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ON NE BADINE PAS AVEC LAMOUR COMÉDIE

ON NE BADINE PAS. AVEC L'AMOUR. COMÉDIE. PAR ALFRED DE MUSSET. PARIS Librairie des la Revue des Deux mondes



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  • Comment expliquer le titre on ne badine pas avec l'amour ?

    – Le titre On ne badine pas avec l'amour prend tout son sens à la fin de la pi? : on ne s'amuse pas en amour et on ne joue pas avec les sentiments des autres. Musset se serait inspiré de sa vie pour écrire cette pi?. Le personnage de Camille ressemblerait à George Sand pour son côté féministe.
  • Pourquoi Camille dit adieu à Perdican ?

    Perdican et Camille s'aiment depuis toujours, mais cette dernière, éduquée très strictement par les sœurs du couvent, toutes victimes d'amours malheureuses, a appris à ne pas avoir confiance en les hommes. Elle a donc pris la décision d'y retourner et de vouer sa vie à Dieu.
  • Pourquoi Musset a écrit on ne badine pas avec l'amour ?

    Une façon pour Musset de souligner le fossé générationnel qui existera toujours entre les précepteurs et les enfants dont ils ont la charge. L'écrivain profite également de cette pi? pour dresser une critique de la religion, dénon?nt une éducation cherchant à priver les jeunes filles du bonheur terrestre.1 juil. 2012
  • « On ne badine pas avec l'amour », est une comédie de Musset, une œuvre de commande écrite en 1834 pour la « Revue des deux mondes », une revue et non un théâtre puisque le jeune auteur a décidé après l'échec de sa première pi? de ne plus écrire pour la scène mais pour la lecture, « Un spectacle dans un fauteuil ».

ON NE BADINE PAS

AVEC L'AMOUR

COMÉDIE

Alfred de MUSSET (1810-1857)

1834
- 1 - Texte établi par Paul Fièvre, juin 2016, revu septembre 2023.

Publié par Ernest et Paul Fièvre pour Théâtre-Classique.fr, Septembre2023. Pour une utilisation personnelle ou pédagogique uniquement.Contactez l'auteur pour une utilisation commerciale des oeuvres sousdroits.

- 2 -

ON NE BADINE PAS

AVEC L'AMOUR

COMÉDIE

PAR ALFRED DE MUSSET

PARIS, Librairie des la Revue des Deux mondes, 6 rue des Beaux-Arts. LONDRES, BAILLERIE, 219, Regent Street. 1834.
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PERSONNAGES.

LE BARON.

PERDICAN, son fils.

MAÎTRE BLAZIUS, gouverneur de Perdican.

MAÎTRE BRIDAINE, curé.

CAMILLE, nièce du baron.

DAME PLUCHE, sa gouvernante.

ROSETTE, soeur de lait de Camille.

PAYSANS.

VALETS, etc.

Nota : Texte extrait de " Un spectacle dans un fauteuil, par Alfred de Musset. Prose. I [-II]. André del Sarto.

Fantasio. On ne badine pas avec l'amour. La Nuit

vénitienne, ou les Noces de Laurette", Paris : Revue des Deux mondes, Londres : Baillière, 1834. pp 189-302 - 4 -

ACTE I

SCÈNE PREMIÈRE.

Maître Blazius, Dame Pluche, le Choeur.

Une place devant le château.

LE CHOEUR.

Pater noster : prière chrétienne du

"Notre Père".Marmotter : Parler confusément entre

ses dents.Doucement bercé sur sa mule fringante, messer Blaziuss'avance dans les bluets fleuris, vêtu de neuf, l'écritoireau côté. Comme un poupon sur l'oreiller, il se ballotte surson ventre rebondi, et les yeux à demi fermés, ilmarmotte un Pater noster dans son triple menton. Salut,maître Blazius ; vous arrivez au temps de la vendange,pareil à une amphore antique.

MAÎTRE BLAZIUS.

Que ceux qui veulent apprendre une nouvelled'importance m'apportent ici premièrement un verre devin frais.

LE CHOEUR.

Voilà notre plus grande écuelle ; buvez, maître Blazius ;le vin est bon ; vous parlerez après.

MAÎTRE BLAZIUS.

Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils denotre seigneur, vient d'atteindre à sa majorité, et qu'il estreçu docteur à Paris. Il revient aujourd'hui même auchâteau, la bouche toute pleine de façons de parler sibelles et si fleuries, qu'on ne sait que lui répondre lestrois quarts du temps. Toute sa gracieuse personne est unlivre d'or ; il ne voit pas un brin d'herbe à terre qu'il nevous dise comment cela s'appelle en latin ; et quand il faitdu vent ou qu'il pleut, il vous dit tout clairementpourquoi. Vous ouvririez des yeux grands comme laporte que voilà de le voir dérouler un des parcheminsqu'il a coloriés d'encres de toutes couleurs de ses propresmains et sans rien en dire à personne. Enfin c'est undiamant fin des pieds à la tête, et voilà ce que je viensannoncer à Monsieur le Baron. Vous sentez que cela mefait quelque honneur, à moi, qui suis son gouverneurdepuis l'âge de quatre ans ; ainsi donc, mes bons amis,apportez une chaise, que je descende un peu de cette

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mule-ci sans me casser le cou ; la bête est tant soit peurétive, et je ne serais pas fâché de boire encore unegorgée avant d'entrer.

LE CHOEUR.

Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits. Nousavons vu naître le petit Perdican, et il n'était pas besoin,du moment qu'il arrive, de nous en dire si long.Puissions-nous retrouver l'enfant dans le coeur del'homme !

MAÎTRE BLAZIUS.

Ma foi, l'écuelle est vide ; je ne croyais pas avoir tout bu.Adieu ; j'ai préparé, en trottant sur la route, deux ou troisphrases sans prétention qui plairont à monseigneur ; jevais tirer la cloche.

Il sort.

LE CHOEUR.

Gourdiner : Terme populaire. Donner

des coups de gourdin. [L]Durement cahotée sur son âne essoufflé, Dame Pluchegravit la colline ; son écuyer transi gourdine à tour debras le pauvre animal, qui hoche la tête un chardon entreles dents. Ses longues jambes maigres trépignent decolère, tandis que de ses mains osseuses elle égratigneson chapelet. Bonjour donc, Dame Pluche, vous arrivezcomme la fièvre, avec le vent qui fait jaunir les bois.

DAME PLUCHE.

Un verre d'eau, canaille que vous êtes ! Un verre d'eau etun peu de vinaigre !

LE CHOEUR.

D'où venez-vous, Pluche, ma mie ? Vos faux cheveuxsont couverts de poussière, voilà un toupet de gâté, etvotre chaste robe est retroussée jusqu'à vos vénérablesjarretières.

DAME PLUCHE.

Nonnain : Synonyme, qui ne se dit

plus que par plaisanterie, de nonne.

La rue des Nonnains d'Hyères, nom

d'une rue de Paris. [L]Sachez, manants, que la belle Camille, la nièce de votremaître, arrive aujourd'hui au château. Elle a quitté lecouvent sur l'ordre exprès de monseigneur, pour venir enson temps et lieu recueillir, comme faire se doit, le bonbien qu'elle a de sa mère. Son éducation, Dieu merci, estterminée, et ceux qui la verront auront la joie de respirerune glorieuse fleur de sagesse et de dévotion. Jamais iln'y a rien eu de si pur, de si ange, de si agneau et de sicolombe que cette chère nonnain ; que le seigneur Dieudu ciel la conduise ! Ainsi soit-il. Rangez-vous, canaille ;il me semble que j'ai les jambes enflées.

- 6 -

LE CHOEUR.

Défripez-vous, honnête Pluche ; et quand vous prierezDieu, demandez de la pluie ; nos blés sont secs commevos tibias.

DAME PLUCHE.

Vous m'avez apporté de l'eau dans une écuelle qui sent lacuisine ; donnez-moi la main pour descendre ; vous êtesdes butors et des malappris.

Elle sort.

LE CHOEUR.

Mettons nos habits du dimanche, et attendons que lebaron nous fasse appeler. Ou je me trompe fort, ouquelque joyeuse bombance est dans l'air aujourd'hui.

Ils sortent.

SCÈNE II.

Entrent le Baron, Maître Bridaine et Maître

Blazius.

Le salon du baron.

LE BARON.

Maître Bridaine, vous êtes mon ami ; je vous présentemaître Blazius, gouverneur de mon fils. Mon fils a euhier matin, à midi huit minutes, vingt et un ans comptés ;il est docteur à quatre boules blanches. Maître Blazius, jevous présente maître Bridaine, curé de la paroisse ; c'estmon ami.

MAÎTRE BLAZIUS, saluant.

À quatre boules blanches, Seigneur : littérature,philosophie, droit romain, droit canon.

LE BARON.

Allez à votre chambre, cher Blazius, mon fils ne va pastarder à paraître ; faites un peu de toilette, et revenez aucoup de la cloche.

Maître Blazius sort.

MAÎTRE BRIDAINE.

Vous dirai-je ma pensée, monseigneur ? Le gouverneurde votre fils sent le vin à pleine bouche. - 7 -

LE BARON.

Cela est impossible.

MAÎTRE BRIDAINE.

J'en suis sûr comme de ma vie ; il m'a parlé de fort prèstout à l'heure ; il sentait le vin à faire peur.

LE BARON.

Brisons là ; je vous répète que cela est impossible.

Entre Dame Pluche.

Vous voilà, bonne Dame Pluche ! Ma nièce est sansdoute avec vous ?

DAME PLUCHE.

Elle me suit, Monseigneur, je l'ai devancée de quelquespas.

LE BARON.

Maître Bridaine, vous êtes mon ami. Je vous présente laDame Pluche, gouvernante de ma nièce. Ma nièce estdepuis hier, à sept heures de nuit, parvenue à l'âge dedix-huit ans ; elle sort du meilleur couvent de France.Dame Pluche, je vous présente maître Bridaine, curé dela paroisse ; c'est mon ami.

DAME PLUCHE, saluant.

Du meilleur couvent de France, Seigneur, et je puisajouter : la meilleure chrétienne du couvent.

LE BARON.

Allez, Dame Pluche, réparer le désordre où vous voilà ; ma nièce vabientôt venir, j'espère ; soyez prête à l'heure du dîner.Dame Pluche sort.

MAÎTRE BRIDAINE.

Cette vieille demoiselle paraît tout à fait pleine d'onction.

LE BARON.

Pleine d'onction et de componction, maître Bridaine ; savertu est inattaquable.

MAÎTRE BRIDAINE.

Mais le gouverneur sent le vin ; j'en ai la certitude. - 8 -

LE BARON.

Maître Bridaine, il y a des moments où je doute de votreamitié. Prenez-vous à tâche de me contredire ? Pas unmot de plus là-dessus. J'ai formé le dessein de mariermon fils avec ma nièce ; c'est un couple assorti : leuréducation me coûte six mille écus.

MAÎTRE BRIDAINE.

Il sera nécessaire d'obtenir des dispenses.

LE BARON.

Je les ai, Bridaine ; elles sont sur ma table, dans moncabinet. Ô mon ami ! Apprenez maintenant que je suisplein de joie. Vous savez que j'ai eu de tout temps la plusprofonde horreur pour la solitude. Cependant la place quej'occupe et la gravité de mon habit me forcent à resterdans ce château pendant trois mois d'hiver et trois moisd'été. Il est impossible de faire le bonheur des hommes engénéral, et de ses vassaux en particulier, sans donnerparfois à son valet de chambre l'ordre rigoureux de nelaisser entrer personne. Qu'il est austère et difficile lerecueillement de l'homme d'État ! Et quel plaisir netrouverai-je pas à tempérer, par la présence de mes deuxenfants réunis, la sombre tristesse à laquelle je doisnécessairement être en proie depuis que le roi m'a nomméreceveur !

MAÎTRE BRIDAINE.

Ce mariage se fera-t-il ici ou à Paris ?

LE BARON.

Voilà où je vous attendais, Bridaine ; j'étais sûr de cettequestion. Eh bien ! Mon ami, que diriez-vous si cesmains que voilà, oui, Bridaine, vos propres mains, - neles regardez pas d'une manière aussi piteuse - étaientdestinées à bénir solennellement l'heureuse confirmationde mes rêves les plus chers ? Hé ?

MAÎTRE BRIDAINE.

Je me tais ; la reconnaissance me ferme la bouche.

LE BARON.

Regardez par cette fenêtre ; ne voyez-vous pas que mesgens se portent en foule à la grille ? Mes deux enfantsarrivent en même temps ; voilà la combinaison la plusheureuse. J'ai disposé les choses de manière à toutprévoir. Ma nièce sera introduite par cette porte à gauche,et mon fils par cette porte à droite. Qu'en dites-vous ? Jeme fais une fête de voir comme ils s'aborderont, ce qu'ilsse diront ; six mille écus ne sont pas une bagatelle, il nefaut pas s'y tromper. Ces enfants s'aimaient d'ailleurs forttendrement dès le berceau. ? Bridaine, il me vient une

- 9 - idée.

MAÎTRE BRIDAINE.

Laquelle ?

LE BARON.

Pendant le dîner, sans avoir l'air d'y toucher, - vouscomprenez, mon ami, - tout en vidant quelques coupesjoyeuses, vous savez le latin, Bridaine.

MAÎTRE BRIDAINE.

Ita adepol : Latin, signifiant "si

désagréable".Ita adepol, pardieu, si je le sais !

LE BARON.

Je serais bien aise de vous voir entreprendre ce garçon, -discrètement, s'entend, - devant sa cousine ; cela ne peutproduire qu'un bon effet ; - faites-le parler un peu latin, -non pas précisément pendant le dîner, cela deviendraitfastidieux, et quant à moi, je n'y comprends rien ; - maisau dessert, entendez-vous ?

MAÎTRE BRIDAINE.

Si vous n'y comprenez rien, monseigneur, il est probableque votre nièce est dans le même cas.

LE BARON.

Raison de plus ; ne voulez-vous pas qu'une femmeadmire ce qu'elle comprend ? D'où sortez-vous,Bridaine ? Voilà un raisonnement qui fait pitié.

MAÎTRE BRIDAINE.

Je connais peu les femmes ; mais il me semble qu'il estdifficile qu'on admire ce qu'on ne comprend pas.

LE BARON.

Je les connais, Bridaine, je connais ces êtres charmants etindéfinissables. Soyez persuadé qu'elles aiment à avoir dela poudre dans les yeux, et que plus on leur en jette, pluselles les écarquillent, afin d'en gober davantage.

Perdican entre d'un côté, Camille de l'autre.

Bonjour, mes enfants ; bonjour, ma chère Camille, moncher Perdican ! Embrassez-moi, et embrassez-vous.

PERDICAN.

Bonjour, mon père, ma soeur bien-aimée ! Quelbonheur ! Que je suis heureux ! - 10 -

CAMILLE.

Mon père et mon cousin, je vous salue.

PERDICAN.

Comme te voilà grande, Camille ! Et belle comme lejour !

LE BARON.

Quand as-tu quitté Paris, Perdican ?

PERDICAN.

Mercredi, je crois, ou mardi. Comme te voilàmétamorphosée en femme ! Je suis donc un homme,moi ? Il me semble que c'est hier que je t'ai vue pas plushaute que cela.

LE BARON.

Vous devez être fatigués ; la route est longue, et il faitchaud.

PERDICAN.

Oh ! Mon Dieu, non. Regardez donc, mon père, commeCamille est jolie !

LE BARON.

Allons, Camille, embrasse ton cousin.

CAMILLE.

Excusez-moi.

LE BARON.

Un compliment vaut un baiser ; embrasse-la, Perdican.

PERDICAN.

Si ma cousine recule quand je lui tends la main, je vousdirai à mon tour : Excusez-moi ; l'amour peut voler unbaiser, mais non pas l'amitié.

CAMILLE.

L'amitié ni l'amour ne doivent recevoir que ce qu'ilspeuvent rendre. - 11 -

LE BARON, à maître Bridaine.

Voilà un commencement de mauvais augure, hé ?

MAÎTRE BRIDAINE, au baron.

Trop de pudeur est sans doute un défaut ; mais le mariagelève bien des scrupules.

LE BARON, à maître Bridaine.

Je suis choqué, - blessé ?. Cette réponse m'a déplu. ?Excusez-moi ! Avez-vous vu qu'elle a fait mine de sesigner ? ? Venez ici que je vous parle. ? Cela m'estpénible au dernier point. Ce moment, qui devait m'être sidoux, est complètement gâté. ? Je suis vexé, piqué. ?Diable ! Voilà qui est fort mauvais.

MAÎTRE BRIDAINE.

Dites-leur quelques mots ; les voilà qui se tournent ledos.

LE BARON.

Eh bien ! Mes enfants, à quoi pensez-vous donc ? Quefais-tu là, Camille, devant cette tapisserie ?

CAMILLE, regardant un tableau.

Voilà un beau portrait, mon oncle ! N'est-ce pas unegrand'tante à nous ?

LE BARON.

Oui, mon enfant, c'est ta bisaïeule, - ou du moins la soeurde ton bisaïeul, car la chère dame n'a jamais concouru, -pour sa part, je crois, autrement qu'en prières, - àl'accroissement de la famille. ? C'était, ma foi, une saintefemme.

CAMILLE.

Oh ! Oui, une sainte ! C'est ma grand'tante Isabelle.Comme ce costume religieux lui va bien !

LE BARON.

Et toi, Perdican, que fais-tu là devant ce pot de fleurs ?

PERDICAN.

Voilà une fleur charmante, mon père. C'est un héliotrope. - 12 -

LE BARON.

Te moques-tu ? Elle est grosse comme une mouche.

PERDICAN.

Cette petite fleur grosse comme une mouche a bien sonprix.

MAÎTRE BRIDAINE.

Sans doute ! Le docteur a raison. Demandez-lui à quelsexe, à quelle classe elle appartient ; de quels élémentselle se forme, d'où lui viennent sa sève et sa couleur ; ilvous ravira en extase en vous détaillant les phénomènesde ce brin d'herbe, depuis la racine jusqu'à la fleur.

PERDICAN.

Je n'en sais pas si long, mon révérend. Je trouve qu'ellesent bon, voilà tout.

SCÈNE III.

Entre LE CHOEUR.

Devant le château.

LE CHOEUR.

Plusieurs choses me divertissent et excitent ma curiosité.Venez, mes amis, et asseyons-nous sous ce noyer. Deuxformidables dîneurs sont en ce moment en présence auchâteau, maître Bridaine et maître Blazius. N'avez-vouspas fait une remarque ? C'est que, lorsque deux hommesà peu près pareils, également gros, également sots, ayantles mêmes vices et les mêmes passions, viennent parhasard à se rencontrer, il faut nécessairement qu'ilss'adorent ou qu'ils s'exècrent. Par la raison que lescontraires s'attirent, qu'un homme grand et desséchéaimera un homme petit et rond, que les blondsrecherchent les bruns, et réciproquement, je prévois unelutte secrète entre le gouverneur et le curé. Tous deuxsont armés d'une égale impudence ; tous deux ont pourventre un tonneau ; non seulement ils sont gloutons, maisils sont gourmets ; tous deux se disputeront à dîner, nonseulement la quantité, mais la qualité. Si le poisson estpetit, comment faire ? et dans tous les cas une langue decarpe ne peut se partager, et une carpe ne peut avoir deuxlangues. Item, tous deux sont bavards ; mais à la rigueurils peuvent parler ensemble sans s'écouter ni l'un nil'autre. Déjà maître Bridaine a voulu adresser au jeunePerdican plusieurs questions pédantes, et le gouverneur afroncé le sourcil. Il lui est désagréable qu'un autre que luisemble mettre son élève à l'épreuve. Item, ils sont aussiignorants l'un que l'autre. Item, ils sont prêtres tous deux ;l'un se targuera de sa cure, l'autre se rengorgera de sa

- 13 -

charge de gouverneur. Maître Blazius confesse le fils, etmaître Bridaine le père. Déjà, je les vois accoudés sur latable, les joues enflammées, les yeux à fleur de tête,secouer pleins de haine leurs triples mentons. Ils seregardent de la tête aux pieds, ils préludent par de légèresescarmouches ; bientôt la guerre se déclare ; lescuistreries de toute espèce se croisent et s'échangent, et,pour comble de malheur, entre les deux ivrognes s'agiteDame Pluche, qui les repousse l'un et l'autre de sescoudes affilés. Maintenant que voilà le dîner fini, onouvre la grille du château. C'est la compagnie qui sort ;retirons-nous à l'écart.

Ils sortent. - Entrent le baron et Dame Pluche.

LE BARON.

Vénérable Pluche, je suis peiné.

DAME PLUCHE.

Est-il possible, Monseigneur ?

LE BARON.

Oui, Pluche, cela est possible. J'avais compté depuislongtemps, - j'avais même écrit, noté, - sur mes tablettesde poche, - que ce jour devait être le plus agréable de mesjours, - oui, bonne dame, le plus agréable. ? Vousn'ignorez pas que mon dessein était de marier mon filsavec ma nièce ; - cela était résolu, - convenu, - j'en avaisparlé à Bridaine, - et je vois, je crois voir, que ces enfantsse parlent froidement ; ils ne se sont pas dit un mot.

DAME PLUCHE.

Les voilà qui viennent, monseigneur. Sont-ils prévenusde vos projets ?

LE BARON.

Je leur en ai touché quelques mots en particulier. Je croisqu'il serait bon, puisque les voilà réunis, de nous asseoirsous cet ombrage propice, et de les laisser ensemble uninstant.

Il se retire avec Dame Pluche. - Entrent Camille et Perdican.

PERDICAN.

Sais-tu que cela n'a rien de beau, Camille, de m'avoirrefusé un baiser ?

CAMILLE.

Je suis comme cela ; c'est ma manière.

- 14 -

PERDICAN.

Veux-tu mon bras pour faire un tour dans le village ?

CAMILLE.

Non, je suis lasse.

PERDICAN.

Cela ne te ferait pas plaisir de revoir la prairie ? Tesouviens-tu de nos parties sur le bateau ? Viens, nousdescendrons jusqu'aux moulins ; je tiendrai les rames, ettoi le gouvernail.

CAMILLE.

Je n'en ai nulle envie.

PERDICAN.

Tu me fends l'âme. Quoi ! Pas un souvenir, Camille ? pasun battement de coeur pour notre enfance, pour tout cepauvre temps passé, si bon, si doux, si plein de niaiseriesdélicieuses ? Tu ne veux pas venir voir le sentier par oùnous allions à la ferme ?30

CAMILLE.

Non, pas ce soir.

PERDICAN.

Pas ce soir ! Et quand donc ? Toute notre vie est là.

CAMILLE.

Je ne suis pas assez jeune pour m'amuser de mespoupées, ni assez vieille pour aimer le passé.

PERDICAN.

Comment dis-tu cela ?

CAMILLE.

Je dis que les souvenirs d'enfance ne sont pas de mongoût.

PERDICAN.

Cela t'ennuie ?

- 15 -

CAMILLE.

Oui, cela m'ennuie.

PERDICAN.

Pauvre enfant ! Je te plains sincèrement.

Ils sortent chacun de leur côté.

LE BARON, rentrant avec Dame Pluche.

Vous le voyez, et vous l'entendez, excellente Pluche ; jem'attendais à la plus suave harmonie, et il me sembleassister à un concert où le violon joue Mon coeur soupire,pendant que la flûte joue Vive Henri IV. Songez à ladiscordance affreuse qu'une pareille combinaisonproduirait. Voilà pourtant ce qui se passe dans moncoeur.

DAME PLUCHE.

Je l'avoue ; il m'est impossible de blâmer Camille, et rienn'est de plus mauvais ton, à mon sens, que les parties debateau.

LE BARON.

Parlez-vous sérieusement ?

DAME PLUCHE.

Seigneur, une jeune fille qui se respecte ne se hasarde passur les pièces d'eau.32

LE BARON.

Mais observez donc, Dame Pluche, que son cousin doitl'épouser, et que dès lors...

DAME PLUCHE.

Les convenances défendent de tenir un gouvernail, et ilest malséant de quitter la terre ferme seule avec un jeunehomme.

LE BARON.

Mais je répète... Je vous dis...

DAME PLUCHE.

C'est là mon opinion.

- 16 -

LE BARON.

Êtes-vous folle ? En vérité, vous me feriez dire... Il y acertaines expressions que je ne veux pas... Qui merépugnent... Vous me donnez envie... En vérité, si je neme retenais... Vous êtes une pécore, Pluche ! Je ne saisque penser de vous.

Il sort.

SCÈNE IV.

Le Choeur, Perdican.

Une place.

PERDICAN.

Bonjour, mes amis. Me reconnaissez-vous ?

LE CHOEUR.

Seigneur, vous ressemblez à un enfant que nous avonsbeaucoup aimé.

PERDICAN.

N'est-ce pas vous qui m'avez porté sur votre dos pourpasser les ruisseaux de vos prairies, vous qui m'avez faitdanser sur vos genoux, qui m'avez pris en croupe sur voschevaux robustes, qui vous êtes serrés quelquefois autourde vos tables pour me faire une place au souper de laferme ?

LE CHOEUR.

Nous nous en souvenons, seigneur. Vous étiez bien leplus mauvais garnement et le meilleur garçon de la terre.

PERDICAN.

Et pourquoi donc alors ne m'embrassez-vous pas, au lieude me saluer comme un étranger ?

LE CHOEUR.

Que Dieu te bénisse, enfant de nos entrailles ! Chacun denous voudrait te prendre dans ses bras, mais noussommes vieux, monseigneur, et vous êtes un homme.

PERDICAN.

Oui, il y a dix ans que je ne vous ai vus, et en un jour toutchange sous le soleil. Je me suis élevé de quelques piedsvers le ciel, et vous vous êtes courbés de quelques poucesvers le tombeau. Vos têtes ont blanchi, vos pas sontdevenus plus lents, vous ne pouvez plus soulever de terrevotre enfant d'autrefois. C'est donc à moi d'être votre

- 17 - père, à vous qui avez été les miens.

LE CHOEUR.

Votre retour est un jour plus heureux que votre naissance.Il est plus doux de retrouver ce qu'on aime qued'embrasser un nouveau-né.

PERDICAN.

Voilà donc ma chère vallée ! Mes noyers, mes sentiersverts, ma petite fontaine ! Voilà mes jours passés encoretout pleins de vie, voilà le monde mystérieux des rêves demon enfance ! Ô patrie ! Patrie, mot incompréhensible !L'homme n'est-il donc né que pour un coin de terre, poury bâtir son nid et pour y vivre un jour ?

LE CHOEUR.

On nous a dit que vous êtes un savant, monseigneur.

PERDICAN.

Oui, on me l'a dit aussi. Les sciences sont une bellechose, mes enfants ; ces arbres et ces prairies enseignentà haute voix la plus belle de toutes, l'oubli de ce qu'onsait.

LE CHOEUR.

Il s'est fait plus d'un changement pendant votre absence.Il y a des filles mariées et des garçons partis pour l'armée.

PERDICAN.

Vous me conterez tout cela. Je m'attends bien à dunouveau ; mais en vérité je n'en veux pas encore. Commece lavoir est petit ! Autrefois il me paraissait immense ;j'avais emporté dans ma tête un océan et des forêts, et jeretrouve une goutte d'eau et des brins d'herbe. Quelle estdonc cette jeune fille qui chante à sa croisée derrière cesarbres ?

LE CHOEUR.

C'est Rosette, la soeur de lait de votre cousine Camille.

PERDICAN, s'avançant.

Descends vite, Rosette, et viens ici.

ROSETTE, entrant.

Oui, monseigneur.

- 18 -

PERDICAN.

Tu me voyais de ta fenêtre, et tu ne venais pas, méchantefille ! Donne-moi vite cette main-là, et ces joues-là, queje t'embrasse.

ROSETTE.

Oui, monseigneur.

PERDICAN.

Es-tu mariée, petite ? On m'a dit que tu l'étais.

ROSETTE.

Oh ! Non.

PERDICAN.

Pourquoi ? il n'y a pas dans le village de plus jolie filleque toi. Nous te marierons, mon enfant.

LE CHOEUR.

Monseigneur, elle veut mourir fille.

PERDICAN.

Est-ce vrai, Rosette ?

ROSETTE.

Oh ! Non.

PERDICAN.

Ta soeur Camille est arrivée. L'as-tu vue ?

ROSETTE.

Elle n'est pas encore venue par ici.

PERDICAN.

Va-t'en vite mettre ta robe neuve, et viens souper auchâteau. - 19 -

SCÈNE V.

Entrent le Baron et Maître Blazius.

Une salle.

MAÎTRE BLAZIUS.

Seigneur, j'ai un mot à vous dire ; le curé de la paroisseest un ivrogne.

LE BARON.

Fi donc ! Cela ne se peut pas.

MAÎTRE BLAZIUS.

J'en suis certain ; il a bu à dîner trois bouteilles de vin.

LE BARON.

Cela est exorbitant.

MAÎTRE BLAZIUS.

Et, en sortant de table, il a marché sur les plates-bandes.

LE BARON.

Sur les plates-bandes ! Je suis confondu. Voilà qui estétrange ! Boire trois bouteilles de vin à dîner ! Marchersur les plates-bandes ? C'est incompréhensible. Etpourquoi ne marchait-il pas dans l'allée ?

MAÎTRE BLAZIUS.

Parce qu'il allait de travers.

LE BARON, à part.

Je commence à croire que Bridaine avait raison ce matin.Ce Blazius sent le vin d'une manière horrible.

MAÎTRE BLAZIUS.

De plus, il a mangé beaucoup ; sa parole étaitembarrassée.

LE BARON.

Vraiment, je l'ai remarqué aussi.

MAÎTRE BLAZIUS.

Il a lâché quelques mots latins ; c'étaient autant desolécismes. Seigneur, c'est un homme dépravé.

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LE BARON, à part.

Pouah ! Ce Blazius a une odeur qui est intolérable. ?Apprenez, gouverneur, que j'ai bien autre chose en tête,et que je ne me mêle jamais de ce qu'on boit ni de cequ'on mange. Je ne suis point un majordome.

MAÎTRE BLAZIUS.

À Dieu ne plaise que je vous déplaise, monsieur le baron.Votre vin est bon.

LE BARON.

Il y a de bon vin dans mes caves.

MAÎTRE BRIDAINE, entrant.

Seigneur, votre fils est sur la place, suivi de tous lespolissons du village.

LE BARON.

Cela est impossible.

MAÎTRE BRIDAINE.

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