cousins 32!

La socialisation familiale 47!

La socialisation par les institutions 65!

PARTIE 2. VILLEJUIF 75!

1. Méthodologie d'enquête 76!

Présentation du territoire 76!

Déroulement de l'enquête 79!

2. Univers culturels

81!

Pratique sportive 81!

Goûts musicaux

83!

Lecture

85!

Médias audiovisuels 87!

Pratiques artistiques et créatives 90!

Sorties culturelles 91

3. Des instances de socialisation et de transmission aux influences inŽgales 95!

La famille, à l'origine des pratiques et des goûts 95! Le groupe de pairs, au coeur des pratiques de loisirs des adolescent·e·s 111! L'école, une institution omniprésente à l'influence très relative 120!

4. Le quartier, un terrain familier qui encadre les pratiques de loisirs 122!

Conclusion

129!

PARTIE 3.DAMMARIE-LES-LYS 133!

1. De la description du quartier au dispositif mŽthodologique 133!

Définir les contours historiques et statistiques d'un quartier populaire : Dammarie-les-Lys 133!

La mise en place de l'enquête 134!

2. Les univers culturels des jeunes de Dammarie-les-Lys 138!

Pratique sportive 138!

Goûts musicaux

140!

Lecture

146!

Médias audiovisuels 153!

Pratiques artistiques et créatives 159!

Sorties culturelles 163!

3. La mobilitŽ des ados, dans le quartier et au-delˆ 165!

Le territoire des ados : le quartier et un peu plus loin 165!

Explorer les quartiers voisins 167!

La difficulté de se déplacer des villes de proximité jusqu'à Paris 168!

4. Jeunesses cosmopolites 169!

Jeunes d'ici et d'ailleurs

169!
Cultures immigrées et cultures globalisées 171!

5. Les instances de socialisation 173!

Les parents 174!

La fratrie, les cousins, les amis 177!

L'école

: de l'aversion à la passion 180!

Conclusion

182!

PARTIE 4. LES PRATIQUES NUMÉRIQUES 185!

L'accès au numérique imbriqué dans des histoires et organisations familiales 187!

Forfaits et terminaux

: qui paye quoi, dans un environnement aux ressources limitées ? 188! Moments et volumes d'usage : pratiques effectives et attachement 191!

2. RŽseaux sociaux virtuels : prŽfŽrences, rapports ˆ soi, rapports aux autres 193!

Catégoriser ce qui n'est ou n'est pas un " réseau social 193! Des réseaux spécifiques pour des usages spécifiques 194! La " culture des réseaux » : apprentissages des usages des plateformes 196!

Présentation de soi à travers les réseaux sociaux virtuels : savoir " tenir sa place » 199!

3. LÕarticulation entre numŽrique et culture : la diversification des possiblesÉ

encadrŽs par les rapports populaires ˆ la culture. 204

Permanence et traduction des rapports populaires à la culture dans les usages d'applications et de

plateformes 205

Créer et diffuser du contenu sur internet - s'assumer comme créateur en suivant la " culture des réseaux » 209!

La gestion de la visibilité de ses créations 213!

Conclusion

214

CONCLUSION G

ƒNƒRALE 217!

Les univers culturels des ados dans les quartiers Ç politique de la ville È : bilan des trois terrains 217 Une pratique sportive intense dŽpendante de lÕoffre municipale informell e 217! Des lectures Ç ˆ soi È bien peu lŽgitimes 218! Netflix et YouTube, plateformes reines de la consommation audiovisuelle 218!

Appropriation des pratique

s crŽatives numŽrique mais distance aux institutions artistiques lŽgitimes 219!

Ç Sortir È en quartier politique de la ville : virŽes locales et rves dÕadrŽnaline 219!

Les instances de socialisation 220!

LÕimprŽgnation des gožts familiaux 220!

LÕinitiation aux gožts par la fratrie 222!

Les pairs et la diffusion de normes 223!

LՎcole, le lieu de rŽsistance et des dŽcouvertes 224!

Des mŽdias omniprŽsents 225!

Conclusion 226!

BIBLIOGRAPHIE 229!

GOóTS, PRATIQUES ET USAGES CULTURELS DES JEUNES EN MILIEU POPULAIRE 7 Introduction : ˆ la rencontre des univers culturels de j eunes des quart iers popu laires de v illes moyennes

Marlène Bouvet et Chantal Dahan

Les pratiques culturel les des jeunes de mil ieu

populaire, une fausse évidence

Au premier semestre 2019, la nouvelle éclate : les cinq artistes les plus streamés en France sont des

rappeurs 1 . Le rap, genre des quartiers populaires par excellence, devient aussi le plus ŽcoutŽ en 2019.

Cette massification quantitative ne saurait tre imputŽe aux seules pratiques des adolescentáeás des

banlieues franaises : elle signe lÕexpansion du genre ˆ dÕautres strates de la sociŽtŽ

2 . Est-ce à dire qu'en

se diffusant à l'ensemble de la jeunesse, les goûts musicaux des jeunes de milieux populaires auraient

perdu de leur spécificité, donnant lieu à un mouvement d'homogénéisation sociale des loisirs et des

goûts ?

Les travaux existants sur cette jeunesse populaire réfutent une telle idée (Octobre et al., 2010a).

Malgré la soudaine démocratisation du genre, la distance qui persiste aux genres musicaux légitimes

peut toujours représenter un facteur d'inégalité. Puisque le fait d'écouter des genres contrastés, c'est-à-

dire d'avoi r des pratique s cultur elles éclectique s, agit comme un opérateur de distinction sociale

(Peterson 1992), le plé biscite exclusif du ra p par ces jeunes ne ma rque-t-il pas une limit ation

dommageable de leurs ressources culturelles ? Cette hypothèse est probante, mais il serait dommage

de s'en satisfaire comme point final de la démonstration. En effet, " [l]orsqu'elle se tourne vers les

cultures populaires, la sociologie de la culture n'est pas innocente, elle est déjà armée de théories, le

plus souvent implicites [...] » (Grignon, Passeron 2015). Or, on sait à quel point, dans le monde social

comme en so ciolo gie, la tentation de l' essential isation déceptive menace l 'analyse des pratiques

culturelles des jeunes de milieux populaires, fût-on habité des meilleures intentions du monde (Grignon

et Passeron 2015). Ne serait-il donc pas plus heuristique et, au sens fort du terme, plus juste de (1) revoir

entièrement la définition du rap comme genre " monolithique » 3 , (2) faire ressurgir les mŽcanismes de

socialisation tissant lÕadhŽsion massive des jeunes au genre, afin de dŽnaturaliser ce gožt des Ç jeunes

de banlieue È pour le rap, (3) mettre en avant les ressources quÕelles et ils tirent de la passion pour celui-

ci (Faure et Thin, 2019) ? De fait, lÕexamen minutieux des sous-genres qui se dŽploient ˆ lÕintŽrieur du rap,

ou encore des syncrŽtismes opŽrŽs entre le rap et dÕautres genres musicaux (notamment les musiques

1

Selon le rapport du SNpP dag8n en dag1 dŽjˆ Ç la musique urbaine est en progression parmi les daa titres les plus streamŽsU plle

reprŽsente 2R c des daa titres les plus ŽcoutŽs sur les services de streaming audio et (8 c des daa titres les plus ŽcoutŽs sur

YouTube ÈU : Laschn dag8"U

2

dans Ç Le rap expliquŽ aux parents Èn le journal La Croix sousititrait ) Ç NÕen dŽplaise aux adultesn le rap est devenu la musique

prŽfŽrŽe des ados È :Lebretonn mrance dag1"U 3

Le risque dÕune mŽconnaissance des sous-branches du genre est de reconduire la catŽgorie englobante de Ç musique urbaine È

employŽe par les inst itutions . Le sociologue et ethnographe de la mu si que Anthony Pecqueux rappell e que, comme la

minutesn wuiattin Marion dagv"U

INJEP NOTES & RAPPORTS/RAPPORT DՃTUDE

8 ! ! ! populaires dites " traditionnelles »), fracture une représentation rudimentaire et unidimensionnelle de

ces univers culturels. Elle pose la question d'un " éclectisme populaire » bien vivant, qui doit autant à

l'essor d'une pop cosmopolite ( Cicchelli, Octobre 2017) qu'à l'héritage nourri par les parents immigrés. Il

nous est ainsi apparu que les répertoires et schèmes d'appréciation des parents - par exemple, le goût

pour le raï - sont retravaillés par les adolescent·e·s, au point de se réfracter dans certains sous-genres

récents du rap (le cas de l'a frotrap en consti tue un exemple éclatan t). On c omprend donc, via

l'engouement pour les raps, l'im pératif de faire éme rger tout le nuan cier du gen re musical pour

embrasser d'une part, l'existence d'un éclectisme proprement populaire, d'autre part le développement

d'un capital culturel " cosmopolite » (Cicchelli, Octobre 2017).

Ce qui vaut pour le rap vaut pour la constellation toute entière des pratiques culturelles des jeunes

de milieux populaires . Comment renvers er une persp ective qui focalise l'effo rt analytiqu e sur les

adolescent·e·s de classe moyenne et supérieure, au détriment d'une exploration fouillée des pratiques

et des goûts des jeunes plus éloignés des institutions ? Comment trouver un équilibre dans ce dilemme

insoluble qu'identifiaient déjà les sociologues du populaire dans les années 1960 : traiter la culture

populaire comme un " univers significatif autonome », en oubliant " tout ce qui est autour d'elle et au-

dessus d'elle, et d'abord les effets symboliques de la domination que subissent ceux qui la pratiquent »

(Grignon et Passeron 2015), ou la considérer comme " hétéronome, en ne considérant cette culture que

pour l'interpréter d'emblée par rapport à la culture dominante [...], comme une altérité mêlée aux effets

directs ou indirec ts d'un rapport de domination » (ibid.) ? Sans hypo théquer cette tension, l'object if

poursuivi par cette étude tendrait plutôt vers la seconde perspective, les multiples activités de ces

jeunes illustrant à quel point " même dominée, une culture fonctionne encore comme une culture » (p.

21). Cette perspective, qui tient à la fois du souci de produire un savoir positif et ramifié sur ces jeunesses

populaires, et de s'inscrire dans les thématiques de l'INJEP, se traduit par un ensemble de parti-pris

méthodologiques et théoriques réfléchis. Le pr emier consiste à appréhender ces jeunes sous le prisme

de leurs pratiques culturelles et de leurs loisirs. Si une telle perspective semble tomber sous le sens, elle

apparaît, à l'épreuve de la littérature existante, comme un angle mort que nous avons tenté

d'abonder.

Certes, les travaux mis en oeuvre sur cette jeunesse et ses conditions de vie sont très riches, qu'il s'agisse

d'appréhender l'exclusion sociale dans les grands ensembles (Mohammed, 2011 ; Guénif Souilamas

2000 ; Wacquant, 2007 ; Dubet, 1987 ; Paugam, 1991), l'entrée dans une carrière déviante (Mohammed,

2011 ; Rubi, 2005), les rapports de genre et les relations amoureuses (Guénif Souilamas, 2000 ; Rubi,

2005), les choix matrimoniaux et les trajectoires sociales des enfants d'immigrés (Santelli, 2016 ; Beaud,

2003), le sp ort ou la tra nsmiss ion intergénérationnelle (Sayad, 2006 ; Beaud, 2018). Cependant, les

pratiques culturelles au sens strict, celles qui ont cours dans le " temps libre » (musique, audiovisuel,

sport, numérique, cuisine, parcs d'attraction...) n'y figurent qu'en filigrane. À l'exception de la remarquable

étude de Lepoutre - qui rend justice au langage et aux rites d'interaction propres aux jeunes de la cité

des Quatre Mille à l a Courneuve, en particulier à leur goût pour les joutes verbales (Lepoutre, 1997) -, les

pratiques culturelles concrètes de cette population ne sont pas érigées en perspective de recherche à

part entière. En outre, quel que soit le public appréhendé et surtout dans les enquêtes institutionnelles,

les pra tiques culturelles ont souvent été sais ies co mme des agrégats statisti ques, des pratiques

suspendues dans l'espace des classes sociales et des normes de genre. Elles sont peu appréhendées

comme des activités incarnées et spatialisées, dont les formes dépendent d'un territoire concret - et en

particulier d'une offre culturelle locale. Nous avons souhaité remédier à cet écueil, en sélectionnant

d'abord notre population sur un critère spatial. Enfin, il s'est agi pour nous de mettre à distance une

GOóTS, PRATIQUES ET USAGES CULTURELS DES JEUNES EN MILIEU POPULAIRE

9 approche du capital culturel dŽfini par sa valeur sur le marchŽ scolaire ; ce nÕest pas parce quÕune

pratique popula

ire transmise nÕest pas socialement Ç rentable È quÕelle nÕest pas digne de passer ˆ la

loupe de lÕa nalyse sociologique, ou quÕelle ne peut constituer une ressou rce sur un a utre marc hŽ

(notamment celui du travail). MalgrŽ la puissance et la pertinence corrosives des rŽsultats quÕelle met au

jour, une sociologie des inŽgalitŽs privilŽgiant une approche comparative focalise sciemment lÕattention

sur les lacunes de la transmission, ou sur les ratŽs du capital culturel. Ce faisant, elle peut reconduire

malgrŽ elle l'invisibilisation ou le troncage de toute une partie des pratiques. CÕest dÕautant plus vrai en

ce qui concerne les classes populaires immigrŽes vivant dans les grands ensembles, la problŽmatisation

elles. La nŽcessitŽ de dŽconstruire le stigmate associŽ ˆ ces thŽmatiques fait perdurer un Ç statut

dÕexception È attachŽ ˆ cette fraction des classes populaires, les sociologues sÕattachant ˆ dŽcrire la

rŽalitŽ de ce type d e p ratiques (trav ail, dŽlinquance, rapports am oureux) pl ut™t quՈ dŽpeindr e les

pratiques culturelles et artistiques banales qui en tissent la vie quotidienne. Pourtant, celles-ci font partie

intŽgrante des styles de vie et de lՎconomie des sociabilitŽs dans ces zones ; elles constituent un pan

singulier des cultures populaires contemporaines. culturelles, elle constitue aussi une entrŽe privilŽgiŽe dans lՎtude des styles de vie, de lÕordre normatif qui

difficultŽs sociales ne sont plus prŽtextes ˆ documenter les pratiques ; ce sont les pratiques culturelles qui

constitue donc le fruit dÕun premier travail dÕexploitation, de dŽpouillement et dÕinterprŽtation des donnŽes,

consŽcutif ˆ lÕenqu

milieux populaires rŽsidant dans les quartiers populaires de villes moyennes, aux abords Ð de la proche

banlieue aux lim ites de lÕagglomŽration Ð de Pa ris e t de L yon. Da ns les cat Žgories ana lytiques et

mŽthodologiques quÕelle convoque, elle emprunte ˆ une riche tradition de recherche en sociologie de

la culture, quÕil sÕagisse des modes de rŽception de genres littŽraires et cinŽmatographiques (Octobre et

al., 2010 ; DŽtrez et VanhŽe, 2012 ; Collovald et Neveu, 2013) ou de lÕeffet dÕun capital culturel dans les

usages et appropriations des loisirs, des annŽes 1970 (Bourdieu 1979) aux annŽes 2010 et 2020 (voir par

en Žcole prŽparatoire littŽraire, ou encore celle dՃlodie Hommel sur la rŽception des littŽratures de

lÕimaginaire (science-fiction et fantasy) parmi les jeunes adultes ‰gŽs de 20 ˆ 30 ans. Cependant, cette recherche se veut aussi une dŽmarche inŽdite , sorte de Ç coup de f ilet È mŽthodologique

: il sÕagit de construire, ˆ travers trois monographies qui sont autant de Ç tableaux È des

jeunesses populaires, une vue gŽnŽrale et non exhaustive des pratiques culturelles dÕadolescentáeás

partageant des conditions sociales et territoriales proches, en privilŽgiant des comparaisons internes ˆ

ce groupe social. Pour documenter les pratiques de ces adolescentáeás aussi prŽcisŽment que possible,

INJEP NOTES & RAPPORTS/RAPPORT DՃTUDE

10 ! ! ! de c es jeunes aux instituti ons cultur elles et s colair es, ainsi qu'aux prati ques dites " légitimes » est

nécessaire, mais finalement pas suffisant pour cartographier fidèlement la galaxie de leurs pratiques.

Nous avons donc tenté d'appréhender ces dernières indépendamment des objectifs de démo

cratisation

qui sous-tendent les politiques culturelles, sans nous contenter d'une énumération déceptive de ce

qu'elles ne sont pas. Cette démarche nous a conduits à décliner quatre volets d'investigation principaux.

Documenter, parmi une population de je

unes de milieux populaires de

11 ˆ 20 ans, les pratiques relatives ˆ la culture et aux loisirs

Nous partons d'une définition de la culture consacrée dans les études classiques du champ. En effet,

notre objectif cardinal consiste à repérer les appropriations et les usages dont font l'objet la lecture, le

cinéma, les séries télévisées, la musique, la danse et le dessin. Ainsi, chaque chapitre débute par un

répertoire des pratiques recensées au sein du groupe rencontré sur un territoire donné, dressant un état

des lieux des activités culturelles que citent spontanément les adolescent·e·s. Ce panorama permet de

situer nos enquêté·e·s au sein des jeunes générations dépeintes dans les grandes enquêtes nationales

sur le sujet (Pratiques culturelles des Fr ançais, L'enfance des loisirs). Nous avons systématiquem ent

questionné les ados sur la fréquence, mais aussi le degré d'investissement - institutionnalisé ou pas,

individuel et/ou collectif, intellectuel et affectif - dans leurs pratiques. En outre, nous nous sommes

intéressés aux pratiques de consom mati on, mais aussi aux pratiques de création , par exempl e la

rédaction de textes et la composition de musique ou de chorégraphie. Nous avons également tenté de

capturer le rapport subjectif de ces jeunes à leurs pratiques culturelles, par exemple en les interrogeant

sur leur " journée idéale hors limitation financière » dans le guide d'entretien. Conformément aux outils

de la sociologie de la réception, il s'est agi de saisir les goûts et appétences développés, ou pas, vis-à- vis de ces pratiques, et les raisons de l'attachement ou du dégoût avancées par les jeunes.

Démarche plus novatrice, nous nous sommes focalisés sur le statut de l'émotion (et plus spécifiquement

de l'humour) dans les contenus et les sociabilités adolescentes, notamment via les chaînes Youtube ; de

plus, nous avons décidé de ne pas nous restreindre aux catégories structurantes forgées dans des

enquêtes telles que Pratiques culturelles des Français (Donnat, 2008). Au lieu de partir d'une liste de

pratiques culturelles fixée a priori, nous avons privilégié une entrée par le " temps libre » - c'est-à-dire

le temps hors école et hors travail rémunéré - à travers une question ouverte au début des entretiens :

" Que fais-tu de ton temps libre ? » Nous souhaitions ainsi éviter le biais de sélection d'une acception

doxique du " loisir », m arquée par le sceau de la légiti mité , pour con tourner l'imposition d'une

classification " par le haut » des pratiques de loisir et de divertissement. De fait, le temps libre de

l'adolescence fait ressurgir les vie illes lunes de la sociolo gie des classes populaire : l'assimilation

trompeuse du temps libre à des plages temporelles dédiées aux loisirs et à l'" oisiveté » (Weber 1989) ;

le statut particulier de l'enfance, et a fortiori de l'adolescence, comme devant être sanctuarisé ou pas

avant l'entrée dans un monde du travail marqué par la dureté (par exemple Lahire, 2019) ; la manière

dont ces loisirs peuvent être investis d'une valeur éducative et de transmission de compétences par les

parents. Concrètem ent, ce choix nous a conduits à intégrer la c uisine, le bricolage , ou encore

l'alimentation et la tenue dans le guide d'entretien, dans la mesure où " dans les milieux populaires aussi,

le vêtement (adulte ou enfantin) est un instrument de distinction permettant de se différencier des plus

pauvres que soi, d'afficher un certain statut social ou de prouver (et d'éprouver) sa respectabilité » (Court

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