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    Quelles sont les normes vestimentaires de l'élégance masculine à connaître ?

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  • Pour avoir l'apparence d'un homme ayant de la classe, pensez aussi à porter des polos. Ne soyez pas sale. Lavez vos t-shirts et chemises après les avoir portés une fois. Et ne portez pas vos jeans plus de trois jours sans les laver.
Le prétexte du vêtement: sociologie du genre au prisme des

THÈSE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES Spécialité : Sociologie

Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par

Coline LETT

Thèse dirigée par Serge DUFOULON

préparée au sein du laboratoire EMC

2-LSG (ISA)

dans l'École Doctorale SHPT

Le prétexte du vêtement.

Sociologie du genre au prisme des pratiques

vestimentaires

Thèse soutenue publiquement le

07.01.2016,

devant le jury composé de :

Mme Annie BENVENISTE

MCF émérite, Paris VIII (Rapporteure)

Mr Antoine HENNION

DR, Mines ParisTech (Président) Mme Christine DETREZ

MCF, ENS Lyon (Rapporteure)

Mr Daniel WELZER-LANG

PR, Toulouse Jean Jaurès (Membre) Mr Serge DUFOULON

PR, Grenoble II (Directeur de thèse)

2 3 " Notre culture est classeuse. Elle est par ailleurs aussi fixeuse, car à l'opposé de ressentir l'aspect continuellement changeant d'un même objet à mesure que varient, soit sa forme, soit ce qui l'entoure et à quoi il est lié, soit l'angle d'incidence du regard porté sur lui, elle insiste sur sa stable identité. Elle s'est constituée en appareil à traiter du stable et seulement des choses qui sont stables, et qui ne fonctionne plus bien quand on veut traiter de l'instable.»

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture

4 5

Sommaire

AVERTISSEMENTS ..................................................................................................... 9

INTRODUCTION. L'histoire d'un questionnement ................................................... 11

A. Le prétexte : sortir de la confusion du genre ........................................................... 14

A. 1. Résumé de mes travaux de master ................................................................... 15

A. 2. Le problème de la traduction des connaissances ............................................. 18

A. 3. " Le genre précède le sexe » ? ......................................................................... 20

B. Mes sources .............................................................................................................. 26

B. 1. Des difficultés de l'ethnographie en terre connue ........................................... 26

B. 2. Observation participante braconnière vs. chasse à visage découvert .............. 30

B. 3. Un terrain en toile d'araignée .......................................................................... 34

C. Situer le point de vue ............................................................................................... 41

C.1. Du corps, de l'apparence de l'ethnographe et de leur codage culturel ............. 42

C.2. Evolution de mon rapport à l'objet d'étude et aux théories .............................. 58

D. Des chiffres et des lettres ......................................................................................... 65

D.1. De la littérature à la sociologie ......................................................................... 66

D.2. Crise de confiance et obsession de la quantification ........................................ 69

D.3. Métaphore et connaissance ............................................................................... 73

D.4. Une sociologie interactionniste et compréhensive ........................................... 75

E. Plan de thèse ............................................................................................................. 80

CHAPITRE 1. Goûts et dégoûts : ça ne se discute pas ? ............................................. 83

1.1. Qu'est-ce que le goût ? ....................................................................................... 85

Le goût : une capacité à percevoir des différences ................................................... 88

Des carrières d'amateur ............................................................................................ 91

1.2. Qu'est-ce que le bon goût ? ................................................................................ 94

Quand les gens bien étaient aristocrates ................................................................... 95

Quand les gens bien étaient bourgeois ..................................................................... 99

Depuis que l'on ne sait plus trop qui sont les gens bien ......................................... 105

1.3. Du goût des femmes, des hommes... pour les femmes .................................... 114

Invention du " beau sexe » et " Grande Renonciation » masculine ....................... 115

L'intérêt pour l'apparence féminine et le fétichisme.............................................. 121

6

1. 4. Si vous ne savez pas ce que vous aimez, dites-moi ce que vous détestez .......... 132

Sur les femmes : la " vulgarité », la " provoc », la " superficialité » et ce qui

évoque la prostitution ......................................................................................................... 132

Sur les hommes : ressembler à une femme ou les vêtements qui évoquent

l'homosexualité .................................................................................................................. 136

Le voile intégral : " un sujet délicat » .................................................................... 138

La saleté ou l'évocation de la saleté ....................................................................... 141

Ce qui évoque la hiérarchie, l'uniformité ............................................................... 142

Ce qui évoque la violence ....................................................................................... 144

CHAPITRE 2. Des socialisations différenciées ......................................................... 147

2. 1. La socialisation aux goûts et aux techniques du corps ....................................... 147

Le processus de socialisation .................................................................................. 147

L'intériorisation du goût durant les deux types de socialisation ............................ 151

La carrière vestimentaire de Ludovic : des Vans -baggys au costume-cravate ...... 153

Femmes et talons hauts : de l'acquis à l'inné ......................................................... 157

La transmission des techniques du corps féminines et masculines ........................ 159

2. 2. Ethos féminin vs. éthos masculin ....................................................................... 163

Du côté des femmes : s'exhiber sans vulgarité ...................................................... 164

Du côté des hommes : conformisme détaché et voyeurisme .................................. 170

Premier transport : Du goût et du dégoût comme traduction moderne du pur et de

l'impur .................................................................................................................................... 177

CHAPITRE 3. Identité et schismogenèse : des femmes, des hommes et des Hommes

................................................................................................................................................ 185

3. 1. La schismogenèse ............................................................................................... 188

Schismogenèse complémentaire ............................................................................. 190

Schismogenèse symétrique ..................................................................................... 192

Complications dans la schismogenèse .................................................................... 195

3.2. Vêtements et rôles dans la division sexuelle du travail ....................................... 203

Exclusion des femmes des activités guerrières ...................................................... 204

Uniforme et féminisation des professions .............................................................. 207

3.3. Quand les princesses veulent être chevaliers et vice-versa ................................. 212

7

Histoire du travestissement ..................................................................................... 213

Garçon manqué : " un terme faux » ....................................................................... 215

3.4. Individuation vs. identification ............................................................................ 218

La construction identitaire dans la modernité : " soyez vous-mêmes » ................. 219 Le " complexe de Marie » et le " problème de l'hypersexualisation » .................. 221

Être " une femme à couilles » : une schizophrénie culturelle ................................ 226

Second transport : De l'identité stigmatisée au retournement du stigmate ................ 230 CHAPITRE 4. Hiérarchie, révolution et subversion : faut-il " porter la culotte » ou le

string ? .................................................................................................................................... 241

4. 1. La conscience de la place dans la hiérarchie ...................................................... 241

Des hommes en jupe : " lol » ................................................................................. 241

Le privilège du fond sur la forme, ou la mésaventure d'Antoine ........................... 243 De la plus grande efficacité des techniques du corps masculines .......................... 245

Des idéaux féminins difficiles à incarner ............................................................... 247

4.2. Les réactions à l'injustice .................................................................................... 251

Révolution : " J't'emmerde » ................................................................................. 251

L' " empowerment » ou la réappropriation du stigmate ........................................ 255

Troisième transport. De la désacralisation au sacrilège ............................................. 261

CHAPITRE 5. Efficacité symbolique et échange : faut-il arrêter de croire au genre ?

................................................................................................................................................ 265

5.1. Le genre : une prophétie autoréalisatrice de grande ampleur .............................. 266

La performativité : " Ben ça se voit ! » .................................................................. 266

" Cherche l'objet ! » : le jeu ou le mystère de la séduction .................................... 269

5.2. L'angoisse de la désérotisation du corps féminin ................................................ 273

Violence et érotisation du corps féminin ................................................................ 274

L'intérêt pour le corps des femmes : un passe-temps masculin ............................. 276

CONCLUSION .......................................................................................................... 281

Au-delà de la déconstruction et de la compréhension : éloge du détachement ...... 284

Au-delà de la solidité et de la liquidité : éloge de l'ambigüité ............................... 287

Au-delà de la lutte : éloge de la conversation ......................................................... 290

REMERCIEMENTS .................................................................................................. 295

8

BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 296

ANNEXES ................................................................................................................. 308

Références diverses .................................................................................................... 308

Caractéristiques des enquêtés ..................................................................................... 315

Entretiens .................................................................................................................... 331

Guide d'entretien .................................................................................................... 331

Entretien avec Mélissa ............................................................................................ 333

Entretien avec Jacques ............................................................................................ 343

Entretien de groupe ................................................................................................. 351

Les 4 catégories de femmes selon Senay ............................................................... 397

Emission de radio : " La lingerie : baromètre de l'émancipation des femmes » ........ 398

Carte mentale .............................................................................................................. 403

Chronologie (très) sélective de l'histoire du vêtement et de la nudité ....................... 404

9

AVERTISSEMENTS

" [...] Durant l'essentiel de l'histoire on a vu dans la connaissance quelque chose de rare et de secret, et cet héritage ésotérique, avec ses rêves de suprématie et de mystère, survit dans le jargon que toute profession utilise pour se protéger. La connaissance reste un serpent qui se mord la queue.

1 »

Théodore Zeldin Les Françaises et l'histoire intime de l'humanité Tout texte consiste en une suite de décisions plus ou moins arbitraires ayant pour but d'amener le lecteur le plus efficacement possible d'un bout à l'autre d'un raisonnement. Je me sens le devoir de justifier ici certains de ces choix. Tout d'abord, la première personne du singulier me semble le véhicule le plus confortable pour ce trajet. Non pas que je souhaite affirmer avec arrogance la singularité de

ma pensée au regard de la culture scientifique qui me précède : lorsque j'avance une idée, j'ai

bien conscience qu'elle est redevable de tout ce que j'ai lu et entendu auparavant. Je pense cependant que l'on gagne en précision à se positionner clairement comme une individualité,

en interaction avec d'autres subjectivités (celles des enquêtés et celles d'autres chercheurs).

L'activité d'introspection intense et l'intégration de points de vue étrangers suscitées par toute

recherche en SHS sont suffisamment déstabilisantes pour le psychisme pour que l'on se complique la vie en utilisant des formulations étranges telles que " nous pouvons dire...» ou

" on s'efforcera de montrer... ». Je réserve l'utilisation du " on » pour signifier des

généralités (de ce fait, j'essaye d'éviter d'abuser de ce pronom). Dans le souci de pouvoir être lue par tous les gens qui seraient susceptibles de

s'intéresser à mon questionnement (et je pense en premier lieu à ceux qui ont participé à mon

enquête), j'évite autant que possible de mobiliser des concepts sans les définir, même si ceux-

ci font partie du b.a.-ba de la sociologie.

Généralement, j'utilise le présent pour signifier le temps de ma pensée, le passé

composé pour décrire les actions effectuées pendant ma thèse et l'imparfait pour évoquer les

travaux antérieurs à ma recherche de doctorat (notamment les idées fixées dans mes deux mémoires de master). J'aime user de métaphores, de comparaisons, et lorsqu'une histoire (personnelle ou

publique) me semble appropriée pour évoquer, par un détour, un phénomène observé lors de

1 ZELDIN, Theodore, Les Françaises et l'histoire intime de l'humanité, Fayard, Paris, 1994, pp. 418.

10 mon enquête de terrain, je ne me gêne pas pour m'en servir. Ces digressions n'ont pas pour

intention de divertir le lecteur du fil de mon argumentation, au contraire, le but est de

l'impliquer plus complètement, en faisant appel à ses différents sens et types de mémoire.

Par souci de cohérence, et pour ne pas étouffer mon argumentation, j'ai placé un grand nombre de documents en annexe, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont accessoires. Au contraire, j'en recommande vivement la lecture, afin que le lecteur se fasse une idée détaillée de mon travail de recherche empirique et documentaire. J'accorde dans le texte une place importante à la parole des enquêtés et aux citations

des auteurs qui m'ont aidée dans ma réflexion. Bien que je ne considère pas ces deux sources

d'information comme radicalement différentes, je les distingue par convention. Je fais

apparaître les propos de mes enquêtés en police 11, sans guillemets, en retrait par rapport au

corps de texte. Lorsqu'il ne s'agit que d'un mot ou d'une courte expression, je l'intègre au

texte entre guillemets. Dans les extraits d'entretien, les propos mis entre parenthèses

correspondent aux " indications scéniques », tandis que les mots mis entre crochets correspondent aux " traductions », coupures et indications nécessaires lorsque les mots ne sont pas compréhensibles hors contexte. Je signale mes questions d'interviewer par un alinéa.

Les citations académiques sont intégrées au corps de texte (à l'exception des citations longues

qui apparaissent elles aussi en retrait et en 11), entre guillemets et en italique. Je place parfois dans mon argumentation des citations académiques mais surtout des extraits d'entretiens assez longs, pour donner la possibilité au lecteur d'accéder aux propos que j'analyse dans leur contexte, et pour rendre le lecteur un tant soit peu actif dans le travail

d'interprétation. Consciente que cette lecture peut être fatigante, j'utile des caractères gras

afin de guider le regard du lecteur vers les détails du discours que je juge significatifs. Lorsque j'utilise un concept propre à un auteur, je commence par l'encadrer de

guillemets puis, dès que je juge avoir suffisamment signalé que je n'en étais pas son

inventrice, j'arrête de l'utiliser entre guillemets. 11

INTRODUCTION. L'histoire d'un questionnement

Montréal, automne 2009. J'entame ma 3

e année de licence de sociologie. Je suis toute

excitée à l'idée d'assister à mon premier cours sur le genre et la sexualité, car c'est en partie

pour aborder cette thématique que j'ai choisi le Canada comme destination d'échange. Je ne

connais rien à la recherche sur le genre, encore peu développée en France. J'avais vaguement

lu un manuel sur le sujet et essayé de lire J. Butler, sans succès, lorsque j'étais en classe de

terminale. A ces lectures, quelque chose avait cependant éveillé mon attention : d'autres que moi se posaient des questions sur le comment, le pourquoi et les conséquences de l'existence de deux classes d'êtres distincts, hommes et femmes, mais j'étais bien loin d'avoir satisfait ma curiosité. J'arrive donc sur le campus et pénètre dans une salle bondée : des femmes surtout, quelques hommes, tous jeunes, et de toutes les couleurs. Je m'installe à une table. Ma voisine

de droite a les cheveux courts, presque rasés, je me dis qu'elle doit sûrement être lesbienne.

Soudain, la professeure fait irruption dans la pièce, accompagnée de son assistante. La voix du

cynisme se met à railler dans ma tête : " Ah d'accord ! C'est elle qui va nous donner des

leçons de féminisme ! ». En effet, l'apparence de ma professeure est aux antipodes de l'image

mentale que je m'étais construite de " la féministe ». Par contre, cette image mentale

ressemblait étrangement à ma voisine de droite (qui aura d'ailleurs l'occasion de nous

raconter plus tard, durant une discussion collective, qu'elle n'est ni lesbienne, ni militante féministe, malgré ce que beaucoup de gens pensent de sa coupe de cheveux). L'enseignante

qui nous fait face est blonde décolorée, bronzée, maquillée et porte des vêtements moulants

aux couleurs vives. Elle nous dira même, un peu plus tard, qu'elle adore les talons aiguille ! La réaction que la rencontre avec cette femme a provoqué chez moi est intéressante à plusieurs égards. Tout d'abord parce que je me croyais alors personnellement insensible au " packaging », pensant de manière générale que la forme avait une importance moindre que celle du contenu. Je me pensais aussi extrêmement tolérante aux différences culturelles, et jugeais intolérable que l'on empêche les femmes de s'habiller comme elles l'entendent. Je

réalise par ailleurs, qu'excepté à de rares exceptions, je n'avais jamais nourri beaucoup

d'estime pour mes professeurs de sexe féminin tout au long de ma scolarité. Trop de

gentillesse pour être compétentes. Manque d'autorité. Voix trop haut perchée pour être

captivante. Irritables. J'avais en fait toujours beaucoup déprécié les attitudes que j'associais

au féminin, sans en avoir conscience. 12 Le message qu'il faut lire entre les lignes dans ma réaction : " Ah d'accord ! C'est elle

qui va nous donner des leçons de féminisme ! » est : " C'est bon, je peux me rendormir, je ne

vois pas ce qu'une personne qui se présente aux yeux de ses étudiants comme un objet sexuel

des plus banals peut avoir à m'apprendre sur le féminisme, le genre et la sexualité ». Il ne lui a

pourtant fallu que quelques minutes pour me convaincre du contraire. Durant le cours le plus

déstabilisant que j'ai suivi au cours de mes études de sociologie, cette femme m'a fait

apprendre tout ce dont j'avais besoin pour commencer à comprendre ces sujets, du haut de ses talons aiguille. L'origine de mon questionnement sur le genre, la sexualité et l'apparence remonte à bien plus loin

2, mais c'est à ce moment précis qu'il m'est apparu de manière

consciente, ouvrant la voie à la recherche que je me propose d'exposer dans ce qui va suivre. Il fallait absolument que je comprenne les raisons de ma réaction de mépris à la vue de cette femme et la perturbation dans mes représentations qui s'en est suivie. Dès

lors, je me mets à relever de manière obsessionnelle tout ce qui a trait au genre et à

l'habillement autour de moi. Je profite du fait d'être au Canada, puis aux USA, pour observer les coutumes locales

et surtout (et les voyages se réduisent souvent à ça) pour prendre conscience par la

comparaison, des manières vestimentaires des Français. Je suis à distance l'actualité

française : on parle à ce moment d'interdiction de la burqa et de journée de la jupe. Je

rencontre un Québécois, en colère contre le gouvernement de sa province responsable des " accommodements raisonnables », une récente mesure multiculturaliste en droit du travail 3. Il

me dit : " Vous avez bien raison d'interdire la burqa ! ». Je l'écoute, je n'ai pas d'avis sur la

question, alors je ne sais pas vraiment de qui il parle lorsqu'il dit " vous ». Un autre jour, je raconte à une amie à quel point mon cours sur le genre est génial, qu'il remet en question toutes les croyances naturalisées sur le masculin et le féminin. Comme

elle n'est pas convaincue, j'évoque les soins de l'apparence et de la séduction comme

exemple de construction sociale de la différence des sexes. A ma grande surprise : mon amie n'est pas du tout d'accord avec moi. La coquetterie des femmes est selon elle quelque chose de naturel, inscrit dans leur programme génétique : chez les paons, ce sont les mâles qui représentent le beau sexe, chez les humains, ce sont les femelles, voilà tout.

2 Je reviendrai sur ce point plus tard, dans la partie C.1.

3 Mesure incitant, au cas par cas, les employeurs à trouver un terrain d'entente face aux demandes de traitement

spécifiques de certaines minorités culturelles (par exemple octroyer une salle de prière aux salariés d'un hôpital

s'il en est une de disponible). 13 Plus généralement, durant cette année Nord-américaine, je saisis des bribes de

conversations ; j'achète de nouveaux vêtements, j'écoute les commentaires et observe les

réactions ; je me teints les cheveux en blond ; puis je me décourage en me faisant sur Internet

une idée de la masse de documentation à parcourir et à trier sur le sujet de l'apparence 4. J'abandonne pour un temps, puis j'oublie complètement. De retour en France, je dois choisir un sujet de mémoire pour mon master de sociologie des arts et de la culture. Les souvenirs de Montréal clignotent dans ma tête : les papillotes des hommes juifs hassidiques de mon quartier, le crâné rasé de leurs femmes sous leurs voiles

5, les minijupes des Québécoises par une température de -20 C° sous les regards

indifférents de la plupart des hommes... Toutes ces images me font de l'oeil : je dois

comprendre les ressorts de cette étrange comédie. Je fais mon choix. Je réussi tant bien que

mal à mettre ce projet de mémoire en mots, malgré la généralité de mon questionnement, et à

convaincre le Professeur Dufoulon que ce sujet est digne d'un certain intérêt. Cette thèse est la mise en forme de ce bouillonnement interrogatif concernant les apparences corporelles, le genre et la sexualité. J'y poursuis le questionnement trop ambitieux

dont je suis sortie frustrée après deux mémoires de master de sociologie portant sur les

apparences féminines (puisque, comme il est de mise lorsque l'on cherche intensément des réponses, mes " trouvailles » avaient suscité nombre d'autres questions). Dans cette partie introductive j'expliquerai tout d'abord plus en détails ma démarche, revenant sur mes premiers résultats de recherche de master et sur l'histoire de mon rapport au

concept de genre (A). Je décrirai ensuite mon terrain et ma méthode d'enquête (B).

J'essayerai de situer mon point de vue vis-à-vis de mon objet d'étude (C), puis je ferai un point d'épistémologie (D), pour finalement en arriver à annoncer le plan de ma thèse (E) 6.

4Le lecteur pourra se faire une idée de la confusion mentale dans laquelle la recherche de documentation sur

l'apparence peut plonger le chercheur en jetant un oeil à la chronologie en annexe.

5 " Les femmes mariées, dans la tradition juive orthodoxe, doivent se raser les cheveux et les cacher sous un

foulard ou une perruque si elles le souhaitent, à condition que celle-ci ne soit pas composée de cheveux

d'infidèles. » BROMBERGER, Christian, Tricho logiques. Une anthropologie des cheveux et des poils, Bayard,

Paris, 2010, p 49.

6 Les parties B, C et D consistant essentiellement en des justifications méthodologiques et épistémologiques, le

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