[PDF] Les ingénieurs et léthique. Pour un regard sociologique





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IXèmes JOURNEES INTERNATIONALES de TECHNOLOGIE JIT

mission il est nécessaire que l'enseignement technique ne réalise plus b) leur capacité d'évaluation de l'impact des formations d'ingénieurs sur le.



Les ingénieurs et léthique. Pour un regard sociologique

20 févr. 2021 comme thème d'enseignement et plus tard comme sujet de thèse de doctorat. ... à Polytech'Lille)



RAPPORT DACTIVITÉ

Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur la consolidation de gipsa-lab en intégrant plus les Départements pour qu'ils tendent ...

Les ingénieurs et l'éthique

© LAVOISIER, 2008

LAVOISIER

11, rue Lavoisier

75008 Paris

www.hermes-science.com www.lavoisier.fr

ISBN 978-2-7462-2104-8

ISSN 1242-7691

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5, d'une part,

que les "copies ou reproductions strictement ré servées à l'usage privé du copiste et non

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soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du

Code de la propriété intellectuelle.

Tous les nom s de sociétés ou de produits cités dans cet ouvrage sont utilisés à des fins

d'identification et sont des marques de leurs détenteurs respectifs. Printed and bound in England by Antony Rowe Ltd, Chippenham, November 2008.

À Simon

Les ingénieurs

et l'éthique pour un regard sociologique

Christelle Didier

Collection dirigée par Jean-Charles Pomerol

BANATRE Michel et al. - Informatique diffuse, 2007. BARTHELEMY Pierre, ROLLAND Robert et VERON Pascal - Cryptographie, 2005. CARDON Alain - La complexité organisée : systèmes adaptatifs, 2004. CHRISMENT Claude, PINEL-SAUVAGNAT Karen, TESTE Olivier et TUFFERY Michel - Bases de données relationnelles : concepts, mise en oeuvre et exercices, 2008. FOURNIER Jean-Claude - Théorie des graphes et applications, 2005.

PIERSON Jacky - La biométrie, 2007.

POLI Alain et GUILLOT Philippe - Algèbre et protection de l'information, 2005. VARRETTE Sébastien et BERNARD Nicolas - Programmation avancée en C avec exercices corrigés, 2006. VERDRET Philippe - De Perl à Java : programmation des expressions régulières, 2004.

TABLE DES MATIÈRES

Préambule ... ... ... ... ... ... .. ... ... ... ... ... ... ... .. 9 Remerciements ... ... ... ... ... ... .. ... ... ... ... ... ... ..1 1 Introduction ... ... ... ... ... ... .. ... ... ... ... ... ... ... .13 Chapitre 1. Une éthique pour les ingénieurs ... ... .. ... ... ... ... ..1 7

1.1 Introduction ........................ .. ... ... ... ... 17

1.2. Qu'est-ce que l'engineering ethics ? ...... ... ... ... ... ... ..1 8

1.2.1. La déontologie : attribut ou monopole des professions ? ........18

1.2.2. Les ingénieurs constituent-ils une profession ? .............19

1.2.3. L'engineering ethics comme éthique sectorielle .............20

1.3. Qu'est-ce que l'ingénierie ? ............................21

1.3.1. L'ingénierie vue comme un humanisme .................21

1.3.2. Une pratique professionnelle " a-morale » ? ...............22

1.3.3. Essai de définition de l'ingénierie comme " agir technique » .....23

1.4. Ethique de l'ingénierie, éthique et déontologie des ingénieurs ........25

1.4.1. De l'activité aux acteurs ...........................25

1.4.2. Les contours de la responsabilité morale des ingénieurs ? .......27

1.5. Conclusion .......................... .. ... ... ... .31

6 Les ingénieurs et l'éthique

Chapitre 2. Etre ingénieur au XXI

e siècle ... .. ... ... ... ... ... ... 33

2.1. Quand les éthiciens interpellent les sciences sociales .............33

2.1.1. Profil psychologique et sociologique des futurs ingénieurs ......34

2.1.2. Une homogénéité parfois dangereuse ...................36

2.2. L'enquête sur les ingénieurs, les sciences et la société (ISS) .........44

2.2.1. Qui appelle-t-on ingénieur en France ? ..................44

2.2.2. L'échantillon de l'enquête ..........................47

2.3. Profil sociodémographique des ingénieurs de l'échantillon .........50

2.3.1. Que font " les hommes en gris » au travail ? ...............50

2.3.2. Origines sociales des ingénieurs ......................53

2.3.3. Une profession très masculine qui se féminise par segment ......57

2.4. Conclusion .......................... ... .. ... ... .63

Chapitre 3. Les identités professionnelles des ingénieurs ... .. ... ... ... 65

3. 1. Introduction ............................ ... ... ... 65

3.1.1. Professionnalisme ou prolétarisation ...................65

3.1.2. L'autonomie : un élément-clé de l'éthique professionnelle ......67

3.2. L'ingénieur, un cadre pas tout à fait comme que les autres ..........69

3.2.1. Qu'est-ce qu'un ingénieur pour un ingénieur ? .............69

3.2.2. Des sciences et des techniques au service des hommes .........70

3.2.3. Le rôle des entreprises, la mission des ingénieurs ............72

3.3. Dynamique du groupe professionnel des ingénieurs ..............76

3.3.1. Un sentiment partagé de perte de pouvoir .................76

3.3.2. Une vie personnelle et professionnelle sous contrôle ..........77

3.3.3. Un regard positif sur leur profession ....................81

3.4. Identité professionnelle et questionnement sur les techniques ........84

3.4.1. Les " professionnels », plutôt technophiles ................84

3.4.2. Les " managers », plus sensibles à la dimension relationnelle

du travail .................. ... ... ... .. ... ... ... ..87

3.4.3. Les " savants », peu soucieux des questions " profanes » .......89

3.5. Conclusion .......................... ... ... ... ... 91

Table des matières 7

Chapitre 4. Attitudes politiques et syndicales des ingénieurs ... .. ... ... 95

4.1. Introduction .......................... .. ... ... ... .95

4.1.1. Un intérêt généralement faible pour la politique, hérité de l'histoire .95

4.1.2. Un rapport difficile des ingénieurs avec l'organisation collective ..96

4.1.3. Une enquête de référence : l'enquête sur les cadres de 1979 .....99

4.2. L'orientation politique des ingénieurs ......................99

4.2.1. Les ingénieurs rarement aux positions extrêmes .............99

4.2.2. La politique : une affaire de famille ................... 101

4.2.3. Quelques tendances pour l'avenir .................... 104

4.2.4. Positionnement politique et position professionnelle acquise .... 105

4.2.5. Le vote des femmes repose sur d'autres facteurs ........... 109

4.3. L'intérêt des ingénieurs pour la politique ................... 110

4.3.1. Un intérêt marqué mais moindre que celui des autres cadres .... 110

4.3.2. Pourquoi s'intéresser à la politique ? .................. 112

4.3.3. Les ingénieurs et l'engagement ...................... 114

4.4. Attitudes politiques et questions d'éthique .................. 116

4.4.1. Discours paradoxal des ingénieurs .................... 116

4.4.2. La " liberté » ou l'" égalité » ? ...................... 122

4.4.3. Orientations politiques et risques techniques .............. 126

4.4.4. Pour une maîtrise sociale des techniques ? ............... 130

4.5. Conclusion .......................... .. ... ... ... 132

Chapitre 5. Ethique professionnelle et attitudes religieuses ... ... ... .. 135

5.1. Introduction .......................... ... ... ... .. 135

5.1.1. L' " art » des ingénieurs suscite des sentiments ambivalents .... 136

5.1.2. Une Eglise catholique profondément philotechnique ......... 137

5.2. Les croyances et les pratiques religieuses des ingénieurs .......... 143

5.2.1. Un taux de pratique régulière élevé pour les ingénieurs ....... 143

5.2.2. Un affaiblissement de la pratique, comme dans le reste

de la société .......................... ... ... ... .. 146

5.2.3. Les ingénieurs catholiques " confessants » : un groupe homogène . 148

5.3. Attitudes religieuses, morale et déontologie .................. 151

5.3.1. Un sens de la famille et de l'engagement ................ 151

5.3.2. Pour une morale hétéronome ....................... 153

8 Les ingénieurs et l'éthique

5.3.3. Question de morale ou d'éthique ? .................... 154

5.4. Attitudes religieuses et questions d'éthique .................. 157

5.4.1. " Non » à la désobéissance, " oui » à l'objection de conscience .. 157

5.4.2. Des catholiques un peu trop technophiles ? ............... 159

5.5. Conclusion .......................... ... ... ... .. 161

Conclusion ... .. ... ... ... ... ... ... ... .. ... ... ... ... .. 165 Annexe 1. Quelques codes d'éthique.......................... 171 Annexe 2. Le questionnaire de l'enquète ... ... .. ... ... ... ... ... 18 5 Annexe 3. Les écoles de l'échantillon ......................... 201 Bibliographie ... ... ... ... ... ... .. ... ... ... ... ... ... .. 203 Index ............................................. 217

PRÉAMBULE

Ancienne élève d'une école d'ingénieurs, j'ai quitté ma formation sans diplôme, après deux années de classes préparatoires intenses et une année académique passée à l'Institut national et polytechnique de Grenoble, vécue studieusement mais sans passion. J'étais surtout animée par la quête du sens de l'existence, en doute profond sur le choix des études que j'avais fait : c'était il y a vingt ans. Après cinq années d'hésitation, j'ai fini par trouver ma voie et depuis lors, au sein de l' université catholique de Lille, je consacre l'essentiel de mon activité professionnelle à former, informer et faire réfléchir des futurs ingénieurs, aux enjeux éthiques de cette drôle de profession à laquelle j'ai renoncé. Mais qu'av ais-je véritablement choisi pour " atterrir » dans une école d'ingénieur ? Est-ce que je ne me trouvais pas là, comme c'est encore trop souvent le cas d e mes étudiants, co nduite par un de stin tracé par d'autres que mo i : enseignants et parents bien intentionnés et séduits par l'idée de réussite que le mot

" ingénieur » véhiculait encore de façon puissante dans les années 1980, et véhicule

encore. Que m'avait-on vraiment donné à connaître du métier d'ingénieur avant que je m'inscrive dans ce parcours ? Qu'est-ce que mes années de " taupe » m'avaient apporté pour éclairer ce qui allait être un choix de vie important ? Perdue dans mes questions, privée de réponses, j'ai quitté l'INPG pour partir à la découverte d'autres univers. J'ai travaillé comme formatrice en insertion, passé huit mois en Inde , travail lé à nouveau aupr ès de jeunes en difficulté, puis auprès de personnes sans dom icile fixe. J'ai repris des études en sciences de l'éducation pensant me consacrer à la lutte contre l'illettrisme, mais le d estin en décida autrement. Mes pas croisèrent ceux d'un ingénieur, Bertrand Hériard Dubreuil, qui se demandait comment il était possible d'enseigner l'éthique à des futurs ingénieurs. J'ai choisi alors cette drôle de question comme sujet de mémoire de maîtrise, puis comme thème d'enseignement, et plus tard comme sujet de thèse de doctorat.

10 Les ingénieurs et l'éthique

Les ingé nieurs et l'éthique poursuit un travail commencé au cours de m on doctorat de sociologie, réali sé à l'Ecole des hautes ét udes en sciences sociales (EHESS), sous la direction d'André Grelon. Il s'appuie sur une enquête dont les résultats continuent de m'inspirer. Bien qu'ayant son entière autonomie, cet ouvrage est co mplémentaire du travail plus historique et ph ilosophique que j'ai publié récemment. Penser l'éthique des ingénieurs (Didier, 2008) partait de la découverte qu'il existait, dans diverses régions du monde, de nombreux et anciens parfoi s,

codes de déontologie rédigés par et pour des ingénieurs. J'ai présenté et discuté

plusieurs documents produits, dans diverses régions du monde au cours du XX e siècle. J'ai voulu donner sens à ces écrits en les replaçant dans leur contexte et surtout, expliquer les raisons historiques, juridiques et culturelles pour lesquelles ils se présentaient de façons si différentes, dans leur fond comme dans leur forme, d'un pays à l'autre. Les ingénieurs et l'éthique poursuit un objectif bien différent. Il invite le lecteur à plonger dans le monde des ingénieurs français d'aujourd'hui, un monde façonné par un système de formation ancien et toujours prestigieux, un monde porté encore

par les rêves que des parents et des éducateurs ont eu pour des générations d'élèves

brillants. Il ne traite pas de l'éthique of ficielle affichée publiquement par " la profession », et surtout produite par quelques membres volontaires d'associations la représentant. Il analyse les croyances et convictions des quelque 3.901 ingénieurs qui ont bien voulu répondre aux questions de l'enquête sur les " ingénieurs, les sciences et la société ». Il ne dit rien d'autres de leurs valeurs que ce qu'ils ont bien voulu dire dans un questionnaire auto-administré anonyme. Il propose de parcourir le monde des représentations d'un groupe professionnel encore trop méconnu, celui des ingénieurs.

REMERCIEMENTS

Cet ouvrage n'aurait pas pu exister sans le soutien de partenaires financiers, la collaboration des associations d'anciens élèves des écoles d'ingénieurs qui ont accepté de participer à l'enquête et en ont diffusé le questionnaire, les conseils des parents, collègues et amis qui m'ont permis d'affiner mes hypothèses et d'améliorer mon écrit. Je remercie, en particulier, la fondation Nor bert Ségard, le fond fédératif de l'université catholique de Lille qui a financé l'enqu ête de terrain, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l'Homme, qui a soutenu les travaux que j'ai menés au sein du département d'éthique pendant de nombreuses années. Je reme rcie également les responsables, les présidents et les secrétaires des associations d'anciens élèves qui ont accepté de diffuser le questionnaire de mon

enquête sur les ingénieurs, les sciences et la société, et tout particulièrement Xavier

Legrand et Nicolas Moerman de l'école nationale supérieure des arts et industrie du textile (ENSAIT), Christian Cordonnier de l'institut supérieur d'agriculture (ISA), Odile Jacque sson de l'ecole universitaire d'i ngénieurs de Lille (ex-EUDIL aujourd'hui rattachée à Polytech'Lille), Agnès Abt de l'institut de formation des ingénieurs d'exploitation des systèmes de production (IESP aujourd'hui rattaché à Polytech'Lille), Alain Champion, Philippe Merle et Patricia Maincent de l'Institut Supérieur d'électronique du Nord (aujourd'hui " et des nanotechnologie », ISEN), Bernard Defert de l'école centrale de Lille, André Satin, Achille Godin et Marie- Claude Bidault de l'institut catholique d'arts et métiers (ICAM), Jean-Louis Bigotte et Sandie Boyadjian de l'institut supérieur de technologie de Lille, Jean-Pierre Van Severen et Christine Brâme des hautes études d'ingénieurs (HEI), Alain Lablache- Cambier et Martine Ducornet de l'école nouvelle des ingénieurs en communication (anciennement ENIC, aujourdhui Eni c-Telecom 1), Bernard Avrin et Marie-

12 Les ingénieurs et l'éthique

Christine Descam ps de l'école supérieure des techniques et industries du textile (ESTIT, int égré aujourd'hui à HEI), Philippe B outonné de l'école nationale supérieure de chimie de Lille (ENSCL). Je remercie également le conseil national des ingénieurs et scientifiques de France, qui m'a permis de profiter de l'envoi du questionnaire de sa quatorzième enquête socio-économique sur les rémunérations des ingénieurs pour diffuser le mien. Je remercie la revue Mélanges de Sciences Religieuses qui m'a permis de reproduire un article dont j'avais publié une version précédente dans ses colonnes. Bien évidemment, je remercie les 3 901 ingénieurs et ingénieures qui m'ont renvoyé le questionnaire de l'enquête ISS. Je remercie, ici, les nombreux collègues, parents et amis qui ont lu et relu les différentes versions de ce travail et tout particulièrem ent Françoi se Chamozzi, Chantal Darsch, Martine Golon, Kristoff Talin, Dominique Vinck et André Grelon pour leurs précieux commentaires. J'ai également été particulièrement sensible à l'accueil que j'ai reçu au Lasmas-Institut du longitudi nal (aujourd'hui centre Maurice Halbwachs) à chacune de mes nombreuses visites lors de la réalisation de mon enquête de terrain.

INTRODUCTION

Nous vivons dans un monde en perte de repères. C'est, en tous cas, ce que l'on entend dire souvent. Pourtant, la morale (l'" éthique » plus souvent) est invitée à toutes les tables, accommodée à toutes les sauces, en ce début de XXI e siècle. Aucune activité, aucune profession ne semble pouvoir y échapper. Est-ce que nous souffrons d'un manque de morale ou, plutôt d'un excès, finalement ? " Est modus in rebus », écrivait le poète Horace 1 . Des scand ales fina nciers et sani taires, les inquiétudes partagées par beaucoup sur l'avenir de notre planète - mais aussi de nos habitudes de consomm ations -, de nom breux év énements - accidents, incidents, prises de conscience nouvelles, innovations technologiques inédites - nous invitent à revisiter le sens de nos actions. Est-il possible de trouver un chemin entre, d'une part, le sentiment de culpabilité, voire " l'excès de responsabilité » et, d'autre part, le cynism e (derrière lequel pourrait bien se cache r aussi bien un sentiment d'impuissance que de l'indifférence) ? T el est probablement le défi que nous sommes tous invités à relever. La piste que j'ai choisie de suivre, dans mes travaux (et pour mo i-mêm e, déjà), consiste à étudier de plus près, courageusement et lucidement les espaces de liberté, et donc de responsabilité, dont nous disposons individuellement et collectivement. Ces marges ne sont pas infinies ; elles ne sont pas non plus aussi dérisoires que l'on croit, ou préfère penser, face à la complexité du réel. Pourquoi s'intéresser particulièrement aux ingénieurs ? Si tou tes les sphères de l'activité hu maine, et en parti culier le s activi tés professionnelle, semblent avoir été interpe llées par la vague du questi onnement éthique (qui n'est probablement pas qu'une " mode »), le groupe socioprofessionnel

1 " En toute chose, il y a de la mesure » (Horace, liv. I, sat. I, vers 160). C'est aussi la citation

que j'avais choisie d'inscrire, en lettres dorées, sur mon calot de " taupine », il y a vingt ans...

14 Les ingénieurs et l'éthique

des ingénieurs semble avoir été épargné, en particulier en France où la littérature sur

l'éthique de l'ingénierie est très limitée. On interroge les entreprises et leurs patrons

au sujet de leur responsabilité sociale et environnementale, on demande aux milieux de la finance et à ceux qui sont chargés de les réglem enter dava ntage de transparence, on questionne les Etats et leurs gouvernants sur leurs stratégies vis-à-

vis du " développement durable ». " On », c'est-à-dire les citoyens et leurs élus, les

militants des associations et ONG, les membres des i nstitutions supra-étatiqu es comme l'ONU, etc. Mais " on » ne se préoccupe pas des acteurs-clés du monde économiques et social que sont les ingénieurs ; acteurs-clés parmi d'autres, certes, mais acteurs essentiels néanmoins. Et si les ingénieurs étaient d'autant plus intéressants que leurs responsabilités sont invisibles et surtout indiscernables (anonymes dans une foule de pairs toujours plus nombreuse) ? Et s'ils étaient d'autant plus intéressants qu'ils se sentent peu concernés par l'éthique ? Et s'ils étaient d'autant plus intéressant qu'ils vivent en permanence en pl ein paradoxe : impuissants indivi duellement (et donc jamai s vraiment " coupables ») ils contribuent plus que quiconque à façonner le monde technicisé, imprégné de techniq ue, dans lequel nous vivon s. Un mon de où la technique est devenue tellem ent présente, tellement quotidienne, inévitable, nécessaire parfois, voire indispensable que nous ne la voyions plus. Les ingénieurs et l'éthique n'est pas un traité abstrait sur l'éthique, ni un essai sur les discours éthiques de s ingénieurs tels qu'ils s 'institutionnalisent dans la plupart des régions du monde. Mon objectif à travers cet ouvrage est d'inviter le lecteur à une réflexion éthique sur la technique à travers celles et ceux qui la font naître, se déployer et parfois disparaître. Cette réflex ion emprunte de mult iples détours qui ont tous en commun de toucher au monde des valeurs, des croyances et des id éologies dont les ingénieurs, hommes et femmes " de l a raison » , par excellence (ou par vertu), ne sont pourtant pas dépourvus.

Plan de l'ouvrage

Le premier chapitre présente les enjeux de la recherche en engineering ethics.

Les nombreuses références à la littérature qui y sont mobilisées visent à montrer la

diversité des ressources disciplinaires que ce jeune champ de réflexion mobilise, à la croisée des che mins des sciences humaines et sociales, de la philos ophie et des sciences de gestion. Après avoir proposé une défini tion de l'" ingéni erie », le chapitre se recentre sur l'échelle individ uelle des respon sabilités et propose un e réflexion sur l'éthiq ue des ingénieurs. J'ai tenté de montrer que de nombreuses autres approches qu e la piste déontolog ique, particulièrem ent développée en Amérique du Nord, pouvaient contribuer à penser la responsabilité individuelle des

Introduction 15

ingénieurs. Ce sont d'ailleurs les limites de ces approches qui ont suscité mon projet d'étudier de plus près les valeurs des ingénieurs. Le second chapitre présente le p rofil des ing énieurs qui ont rempl i le

questionnaire sur les " ingénieurs, les sciences et la société ». Cette enquête a permis

d'analyser les réponses do nnées par 3 901 ingénieu rs issus de douze écoles d'ingénieurs de la région Nord-Pas de Calais à de nombreuses questions portant sur les relations qu'entretiennent les sciences, les ingénieurs et la société, ainsi que sur les rôles et responsabilités des ingénieurs. Le troisième chapitre, qui entame l'analyse à proprement parler des résultats, porte sur les i dentités profes sionnelles des ingénieurs. Il analyse les relations existant entre la façon dont les ingénieurs se définissent professionnellement et les représentations qu'ils ont des relations entre les sciences, la technique, la société et leur profession. On sait que les discours sur l'éthique adoptent des formes et des contenus différents selon l a nature des groupes qui les produise nt. Ainsi, l es organisations professionnelles de type corporatiste ne produisent pas les mê mes discours que les organisations syndicales. Partant de ce constat, j'ai voulu étudier dans quelle mesure les attitudes éthiques des ingénieurs dépendaient de l'idée qu'ils se faisaient de leur métier et de leur rôle professionnel, de leur identité professionnelle subjective. Plusieurs polarités du monde des ingénieurs sont mises en évidence, en particulier les figures classiques du " manager » et de " le savant ». Le quatrième chapitre étudie les relations entre les représentations des ingénieurs

et leurs attitudes politiques, celles-ci étant étudiées à partir de l'orientation politique

et de l'intérêt déclaré pour la politique des répondants. L'idée de ce chapitre est

venue du con stat qu'un gra nd nombre de questions relevant de l'" éthique de l'ingénierie » était aussi des questions d'o rdr e politique. Or, les sphères de la technique et celles de la politiq ue sont traditionnellement con sid érées comme disjointes, la première étant subordonnée à la seconde. Je me suis d'abord interrogée sur l'éloignement de la " chose publique » que l'on attribue souvent aux ingénieurs. J'ai souhaité ensuite étudier les relations existant entre leurs attitudes politiques et l'idée qu'ils se font du rôle de l'éthique dans leur profession, et dans les entreprises qui les emploient. Le cinquième et dernier chapitre des ingénieurs et l'éthique porte sur l'univers des valeurs religieuses. Pour des raisons statistiques, seul le rapport à la religion catholique a pu y être analysé. Ce chapitre étudie les interactions entre les croyances et les prat iques des ingé nieurs et les représentations qu'i ls se font des enjeux éthiques de l'ingénierie. Les religions se sont toujours préoccupées d'éthique (ou de " morale »). L'Eglise catholique, en particulier, a toujours une position explicite en matière de morale sur de nombreuses questions concernant l'existence des croyants, et notamment sur des questions touchant les sciences et les techniques. Par ailleurs,

16 Les ingénieurs et l'éthique

le milieu des ingénieurs catholiques a été particulièrement touché par le " discours social » de l'Eglise tout au long du XX e siècle. Dans ce dernier chapitre, j'ai tenté de répondre à deux questions : les ingénieurs catholiques ont-ils une image spécifique de leur " rôle social » ? Y a-t-il un lien entre leur approche de l'éthique dans leurquotesdbs_dbs13.pdfusesText_19
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