[PDF] ANDRÉ VELTER 19 oct. 2001 6 André





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Envoûtante Zanzibar

Envoûtante. Zanzibar. Située au large de la Tanzanie l'île aux épices émerveille avec ses plages paradisiaques



ANDRÉ VELTER

19 oct. 2001 6 André Velter « Chambre d'échos »



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Envoûtante Zanzibar Située au large de la Tanzanie l’île aux épices émerveille avec ses plages paradisiaques sa flore luxuriante et son authenticité préservée Mythique elle évoque encore et toujours le parfum d’un Orient fantasmé et coloré qui vous fera vivre un voyage hors du temps Par Marie Daunas

ANDRÉ VELTER

UNIVERSITÉ DE PARIS SORBONNE (PARIS IV)

ÉCOLE DOCTORALE III, Littératures Françaises et Comparée

N° d"enregistrement : . . . . . . . .

Thèse pour obtenir le grade de

Docteur de l"Université de Paris Sorbonne

Discipline : Littérature Française

Présentée et soutenue publiquement par

Sophie NAULEAU

Le 31 janvier 2009

Titre de la thèse :

ANDRÉ VELTER

TROUBADOUR AU LONG COURS

Vers une nouvelle oralité poétique

Sous la direction de :

M.le Professeur Pierre BRUNEL

2

Non seulement je vois plus clair

grâce à vous, mais je me sens aussi le coeur plus vaste et l"âme ardente, capable de tenir la vie sur le qui-vive.

André Velter à René Char,

lettre du 2 juin 1986. 3

Merci à Françoise d"Aubigné,

et à Messieurs Pierre Brunel,

Robert Kopp, Serge Bourjea et Jean-Pierre Martin.

4

OÙ L"ÉCRIT S"ORALISE

Au-dedans et au-dehors, le poème a ouvert l"espace. De gré et de force. Avec volonté de nuire au sommeil des mots, au froid profil des jours, à l"avenir donné en héritage.

Le poème a décliné les noms, les lieux, les solitudes. Il a brûlé l"étape première.

La route est devenue l"horizon des horizons, le départ sans fin, le rêve au plus près du soleil et des pierres.

Ainsi je suis parti à la suite de mon chant.

André Velter, Étapes brûlées.

5 Si André Velter considère la poésie comme le genre majeur des littératures du siècle dernier, c"est qu"il a choisi de l"éprouver en tant que " ferment actif, irremplaçable, irréductible »

1. Et ce dès ses débuts à Paris en 1963, avec Serge Sautreau, sous le regard

de Simone de Beauvoir

2 et Jean-Paul Sartre qui furent pour beaucoup dans leur

première publication aux éditions Gallimard à l"âge de vingt ans : " seule la poésie peut

encore éprouver et penser le monde, en son entier comme en chacun de ses éléments, parce qu"elle seule sait accueillir le philosophique, le politique, le social, voire l"économique (autrement dit le champ collectif), et le souffle de l"être dans sa singularité (autrement dit le chant individuel). La poésie est le lieu sur le qui-vive, en alerte, du prophétique. Le lieu de la clairvoyance, autant que de la voyance. Car la

prophétie n"a rien à faire du futur : elle est dans le présent une effraction, un éclair, une

révolte qui va à contre-destin. » 3

Né le 1

er février 1945 dans le village sous la neige de Signy-l"Abbaye, précisément entre la fin de la bataille des Ardennes et le partage du monde à Yalta,

l"itinéraire à contre destinée d"André Velter témoigne de cette confiance active accordée

aux pouvoirs et au souffle du poème. Depuis les années 60 et la publication de Aisha - suite polyphonique dans le sillage sax et blues de John Coltrane -, il n"a cessé de s"en

remettre à l"écriture. Près d"un bon mètre linéaire en volumes de poèmes sur les

rayonnages des bibliothèques. Auxquels s"ajoutent les traductions, préfaces, articles, revues, inédits, livres à tirage limité et de nombreux essais aux formats inclassables. Sans oublier les bandes magnétiques et leurs dizaines de milliers d"heures enregistrées. Car en plus d"être poète, André Velter a très longtemps parlé aux auditeurs de France

Culture. Là, il a créé en 1987 Poésie sur parole - titre inspiré du sang andalou et

mexicain d"Octavio Paz : " Contre le silence et le vacarme, j"invente la Parole, liberté qui s"invente elle-même et m"invente, chaque jour »

4, et qui dit l"engagement tonique et

quotidien de la parole poétique : " La poésie mais où en est-elle en ce vacarme »

5

interrogeait déjà les jeunes auteurs d"Aisha... L"émission a fêté ses vingt ans, avant de

rendre l"antenne. Avec la complicité de Claude Guerre, il a voulu réconcilier musique et

1 André Velter, présentation d"Orphée Studio. Poésie d"aujourd"hui à voix haute, Gallimard, 1999, p.8.

2 " Une réunion, très nombreuse et assez hétéroclite, s"est tenue chez moi au début de l"automne 64. Il y

avait des romanciers en herbe : Annie Leclerc, Georges Perec ; des poètes : Velter et Sautreau qui

écrivaient leurs oeuvres en collaboration ; (...) des étudiants et surtout des étudiants en philosophie :

Jeanine Rovet, Sylvie Le Bon, Dollé, Peretz, Benabou, Régis Debray. » Simone de Beauvoir, Tout

compte fait, Gallimard, 1995, p.189.

3 Serge Sautreau & André Velter, " Ça s"aggrave », entretien avec Franck Laroze, 1998, inédit.

4 Octavio Paz, Liberté sur parole, Poésie / Gallimard, 1994, p.16.

5 Serge Sautreau & André Velter, Aisha, Gallimard, 1966, p.29.

6 poésie sous la forme de mises en voix publiques et radiophoniques, consacrées autant aux contemporains qu"aux poètes classiques. Tentative réussie faisant salle comble au Théâtre du Rond-Point de 1995 à 1999, pour " décupler l"audience d"une poésie sans

entrave, prête [encore et toujours] à tenir parole » : " Les Poétiques sont à la poésie ce

que les Dramatiques sont au théâtre, explique André Velter. Des mises en écoute plutôt

que des mises en scène. Des polyphonies qui déclinent tous les modes d"une entreprise

singulière. Chaque mois, c"est un poète tel qu"en lui-même, mais escorté, guidé,

bousculé parfois, qui risque sa parole. »

1 Puisqu"il n"y a plus à craindre de se retourner

sur la beauté au bord de tout dire, ni de raison d"enterrer avec Eurydice tous les chants enchantés, ce tour d"horizon des voix a reçu pour baptême du feu le nom d"Orphée Studio. " Car une fois pour toutes » Rilke a tranché : " Quand cela chante, c"est

Orphée »

2. Puis, en l"an 2000, le ring s"est expatrié de ville en ville : Marseille, Reims,

Bayonne ou Saint Malo et s"en est allé jusqu"en Transylvanie avant de poser ses câbles et micros, le temps de deux hivers, au Théâtre de l"Aquarium - Mais nous, à qui le monde est patrie, comme au poisson la mer... disait le divin Dante de La vie en dansant. Également directeur de Poésie / Gallimard depuis 1998 (la collection de poche de six pouces et des poussières aux bandeaux de couleur sur couverture blanche marquée des trois lettres noires de la nrf qui font encore effet), c"est quotidiennement, et

à grand renfort d"exemplaires réimprimés, qu"André Velter dénonce " l"acte de décès de

la poésie (...) placardé voilà plus de trente ans »

3 ! Amoureux des caravansérails, il est

aussi l"inventeur et le coéditeur de Caravanes, " lieu d"universelle rencontre qui accueille les récits, les blasphèmes et les chants », soit une belle et dense revue des

littératures de la planète qui n"a d"égal que la générosité de son maître de publication

Jean-Pierre Sicre, feu Monsieur Phébus. C"est dire son attachement aux voix étrangères et à l"immense caisse des résonances possibles : En accomplissant une sorte de déambulation dans la poésie mondiale, je tiens à multiplier les pistes, à secouer la torpeur formaliste et jargonnante qui n"a que trop régné chez nous. Écoutez Adonis, Bhattacharya, Juarroz, Souleïmenov et vous retrouverez la nécessaire présence du chant. 4 Ayant rebandé la corde de L"Arbalète qui publia Genet, il officie, toujours chez Gallimard, à la sortie de vingt-et-un volumes puis cède la place. Enfin, bien que

1 André Velter, présentation d"Orphée Studio. Poésie d"aujourd"hui à voix haute, Gallimard, 1999, pp.8-9.

2 Rainer Maria Rilke, Sonnets à Orphée, XXVIII, traduction de Charles Dobzynski.

3 André Velter, " Les secrets de la situation poétique », Midi à toutes les portes, Gallimard, 2007, p.310.

4 André Velter, entretien avec Robert San Geroteo et Jean-Marie Le Sidaner, Flache, N°9, Charleville-

Mézières, Juin 1989.

7

désormais à l"écart du Monde, pour lequel il rédigea tant et tant de feuillets, il reprend

parfois du service, comme à la mort de l"ami de L"été grec Jacques Lacarrière ou encore de Julien Gracq. Bref, non content d"écrire ses propres livres, qui pourtant le contentent,

André Velter travaille à ceux des autres.

Sa bibliographie débute en poésie et en tandem avec Aisha. Proses, essais et traductions ouvrent ensuite la voie d"une écriture plurielle. Le Grand passage et Ça cavale sont les tout premiers disques, avec volonté d"explorer à l"oreille, en musique et

sur tous les tons l"oralité nouvelle. L"Arbre-Seul révèle le panache, les voyages et

l"errance des deux côtés du monde, avec un faible immense pour les déserts et les rives lointaines de l"inconnu. Du Gange à Zanzibar confirme l"appel des Orients, destinations bien réelles revues et corrigées à l"aune de nos imaginaires. Le Haut-Pays garde le cap sur l"ailleurs mais vu du ciel des rapaces, fortifiant et l"altitude et le lyrisme aride de la

langue velterienne. L"entrée en scène du Théâtre équestre de Bartabas précise la

trajectoire, canalisant la fougue, affinant la pensée, attendu qu"à cheval comme " En camion ou sur un buffle bleu / l"heure est toujours à passer la frontière »

1. Non

seulement Zingaro suite équestre met les mots à nu et au galop mais il est, n"en déplaise

à la monture de Lao-tseu, le signe éclatant d"une véritable " consanguinité d"énergie »

2. Velter a trouvé le lieu et la formule d"un art poétique inédit dans le sillage du grand centaure d"Aubervilliers : la Poésie équestre qui ne craint pas d"improviser avec de la sciure, de la sueur, de la colère et du coeur. Bien sûr, côté oeuvre vécue sans faux- semblant ni arrangements à la petite semaine, il y a surtout La vie en dansant fauchée

par la mort et les poèmes nés en la forêt de longue absence, telle la " longue attente » de

Charles d"Orléans, dédiés à l"alpiniste Chantal Mauduit. Mais le poète a repris la route

" avec dans le sang le désir féroce / de trouer la peau de chagrin de ce monde. »

3 Et la

joie et l"envie folles sont revenues, pointant le bout de leurs ailes Au Cabaret de l"éphémère pour bivouaquer légères en compagnie d"Omar Khayam. C"est un retour aux migrations, à la pleine lumière " de la contrée solaire »

4, une reprise de souffle apte

à contrer le temps, sept ans après.

1 André Velter, " (matin voilé) », L"Arbre-Seul, Poésie / Gallimard, 2001, p.106.

2 C"est Julien Gracq, dans sa préface à La victoire à l"ombre des ailes de Stanislas Rodanski, qui parle de

la " consanguinité d"esprit » des surréalistes. Nous lui empruntons cette expression déclinée version

Zingaro, la " consanguinité d"énergie » qui unie André Velter et Bartabas se situant tout autant au niveau

des muscles que de la pensée.

3 André Velter, " En vue soudain », Au Cabaret de l"éphémère, Gallimard, 2005, p.15.

4 André Velter, " Herbe folle », Au Cabaret de l"éphémère, Gallimard, 2005, p.158.

8 Parallèlement aux livres de poèmes, le nombre d"ouvrages cosignés atteste d"une présence à l"autre qui tient autant du compagnonnage que de l"amitié. De même, la rencontre et la collaboration avec les peintres engagent l"écriture dans une dynamique

renouvelée qui échappe à la décalcomanie pour accéder à une transmutation des formes

d"expression, l"oeuvre picturale étant support d"inspiration, à la manière de ces thang-ka tibétaines, images sacrées portatives et support de méditation. Citons entre autres Ernest Pignon-Ernest, Vladimir Velickovic, Zao Wou-Ki, Himat, Paul Rebeyrolle, Ramon Alejandro, Antonio Saura, Antonio Segui, Abidine, Bernard Moninot, Lise-Marie Brochen, Francis Herth, Jacques Monory, Dado, Bertrand Dorny, Babou... Enfin, la

diversité des spectacles et récitals donnés par André Velter témoigne d"une pratique qui

ne se plaît que dans l"ivresse de " l"allant et l"allure »

1. Esquisse d"état des lieux qui n"a

pas vocation à dénombrer toutes les activités ou fonctions de l"auteur, mais à souligner simplement l"engagement en poésie de l"homme autant que du poète. Certes André

Velter est un maillon fort de cette chaîne poétique contemporaine qui, au train où

s"active le monde, compte sans doute pour peu de chose. Ainsi cette monographie ne mettra-t-elle pas la main à un quelconque piédestal, ne donnant à voir que le négatif -

épreuve sombre d"une réalité lumineuse, empreinte figée d"une glyptique faussée,

relevé incomplet d"un déroulé partiel - d"une histoire qui se vit au long cours et en couleurs. Balade brossant le corpus à rebours, évoquant peu la grammaire officielle et tirant son miel de-ci de-là, c"est-à-dire de tout, pour s"en tenir d"emblée, vue et oreille sensibles, à la voix d"une vraie oeuvre-vie - selon la contraction borerienne destinée à

Rimbaud. Parole à soi, tantôt violente tantôt réjouie tantôt désespérée, centre de gravité

variable d"une âme vive. Désir, à l"origine de ces lignes, d"exprimer le nouvel enjeu d"une poésie vécue : exacte au rendez-vous fixé, fidèle au verbe - à " la brûlante morsure des mots »

2 comme

l"appelait Luca -, poésie si présente, et toutes affaires cessantes, à la vie comme elle va.

Pourquoi André Velter, quand on aime à lire et à citer tellement d"autres poètes ? Parce qu"il y a tant d"émotion et de raison de vivre recroquevillée dans l"ombre d"un soir de

récital. Tant d"éternel à l"arraché et de réel partagé dans le parler d"un seul de ses vers.

Tant d"épopée à prendre ou à laisser... Aussi, peut-être, parce qu"il n"y a que lui pour

dire " le pouvoir primordial de la poésie, sa puissance oraculaire et sa vertu de

1 André Velter, Zingaro suite équestre, Gallimard, 2005, p.13.

2 Ghérasim Luca, " Le verbe », Héros-Limite, Poésie / Gallimard, 2001, p.109.

9 subversion »1 aussi bien à l"écrit que face aux caméras - comment oublier en effet sa lecture, chemise en jean usée et bague de corail rouge sur Paris Première, du voluptueux " Prendre corps » de Ghérasim Luca

2 ? Ainsi prononcé, confidence, caresse

ou cri, le poème " touche tellement à notre liberté intime » que l"on ne pouvait " pas impunément faire silence là-dessus » 3. Nous aurions pu envisager l"oeuvre d"André Velter en son enclos, soit au fur et à mesure des thèmes et des pages, et souligner la ferveur de l"élan initial, la quête infinie de plus loin que soi-même, la force d"attraction d"un verbe vertical " à l"abordage autant qu"à l"aventure »

4. Cela eut ajouté au nombre des travaux consacrés à la cartographie

des terres d"un poète forcément singulier. Or il ne s"agit pas ici d"analyser simplement le paysage ou le processus de création pour une approche au plus juste des textes d"André Velter - car " peut-on expliciter ou, pour reprendre la formule provocatrice de Paul Veyne, traduire des poèmes sans en altérer l"indicible saveur ? »

5 - mais de suivre

le timbre d"une voix contemporaine exemplaire qui se veut moins l"écho d"un style que la marque d"une oralité nouvelle. Dire l"enchantement d"une parole pulsée. Témoigner de l"ardeur au partage du poème. Comprendre la puissance du tempo. Révéler l"alchimie de la langue et du corps. Affirmer le charme du chant. Découvrir ce qui métamorphose l"invisible d"une lecture en magie blanche. Montrer comment une

poignée de syllabes devient talisman ou mantra, métamorphose l"écoute, envoûte le

tympan jusqu"à parler intimement à tous : " non le public précisait Genet, mais chaque spectateur »

6 - paradoxe en effet de la poésie qui, offerte à une personne ou des milliers,

s"adresse d"abord à un seul être. Déchiffrer les vertiges de la langue polyphonique. Saisir ce grain d"écho, cet espace reconquis, cet envers de la vie dédoublée à l"oeuvre alors que le poète module et son souffle et ses mots. Traquer à ne plus s"en sortir ce quelque chose de peu de poids qui marquent pourtant nos pensées. Raviver le ravissement de l"écoute comme on souffle sur une plaie. Pour découvrir enfin où l"écrit s"oralise. Voilà l"impulsion et l"aspiration d"un questionnement continu, enquête trotte- menu, thèse outrepassant les rapports " du poète et de son Champollion »

7 attendu qu"il

1 André Velter, " Parler apatride », préface à Ghérasim Luca, Héros-Limite, Poésie/Gallimard, 2001, p.VIII.

2 Vers une nouvelle oralité, magazine Le Canal du Savoir (52 minutes), Paris Première, mars 1999.

3 André Velter, 7 et demi, Arte, 29 décembre 1997.

4 André Velter, " Troubadour au long cours », Au Cabaret de l"éphémère, Gallimard, 2005, p.184.

5 André Velter, " René Char mot à mot », Le Monde, 6 juillet 1990.

6 Jean Genet, Lettres à Roger Blin, Gallimard, 1966, p.68.

7 Paul Veyne, René Char en ses poèmes, Gallimard, 1990, p.28.

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n"y a ni à traduire ni à translittérer - juste à rendre les modulations du spectre poétique

d"un troubadour cheminant à l"oreille, de conquêtes en déroute : Il n"est de poésie qu"orale. Un poème qui ne se peut dire, qui n"engage ni le

souffle ni le corps ressemble à un violon dont l"âme a été volée ou faussée. Il est

sans harmonie, sans magie, sans amplitude. (...) Ce qui distingue le poème (en vers ou en prose) de la prose qui n"est que prose, c"est cet alliage fragile du son et du sens dans le périple des mots. Comparé à l"absolu de la musique, la poésie campe toujours un peu au-delà de ses limites, mais demeure tributaire de la double substance qui la constitue. Par son tempo, le poème dit plus que ce qu"il

dit et engage plus à découvert la pensée. L"être tout entier est en jeu, fibre à fibre

et mot à mot. Qu"il s"agisse d"un oracle ou d"une offrande, d"un rire, d"une chanson ou d"un blasphème, hors la voix ils restent inaccomplis. Qu"elle se murmure ou qu"elle se crie, la poésie, comme la vie, ne tient qu"à ce souffle. Je suis pour la parole haute et vive, pas pour le papier mâché. 1 Lectures et récitals permettent une échappée, évasion des strophes jusque-là joliment couchées sur la page. Solo en acte aussi où l"on se mesure, et en public, au " feu de chaque jour »

2. Le poète risque alors plus que le ridicule puisqu"il ne peut se

dérober au lyrisme de ses propres vers. Liseur en première ligne, doublement responsable, n"ayant pas l"innocence des acteurs déclamant la folie d"un autre. Le voilà face à lui, auteur au beau milieu d"une phrase, capable d"incarner ou pas. Beaucoup scandent la virgule à merveille, soulignent la rime riche, feignent l"exclamation et

boivent la gorgée d"eau à point et bien face au micro. Certains s"effacent derrière

l"écran de leurs livres. D"aucuns royalement s"exaltent et poétisent. Mais peu savent transmettre " cette émotion appelée poésie »

3. Pactiser de vive voix avec l"aura des mots

- tout comme le cavalier de Haute Asie cherchant l"aura des choses dans le vide et les éboulis se rappelle Han-Shan : " Il pousse son cheval par la ville ruinée... »

4 - n"est pas

donné à tous. Pas plus dans les berceaux que devant un bureau à manier consonnes et " voyelles de chiffon »

5. Il faut s"en être allé d"abord " par le chaos du monde »6. S"être

forgé un chant et " un larynx de tigre » 7.

1 André Velter, entretien avec Robert San Geroteo et Jean-Marie Le Sidaner, Flache, N°9, juin 1989.

2 Octavio Paz, Le feu de chaque jour, Poésie / Gallimard, 1999.

3 Pierre Reverdy, " Cette émotion appelée poésie », Sable mouvant, Poésie / Gallimard, 2003.

4 André Velter, " Ce pourrait être une épopée », Du Gange à Zanzibar, Gallimard, 1993, p.122.

5 André Velter, " Squelette-braise », Passage en force, Le Castor Astral / Écrits des Forges, 1994, p.311.

6 André Velter, " Chambre d"échos », Du Gange à Zanzibar, Gallimard, 1993, p.45.

7 André Velter, " Cantonnement provisoire », Passage en force, Le Castor Astral / Écrits des Forges, 1994, p.295.

11 C"est dans son Orphée Studio, sous-titré Poésie d"aujourd"hui à voix haute1,

qu"André Velter parle vraiment d"oralité nouvelle. Déclaration fondée sur l"expérience,

ces quelques feuillets font office de manifeste. Le terme même d"oralité, trop souvent uniquement appliqué aux griots africains ou aux traditions orales, offre en effet un vaste champ de réalités dès lors qu"il est entendu, non dans son acception moderne, mais bien dans son rapport à la modernité 2 : L"ère moderne est parlante. Nos villes sont couvertes de gigantesques écritures, la nuit même est peuplée de lettres de feu. Dès le matin, des feuilles imprimées innombrables sont aux mains de tous. Il suffit de tourner un bouton dans sa chambre pour entendre la voix du monde. Que peut-il résulter de cette grande débauche ? 3 Il importe, ne serait-ce que face au souci visionnaire de Valéry et à cette " grande débauche » de sons et de paroles qui caractérise notre époque, de savoir quels

chemins de traverse suit l"écriture. Surtout celle d"un poète du troisième millénaire né

dans l"immédiat après-guerre - des campagnes françaises de 1945 au réel d"aujourd"hui, c"est passer de la charrette à foin du XIX ème siècle au Mach 2 du Rafale (deux fois la vitesse du son). Or le tempo d"un monde démultiplié et changeant influe inévitablement sur la tessiture du chant, sur " l"alliage fragile du son et du sens dans le périple des mots »

4 - le bruit et la fureur des siècles ne pouvant, depuis William Faulkner, demeurer

sans écho. " Mon corps est fait du bruit des autres » : c"est là le dernier vers d"un poème

de Vitez envoyé à un cheminot rencontré dans le train. Et pour celui qui vit " Jouvet retrouvant l"asthme de Molière dans la ponctuation de L"École des femmes »

5, il est clair

que " le corps et la voix ne font qu"un » 6. Ainsi l"oralité est-elle à lire dans sa polysémie, tant pour le plaisir de l"oeil que de l"oreille, sans se limiter au bêtement verbal ou buccal qui, d"ordinaire, définissent

l"oral. L"oralité, certes, se transmet par la parole, mais en rien ne s"oppose à l"écrit. Au

1 " Vers une nouvelle oralité poétique », Orphée Studio, Poésie d"aujourd"hui à voix haute,

Poésie/Gallimard, 1999. Texte de présentation reproduit en intégralité en annexe.

2 Signalons dès maintenant l"existence d"un Centre d"Études sur l"Oralité, créé en 1993 par Jerusa Pires

Ferreira, dans le domaine des systèmes intersémiotiques du Programme d"Études Post-graduées en

Communication et Sémiotique de l"Université Catholique de São Paulo, ayant pour objectif principal

l"analyse et la collecte des matériaux relatifs aux poétiques de la voix et à la mémoire des textes et des

éditions populaires.

3 Paul Valéry, cité par Alain Chestier, Beckett bouche bée ou la parole tue. Essai d"analyse

phénoménologique et sémiologique de l"expérience du délaissement et de l"oralité dans le théâtre de

Samuel Beckett, thèse sous la direction de Jean Foyard, Dijon, 1992, p.170.

4 André Velter, entretien avec Robert San Geroteo & Jean-Marie Le Sidaner, Flache, N°9, juin 1989.

5 Antoine Vitez, L"Essai de solitude, 27 juin 1971.

6 Antoine Vitez, Journal de Chaillot, N°3, avril 1974, in Henri Meschonnic, " Les poèmes d"Antoine

Vitez », P.O.L., 1997.

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contraire et Paz l"a dit : " La main pense à voix haute »1. Cela impose à l"écrivain d"être

lucide, droit dans ses bottes et dans sa langue. Conscient de ses strophes. En phase avec ses métaphores. Ni dupe des mots menteurs ni voleur de feu de paille : " Doucement avec ta fièvre. Tu veux caser du rêve entre le vertige et l"index. »

2 L"oralité d"André

Velter rime avec loyauté. Vérité nouvelle qui veut le rythme accordé à la respiration,

une mémoire nourrie de la rumeur des voix, " un coeur où chaque mot a laissé son entaille »

3. C"est une remise en cause, séance tenante, du sens et du tracé. Dès lors plus

d"alouette, plus de compromis, plus d"alchimie de pacotille. À chacun sa façon, son discours et sa soif. À chacun d"assembler ses " profils dissemblables » 4. " Pour monter à l"assaut de l"azur / La musique et les mots valent mieux que les pierres. »

5 D"où l"aventure scénique et radiophonique d"André Velter voulant recréer

une chambre d"échos ou " chambre de Babel » à la mémoire d"Armand Robin, écouteur en temps de guerre des radios étrangères. Chambre d"un jour, pour une soirée sans lendemain qui chamboule les repères : invités déambulants, courtoisement entassés dans le frigidarium du Musée de Cluny, auditeurs casqués attendant dans le noir, spectateurs

de l"Odéon au balcon en pleine scène de ménage à la Jacques Rebotier ou encore

rassemblés en Meeting Poétique à La Mutualité

6... tout est envisageable à qui ressuscite

la saveur de la voix et des sons. Il est donc inexact de déclarer aux côtés de François Rigolot que " la poésie n"occupe plus aujourd"hui [en Occident] qu"une place restreinte

dans l"activité et la sensibilité humaine. » Certes le spécialiste de la poésie renaissante

déplore à raison le déclin de l"empire humaniste, rappelant avec nostalgie que François I

er signait des vers d"une élégance rare. L"ère républicaine, il est vrai, apparaît moins

encline à versifier sa pensée et même nos ministres se le tiennent pour dit. La hiérarchie

des genres semble s"être inversée, la gloire poétique éclipsée au profit de la prose. Citez

Hugo et d"emblée le poète l"emporte sur le romancier, citez un écrivain actuel au

parcours comparable et le poète cèdera sa place au romancier, à croire que le titre

1 Octavio Paz, " Intérieur », Le feu de chaque jour, Poésie / Gallimard, 1999, p.76.

2 André Velter, " Cantonnement provisoire », Passage en force, Le Castor Astral / Écrits des Forges, 1994, p.295.

3 Pierre Reverdy, " Tard dans la vie », Sable mouvant, Poésie / Gallimard, 2003, p.87.

4 André Velter, " Incognito », Au Cabaret de l"éphémère, Gallimard, 2005, p.111.

5 André Velter, " La chambre de Babel », Au Cabaret de l"éphémère, Gallimard, 2005, p.77.

6 Le Meeting Poétique, par André Velter et Claude Guerre, avec Armand Gatti, Serge Pey, Valérie

Rouzeau, Michel Piccoli, Julie Brochen, Beñat Achiary, Jacques Bonnaffé, Élise Caron, Laurent Terzieff,

les voix de Colette Magny, Gérard Depardieu, Nazim Hikmet, Pablo Neruda, Allen Ginsberg, Serge

Essenine. Avec des chansons de Serge Utgé-Royo et des musiques de Philippe Leygnac, devant un

tableau de Vladimir Velickovic. Enregistré en public par France Culture le 11 mars 2002 à la Mutualité.

13 d"écrivain soit plus propice au succès. Pour autant la poésie n"est pas " une peau de chagrin qui se rétrécit chaque jour davantage » 1. À l"inverse son expansion gagne du terrain, sa parole se propage, son audience s"accroît tandis que le " clan si émouvant et si méritant des pleureuses »

2, qu"André

Velter aime à contrer, s"arrache de vieux cheveux en vain. Absurdité moderne : ce que

la poésie gagne en lecteurs - par une diffusion plus grande - elle le perd en notoriété. Art

de cour autrefois et d"esprit, diamant jalousement gardé, réservé aux lettrés, elle a

rejoint le lot commun de l"édition littéraire, pour se donner à entendre, au risque de se déparer - aux yeux des fervents de la noblesse du genre - de son auréole laurée. Tant mieux car l"ardeur du poème est irrévérencieuse. La poésie n"est pas l"opéra. Pas de

trame ni de livret forcés. Pas de sacralisation pour seuls privilégiés d"une audience

choisie. La vraie poésie est indéfectible et se transmet : elle résiste à la répétition. Lue,

relue, dite et redite elle tient bon. Jamais elle ne s"use ni ne perd au partage. Elle

s"affranchit du néant de la page, s"extrait de sa dormance ou de sa prétendue tour

d"ivoire, et délivre sa charge d"alarmes et de prophéties. Le poème s"offre à tous et

indéfiniment. On l"accueille de plein fouet, émotion ricochet, intimité nôtre par-delà le

temps, comme un secret ne dure qu"autant qu"on le divulgue. Le poème porte en lui la

magie de la langue, résonne du tocsin des mots, s"ébruite mais jamais ne s"évente.

Entendrais-je mille fois les fragments pris dans le dernier carnet de Maïakovski, relirais- je mille fois Allégeance de René Char ou Tard dans la vie de Reverdy, que rien ne les galvauderait.

Sans remonter à l"âge bellifontain où la sensibilité poétique était la qualité la

mieux partagée des esprits cultivés, l"évolution du XIX

ème au XXIème siècle marque une

belle avancée. Plus de Poésie majuscule ou ampoulée, idem des trémolos rebutants et de la pompe. Plus de grandiloquence donc, mais un souffle étrange et frère, une voix si proche et pourtant étrangère, une promesse de ralliement possible. Le poème touche

universellement à l"âme et en plein coeur, c"est banal et un peu niais à dire mais

terriblement vrai. Les résultats éditoriaux traduisent ce changement de cap. La forteresse a baissé le pont-levis pour s"ouvrir aux fracas de la vie courante : le poème ne se contente plus des embrasures mais s"incarne au grand jour. Les chiffres en effet, qui eux ne racontent pas d"histoire, révèlent la venue d"un lectorat plus vaste : la poésie se démocratise et ne s"amoindrit pas. Si le nombre de recueils éparpillés dans la nature ne

1 François Rigolot, Poésie et Renaissance, Seuil, 2002, p.11.

2 André Velter, Autoportraits, entretien avec Bruno Grégoire, Paroles d"Aube, 1991, p.23.

14 gage pas le talent de l"auteur, il interdit cependant tout glissement sur la pente trop fréquentée du poète maudit. Oui, Sagesses de Verlaine s"est réellement vendu à huit exemplaires, mais ce n"est même plus le sort des plus mauvais poètes d"aujourd"hui. Un livre de poèmes, la plupart du temps, se distingue par son titre : Les Mots longs, Commune présence, La vie promise, Sable mouvant... D"abord il se lit en silence - dans sa tête comme on disait enfant. Puis il s"évade au-dehors de soi, compagnon qui requinque, suivante qui console, mémento de vie, sur un strapontin du métro ou dans un sac à dos. Ensuite seulement il nous monte à la gorge et nous pend à l"oreille : J"aurai tellement tourné retourné dans mon plume vos mots sous l"oreiller Rien dormi jusqu"au jour rien sommeillé du tout (...) Dans mes bras c"est du vent que je serre roseau creuse du papier à musique pour ma peine sans paroles

S"agit de me bercer moi de la tête aux pieds

Que je fasse un beau rêve dans les bras de Morphée et que j"oublie beaucoup vos poèmes à la joue 1 Les poèmes d"amour " à la chaîne » de Valérie Rouzeau sont parmi les plus envoûtants. Et une fois dits par elle, montre en main et doigts noués, pas la peine de leur tourner le dos ils ne vous lâcheront plus. " Coeur de rainette » qui porte l"oralité et le rouge au front comme l"homme ses soucis, elle lit à voix basse et mitraille. Preuve que

l"oralité est une arme entêtante. Le vers démarre inopiné, s"en retourne à la ligne,

trinque à la tchatche sempiternelle. Ces syllabes-là ont cogné fort au ventre, force coups de tonnerre et d"audace, fredonné à toute bringue de veine en veine avant de s"envoler à ciel ouvert. Et la langue réactive le sang, essouffle l"air dare-dare et les regrets, pousse à la joyeuseté.

Écoutez, prêtez l"oreille : même très à l"écart, des livres aimés, des livres

essentiels ont commencé de râler

2 annonçait René Char - lui qui répugnait tant à être

enregistré et à se lire lui-même. Depuis, de nombreuses scènes se sont constituées afin

de convier spectateurs, poètes et comédiens à un festin de sentiments sonores : aussi étonnant que cela puisse paraître à ceux qui pensaient que la poésie n"avait plus qu"une existence en sursis, il se dit tous les jours en France de la poésie en public et l"on y

bâille souvent moins qu"ailleurs. Nouvelle donne grâce à laquelle vitalité et poésie ne

cessent de correspondre : " la poésie ce n"est pas que des mots sur du papier, c"est de l"oxygène qu"on respire et c"est de la vie que l"on s"adjoint. La poésie c"est la vie de

1 Valérie Rouzeau, Va où, Le temps qu"il fait, 2002, p.54.

2 René Char, Chants de la Balandrane, Poésie / Gallimard, 1998, p.97.

15

toutes nos vies potentielles »1 répète André Velter. " Toute âme est un noeud

rythmique »

2 prétendait Mallarmé. Est-ce pour cette raison par exemple que Michel

Houellebecq (auquel Les Poétiques ont permis d"enregistrer son tout premier disque de poèmes)

3 passe de la prose à la poésie et du roman à la chanson - variétés d"écritures

nées d"un seul et même pouls autrement jugulé ? Au chapitre XI de La Genèse Yahvé dit : " Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons, descendons et là confondons leur langagequotesdbs_dbs30.pdfusesText_36
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