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Perspective 2

Dec 30 2020 phrases



100 jours pour ne plus faire de fautes

Tout le monde étaient sous le charme de la môme Piaf. Le roi de la pop voyagait beaucoup et se fatigait vite. ... On arrivera tard dans la soirée.



Perspective 2

Dec 30 2020 phrases



JEAN PAUL GAULTIER

Apr 1 2015 L'exposition Jean Paul Gaultier parcourt le monde depuis. 2011 de Montréal à Madrid en ... Étant donné que l'exposition a beaucoup voyagé



945 CHANSONS + 2TITRES

J'AI FAIT TROIS FOIS LE TOUR DU MONDE. 131. J'AI PERDU LE DO DE MA CLARINETTE TOUT VA TRES BIEN MADAME LA MARQUISE 244 ... Que le torero danse.





Prêt pour un gros week-end ?

Sep 15 2022 Le Grand Bazar



La-course-landaise.pdf

Par ailleurs on trouve des organismes destinés à porter un supplément de confort pour la pratique de ce sport : la. Mutuelle des toreros landais la Mutuelle 



Dictionnaire espagnol-français de lexpression actuelle

monde entre ? de ahí a… va (media) tout est bien qui finit bien ? de nunca ? : à n'en plus finir. ... de minuit ; en fin de soirée ; peu avant.

Perspective

Actualité en histoire de l'art

2 | 2020

Danser

Édition

électronique

URL : https://journals.openedition.org/perspective/19766

DOI : 10.4000/perspective.19766

ISSN : 2269-7721

Éditeur

Institut national d'histoire de l'art

Édition

imprimée

Date de publication : 30 décembre 2020

ISBN : 978-2-917902-90-5

ISSN : 1777-7852

Référence

électronique

Perspective

, 2

2020, "

Danser

» [En ligne], mis en ligne le 30 juin 2021, consulté le 30 juillet 2022. URL : https://journals.openedition.org/perspective/19766 ; DOI : https://doi.org/10.4000/perspective. 19766
Ce document a été généré automatiquement le 30 juillet 2022.

Tous droits réservés

INTRODUCTION DE LA PUBLICATIONAppréhender les arts visuels comme un certain rapport à la danse et, réciproquement, la

performance dansée en tant qu'image en mouvement, tel est l'objet de ce numéro. De l'Antiquité

à nos jours, le sommaire décline une diversité de thèmes et d'approches méthodologiques,

incluant des études traitant des danses comme autant de pratiques sociales genrées situées au

confluent de l'artistique, du politique et du transcendant. La question de la médiation de la

danse, qu'elle relève de la représentation graphique - incluant les différents systèmes de

notation chorégraphique - ou de l'image (fixe ou mobile), y tient une place significative,

puisqu'elle modèle non seulement notre manière de l'imaginer et de la décrire, mais également

notre façon d'en faire l'expérience. Thématique privilégiée pour penser la porosité disciplinaire

de laquelle procède l'histoire de l'art, la danse, à travers les notions d'empathie, de kinesthésie,

comme de vie des images, vient déstabiliser notre rapport au temps et à l'espace, créant une

continuité entre des réalités hétérogènes. À travers son prisme, sont notamment repensées les

questions afférentes à l'espace muséal et à ses collections, aux catégories artistiques de la

performance ou de la théâtralité, ainsi qu'à certaines notions anthropologiques, tels le rituel, le

divertissement, ou celle, plus générique, de geste. Ce numéro est en vente sur le site du Comptoir des presses d'universités.

Comité de rédaction du volume

Mathias Auclair, Jérôme Bessière, Esteban Buch, Pauline Chevalier, Elizabeth Claire, Cécile Colonna, Marie Glon, Laure Guilbert, Mahalia Lassibille, Tiziana Leucci, Hélène

Marquié, Arnauld Pierre, Jean-Claude Schmitt

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SOMMAIREÉditorialÉditorialJudith Delner

Tribune

Faire danser la pensée

Georges Didi-Huberman

Débats

L'Ekphrasis de la performance dansée : de la description d'un objet au récit d'une interaction

Un débat entre Michel Briand, Johannes Odenthal, Tedi Tafel et Raffaella Viccei, mené par Karin Schlapbach

Michel Briand, Johannes Odenthal, Karin Schlapbach, Tedi Tafel et Raffaella Viccei Sources iconographiques et chorégraphiques : pour une recherche croisée entre histoire de l'art et études en danse

Un débat entre Inge Baxmann, Juliet Bellow, Mickaël Bouffard et Lou Forster, mené par Pauline Chevalier et Marie

Glon Inge Baxmann, Juliet Bellow, Mickaël Bouffard, Pauline Chevalier, Lou Forster et Marie Glon Kinesthésie plurielle : danse, esthétique et agentivité Une discussion entre Emmanuel Alloa et Carrie Lambert-Beatty, menée par Sarah Burkhalter Emmanuel Alloa, Sarah Burkhalter et Carrie Lambert-Beatty

Entretien

Entremêlements

Entretien avec Boris Charmatz, par Catherine Wood

Boris Charmatz et Catherine Wood

Essais

La céramique comme scène : des liens entre la danse et les vases grecs antiques

Tyler Jo Smith

La danse immobile : iconographie et geste chorégraphique au Moyen Âge

Licia Buttà et Adrien Belgrano

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Pietra viva:mouvement implicite, semblant de vie et anthropologie de l'art

Carlo Severi

Saisir la danse dans les images. Étude sur l'intentionnalité chorégraphique des arts visuels

du XVIIe siècle

Bianca Maurmayr

Méreau, Rousseau et la fête dégenrée des corps dansants

Juan Ignacio Vallejos

Sculptures vivantes : réception et recréation des danses indiennes en Occident (19001939)

Irene López Arnaiz

Vertige du corps : le cubisme tchèque et la danse

Petra Koláová

Danser l'identité nationale espagnole à Paris et à New York (1928-1930) : Antonia Mercé, La Argentina, entre néo-classicisme, modernisme et expression populaire

Mark Franko

" L'impersonnelle beauté [de] l'être-foule » : Girls et cinéma dans la France de l'entre-deux-

guerres

Laurent Guido

Scandaleuses, marginalisées et hors-la-loi : mes notes de terrain sur les archives (vivantes) de l'histoire de la danse iranienne

Ida Meftahi

Varia " En verve » - Illustrer le livre de cuisine : photographie culinaire et imaginaire pictural

Guillaume Cassegrain

Crise, critique, mélancolie

Rémi Labrusse

Annette Michelson : eros et mathesis

Enrico Camporesi

Perspective, 2 | 20203

Éditorial

Perspective, 2 | 20204

ÉditorialJudith Delfiner

1 Danser, pour finir. Ce volume de Perspective vient clore une période de trois années

passées à la tête de la revue, où le travail mené en étroite collaboration avec le comité

scientifique, comme avec les différents collègues gravitant autour de cet objet

éminemment vivant, a donné corps à l'idéal d'une recherche collective. Consacrer ces pages à la danse permet d'ouvrir une question structurelle de l'histoire de l'art qui n'est autre que celle de la vie des images, la manière dont leur mise en mouvement transcende les frontières disciplinaires dans une continuité perceptive et sensorielle entre ce que nous regardons et ce qui nous fait face. Imprimé sur un nouveau papier, ce numéro mène à son terme la refonte de la maquette qui consistait notamment à confier la conception de l'image de couverture à de jeunes artistes d'une école des beaux-arts et de design du territoire afin de faire dialoguer recherches académique et artistique, une manière de rendre sensible la nécessité de les penser ensemble. Toutes deux partagent en effet la mise en oeuvre de processus en vue d'une production, fruit d'une translation, d'un transport, allant du plus intérieur et imperceptible, au plus manifeste. Dans son acception élémentaire, en tant que mise en mouvement, la danse apparaît bien comme la notion par excellence permettant de penser le passage d'un état à l'autre, qui conduit de la puissance à l'acte.

2 Si l'agentivité de la danse fait de celle-ci un vecteur privilégié de la création et d'une

certaine porosité disciplinaire, elle est par ailleurs définie comme un champ spécifique, aux côtés des arts visuels et de la musique. Pareille tension se situe au coeur du débat mené par Karin Schlapbach sur l'ekphrasis de la performance dansée, qui questionne le statut du discours sur la danse, lequel, loin de constituer un simple ersatz de l'événement évanoui, rend compte de la façon dont une expérience physique se trouve

traduite en mots pour former un genre en soi. À partir du corps et de son

expérimentation, c'est-à-dire d'une subjectivité, le danseur et chorégraphe Boris Charmatz, au cours d'un long entretien avec Catherine Wood, déplie une réflexion sur la danse comme pratique exploratoire qui prend pour objet son inscription dans un tissu social, politique et culturel, éprouvant toujours plus avant les limites du champ chorégraphique. Dans certaines circonstances, il arrive que la danse fasse figure de symptôme d'une liberté proscrite, en témoigne la contribution d'Ida Meftahi qui

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revient sur le contexte dans lequel elle a conduit ses recherches pour son ouvrageGender and Dance in Iran: Biopolitics on Stage, un bilan historiographique sur l'histoire des

danses du XXe siècle en Iran, réalisé à partir d'enquêtes menées sur le terrain auprès de

figures qui l'ont marquée, alors que, pratique bannie de l'espace public suite à la

révolution de 1979, la danse, jusque dans son signifiant, avait été évacuée du discours

officiel. C'est bien en tant qu'agent perturbateur venant jeter un trouble sur les distinctions et les hiérarchies fermement établies que la danse est envisagée dans les textes respectifs de Juan Ignacio Vallejos et de Mark Franko. Tandis que le premier nous plonge au coeur de l'échange épistolaire entre Jean-Jacques Rousseau et le maître de danse Charles-Hubert Méreau, révélant la manière dont cette pratique bouscule les rapports entre classes, savoir et genres dans le milieu philosophique des Lumières, le second s'attache à la réception critique des spectacles d'Antonia Mercé (La Argentina) à Paris et à New York au tournant des années 1930, exposant la façon dont l'appréciation de ses chorégraphies au prisme de l'identité nationale maintenait paradoxalement ensemble modernisme, folklore et néo-classicisme.

3 Construite de part en part sur une multiplicité de registres, la danse, à la fois discipline

corporelle, iconographie, voire système de notation, se dérobe à toute approche essentialiste. Pointant l'écart qui sépare les figures dansantes des vases grecs des époques archaïques et classiques et la pratique de la danse en Grèce ancienne telle que documentée par les textes et les sources visuelles, Tyler Jo Smith en appelle à une prise en compte globale du contexte de production et d'exhumation de ces objets pour une meilleure analyse de leur iconographie. Inversement, s'attachant à un pan longtemps

négligé de l'historiographie de l'art médiéval, Licia Buttà et Adrien Belgrano envisagent

l'étude de la danse dans les images de cette période comme une voie d'accès vers une compréhension plus fine des phénomènes liturgiques et cultuels du Moyen Âge. En tant qu'image en mouvement ouvrant sur une réalité transcendante, la danse a de fait pleinement contribué à la modernité artistique, dans la formation de laquelle le

rapport à la spiritualité a joué un rôle de premier plan. Là est tout le propos du texte

d'Irene López Arnaiz qui retrace la réception en France des danses de l'Asie du Sud et du Sud-Est, et la façon dont elles ont inspiré la création scénique des premières décennies du XXe siècle, mettant en lumière une dynamique d'échanges culturels en contexte colonial et son importance dans la constitution de la modernité occidentale. Centrée sur le cubisme tchèque considéré au prisme des oeuvres du peintre Otakar Kubín, du sculpteur Otto Gutfreund et de l'architecte Jií Kroha, l'étude de Petra Koláová décrit la manière dont cette mouvance fut traversée par des conceptions du corps et de l'espace qui faisaient écho à la danse contemporaine et à ses soubassements

ésotériques. Ces différents régimes de temporalité, parfois profondément

contradictoires, qui fondent en propre la modernité, se retrouvent jusque dans les spectacles de music-hall qui intéressent ici Laurent Guido, et plus particulièrement ceux des Girls - divertissements offerts en guise d'entractes dans certaines salles de cinéma parisiennes - dont l'uniformité renvoyait tant au capitalisme industriel et à ses modes de production technico-scientifiques qu'à l'expression d'un certain rythme, primordial et universel.

4 Pas de côté. Parallèlement à ce dossier, somme toute consacré aux " images vivantes »,

la revue réserve une importante rubrique Varia à trois comptes rendus thématiques. Le premier, consacré à un ouvrage publié chez Macula, Servez citron - un ensemble de photographies d'Éric Poitevin d'assiettes desservies à la Maison Troisgros, accompagné

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des recettes afférentes, piqué de " Restes de table », un essai de Jean-ClaudeLebensztejn - revisite le genre du livre de cuisine en révélant les conventions morales

attachées à ces pratiques de table. Prenant appui sur quatre ouvrages récents, la seconde lecture croisée porte sur la mélancolie, une thématique dont l'actualité se mesure à l'aune du foisonnement d'interprétations que la célèbre gravure de Dürer continue de susciter depuis les développements inspirés des deux principaux protagonistes de ce débat, Panofsky et Warburg. À partir d'une sélection d'écrits d'Annette Michelson sur le film, la troisième offre enfin un portrait intellectuel de la

critique américaine dont la recherche théorique, véritable projet d'écriture procédant

du montage, chemine entre pensée, vision et expérience sensible.

5 " Comment danse une peinture ? » Telle est la question que pose Carlo Severi dans sa

contribution sur la notion de vie de l'image dans la peinture italienne du Quattrocento, interrogeant plus précisément le parer vivo comme forme spécifique de l'agentivité de la perspective, situant ainsi son approche du point de vue de la relation imaginaire que l'oeuvre d'art entretient avec le regardeur. C'est sous l'angle de cette même relation vivante qui lie le chercheur à son objet que Bianca Maurmayr analyse les Balletti d'Invenzione nella Finta Pazza (1645) de Giovanni Battista Balbi, questionnant les outils à disposition de celui qui, confronté aux sources iconographiques historiques, en vient à mobiliser son expérience intime du mouvement, complétant le dispositif analytique des images par une lecture fondée sur une intuition pleinement empirique. Si le propre corps de l'historien peut venir enrichir son arsenal méthodologique, se pose alors plus généralement la question d'un possible partage de corpus et de méthodes entre chercheurs en danse et en histoire de l'art, hypothèse qui sous-tend le débat mené par Pauline Chevalier et Marie Glon sur les sources innervant les deux champs disciplinaires.

6 Le temps de la performance dansée et celui des oeuvres d'art sont-ils concordants ? La

danse peut-elle s'inscrire dans un temps long et le musée avoir lieu ? Orienter la réflexion sur cette voie suppose de se départir d'une conception de la danse comme

événement unique qui s'épuiserait tout entier dans sa représentation et,

réciproquement, de se défaire d'une approche fixiste des arts visuels relégués dans un hors-temps caractéristique. De là, la nécessité de repenser la notion d'authenticité intimement associée à la performance dansée que son enregistrement, quelle que soit sa forme, viendrait pour ainsi dire redoubler, comme de renoncer à identifier la présence, éprouvée face aux danseurs qui évoluent physiquement sous nos yeux, à

toute idée de première fois. Appréhender la chorégraphie à partir de ce qu'elle produit

en effet, depuis l'étrange continuum sensitif qu'elle établit entre spectateur et

interprète en déstabilisant leurs positions respectives, voilà l'objet même du débat sur

la kinesthésie conduit par Sarah Burkhalter qui sonde les mécanismes d'appréciation de la performance dansée, la manière dont les phénomènes d'émotion esthétique et d'empathie kinesthésique se trouvent conditionnés par un ensemble de déterminations hétérogènes.

7 Regarder - danser - penser. Il arrive que la danse surgisse de la mise en tension des

polarités antagonistes, joie ontologique émanant des profondeurs de l'abîme. Georges Didi-Huberman ouvre les pages de ce volume par le déploiement de celle du torero, convoquée comme paradigme de l'exigence poétique visant à faire danser la pensée, c'est-à-dire se mouvoir rythmiquement dans un entre-deux-morts où s'exalte notre propre " puissance d'être affectés ».

Perspective, 2 | 20207

INDEXKeywords : academic research, artistic research, current research, dance, interdisciplinarity Parole chiave : ricerca accademica, ricerca artistica, attualità, danza, transdiciplinarità

Mots-clés : recherche académique, recherche artistique, actualité, danse, transdiciplinarité

Perspective, 2 | 20208

Tribune

Perspective, 2 | 20209

Faire danser la penséeGeorges Didi-Huberman

1 " Danser. Le voulez-vous1 ?... » (Tanzen. Wollt ihr das?...) Tels furent les tout derniers

mots écrits par Nietzsche pour Le Gai Savoir. Les tout premiers avaient été pour dénoncer les philosophes ou les moralistes qu'il nommait, avec colère, les " doctrinaires de l'existence

2 ». Danser, était-ce enfin avoir une chance d'exister sans la

prison des doctrines ? Mais pourquoi convoquer ainsi la danse comme point d'orgue à ce grand livre de soulèvement (" Nous sommes tous des volcans en croissance qui attendent l'heure de leur éruption

3 ») ? Que devait-il se passer entre une dénonciation

de toutes les ontologies figées dans leurs certitudes doctrinales et une telle invitation à danser ? Quel était l'enjeu ? Rien de moins, sans doute, que la mise en mouvement de notre pensée elle-même : sa mise en rythme et, donc, sa prise de risque pour quelque chose comme une nécessité d'émancipation.

2 " Danser. Le voulez-vous ?... » En soulignant le verbe, Nietzsche insistait clairement sur

la notion de vouloir : cette fameuse " volonté de puissance » que, contrairement aux lectures triviales qui en eussent fait une intention de dominer, de posséder ou que sais-

je encore, le philosophe définissait plutôt comme un pathos, une sensibilité à la force et

de la force elle-même. Ce que Gilles Deleuze aura bien résumé par ces mots : " La volonté de puissance se manifeste comme un pouvoir d'être affecté

4. » Vouloir, ce

n'était donc pas imposer ou, même, prendre quoi que ce fût. C'était donner : donner libre cours. Laisser aller l'existence, l'accompagner dans son libre déploiement. Vouloir danser, par conséquent, ne désignait rien d'autre que ceci : vouloir donner forme et temps, corps et mouvement, vouloir donner rythme à sa propre puissance d'être affecté.

3 Il est tout à fait vain de parler de la danse en général (prétendre à cette généralité

semble, justement, une prétention typique des " doctrinaires de l'existence »).

À chacun sa danse. On danse comme on peut et, surtout, selon ce qu'on veut. La danse est comme les rêves : elle est tellement intime - et pourtant manifeste - que la danse des uns est souvent regardée par les autres avec incompréhension, moquerie, dégoût quelquefois. On n'admire la danse de l'autre que si l'on est capable d'admirer le désir de

l'autre. Voici par exemple un " désir tout autre » et tout à fait singulier

(particulièrement pour quelqu'un qui, comme moi, ne " danse » que dans les bibliothèques en papillonnant de livre en livre, et passe une grande partie de sa vie

Perspective, 2 | 202010

assis à une table, un stylo à la main, essayant de faire danser les mots sur des feuilles de papier blanc).

4 Je veux parler d'un désir rare, en effet. Et profondément anachronique. Celui de vouloir

danser la mort - et même de vouloir danser dans l'entre-deux infiniment risqué de deux morts, la sienne et celle d'un taureau sauvage. Un mot, donc, quelques mots ou bouts de phrases, sur la danse extrême du torero José Tomás. Ce que j'ai vu le 15 juin 2008 dans les arènes madrilènes de Las Ventas aura gravé en moi l'image même, intranquille, infiniment puissante et fragile, de ce que peut constituer, radicalement, une

" puissance d'être affecté ». Tout a été dit, redit et contredit, en Espagne et ailleurs, sur

José Tomás : petit bout d'homme que beaucoup appellent, éperdus, " maestro de maestros » (et à qui beaucoup de doctrinaires taurins auront longtemps cherché des poux dans la tête, avant de capituler devant sa grandeur). Nijinski, à l'évidence, fut bien moins respecté. J'ai vu, ce jour-là, José Tomás danser la mort en face - et surtout pas

" marcher à la mort », comme on le dit des persécutés, ni même " éviter la mort »,

comme on le dit des gens malins. Pour le dire un peu plus précisément : danser aux deux morts. Celle que le rituel taurin lui prescrivait de donner, et celle dont un monstre noir antédiluvien, irrésistiblement puissant dans sa volonté de tuer, le menaçait à chaque bribe d'instant.

5 Ce que j'ai vu ce 15 juin 2008, je l'ai bien sûr mal vu, n'étant pas de ces aficionados qui

savent - par un art de la mémoire dont seuls les vieux cinéphiles, à ma connaissance, peuvent se prévaloir encore - faire de chaque instant d'une corrida quelque chose comme un impérissable monument de mémoire précise et ciselée, susceptible de gloses à l'infini. J'ai vu confusément. Du moins ai-je pressenti quelque chose comme un extraordinaire pas de trois. Au centre de tout : le temps de l'immobilité. Attendre sans broncher - aguantar : endurer, souffrir, patienter, résister -, et pourtant le fauve arrive de toute sa force. Ce n'est pas une immobilité d'être éternel ou plus solide que tout, mais au contraire une suspension fragile d'oiseau dans le vent contraire. Il tient pour l'instant. Ça passera ou ça cassera. Tension partout : le taureau charge, vingt-trois mille personnes font entendre qu'elles retiennent leur souffle, et pourtant cela tend à l'immobilité. Au mieux de tout, le temps de la caresse : moments de frôlements suaves, enchaînements de gestes devenant irréels parce que vus comme impossibles, tangentes de danger lorsque la corne passe si près et que la masse énorme peut tout renverser sur son passage.

6 Au pire : temps de la blessure. Mortelle, cela arrive, bien sûr. Et c'est cela que le danseur

taurin accepte comme la condition d'existence de toute sa " puissance d'être affecté ». Plusieurs fois, ce jour-là, j'ai cru le voir transpercé de part en part. Mais non, il avait mis son corps entre les cornes mortelles, comme sur cette photographie où dans les

mêmes arènes, en 2001, il avait été soulevé par le taureau, fétu de paille et de paillettes

(fig. 1). Il fut bien, ce jour de 2008, gravement blessé par trois fois, comme le rapporta Jacques Durand dans l'une de ses irremplaçables chroniques : " Une statue de pierre couverte de sang. Le sien, celui du toro. Il a trois coups de cornes dans le corps, un de vingt centimètres en haut de la cuisse droite, un dans le genou, un dans le mollet, et...

rien. Il torée comme si de rien n'était. [...] Pas de tour de piste. Il est blanc, son habit est

rouge de sang, il a un petit sourire. Il part à pied à l'infirmerie. Anesthésie, opération5. »

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1. Julio Palomar, José Tomás aux arènes de Las Ventas (détail), Madrid, le 18 mai 2001.

© Julio Palomar

7 Homme homérique, entre l'air et la pierre. Constamment " immobile à grands pas ». Ne

voyant aucun affect " lisible » que son visage eût exprimé, je comprenais que la " puissance d'être affecté » n'avait, chez lui, aucun signe mimique à produire. Ellequotesdbs_dbs25.pdfusesText_31
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