Culture et Recherche n°134 hiver 2016-2017
16 oct. 1997 CULTURE ETRECHERCHE n° 134 hiver 2016-2017 Les publics in situ et en ligne ... Levasseur construisent leur célèbre bestiaire à partir.
2016 XERRERAPPORT dACTIVITéS
En 2016 comme avant et comme aujourd'hui
dépôts sauvages
AGORAH – PE – 2016. PAGE 8. LE DEPOT SAUVAGE AU SENS STRICT : Il s'agit des dépôts de déchets qui se situent en dehors des circuits de collecte usuels de la
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monde en 2016. 2 milliards environ de personnes Les affiches et flyers mettent ... bestiaire
RECUEIL DE LACADEMIE DE MONTAUBAN SOMMAIRES de
171-210. SEMEZIES (Dominique) Etude sur Victor Hugo
CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEUR DE MUSIQUE ET DE
disparition le 3 décembre 2016 a été l'un des inspirateurs de cette saison. publiques 209 Cours publics 210
Recherches sur Diderot et sur lEncyclopédie 51
25 nov. 2016 Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie 51
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2016. Pages précédentes : Pierre Bonnard. Paravent à trois feuilles – brochure a été réalisée par le ... monographies 210 catalogues de.
0. GENERALITES 00/02 Prolégomènes - Bibliographie
Inauguration 22 au 24 avril 2016 plaquette commémorative Cette brochure a été réalisée dans le cadre des 40 ans du Bibliobus de ... 148 p. ; 18 cm.
GMHL – Atlas des Mammifères Reptiles et Amphibiens du Limousin
15 nov. 2016 qui a fait un très gros travail de recherche pour son bestiaire occitan d'où la majeure partie des texte a été puisée.
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie
51 | 2016
VariaÉdition
électronique
URL : https://journals.openedition.org/rde/5375
DOI : 10.4000/rde.5375
ISSN : 1955-2416
Éditeur
Société Diderot
Édition
impriméeDate de publication : 25 novembre 2016
ISBN : 978-2-9543871-1-6
ISSN : 0769-0886
Référence
électronique
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie
, 512016 [En ligne], mis en ligne le 25 novembre 2019,
consulté le 30 juillet 2021. URL : https://journals.openedition.org/rde/5375 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rde.5375
Ce document a été généré automatiquement le 30 juillet 2021.Propriété intellectuelle
SOMMAIREPrésentationFranck SalaünDiderotLa ménagerie de Diderot (À propos du Neveu de Rameau)
Anne Richardot
Les larmes de Suzanne
La sensibilité entre moralité et pathologie dans La Religieuse de DiderotMarco Menin
Faut-il étouffer Sade ?
Les avatars du " raisonneur violent » chez Rousseau et Sade (2 e partie)Gilles Gourbin
L'ekphrasis dans la théorie dramatique de DiderotNicolas Olszevicki
Lire le théâtre de Diderot en portugais
Les enjeux de la traduction O Pai de Família (1788)Marie-Noëlle Ciccia
La Boussole nationale d'Alexandre Pochet et les Mélanges philosophiques pourCatherine II (la Russie des années 1770)
Georges Dulac
L'Encyclopédie
André-François Le Breton, initiateur et libraire en chef de l'EncyclopédieFrank A. Kafker et Jeff Loveland
L'inceste dans l'Encyclopédie
Myrtille Méricam-Bourdet
Le Mercure galant (1672-1710) : un jalon significatif sur la voie de l'encyclopédisme desLumières
Barbara Selmeci Castioni et Adrien Paschoud
Glanes
Le mariage de Diderot : acteurs et témoins
Françoise Launay
Le testament du baron d'Holbach et son serpent de fils aînéFrançoise Launay
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20161 Comptes RendusDenis Diderot, Voyage à Bourbonne et à Langres et autres récitsÉdition présentée par Anne-Marie Chouillet et Odile Richard-Pauchet, Langres, Société Diderot-Éditions Dominique
Guéniot, 2013. ISBN 978-2-87825-521-8. Ouvrage édité par la Société DiderotIzabella Zatorska
Diderot, Principes de politique des souverains
Texte présenté et annoté par Gerhardt Stenger, Paris, Publications de la Société Française d'Étude du XVIIIe siècle,
2015. ISBN 979-10-92328-06-6
Catherine Volpilhac-Auger
Esprit de Diderot. Choix de citations, textes choisis et présentés par Laurent Loty et ÉricVanzieleghem
Paris, Hermann, 2013. ISBN 978-2-7056-8475-4. Ouvrage édité par la Société DiderotFabien Girard
Michel Delon, Cul par-dessus tête
Paris, Albin Michel, 2013. ISBN 9-782226-248558
Odile Richard-Pauchet
Diderot. Paradoxes sur le comédien, sous la direction d'Ana Clara Santos et de MariaLuisa Malato
Paris, Éditions Le Manuscrit, collection " Entr'acte », 2015. EAN 9782304045260Sophie Marchand
Michel Hilaire, Sylvie Wuhrmann, Olivier Zeder (dir.), Le Goût de Diderot. Greuze,Chardin, Falconet, David
Catalogue de l'exposition présentée au musée Fabre de Montpellier et à la Fondation de l'Hermitage à Lausanne,
Paris, Hazan, 2013. ISBN 978-2-7541-0716-7
Arnaud Buchs
Arnaud Buchs, Diderot et la peinture
Paris, Galilée, coll. " Lignes fictives », 2015. ISBN 978-2-7186-0918-8Paolo Quintili
Denis Diderot und die Macht ! Denis Diderot et le pouvoir, éd. Isabelle Defiers Freiburg, Erich Schmidt Verlag, 2015. ISBN 9783503155613Adrien Paschoud
Épistolaire, Revue de l'A.I.R.E, " Lettres d'Italie », " Diderot en correspondance (II) », n° 41
Paris, Librairie Honoré Champion, 2015. ISSN 0993-1929Franck Cabane
Diderot Studies, tome XXXII, édité par Thierry BelleguicGenève, Droz, 2012. ISBN 978-2-600-01590-5
Franck Cabane
Raynal's Histoire des deux Indes. Colonialism, networks and global exchange, CecilCourtney and Jenny Mander eds.
Oxford University Studies in the Enlightenment, Oxford, Voltaire Foundation, 2015. ISBN 9780729411691 / ISSN
0435-2866
Girolamo Imbruglia
Raynal, les colonies, la Révolution française et l'esclavage, Outre-Mers, revue d'HistoireT. 103, n
os 386-387, 1er semestre 2015 (Société Française d'Histoire des Outre-Mers). ISSN 1631-0438David Diop
Myrtille Méricam-Bourdet et Catherine Volpilhac-Auger, Diderot. Articles de l'Encyclopédie Paris, Folio classique, 2016. ISBN 978-2-07-044693-3Marie Leca-Tsiomis
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20162 Luigi Delia, Droit et philosophie à la lumière de L'EncylopédieOxford University Studies in the Enlightenment, Oxford, Voltaire Foundation, 2015. ISBN 978 0 7294 1164 6
Stéphanie Roza
Clorinda Donato and Ricardo López (Eds), Enlightenment Spain and the Encyclopédie méthodiqueOxford University Studies in the Enlightenment, Oxford, Voltaire Foundation, 2015. ISBN 978-0729411 707
Martine Groult
Maria Teresa Zanola, Arts et métiers au XVIIIe siècle - Études de terminologie diachroniquePréface d'Alain Rey, Postface de Bénédicte Madinier, Paris, L'Harmattan, 2014. ISBN 978-2-343-03398-3
Élise Pavy-Guilbert
Arturo Pérez-Reverte, Hombres buenos
Madrid, Alfaguara, 2015. ISBN 9788420403243
Ramón Marti Solano
Paul Rateau, Leibniz et le meilleur des mondes possiblesParis, Classiques Garnier, " Les Anciens et les Modernes - Études de philosophie », 2015. ISBN 978-2-8124-3823-3
Claire Fauvergue
Marion Chottin, Le Partage de l'empirisme. Une histoire du problème de Molyneux aux XVII e et XVIIIe siècles Paris, Champion, " Travaux de philosophie », 2014. ISBN 978-2-7453-2707-9Véronique Le Ru
Claude-Adrien Helvétius, OEuvres complètes
Édition publiée sous la direction de Gerhardt Stenger, tome II De l'homme, de ses facultés intellectuelles et de son
éducation, notes explicatives par Gerhardt Stenger, établissement du texte sur le manuscrit original par David Smith
assisté de Harold Brathwaite et de Jonas Steffen, Paris, Champion, " L'âge des Lumières », 2011. ISBN
978 2 7453 2189 3
Pierre Berthiaume
Médecine et philosophie de la nature humaine de l'âge classique aux Lumières. Anthologie, sous la direction de Raphaële Andrault, Stefanie Buchenau, Claire Crignon etAnne-Lise Rey
Préface de François Duchesneau, Paris, Classiques Garnier, " Textes de philosophie », 2014. ISBN 978 2 8124 3026 8
Motoichi Terada
Isabelle Pichet, Le Tapissier et les dispositifs discursifs au Salon (1750-1789).Expographie, critique et opinion
Préface d'Udolpho van de Sandt, Paris, Hermann, 2012. ISBN 978 2 7056 8279 8Florence Ferran
Christian Gilain et Alexandre Guilbaud (dir.), Sciences mathématiques, 1750-1850.Continuités et ruptures
Paris, CNRS-Éditions, 2015. ISBN 978 2 271 08295 4Pierre Crépel
Autographes et documentation
Autographes et documents
Irène Passeron et François Prin
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20163 Carnet BibliographiqueCarnet bibliographique 51Éric Vanzieleghem Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20164PrésentationFranck Salaün
1 Anne-Marie Chouillet, qui vient de disparaître et à qui ce numéro est dédié, aurait
certainement aimé le tigre reproduit en couverture. Elle rappelait elle-même, il y a peu, que " la planche choisie doit avoir, si possible, un rapport avec le contenu du numéro1 ». Le tigre fait ici écho à la Satire première et au Neveu de Rameau (Satire seconde)
évoqués dans l'étude d'Anne Richardot, et, plus discrètement, aux écrits politiques dont
il est question dans l'article de Georges Dulac. Anne-Marie aurait aussi eu la satisfaction de constater que la revue, fondée par elle et Jacques Chouillet en 1986, reste fidèle à laligne éditoriale adoptée depuis sa création : on y trouve des études variées sur l'oeuvre
de Diderot et sur l'Encyclopédie, écrites par des chercheurs de différents horizons.2 C'est l'occasion de rappeler que la part faite à l'Encyclopédie a toujours été considérable.
La Société Diderot, à travers sa revue, en particulier grâce à Marie Leca-Tsiomis, a beaucoup contribué à la reconnaissance de l'Encyclopédie comme un objet de recherche de premier plan, ce qui, au départ, n'allait pas de soi. Avec le lancement du projet ENCCRE, qui implique un changement d'échelle, et suscite une saine effervescence, ce rôle moteur s'accentue 2.3 On trouvera dans la première partie de cette livraison plusieurs études sur des oeuvresde Diderot. Anne Richardot examine le rôle des animaux et de l'animalisation dans Le
Neveu de Rameau. Marco Menin propose une lecture de La Religieuse à la lumière desthéories médicales de l'époque concernant la sensibilité. Nicolàs Olszevicki montre ce
que la réforme du théâtre préconisée par Diderot doit à la rhétorique issue de Quintilien. Marie-Noëlle Ciccia reconstruit l'horizon d'attente du public portugais au moment de la publication de la traduction du Père de famille (1788). Georges Dulac rouvre, sous un angle original, le débat concernant la connaissance que Diderot avait de la Russie, en montrant les rapports existant entre les Mélanges philosophiques pour Catherine II et un roman d'Alexandre Pochet peu connu. Enfin, Gilles Gourbin, dans la suite de l'article paru dans le précédent numéro de la revue, envisage les enjeux de l'article DROIT NATUREL à travers une sorte de dialogue des morts réunissant Diderot,Rousseau et Sade.
4 La seconde section réunit trois études sur l'Encyclopédie. Frank A. Kafker et Jeff
Loveland revisitent la carrière de Le Breton, dont le nom est resté tristement associé à Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20165 la mutilation de l'Encyclopédie, Son parcours dans le monde la librairie est remarquableà plus d'un titre. De son côté, Myrtille Méricam-Bourdet étudie la notion d'inceste dans
différents articles, ce qui réserve quelques surprises. Enfin, sortant des sentiers battus, Barbara Selmeci Castioni et Adrien Paschoud s'interrogent sur la spécificité de l'Encyclopédie à partir de l'exemple du Mercure Galant.5 Les sections suivantes sont aussi d'une grande richesse. Une fois de plus, la curiosité et
l'acharnement de Françoise Launay, qu'il faut ici remercier, nous permettent de publier des documents exceptionnels, en l'occurrence l'acte de mariage de Diderot, et surtout le testament du baron d'Holbach, que l'on croyait définitivement perdu. De leur côté, Irène Passeron et François Prin ont rassemblé différents extraits de catalogues concernant de près ou de loin Diderot et les encyclopédistes. Enfin, les comptes rendus,réunis par Élise Pavy, et la bibliographie, préparée par Éric Vanzieleghem, permettent
d'apprécier la grande vitalité des recherches internationales sur Diderot comme sur l'Encyclopédie et d'observer les tendances actuelles. NOTES1. Anne-Marie Chouillet, " Un peu d'histoire... », RDE, 50, p. 4.
2. Voir la présentation du projet dans le numéro 48 (Alexandre Guilbaud, Irène Passeron, Marie
Leca-Tsiomis, Olivier Ferret, Vincent Barrellon et Yoichi Sumi, " "Entrer dans la forteresse" :pour une édition numérique collaborative et critique de l'Encyclopédie », RDE, 48, p. 225-261), et
sur le siteDiderot
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20167 La ménagerie de Diderot (À proposdu Neveu de Rameau)Diderot's menagerie (about Le Neveu de Rameau)
Anne Richardot
1 Les deux écrits que Diderot place sous le patronage d'Horace et qu'il désigne comme
" satires » - la Satire première, sur les caractères, et les mots de caractère, de profession, etc.,
et Le Neveu de Rameau - se présentent sous la forme d'un bric-à-brac assez déconcertant. Dans le premier cas, il s'agit d'une lettre à Naigeon faisant alterner des " préceptes », des bribes de conversation, des choses vues, des commentaires de lecture ; dans le second cas, c'est un dialogue entre un bouffon et un philosophe, non moins rhapsodique par son apparent décousu. Que l'on entende leur appellation générique desatire au sens originel de pot-pourri littéraire ou au sens plus étroit de critique à visée
comique, ces textes accueillent tout un bestiaire assez en accord avec le choix du coq-à- l'âne comme principe d'écriture 1.2 D'emblée, la Satire première, parue en 1778 dans la Correspondance littéraire, pose en effet
le constat d'une analogie entre humanité et animalité et en décline les variations : [...] sous la forme bipède de l'homme, il n'y a aucune bête innocente ou malfaisante dans l'air, au fond des forêts, dans les eaux, que vous ne puissiez reconnaître. Il y a l'homme loup, l'homme tigre, l'homme renard, l'homme taupe, l'homme pourceau, l'homme mouton, et celui-ci est le plus commun. Il y a l'homme anguille ; serrez-le tant qu'il vous plaira, il vous échappera. L'homme brochet, qui dévore tout. L'homme serpent, qui se replie en cent façons diverses. L'homme ours, qui ne me déplaît pas. L'homme aigle, qui plane au haut des cieux. L'homme corbeau, l'homme épervier, l'homme et l'oiseau de proie. Rien de plus rare qu'un homme qui soit homme de toute pièce ; aucun de nous qui ne tienne un peu de son analogue animal 2.3 Contrairement aux planches de Le Brun, la comparaison doit peu à la physiognomonie
classique - que développera Lavater. Elle repose sur un rapport d'ordre symbolique autour du caractère, conçu à la fois comme type psychologique et rôle social. L'hommemouton n'a pas à être blanc et laineux, il lui suffit pour être identifié comme tel de se
montrer grégaire et conformiste. Les corrélations physio-psychologiques entre Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20168 l'homme et l'animal, dans une telle liste, sont néanmoins parfaitement convenues et même ressassées depuis l'Antiquité. Par exemple, " l'homme serpent, qui se replie encent façons diverses » met en douteuse équivalence la morphologie du reptile,
rampant, sinueux, et la personne insaisissable, elle aussivénéneuse. On ne peut manquer de noter, en même temps, combien ces lignes sont tout à fait débarrassées des enjeux éthiques traditionnels attachés au rapport humain-animal. Diderot évoque tranquillement " la forme bipède de l'homme » pour fonder ses analogies : c'est vraiment la définition a minima de l'humanité, trahissant le matérialisme le plus affirmé. Du reste, plusieurs des animaux cités (anguille, brochet, serpent) ne peuventguère être classés parmi les bipèdes - preuve que le détail importe peu à Diderot. Ce
qu'il tient ici à affirmer est qu'il n'est " aucun de nous qui ne tienne un peu de son analogue animal ». Il postule ainsi que chaque être humain a son référent dans le monde des bêtes, d'un point de vue symbolique, certes, mais on peut estimer que cette façon de relativiser la place de l'espèce humaine manifeste une tendance vers un certain paganisme.4 On peut comparer ces considérations de la Satire première avec ce qu'écrit Mercier à
propos des planches de Le Brun justement, qu'il a pu contempler au Louvre à la toute fin du siècle. Il s'agit d'une exposition fameuse, présentée en 1797, soutenue par un ingénieux dispositif offrant à hauteur de visage les dessins d'une humanité soumise àdes métamorphoses qui la tirent du côté des bêtes, accompagnés de miroirs invitant les
spectateurs à faire retour sur eux-mêmes : Ce qui attache le plus la foule dans la magnifique galerie des dessins du Louvre, ce qui fixe l'oeil, la réflexion et la pensée de tous les regardants, ce sont les singuliers dessins de Lebrun, qui a rapproché la physionomie de certains hommes de la face des animaux : alors chacun se recueille, compare les principaux traits de la physionomie des hommes qu'il a vus ou connus, et il trouve une sorte de ressemblance, plus ou moins éloignée, avec celle des animaux. [...]. Après cet examen, tel file furtivement vers les grands miroirs du fond de la galerie pour vérifier dans la glace sa figure, et savoir si elle tient du coq d'Inde ou de l'aigle, du dromadaire ou du lion, du singe ou cochon [...] 3.5 Au grand dam de l'humaniste Mercier, chacun semble attiré par son reflet animal. Et
l'écrivain de s'indigner, quelques lignes plus loin, sur cette scandaleuse incitation à l'oubli d'un propre de l'homme, lequel ne saurait souffrir aucune confusion de nature et de destin : L'homme ne ressemble qu'à l'homme, il est un point unique dans la création. La forme de chacun de ses membres fut le produit d'une pensée sublime. [...] Une ligne de démarcation est tracée solennellement par la main de Dieu entre l'homme et la brute ; et je détourne la vue du crayon impie, qui, à l'aide de quelques linéaments, osa assimiler le visage de l'homme au mufle du boeuf stupide, ou à la tête opiniâtre du chameau au long col, faire des hommes-chevaux, des hommes- lions, des hommes-sapajous, etc. 46 Diderot ne détourne nullement la vue, il est, au contraire, fasciné par les possibilités
d'hybridation entre êtres vivants, lui qui a imaginé avec enthousiasme les chèvres- pieds et autres chimères dans le Rêve de D'Alembert. De ces scrupules théologiques, il n'a cure, en effet5. Dans la Satire première, il souligne les convergences entre le monde
animal et le monde humain : la scène sociale est une vaste ménagerie. Prenons Fougeret de Monbron, l'auteur de Margot la ravaudeuse. Si l'on en croit Diderot, c'est un " tigre à deux pieds » - un bipède, donc -, présentant un " teint jaune », des " sourcils noirs ettouffus », un " oeil féroce et couvert » mais aussi, ou conséquemment, un " coeur velu »,
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 20169en raison de son insensibilité brutale6. Ainsi, à la manière des différentes espèces dans
la nature, des " ramages divers », des " cris discordants » se font entendre " dans la seule forêt qu'on appelle société »7. Le concert est cacophonique, il est vrai, car chacun
pousse de la voix dans son registre propre : l'un feule, l'autre piaille, ailleurs c'est un glapissement ou un claquement de bec. Pourtant, l'individu le plus étrange, et le plus dangereux, est sans doute celui qui répugne à cette assignation zoo-anthropologique et aux signes qui la révèlent : " Méfiez-vous de l'homme singe. Il est sans caractère, il a toutes sortes de cris » 8.7 On aura reconnu Rameau dans cette mise en garde. La Satire première se lit en effet
comme un condensé programmatique du Neveu du Rameau, qui donne à observer les moeurs et les " idiotismes » de langage de chacun, par la bouche même d'un animal singulier. Rameau décrit en les satirisant les usages de la bonne société, avec son prisme animalier, mais s'offre aussi aux regards comme une bête, comme cet hommesinge que signale la Satire première. Singe, le bouffon que rencontre Moi l'est
exemplairement : il est celui qui se contorsionne, ricane et vend ses talents comiques au plus offrant. Du reste, il avoue faire profession de " singeries » et revendique les " grimaces plaisantes » destinées à arracher un rire au maître9. Il illustre ainsi
exemplairement la fonction de comédien fustigée par Bossuet, qui déplore sonmimétisme et son polymorphisme, et le réduit avec dégoût à un être-singe ou un être-
caméléon10. Rameau incarne les deux, et n'en est que plus inquiétant car insaisissable :
il contrefait des identités, démultiplie les apparences, déjoue les assignations, se crée
des avatars instables. Mais le singe et le caméléon, s'ils le figurent bien, ne le résument pas, et son imaginaire zoologique fait entrer dans le dialogue toute une cohorte de bêtes. " L'allure du ver, c'est mon allure », affirme-t-il ainsi, pour expliquer son attitude rampante chez ses maîtres. Attention cependant à ne pas lui " marche[r] sur la queue »11. Évoquant sa défunte épouse, les comparaisons de cet ordre fusent, ne reculant pas
devant le cliché : " elle avait du courage comme un lion », était " gaie comme un pinson », possédait un " gosier de rossignol », des " jambes de cerf » et " une croupe ! ah Dieu, quelle croupe12 ! » C'est le salon des Bertin, cependant, où Rameau officiait
jusque-là, avant sa récente éviction, qui est l'objet premier de ses transpositions animalières. Il devient, dans son récit, un grotesque bestiaire mondain. Les familiers de cet ancêtre du cercle Verdurin, unis par la méchanceté, la médiocrité et l'envie, se voient en effet tous animalisés. La femme du " patron » est à la fois " une guenon » et " plus bête qu'une oie13 » ; l'abbé Leblanc " s'endort comme un vieux perroquet sur son
bâton14 » ; il y a aussi un " chien de petit prêtre15 » et " un certain niais [...] qui est plus
malin qu'un vieux singe », tandis que " l'ami Robé », auto-proclamé poète, produit un " ramage barbare16 ». L'assemblée est assimilée à une " troupe de bêtes tristes,
acariâtres, malfaisantes et courroucées17 ». De plus, outre ses fonctions d'amuseur,
Rameau a en charge les nombreux animaux domestiques, bien réels : Et puis à la maison une meute de chiens à soigner ; il est vrai que je m'étais sottement imposé cette tâche ; des chats dont j'avais la surintendance ; j'étais trop heureux si Micou me favorisait d'une coup de griffe qui déchirât ma manchette ou ma main. Criquette est sujette à la colique ; c'est moi qui lui frotte le ventre18.8 Bref, c'est un zoo que le cercle Bertin, une " ménagerie », disparate autant quebruyante, illustrant une forme accomplie de " bêtise19 ». Rameau y était " comme un
coq en pâte » à faire " la grosse bête »20, et il se console d'en avoir été chassé en se
persuadant qu'en son absence hôtes et convives " s'ennuient comme des chiens ». Plus Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 51 | 201610loin, cette rassurante certitude est de nouveau exprimée : " À présent qu'ils ne m'ontplus, que font-ils ? Ils s'ennuient comme des chiens »21.
9 Est-ce pour complaire, momentanément, à son interlocuteur ? Rameau pointe chezcette engeance satirisée le lien entre le parti pris antiphilosophique et la médiocrité
risible : ils sont bêtes car hostiles aux Lumières. Cette faune caricaturale se signale en effet par son penchant à brocarder aigrement " les noms de Buffon, de Duclos, de Montesquieu, de Rousseau, de Voltaire, de D'Alembert, de Diderot, et Dieu sait de quelles épithètes ils sont accompagnés »22. Une telle aversion pour la pensée ne peut
que précipiter assez bas, en effet, dans l'échelle des êtres. Le nom de Buffon, alors aufaîte de sa gloire, qui vient en tête de cette énumération des ennemis intellectuels entre
bien sûr en résonance particulièrement étroite avec le discours de Rameau. Les Bertin s'en prennent significativement, en premier lieu, au savant zoologiste, grand classificateur d'espèces : il faut croire que règne dans ce salon la vieille doctrine narcissisante du primat absolu de l'humanité, et que l'intérêt " moderne » pour les bêtes ne peut que susciter mépris et ricanements. Buffon, dans son Histoire naturelle, ménage pourtant l'amour-propre humain, mais il faut sans doute comprendre ces cibles de l'agressivité railleuse des Bertin comme formant le tout appelé " encyclopédistes », c'est-à-dire des penseurs transgressifs qui renvoient ces bourgeois à leur néant existentiel 23.10 Rameau voit néanmoins plus large et cette micro-société dont il vient d'être banni
constitue essentiellement un exemple de la marche générale du monde. Sa diatribe n'isole que superficiellement ce groupe d'individus peu reluisants tant l'imaginaire deson discours est porté par une vision - on pourrait aller jusqu'à dire une
anthropologie - qui postule la bestialité des hommes, plus ou moins éclatante. Le salon Bertin est un rassemblement de prédateurs, d'une grande férocité : " Des loups ne sont pas plus affamés ; des tigres ne sont pas plus cruels. Nous dévorons comme des loups, lorsque la terre a été longtemps couverte de neige ; nous déchirons comme des tigres, tout ce qui réussit »24. Mais les proies, elles aussi, sont déshumanisées : après avoir livré
la liste des philosophes à abattre - Montesquieu, Voltaire, Rousseau, etc. -, Rameau ajoute : " Après le sacrifice des grands animaux, nous immolons les autres »25. Plus haut dans le dialogue, le bouffon rêvait à un sort meilleur, celui des parvenus - les " gueux revêtus » - et se fantasmait, au futur simple, à la tête d'une troupe de courtisans pour se venger des humiliations de l'esprit : [...] nous aurons des filles ; nous nous tutoierons, quand nous serons ivres ; nous nous enivrerons ; nous ferons des contes ; nous aurons toutes sortes de travers et de vices. Cela sera délicieux. Nous prouverons que de Voltaire est sans génie ; que Buffon toujours guindé sur des échasses, n'est qu'un déclamateur ampoulé [...]quotesdbs_dbs27.pdfusesText_33[PDF] Bestimmung der geographische Breite eines Ortes (I
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