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Thesis Reference
4 juin 2019 environnementale dans le Japon moderne. Cyrian Pitteloud. Thèse présentée pour l'obtention d'un Doctorat ès Lettres en études japonaises.
Changement identitaire et revendications régionalistes du Kansaï
(Kansaï) et le Japon de l'Est (Kant?) qui repose sur des différences de Devant ce supposé symbole de la beauté japonaise Inoue dénonce plutôt l' ...
Le Portique 43-44
1 sept. 2019 En réponse un autre mot japonais
Accès à leau et catastrophes naturelles Utilisation des terres
sécheresses les inondations et les cyclones frappent sa beauté naturelle et sa valeur scientifique. ... Beyond Boundaries: Transboundary Natural.
Extrême-Orient Extrême-Occident 39
1 oct. 2015 littérature japonaise écrite au féminin qui exprime enfin les non-dits ... Beyond Sinology
Collège de France
Le corps dans les littératures modernes d'Asie
orientale : discours, représentation, intermédialité The Body in Modern Asian Literature: Discourse, Representation, Intermediality Gérard Siary, Toshio Takemoto, Victor Vuilleumier et Yinde Zhang (dir.)DOI : 10.4000/books.cdf.11975
Éditeur : Collège de France
Lieu d'édition : Paris
Année d'édition : 2022
Date de mise en ligne : 7 février 2022
Collection : Institut des civilisations
EAN électronique : 9782722605817
https://books.openedition.orgRéférence électronique
SIARY, Gérard (dir.) ; et al.
Le corps dans les littératures modernes d'Asie orientale : discours, représentation, intermédialité.Nouvelle édition [en ligne]. Paris
: Collège de France, 2022 (généré le 09 février 2022). Disponible sur Internet :9782722605817. DOI
: https://doi.org/10.4000/books.cdf.11975.Crédits de couverture
Yasmine Bakjaji,
20219 1 Ce document a été généré automatiquement le 9 février 2022.
© Collège de France, 2022
Conditions d'utilisation :
http://www.openedition.org/6540RÉSUMÉSLe présent ouvrage étudie le corps représenté dans les littératures d'Asie orientale et alentours
au XX e et XXIe siècles : Chine, Corée, Japon, Vietnam, Indonésie. Le plan du volume estthématique : corps saturés, corps réprimés, corps réappropriés, corps trans-formés. La
méthodologie croise autant que possible les disciplines d'approche : narratologie, anthropologie, psychanalyse, histoire culturelle du corps, etc. Les vicissitudes de l'histoire dans la zoneconcernée ne font pas disparaître les anciennes conceptions du corps, ainsi que les discours et
légendes afférents, mais le choc de la modernisation écartèle le corps entre un corps anatomisé
en quête d'identité réprimé par le corps de la nation, et un corps virtuel engendré par le
cyberespace. La littérature, elle, tend le plus souvent à rendre compte du phénomène comme si
l'autonomie du corps, encore un enjeu, conditionnait celle de l'écriture. Aussi deux tendancesapparaissent-elles dans l'écriture : l'une, classique, restitue encore les manques aussi bien que les
débordements du corps ; l'autre expérimente afin de renouveler le lien du corps avec un monde aliénant, quitte à casser la langue. Une expérience assez proche, somme toute, de celle de l'Occident. Nombre d'extraits inédits traduits illustrent l'ensemble. This book scrutinizes the body as represented in literature of the twentieth and twenty-first centuries in and around East Asia: China, Korea, Japan, Vietnam, Indonesia. The scope of the volume is thematic: saturated bodies, repressed bodies, reappropriated bodies, trans-formed bodies. The methodology combines as many disciplines as possible: narratology, anthropology, psychoanalysis, cultural history of the body, etc. History's vicissitudes of history in the area concerned do not erase old conceptions of the body, as well as related discourses and legends, but the shock of modernization splits the body between an anatomized one, in search of identity mostly repressed by the nation, and a virtual one, generated by the cyberspace. Literature most often accounts for the phenomenon as if the autonomy of the body, still at stake, conditioned the so-called autonomy of writing. Two tendencies also appear in writing: a classical one, still restoring the body's deficiencies and excesses ; an experimental one, which manages to renew the link of the body with an alienating world, even if that implies breaking the language. An experience that is quite similar, all in all, to that of the West. A number of unpublished and translated extracts illustrate the whole.1NOTE DE L'ÉDITEURActes du colloque international organisé à l'Université de Paris les 15 et18 novembre 2017 par le CRCAO (Université Paris-Diderot Paris-VII, EPHE, CNRS,Collège de France), le CERC (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3), ALITHILA(Université de Lille) et le CEJ (Inalco).2
SOMMAIREPréface1. Corps saturésL'action d'écrire et le corps " Comment écrire » de Lu Xun
Yoshinobu Shino
Le corps comme métaphore chez Lu Xun
Représentation du corps et des victimes
L'inutilité de la littérature
La littérature comme préservation de la mémoire des victimesLe partage de la souffrance des victimes
Lecture de " Comment écrire » dans la perspective du corps Écrire le cannibalisme dans la littérature chinoise moderneBaoqing Shao
" Le journal d'un fou » et le cannibalisme Representations of Bodies in Crisis in Contemporary Japanese Literature: Two Cases ofEating Disorders
Christopher Scholz
Introduction
On writing, reading, and eating
Food and gender in Japan
Disordered eating and eating disorders
Literary accounts of eating disorders
The hunger artist
To fast is to speak: "I saw words falling to pieces."Conclusion
Anorexia Speaks: Eating Disorders in Modern Japanese Films, Novels, Manga, and PoetryHideto Tsuboi
2. Corps réprimés
Human/Inhuman/Post-human. Female Bodies in Modern and Contemporary Chinese Literature: Literary Descriptions of Psychological and Social UneaseNicoletta Pesaro
The allegorised body
The animal body
The maternal body
The sexual body
The raped and mutilated female body: women's controversial agencyThe sick body
Conclusion
3 La résistance des corps dans le recueil Jingai maky (1939-1941) d'Oguri MushitarGérald Peloux
Oguri Mushitar, un maître du roman policier aux prises avec la guerreUn genre policier contraint d'évoluer
Oritake Magoschichi, un héros au corps insaisissableLa fluidité des corps
Corps dressé, corps civilisé : " Seigneur Chen » de Wu Zhuoliu et la police coloniale à Taiwan
Ju-Ling Lee
Introduction
Oppression coloniale au nom de la civilisation : contrôle policier et codes juridiques Dresser le corps, civiliser le colonisé : la société taïwanaise en mutationConclusion
La conscience du corps confronté à la violence chez Han KangEun Jin Jeong
Shim Chong, fille vendue de Hwang Sok-yong : du corps réprimé à la figure subliméeSuk-Hee Joo
Le corps souffrant de Shim Chong : réincarnations et voyages sur les mers de l'Asie orientaleMétamorphoses du nom et errances du moi
Le corps sensoriel et la réactivation du souvenir par le chant La transe chamanique comme moyen de retour à une identité premièreConclusion
Narrating Disability in Contemporary Japan: [One Liter of Tears] and [A Therapeutic Sexy Trip]Anne-Lise Mithout
Impairment: a bodily experience
Disability as a limitation of activity
Disability as a social experience
Conclusion
Les bébés de la consigne automatique de Murakami Ry : corps, volonté, violenceToshio Takemoto
Le corps social
Du matricide à la renaissance : le corps d'athlète de Kiku De l'artificiel à la nature : le visage de HashiRésumé du roman
La décomposition du corps dans la poésie coréenne contemporaine : " Ça va, je suis un cochon », poème en prose de Kim HyesoonModuk Koo
D'une voix à l'autre
Métamorphose
3. Corps réaproppriés
Une littérature humorale. Une goutte d'encre et Un lit de malade six pieds de long deMasaoka Shiki
Emmanuel Lozerand
Écrire l'appétit, écrire la souffrance
Rythmes du corps, rythmes de l'écriture
Conclusion
4Narrating Banishment by Means of the Body: Physical Reflections of Han Dong's CulturalRevolutionMartina Codeluppi
Memory and Body
Han Dong's Memory of Banishment
The Body as the Perceiving Subject
Embodied Individualities
Physical Reflections of History
Conclusions
L'écriture du corps chez quelques femmes écrivaines chinoises du XXe siècleXinyu Hu
L'expression physique du désir féminin
L'interaction entre la transformation du corps et le temps féminin L'écriture du corps et la subjectivité féminineL'écriture du corps et le discours féminin dans la littérature contemporaine chinoise : le cas
de Lin BaiLanfang Guo
Le désir féminin
Le narcissisme
L'écriture du corps : une réponse à l'appel d'Hélène Cixous ? From Subjects to Bodies: Ah Cheng's The King of Children and Wang Gang's Ying-ge-li- shiMelinda Pirazzoli
Vers une topologie corporelle dans [La Vallée du loess] de Kim Dong-riMin Sook Wang-Le
Corps colossal et incapacité de son déploiementCorps révolté et épreuves de destruction
Destin corporel et topologie de la vallée du loess Le corps dans tous ses états : Les Belles de Halimunda d'Eka KurniawanÉtienne Naveau
Le corps comme être de besoin
Le corps comme être social
Le corps comme être-pour-la-mort
Conclusion
Du corps mutilé au corps corrélé au monde, dans le roman Un homme dos à la mer deWang Wen-hsing
Sandrine Marchand
L'esprit séparé du corps
La maladie comme réponse au corps-machine
Le corps comme " champ continu de relations »
4. Corps trans-formés
The Japanese No-Body
Josef Kyburz5
I Sing the Body Electric: Corporal Representations in Guo Moruo's The GoddessesPaolo Magagnin
Introduction
Levels of corporal representation in The GoddessesDeath and rebirth
Oneness with the cosmos
The body as a space of dialogue
Nature anthropomorphized and zoomorphized
Conclusions
Lu Xun, Tourgueniev et l'expressionnisme : corporalité et mouvement dramatique dans " Tremblement à la limite de la déchéance » (1925)Victor Vuilleumier
Akutagawa Ryunosuke's Ideal of Corporal Beauty: Social Construction and PersonalContribution
Damaso Ferreiro Posse
Introduction
Body and literature
The ideal of corporal beauty in Akutagawa
The ideal of corporal beauty during the Taish period: Nietzsche's influence on Akutagawa Akutagawa's body: social construction and personal contributionConclusions
The Flesh, Subject, Embodiment in Postwar Japan: Through Nikutai and GutaiFusako Innami
Introduction : In Search of the Individual Flesh
Flesh as a Site of Controversy
Gutai as Embodiedness
Writing the Body (Out): Conclusion
Soigner les corps et les âmes : la science-fiction selon É KenzaburAntonin Bechler
Le corps, symptôme de l'Histoire
Fictions " fin de siècle »
Le corps comme sujet poétique dans le roman vietnamien Cheval d'acier (2014) de PhanHôn Nhiên
Cam Thi Doan
Le corps comme identité
Le corps malade
Corps humain/corps animal/corps végétal : le corps comme sujet poétiqueConclusion
Imaginaire du corps dans les récits fantastiques de web-littératureShuang Xu
Introduction
Le corps " transgenre »
Le corps " cross médiatique »
Le corps numérique
Conclusion
6Taiwan Cinema, Horror and Body: the Timid Resurgence of Genre Movies Between Nostalgiaand RenewalCorrado Neri
Hybrid horrors
Young girl dressed in red
Japan cool ghosts
Surveillance angst
Ghostly hills
Bodies under control: The Tenants Downstairs (Adam Tsuei, 2016)The body and the actors
Pornography / voyeurism / cannibalism
Cannibalism
Conclusion
Postface
Résumés
Bibliographie générale
Index des noms d'auteur(e)s et de figures historiquesIndex des oeuvres
Index des themes
Index des xénismes7
Préface
1 Après le numéro 39/2015 de la revue Extrême-Orient Extrême-Occident sur le corps
souffrant dans les littératures de la Chine et du Japon1, publié dans le cadre du
programme transversal de recherche du Centre de recherche sur les civilisations de l'Asie orientale (CRCAO, UMR 8155, CNRS/Collège de France/EPHE/Université Paris- Diderot Paris-VII) : " Imaginaires du corps et des identités dans les littératures de l'Asie au XXe siècle », notre objectif fut d'approfondir les perspectives des premiers travaux, et selon nous porteuses, telles que les rapports du corps avec la nation, d'étendre l'enquête à d'autres aires d'Asie (Corée, Vietnam, Indonésie), souvent laissées pour compte. D'où le colloque dont les actes suivent.2 Tous ces pays ont vécu le choc de la modernité, avant d'entrer dans le temps de la
globalisation. Depuis la fin du XIXe siècle, entre le corps anatomisé, sous l'emprise accrue de l'individualisation sociale, et, depuis ce début de XXIe siècle, le corps virtuel surnuméraire engendré par le cyberspace, les risques et la tentation d'un " adieu au corps » sont d'autant plus considérables que les avancées technologiques relèguent le corps au statut d'une matière indifférente, étrangère à une essence humaine2. Reste que
ledit corps s'affirme plus que jamais en lieu de lutte de pouvoir, qui incite à interroger tous azimuts la transformation des normes et valeurs.3 À cet égard, les littératures modernes d'Asie apportent un témoignage paradoxalement
" non-moderne ». En effet, le dualisme cartésien d'importation, s'il ébranle bien les anciennes structures, ne cesse pas moins de se heurter à une réalité complexe qui, malgré le bouleversement des anciennes structures, requiert toujours un corps au carrefour de plusieurs interactions, qui relie nature et culture, humains et non- humains, tradition et modernité : un corps hybride3. Aussi les interventions de ce
colloque, répondant à cette corporéité multiréticulaire, brassent-elles science,
politique, sociologie, psychologie, psychanalyse, anthropologie... et cela dans un constant souci de croisement et de connexion transculturels. Le corps s'écrit, se lit et se visualise ici comme ce lieu de signification où s'agglutinent savoir et esthésie, réel et imaginaire, fait et fiction.4 L'ordre de la table des matières progresse du réel historique foncier à la création
esthétique, du tangible à " l'artialisation »4. Si l'on aborde la représentation du corps
avec la nourriture, la faim, la boulimie, l'anorexie, c'est que la satiété reste un thème8 transversal, qui se conjugue ici avec le régime du manque en Chine, et là celui du trop-plein au Japon, d'où les " Corps saturés » (Partie I). Suit alors tout ce qui, entre guerre,
occupation coloniale et système d'autorité, relève de la biopolitique, i.e. la galerie detous ces corps qu'elle brime, d'où les " Corps réprimés » (Partie II). Mais au fil du temps,
envers et contre les vicissitudes historiques, et par des voies variées comme l'approchemémorielle, souvent au plus près de la sensation, le sujet résiste, se fait résilient, se
réapproprie son corps par et dans l'écriture, d'où les " Corps réappropriés » (Partie III).
Et cela va de pair, quelle que soit l'époque, avec les métamorphoses du corps dans l'art et l'expression transmédiatique, de la science-fiction au cinéma via la photographie et la peinture, qui donnent à voir enfin les " Corps trans-formés » (Partie IV).5 Le présent ouvrage est le produit du colloque : " Le corps dans les littératures d'Asie
aux XXe et XXIe siècles : discours, représentation et intermédialité » (Université Paris-
Diderot Paris-VII 16-18/11/2017). Tous les exposés présentés n'ont pu être recueillis, mais quelques articles ont été ajoutés. Cette manifestation ainsi que la relecture des articles en anglais par M. Alan Wagner ont été soutenues par les laboratoires suivants : CRCAO, CERC (Paris 3), Alithila (Lille 3), CEJ (Inalco).6 Avertissement :
7 Les textes non disponibles en traduction sont indiqués entre crochets.
8 Le choix de l'usage des caractères simplifiés ou non simplifiés, ainsi que de la
transcription des noms, est laissé au gré de l'auteur de l'article. NOTES1. La préface, ainsi que la postface de ce numéro intitulé " Les épreuves du corps en littérature.
Le cas de la Chine et du Japon », offrent une approche comparatiste de la question.2. LE BRETON David, L'Adieu au corps, Paris, Métailié, 1999.
3. Voir " l'acteur-réseau » LATOUR Bruno, Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie
symétrique, Paris, La Découverte, 1993.4. Nus et paysages: Essai sur la fonction de l'art, Aubier, 1979. 9
1. Corps saturés10
L'action d'écrire et le corps" Comment écrire » de Lu XunYoshinobu Shino
Le corps comme métaphore chez Lu Xun
1 Lu Xun (1881-1936) accorde une certaine importance au corps, même s'il ne le
décrit pas avec une grande variété d'expression. Dans ses oeuvres, c'est le corps mangé qui vient spontanément à l'esprit. Par exemple, dans les nouvelles " Le journal d'un fou » / (1918) ou " Le remède » / (1919), recueillies dans Cris / (1923), la chair humaine est un remède médical. Le recours à cette figure du corps mangé, enétroite relation avec la notion de piété filiale, est une façon de dénoncer tout ce qui
dans l'histoire de la Chine, comme le supposé cannibalisme, relève de la " superstition » et de l'inhumain. Depuis la dynastie Tang (618-907), avait cours la croyance selon laquelle la maladie des parents pouvait être guérie par la consommation d'un morceau de la cuisse de leurs enfants. Ce remède était réputé efficace, parce que le corps d'un enfant était perçu comme de même nature que celui de ses parents, idée en partie basée sur ce propos des Rites / , l'un des Cinq Classiques confucéens : " le corps est la donation des parents / »1. Qui offrait un morceau de son corps à ses parents faisait donc officiellement l'objet d'éloges : il était vu comme un enfant pieux. Cette tradition du cannibalisme pour recouvrer la santé était si répandue2 qu'on utilisait aussi la chair d'autres personnes sans lien familial direct, en particulier les cadavres de condamnés à mort.2 C'est pour dénoncer cette pratique que Lu Xun écrit la nouvelle " Le remède ». Le sujetdu recueil Cris n'est pas encore celui du corps mangé comme tel, mais plutôt d'une part,
la relation entre ceux qui sont susceptibles de manger ou d'avoir déjà mangé à leur insu de l'homme, et d'autre part, ceux qui ont peur d'être mangés. Il s'agit pour Lu Xun de montrer que le prétexte d'ordre rituel dissimule une relation de domination sociale : ce que Wu Yu (1872-1949), penseur et activiste de l'ère de la République de Chine, appelle en 1919 " Les rites cannibales » / dans la revue Nouvelle Jeunesse /113. Ultérieurement, en 1925, Lu Xun écrivit dans son essai " Notes prises sous la
lampe » / : la prétendue civilisation chinoise n'est rien d'autre qu'un banquet de chair humaine offerte au bon plaisir des riches ; quant à la Chine, c'est la cuisine dans laquelle elle est apprêtée. 43 Ce thème du corps mangé, de la chair du sacrifice se trouve encore en arrière-plan des
textes de Lu Xun dans les années 1910. Chez lui, " le corps est une métaphore et ne peut parler pour le corps réel »5. Aussi le corps mangé sert-il clairement dans son oeuvre de
métaphore critique de l'ancien régime de la Chine impériale et peut-être aussi de laChine républicaine.
Représentation du corps et des victimes
4 Après les années 1920, l'image des victimes du cannibalisme rejoint celle des victimes
des activités de protestation au temps des seigneurs de la guerre (1916-1927). En 1922, dans " Voir le grand dans le petit » / / Ji xiao jian da, texte paru dans le recueil Vent chaud / (1925), Lu Xun déplore l'absence d'explication sur les trois stèlesaccompagnant les tombes des quatre héros exécutés pour avoir tenté d'attenter à la vie
de Yuan Shikai (1859-1916)6. Pour lui, après que toutes les victimes ont versé leur sang sur l'autel, " il ne reste rien d'autre pour les gens que la distribution de la chair des victimes () » (Lu Xun Quanji, vol. 1, p. 407). Dans Correspondance avec XuGuangping
7 / (1933), Lu Xun reprend ce propos :
les sacrifices sont faits pour la bénédiction des masses : après les avoir offerts aux dieux, les gens se partagent leur chair en rétribution. (Lu Xun Quanji, vol. 11, p. 75)5 Dans La Mauvaise herbe / (1927), son recueil de poèmes en prose, Lu Xun recourt à
la représentation d'un corps qui n'est plus vif, ni déjà mort, proche par cette dimension paradoxale du motif du " sang frais » ou " pâli » / que l'on y rencontre également. Par exemple, quand dans " Vengeance » / (1924), il décrit deux personnages apparemment sur le point de s'embrasser ou s'entre-tuer, mais qui finalement ne bougent pas, et précise : L'épiderme humain a moins d'un demi-millimètre d'épaisseur ; sous cette paroi, dans un réseau de veines qui s'entrelacent comme piste de larve sur un mur, circule un sang rouge et ardent qui diffuse sa chaleur dans tout le corps 8. (Lu Xun Quanji, vol. 2, p. 172)6 Dans " Le passant » / (1925), le protagoniste, en marche vers un cimetière, montre
son pied blessé à un vieillard et se plaint aussi de manquer de sang (Lu Xun Quanji, op. cit., vol. 2, p. 191). Dans " Épitaphe » / , le narrateur rêve d'un serpent ayantmangé son propre corps, puis découvre un cadavre " à la poitrine défoncée et à qui il
manque le coeur et le foie » (La Mauvaise herbe, p. 95) / (Lu Xun Quanji, vol. 2, p. 202). Un autre poème en prose du même recueil, " Après la mort » / (1925), met en scène un corps encore doté de ses sens et de conscience, agacé par une fourmi et une mouche9. Comme l'indique Maruo Tsuneki (1937-2008),
l'intrigue de ce poème reprend le texte [Un guerrier et les mouches] / ,12 dans le recueil Toujours sous le dais fleuri / (1926)10, qui fait l'éloge d'un guerrier mort, dont le corps infesté d'insectes est de fait une nouvelle figure du corps mangé. Ou encore, dans " Parmi les traces de sang pâli » / , Lu Xun s'en prend au" Créateur », qui " amène les hommes à verser le sang, mais à ce sang répandu, il n'ose
pas préserver son ardente couleur » (La Mauvaise herbe, p. 115) / (Lu Xun Quanji, vol. 2, p. 221). Une série d'expressions exprime la compassion qu'il éprouve envers les victimes d'assassinats politiques. Dans ce contexte, il réfléchit sur le rôle de la littérature, surtout sur son impuissance, notamment à se substituer aux victimes : Lu Xun ne peut, en effet, mourir à leur place.7 Nous allons examiner sa pensée sous trois aspects : tout d'abord, l'inutilité de la
littérature face à la mort des autres ; ensuite, la littérature comme préservation de la mémoire des victimes ; enfin, la tentative de partager leur souffrance avec les lecteurs. C'est quand il s'agit du partage de cette souffrance, que Lu Xun fait appel à la figure du corps.L'inutilité de la littérature
8 Dans " Après avoir écrit 'En se heurtant aux murs' » / (1925), Lu Xun écrit :
J'ai vu un assassin tuer des gens en riant, j'ai vu des cadavres danser dans le sol crotté [...] J'ai essayé de les dessiner, mais n'ai pu tracer même une ligne. . (Lu Xun Quanji, vol. 3, p. 72-73)9 Dans un autre texte, " La littérature au temps de la révolution » /
(1927), il avoue aussi l'inutilité de la littérature face à la violence des puissants (Lu Xun
Quanji, vol. 3, p. 417), mais n'a pas d'autre choix que d'écrire, car il ne peut se livrer à d'autres tâches.10 Dans son prologue à La mauvaise herbe (1927), il écrit que la mauvaise herbe " sait se
nourrir de la chair et du sang des cadavres » / . Cette mauvaise herbe est une figure allégorique de sa propre littérature. Faisant mine de déprécier son oeuvre, Lu Xun espère que " cette mauvaise herbe mourra et pourrira bientôt » (La Mauvaise herbe, p. 53, 54) / , (Lu Xun Quanji, vol. 2, p. 159). En fin de compte, il écrit en souhaitant que son écriture n'aboutisse à rien : il pense sa littérature comme un ouvrage temporaire élaboré dans une période de crise. Dans cette situation, c'est l'action d'écrire, plus que le contenu, qui fait l'objet de sa réflexion. C'est dans cet esprit que Lu Xun écrit son essai " Comment écrire ? » / (1927, v. infra). La littérature comme préservation de la mémoire des victimes11 Lu Xun n'ayant cessé d'écrire, il lui fallait trouver une raison d'être à sa littérature. Son
rôle est tout simplement de commémorer l'action des victimes en soutien à ceux qui suivent leurs traces. À ce niveau, les tâches du militant et de l'écrivain sont clairement séparées. Dans sa Correspondance avec Xu Guangping, Lu Xun écrit : Je manque et de force et de courage. Je n'ai pas le choix : tout ce qui se trouve à ma portée, c'est un pinceau. . (Lu Xun Quanji, vol. 11, p. 31)1312 Lu Xun dit aussi que tandis que la révolte de Xu Guangping la mène à " espérer
l'avènement de la lumière » / , la sienne propre ne conduit qu'à " lutter avec l'obscurité » / (Lu Xun Quanji, vol. 11, p. 79), lutte qu'il qualifie souvent de " guerre de tranchées » / , en comparaison avec les combats au corps à corps. En d'autres termes, il s'agit d'une comparaison entre lutte spirituelle et corporelle. Il constate que la lutte est beaucoup plus précieuse que la littérature : se pose alors la question de la raison d'être de la littérature. Voici ce qu'il écrit dans un essai, " Une trouvaille inopinée » / (11-5) : Même si les noms des victimes à Shanghai et Hankou seront totalement oubliés dans quelques jours, le poème et la prose survivront plus longtemps : ils aurontl'opportunité d'émouvoir les autres ou d'éclairer la prochaine génération. C'est là
où les écrivains trouvent leur utilité. (Lu Xun Quanji, vol. 3, p. 94)13 Lu Xun s'était indigné contre l'oppression politique, mais l'incident du 18 mars 1926,
lors duquel le seigneur de guerre Duan Qirui (1865-1936) perpètre un massacre contre des manifestants, fut d'autant plus choquant que certains de ses étudiants se trouvaient parmi les victimes. En apprenant la mort violente de Liu Hezhen(1904-1926), l'une de ses étudiantes à l'Université normale de Pékin pour jeunes filles /
, Lu Xun dans " À la mémoire de Liu Hezhen » / (1926) exprime ainsi sa volonté d'écrire : " Bientôt, l'oubli, salutaire, sera là ; je me dois vraiment d'écrire quelque chose » / (Lu Xun Quanji, vol. 3, p. 274)11. " Quelque chose » (yidian dongxi), parce qu'avant de se demander quoi écrire, il s'agit avant tout d'écrire, quel que soit le sujet traité.Nous y revenons plus bas.
14 Lu Xun souhaite que sa littérature soit utile pour faire passer les noms des victimes à la
postérité, cependant il ne peut se substituer à elles. Ce sont les révolutionnaires, non l'écrivain, qui sont assassinés. Et les victimes étaient souvent plus jeunes que Lu Xun. Dans " Postface à La Tombe » / (1926), il regrette, au nom de l'inutilité de sa littérature, la publication de ses oeuvres choisies (d'une manière proche de ce qu'il fait dans le prologue de La mauvaise herbe). Toutefois, il semble malgré tout lui reconnaître une certaine efficacité, car il demande au lecteur de le lire : dans un texte du recueil, " Cessons d'être fair-play » / , parce que : Ce texte n'est pas écrit avec mon sang, mais en regardant le sang de gens de monâge et d'autres plus jeunes que moi.
(Lu Xun Quanji, vol. 1, p. 283)15 Le conflit intérieur de Lu Xun concernant le pouvoir de la littérature se fait jour ici. Le partage de la souffrance des victimes
16 En réaction aux meurtres de ses contemporains, surtout de ses étudiants, Lu Xunreprend le motif du cannibalisme. Dans " Réponse à Monsieur You Heng » /
(1927), il reprend l'allégorie de la Chine comme banquet de chair humaine : " J'ai découvert cependant que j'aidais moi aussi à servir à ce banquet » / (Lu Xun Quanji, vol. 3, p. 454). C'est pour Lu Xun un terrible aveu. Pourtant, c'est parce qu'il participe à ce banquet cannibale qu'il peut partager la souffrance des victimes tuées : par la prise de conscience de sa complicité, l'auteur14 tente de partager leur souffrance. C'est ici que se trouverait la possibilité de substituer l'encre de son pinceau au sang des victimes (sur les rapports entre le sang et l'encre, voir plus bas), bien qu'il soit très peu assuré d'y parvenir. Mais, comme il le dit dans " L'espoir » / , " le désespoir est une illusion, tout comme l'espoir »12 - ou encore dans " Mon pays natal » / : " tout endroit où les hommes passent nombreux se transforme en route » 13.17 La nouvelle " Les épées » / (1927) est un récit de vengeance. Le héros, Meijianchi /
, qui veut se venger du roi ayant tué son père, confie sa propre tête à un homme.Cet homme réussit plus tard à tuer le roi, dont la tête elle aussi décollée se bat avec
celle de Meijianchi dans un chaudron, dans lequel elles sont toutes deux mises à cuire.quotesdbs_dbs27.pdfusesText_33[PDF] Beyond Obligatory Presupposition - Anciens Et Réunions
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