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Tiré de Genèse 39 (la Bible)

En prison. Tiré de Genèse 39. (la Bible) Un modeste cercle de prisonniers avides de violence ... La guerre des regards fait pourtant rage. Le nouvel.



LES LOIS SPIRITUELLES

Disons que le jugement final dont parle la Bible est une plus compréhensif envers les autres la rancœur et la rage se réveillent.



Renaissance Misogyny Biblical Feminism

https://www.jstor.org/stable/3039184



la traduction de la Bible au Pays Basque

1 oct 2002 que la lutte faisait rage entre catholiques et protestants autour de la Bible -les catholiques desirant que le clerge soit garant de l'inter ...



La théorie de la « verge de Dieu » dans les tragédies religieuses d

Les tragédies bibliques d'André de Rivaudeau (1540-1580?) et de Robert comme avide de carnage s'enivrant du sang de ses victimes et se gorgeant.



LEnfant et les Sorts Bibliques

une consultation des sorts bibliques.4 De plus dans la scene du M. Geffcken



De lanalysibilité des racines de lhébreu biblique

23 ene 2014 du vocabulaire de l'hébreu biblique et se présente en trois parties. Dans un premier temps ... avaler manger avec avidité ... colère



DE QUELQUES FIGURES DE STYLE (LA MÉTAPHORE LA

14 feb 2012 suit un parcours qui le mène progressivement de l'avidité à la générosité. ... Ma béate en frémit de rage et s'en vint comme une furie m'en.



TEXTO Y SOCIEDAD EN LAS LETRAS FRANCESAS Y

l'accuse de la rage Et service d'autrui n'est pas un héritage. CHRYSALE. Qu'est-ce donc ? mucho que se lea la Biblia22 “Lire la Bible n'y fait rien.

TEXTO Y SOCIEDAD

EN LAS LETRAS FRANCESAS

Y FRANCÓFONAS

Edición de Àngels Santa y Cristina Solé Castells

Con la colaboración de Carme Figuerola,

Montserrat Parra y Pere Solà

Departament de Filologia

Clàssica, Francesa i Hispànica

Universitat de Lleida

2009
Esta publicación ha sido posible gracias a la ayuda económica de: Ministerio de Educación y Ciencia, [acción complementaria, referencia HUM2006-27348E/FILO]; Generalitat de Catalunya, Departament d'Universitats i Empresa. [AGAUR, referencia Nº

2006/ARCS2/00002];

Asociación de profesores de francés de la universidad española; y la Universitat de Lleida.

Palabras clave:

Texto, sociedad, cultura francesa, literatura francesa, lingüística francesa, cine, publicidad, didáctica, FLE, traducción, francofonía, Angels Santa, Cristina Solé, Universitat de Lleida.

Mots clés:

Texte, société, culture française, littérature française, linguistique française, cinéma, publicité, didactique, FLE, francophonie, Angels Santa, Cristina Solé,

Université de Lleida.

Keywords:

Text, society, French culture, French Literature,

French linguistic, cinema, publicity, didactics, translation, French speaking country, Angels Santa, Cristina Solé,

University of Lleida.

Ilustración de la portada:

Montserrat Vendrell

isbn: 978-84612-9667-5

DL: l-263-2009

© 2009, de esta edición,

Departament de Filologia Clàssica, Francesa

i Hispànica de la Universitat de Lleida. ´ Le plus grand EuropÈen de la littÈrature franÁaise ª

Antoine Compagnon

LÕautre jour, par lÕun de ces beaux dima

nches de printemps en fŽvrier que nous Anglais assis sur une tombe. FatiguŽs de la promenade, ils conversaient aimablement.

LÕun dÕeux se plaignait de lÕinsuffisance de lÕenseignement de lÕhistoire quÕils avaient

parce que celui-ci figure dans tous les guides de Paris, ils se sentaient perdus, ŽgarŽs,

dŽboussolŽs, car il Žtaient dŽpourvus du bagage de lÕhistoire europŽenne Ð les noms ne

leur disaient rien Ð devant la tombe de Balzac ou de Proust, de Sully-Prudhomme et Raymond Roussel, ou de Beaumarchais, Brillat-Savarin et Bourdieu, qui reposent en voisins, mais aussi de Radiguet et de Perec, dÕAnna de Noailles, dÕOscar Wilde, de Gertrude Stein et dÕAlice Toklas, de Richard Wright, ou de Cherubini et de Chopin, de Rossini et dÕEnesco, ou de Miguel Angel Asturias. Toute lÕEurope est enterrŽe lˆ ainsi

connaissance de lÕhistoire Ð non seulement lÕhistoire littŽraire, mais aussi lÕhistoire des

arts et des batailles, de lÕEmpire, de la

Commune et du Parti communiste franais, du

mŽmoire Žminents de lÕidentitŽ franaise et europŽenne, de Paris capitale du XIX e avec des prolongements jusquÕau Nouveau Monde, ˆ Richard Wright ou Jim Morrison,

lÕune des tombes les plus frŽquentŽes. Sans lÕŽpaisseur de lÕhistoire, quelle diffŽrence

Cette visite mÕa fait songer ˆ notre identitŽ europŽenne commune : je ne veux pas

lÕidentitŽ europŽenne avait ŽtŽ longtemps associŽe ˆ une culture historique et littŽraire

ce encore le cas ? QuÕen est-il de notre identitŽ europŽenne sans culture historique ni littŽraire, sans culture humaniste, ou lorsque cette culture se rŽduit au minimum ou quÕelle est marginalisŽe ? Une rŽflexion me semble nŽcessaire sur lÕhistoire de la 1 littérature comme fondement de l'identité européenne. Quelle place pour la culture littéraire dans l'identité européenne contemporaine ? Le d

ébat récent sur les racines

judéo-chrétiennes communes de l'Europe, à propos du préambule de la Constitution, a mis en évidence l'absence de consensus sur notre culture historique. Une constitution abstraite, comme en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale où elle a permis de conjurer le passé, pourra-t-elle servir à elle seule de culture européenne commune pour l'avenir ? Certaine valeurs européennes essentielles ont été portées jusqu'ici par la

littérature : la tolérance, la liberté, la solidarité, les droits de l'homme. Mais quelle

littérature peut encore nous réunir ? L'humanisme, les Lumières, le romantisme, la modernité ? Dans la littérature françai se, Montaigne, Rousseau, Hugo, Proust ? Le canon patrimonial ou la littérature dite " vivante » ? La littérature des professeurs ou celle des écrivains ?

Alors qu'on oppose d'habitude l'

histoire au mythe, comme la science à la légende et le progrès à la tradition, l'histoire nous a servi longtemps de mythe, en l'occurrence de grand récit national. Et la littérature semble elle aussi avoir surtout servi jusqu'ici à la

constitution des identités nationales et avoir ainsi légitimé l'autorité des États-nations,

leur expansion coloniale et tous les maux occidentaux pour lesquels il est désormais devenu convenable de faire repentance. On sait la contribution indispensable du canon des grands écrivains à l'instruction civique des Français sous la III e

République, ou de la

Great Tradition anglaise à la lutte contre la " barbarie de l'intérieur », de Matthew

Arnold à F. R. Leavis. La littérature a longtemps exercé son autorité sur la nation. Peut-

elle exercer désormais une autorité européenne ? Si l'histoire est un mythe national et si les littératures d'Europe sont des littératures essentiellement nationales Ð " The Vikings, always the Vikings » Ð, mes jeunes Anglais du Père-Lachaise y sont perdus pour longtemps. Tandis que je méditais à leur pr opos, un gardien s'approcha d'eux et les interpella rudement : " Posez pas vos culs sur les sépultures ! », s'écria-t-il avec un accent parisien, car dans l'Europe multiculturelle où la place des littératures nationales se réduit comme peau de chagrin, subsistent heureusement les accents.

Histoire ou mémoire

D'où une première question, inévitable. Si la littérature, ou du moins une certaine

littérature peut encore fonder l'identité européenne, ou du moins une certaine identité 2

européenne, sous quelle forme l'entendre ? Sous la form e de l'histoire littéraire, de ce qu'on appelle d'habitude histoire littéraire ? Cela semble la réponse courante. Mais

l'histoire littéraire n'est-elle pas plutôt, ou n'a-t-elle pas été traditionnellement, le

fondement des identités nationales ? Aux histoires littéraires, qui sont nationales par définition, j'aurais envie

d'opposer une " mémoire littéraire européenne » pour définir notre identité, c'est-à-dire

non pas une histoire mais plut ôt une géographie ou une géologie, car toute mémoire est spatiale Ð c'est du temps spatialisé Ð plus que temporelle et chronologique. Le mémoire se représente dans l'espace comme le voulait l'ancienne rhétorique à Herennius : c'est un terrain, un paysage, une archéologie, des lieux de mémoire, des couches enchevêtrées par l'anachronie et l'hétérochronie. Une mémoire peut ne peut pas se résumer dans une liste, un canon ou un Panthéon. Je songe ici à Ernst Robert Curtius, le patron de la mémoire littéraire. Harald Weinrich qualifiait de " spatialisante » la démarche de ce grand romaniste allemand dans son livre fondamental, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin (1948), écrit sous le nazisme, comme pour se réfugier de l'histoire contemporaine 1 , privilégiant la romanité et l'axe culturel Sud-Ouest contre l'historicisme et la tentation allemande de l'Orient. Curtius négligeait les sources proches et les influences immédiates Ð le programme même de l'histoire littéraire positiviste de Lanson Ð, pour examiner le réservoir universel de l'Antiquité gréco-latine et du Moyen Âge latin, les topoi de la rhétorique, comme des " constantes » rencontrées à chaque pas dans les littératures modernes car elles composent le patrimoine culturel de l'Europe. C'est donc au sens de Curtius que je substituerais volontiers la mémoire à l'histoire comme fondement de l'identité européenne. Le chercheur à la Curtius se déplace dans ce que Weinrich appelle un " paysage

de mémoire ». La critique littéraire, s'écartant de la méthode historique, devient une

hodologie (de hodos, route, chemin en grec) dans l'espace allusif de la littérature. Nous devrions monter un colloque sur l'hodologie européenne, sur les pèlerinages dans l'espace de la mémoire littéraire européenne, par des lecteurs qui se veulent des promeneurs, des amateurs ou des honnêtes hommes. Ainsi, en face de Lanson, patron de l'histoire littéraire nationale, Curtius serait le

patron de la mémoire littéraire européenne. Son livre peut lui-même être décrit comme

1

Voir Harald Weinrich (1995) : " Histoire littéraire et mémoire de la littérature : l'exemple des études

romanes », Revue d'histoire littéraire de la France, n o

6, Supplément (" Colloque du centenaire »). 3

un vaste paysage à arpenter : un livre de mémoire, non pas un livre d'histoire. Il est inspiré par les " form es symboliques » d'Er nst Cassirer, pour qui symboles et mythes étaient des moyens de connaissance du monde, et par la " Mnémosynè » d'Aby Warburg, fondateur de l'iconologie, observateur de l'héritage classique de la Renaissance italienne, qui se lança dans une entreprise un peu folle : le repérage de toute la mémoire iconographique de l'Occident dans un atlas d'images, quarante grands panneaux et mille images classées suivant par thèmes. Derrière Curtius, il est aussi possible de remonter au bel article de Sainte-Beuve sur les classiques comme espace de mémoire. Dans " Qu'est-ce qu'un classique ? » (1850), le critique décrit le paysage des lettres à la manière d'un terrain au relief bousculé, une tradition et non pas une histoire, avec des strates et des résurgences : " Le

Temple du goût, je le crois, est à refaire ; mais, en le rebâtissant, il s'agit simplement, de

l'agrandir, et qu'il devienne le Panthéon de tous les nobles humains [É]. Pour moi, qui

ne saurais à aucun degré prétendre (c'est trop évident) à être architecte ou ordonnateur

d'un tel Temple, je me bornerai à exprimer quelques voeux, à concourir en quelque sorte pour le devis. Avant tout je voudrais n'exclure personne entre les dignes, et que chacun

y fût à sa place, depuis le plus libre des génies créateurs et le plus grand des classiques

sans le savoir, Shakespeare, jusqu'au tout dernier des classiques en diminutif, Andrieux.

ÒIl y a plus d'une demeure da

ns la maison de mon pèreÓ : que cela soit vrai du royaume du beau ici-bas non moins que du royaume des cieux 2 Or Sainte-Beuve a ici attachée une note suggérant sa source : " Goethe, qui est si

favorable à la libre diversité des génies et qui croit tout développement légitime pourvu

qu'on atteigne à la fin de l'art, a comparé ingénieusement le Parnasse au mont Serrat en Catalogne, lequel est ou était tout peuplé d'ermites et dont chaque dentelure recélait son pieux anachorète : ÒLe Parnasse, dit-il, est un mont Serrat qui admet quantité

d'établissements à ses divers étages : laissez chacun aller et regarder autour de lui, et il

trouvera quelque place à sa convenance, que ce soit un sommet ou un coin de rocherÓ. » Il me fait plaisir, ici, à Lleida, de rappeler quel fut le modèle géographique de la Weltliteratur, ou mémoire littéraire universelle, de Goethe à Sainte-Beuve et à Curtius, tolérante et solidaire : " Homère, comme toujours et partout, y serait le premier, le plus semblable à un dieu ; mais derrière lui, et tel que le cortège des trois rois mages d'Orient, se verraient ces trois po‘tes magnifiques, ces trois Homères longtemps ignorés 2

Causeries du lundi, t. III, p. 50-51. 4

de nous, et qui ont fait, eux aussi, à l'usage des vieux peuples d'Asie, des épopées immenses et vénérées, les po‘tes Valm iki et Vyasa des Indous, et le Firdusi des Persans : il est bon, dans le domaine du goût, de savoir du moins que de tels hommes existent et de ne pas scinder le genre humain. » La bibliothèque rassemblant toute la littérature est vue comme un paysage agité et secoué. Le Parnasse a un relief pittoresque et accommodant où les minores ont leur place, même si Sainte-Beuve se méfie ailleurs Ð dans sa leçon inaugurale à l'École normale supérieure en 1858 Ð de cette image biscornue et excentrique : " [Goethe]

agrandit le Parnasse, il l'étage [É] ; il le fait pareil, trop pareil peut-être au Mont-Serrat

en Catalogne (ce mont plus dentelé qu'arrondi) 3 . » À l'école, une conception chronologique et hiérarchisée de la littérature s'impose, tandis que dans le monde, convient mieux une vision mémorielle des lettres, géographique ou hodologique, anachronique ou hétérochronique. Deux représentations de la littérature se font ainsi en concurrence, et la seconde, moins canonique, plus stratifiée et compliquée, avec des couches qui remontent et se

mêlent, est plus fidèle à notre sens du présent comme assemblage d'instants hétérogènes

et autonomes, comme " non-simultanéité des contemporains », ainsi que le décrivait Hans Robert Jauss en s'inspirant non seulement de Sainte-Beuve et de Curtius, mais aussi de Siegfried Kracauer : dans le présent littéraire, coexistent de moments qui " sont

en réalité situés sur des courbes différentes, soumis aux lois spécifiques de leur histoire

spécifique ». Par conséquent " la simultanéité dans le temps n'est qu'une apparence de

simultanéité 4 Rien ne meurt en art. L'art du passé reste vivant (c'est ce qui troublait Marx). On

ne saurait appliquer à la littérature la conception moderne de l'histoire, orientée, linéaire

et dialectique, fondée sur les notions de progrès et d'évolution, pour laquelle les mouvements et les écoles se succèdent proprement (romantisme, Parnasse, symbolisme, classicisme moderne, Esprit nouveau, surréalisme), où l'ancien remplace le nouveau. La mémoire littéraire, comme une géologie de résurgences et de réminiscences,

connaît la coexistence du présent et du passé, non de l'abolition du passé par le présent.

Tout vit, comme un souvenir dont on ne se souvient pas. La mémoire européenne des lettres s'apparente ainsi à une géographie, non pas à une histoire. 3

" De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre », Causeries du lundi, t. XV, p. 368.

4

H. R. Jauss (1978), Pour une esthétique de la réception (1975), trad. fr., Paris, Gallimard, p. 76. 5

Géographie culturelle de l'Europe entre-deux-guerres Mais peut-on défendre aujourd'hui l'idée d'une mémoire littérair e européenne commune ? La mémoire littéraire, non l'histoire, peut-elle fonder une identité européenne Ð mémoire à la Montserrat au relief compliqué ? Cela rappelle la vieille question du Panthéon littéraire européen. Au fronton des bibliothèques du XIX e siècle, quels écrivains inscrire, notamment pour la France ? Le problème est familier, la littérature française, dans sa continuité, n'a pas d'écrivain à placer dans un canon

européen des prophètes littéraires, auprès de Dante, Shakespeare, Cervantès, Goethe et

parfois Pouchkine. La question s'est de nouveau posée durant l'entre-deux-guerres, dans les années

1920 de la réconciliation franco-allemande, à la recherche d'une culture européenne

commune. Et il est éclairant d'observer comme elle a été alors traitée. En 1929, Albert Thibaudet montre son actualité dans sa chronique de la NRF, justement intitulée " Pour

la géographie littéraire » : " André Gide, interrogé à Berlin par un rédacteur de la

Literarische Welt, sur le Français qui lui paraissait susceptible, pour l'humanisme général, d'un rôle goethéen, répondit : Montaigne 5 . C'était le moment où M. Paul Souday consacrait pendant près d'un mois son rez-de-chaussée mercurial aux publications récentes sur Victor Hugo et conclu ait une fois de plus que le Poète de l'Arc

de Triomphe et du Panthéon occupe dans la littérature française, conçue à la manière

d'un rond-point, la situation de ces monuments sur leur place 6 . Voilà une occasion de rectifier une fois de plus une centromanie patente chez M. Souday, larvée chez André Gide, et qui, sous l'une et l'autre de ses formes, me paraît également contraire au génie et à l'élan de la littérature française 7 Suivant le cliché, chaque littérature nationale est représentée par un écrivain souverain, mais la littérature française es t pénalisée par l'absence d'un être suprême dont graver le nom au fronton. Qui mettre ? Montaigne ou Hugo ? Ou encore Molière ? Thibaudet, en bon élève de Bergson, refus cette réduction à l'unique. 5

C'est Walter Benjamin qui avait interrogé Gide sur l'influence de Goethe pour un article non signé du

Literarische Welt du 1

er février 1929. 6

En janvier-février 1929, le feuilleton de Souday dans Le Temps porta sur des publications récentes sur

Hugo. 7 " Pour la géographie littéraire », NRF, 1 er avril 1929, in Réflexions sur la littérature, Paris, Gallimard, " Quarto », 2007, p. 1277-1279. 6 " Il y a quelques semaines, poursuit-il, un Allema nd me pos ait une question analogue à celle qui fut posée à Gide. Il me demandait de lui indiquer le livre qui me semblait exprimer le plus complètement et le plus profondément le génie de la

littérature française. Je lui répondis : ÒPrenez le petit Pascal de Cazin avec les notes de

Voltaire. C'est un joli bibelot de la librairie élégante du XVIII e siècle. Et ce dialogue Pascal-Voltaire, ce contraste, cette antithèse, vous donnera précisément la littérature française en son mouvement de dialogue viva nt jamais terminé, de continuité qui change et de chose qui dure. » L'argument, qui fait en effet songer à Bergson par l'image de la littérature française qui change et qui dure, érige le couple, à la fois dans l'instant et dans

l'histoire, en propre de la littérature française, et sur cette base la pluralité. La littérature

est un ensemble organique traversé par un élan vital. C'est aussi, dans la sociabilité de tous ces couples synchronique s et diachroniques qui prolifèrent, une République des lettres, française, européenne, aujourd'hui mondiale. " Si au lieu de choisir entre les produits des éditeurs, je pouvais com poser moi- même le volume, j'ajouterais aux deux petits in-12 l'Entretien avec M. de Saci, c'est-à- dire, avant le débat pascalien avec Voltaire, le débat pascalien avec Montaigne. Mais je maintiendrais mon refus de centrer et de fixer. J'appliquerais au terme Montaigne- Pascal-Voltaire la formule de Pascal sur le même homme qui dure (ajoutons : qui change) et qui apprend continuellement. Et cette suite, elle ne serait pas plus toute la

littérature française que Goethe n'est toute la littérature allemande, mais elle y tiendrait

la place caractéristique de Goethe. Notez d'ailleurs que ce pluralisme extérieur de Montaigne-Pascal-Voltaire n'est pas sans analogie avec le pluralisme intérieur de Goethe et son opulente multiplicité. Votre génie national a ramassé dans un homme

cette variété, ce dialogue, ces oppositions qui sont nécessaires à la vie supérieure de

l'esprit. Le nôtre les a explicités en plusieurs hommes en contraste violent dans le temps et dans la nature. L'essentiel demeure comparable.Ó » La littérature française est irréductible à un seul homme. Et voilà une belle idée dynastique : face à l'histoire littéraire scolaire et lansonienne, Thibaudet revient à un mythe fondateur de l'identité nationale tr

ès Ancien Régime : il conçoit toute la

littérature comme un seul écrivain, toujours le même et toujours un autre, qui dure qui change, car dignitas non moritur : " Le Rois est mort ! Vive le Roi ! » Mais cette image est-elle transposable à l'Europe ? 7 " À la réflexion, concluait Thibaudet, j'ajoute un quatrième nom, un quatrième interlocuteur de ce dialogue central : Chateaubriand. Chateaubriand répond à Voltaire comme Voltaire à Pascal et Pascal à Montaigne. » Et pourquoi n'ajouterai-je pas Proust ? Montaigne-Pascal-Voltaire-Chateaubriand-ProustÉ Comme un seul homme, le poète éternel. La littérature est une maison : " J'ai le sentiment d'habiter une littérature qui vit sous la loi du plusieurs, ou du couple. Une loi qui fonctionne dans l'ordre du temps,

puisque, d'un siècle à l'autre, des génies antithétiques, ou symétriques, se répondent, où

s'opposent, ou se complètent, forment une durée réelle. Mais aussi une loi qui fonctionne dans l'espace, dans le simultané. » Et ce pluralisme, Thibaudet le fait remonter à Montaigne, comme Gide, ou comme Charles Du Bos qui disait dans les mêmes années : " C'est Montaigne qu'il me faut, et c'est lui que je dois reprendre : il est sans doute, et je devrais dire sûrement , le plus grand Européen de la littérature française 8 . » Gide, Du Bos, Thibaudet promeuvent alors Montaigne comme l'Européen. Au sens de la tolérance et de la liberté, du pluralisme et du mobilisme, de l'esprit critique. C'est cet oecuménisme qui devait idéalement présider au forum européen de l'entre-deux-guerres.

Ambiguïtés de l'Europe littéraire

Une note de prudence s'impose pourtant. Si on veut se servir de la littérature pour fonder une identité européenne, il faut aussi méditer sur son usage et son abus entre les deux guerres, quand on a cru qu'elle pouvait donner un motif de rédemption européenne. Jacques Rivière plaidait pour la réconciliation des intellectuels européens dans le numéro de reprise de la NRF en juin 1919, s'opposant au manifeste nationaliste du " Parti de l'intelligence », lancé dans Le Figaro par Henri Massis, proche de l'Action française. Le directeur de la NRF se déclarait favorable au rapprochement franco- allemand et à une Europe de la culture, à une Europe littéraire. C'est pourquoi Thibaudet l'appellera " L'Européen » dans le numéro d'hommage de la NRF en 1925, après sa mort. 8 Du Bos donne des " Extraits d'un journal » au 7 e numéro des

Chroniques en 1929, p. 73-126. 8

Les Décades de Pontigny, qui se veulent le " noyau de la future Europe », reprennent en 1922. Gide, Du Bos e t Curtius en sont des piliers, et la littérature y est souveraine. Plusieurs revues nourrissent un projet culturel européen : Europe est fondée en 1923, autour de Romain Rolland ; La Revue européenne, dirigée par Edmond Jaloux, paraît de 1923 à 1931 ; L'Europe nouvelle, revue de Louise Weiss publiée depuis janvier 1918, se met au service de l'idéal de Genève et de la Société des Nations. En

Allemagne, l'

voit le jour en avril 1925, sous la direction du prince Charles Antoine de Rohan, ou Karl Anton Rohan, d'une branche restée en Autriche

depuis l'émigration : catholique, fédéraliste, européiste, il est le secrétaire général de la

Fédération internationale des unions intellectuelles. Sa revue, plus tard national- socialiste, disparaîtra seulement en 1944. L'Europe qu'ils défendent est celle des élites et de la haute culture, une Europe qui redoute les progrès de la démocratie. La création de la Commission internationale de

coopération intellectuelle (CICI) est décidée en septembre 1921 à l'assemblée générale

de la SDN, et elle est formalisée par le conseil de la SDN en janvier 1922. Bergson en est le premier président. En juillet 1924, le ministre de l'Instruction publique du Cartel des gauches, François Albert, propos la création, aux frais de la France, d'un Institut international de coopération intellectuelle (IICI), création approuvée par l'assemblée générale de la SDN de septembre 1924. L'IICI sera inauguré en janvier 1926 au Palais- Royal, avec Paul Painlevé à la présidence du conseil d'administration. En 1931, la CICI devient une organisation technique de la SDN, parallèle à l'Organisation internationale du travail (OIT) : l'Organisation de coopération intellectuelle (OCI), dont le Comité permanent des lettres et des arts organise des entretiens et des correspondances.

En 1926, Valéry est invité par Charles de Rohan à la troisième assemblée générale

de la Fédération internationale des unions intellectuelles, qui se tient à Vienne, du 17 au

20 octobre 1926, sur le rôle de l'intellectuel dans les sociétés européennes. La

traduction de sa célèbre " Note (ou l'Européen) » vient de paraître, sous le titre " Europa », dans l' de septembre 1926. Émile Borel, Ernst Robert

Curtius sont aussi présents à Vienne, de

même que Carl Schmitt, le juriste et le théoricien de l'État, professeur à Bonn. Valéry prend la parole le 20, dernier jour de

l'Assemblée générale, consacré à débattre du rôle de l'intellectuel dans l'organisation de

l'Europe, juste avant Carl Schmitt, tandis que Hofmannsthal préside la séance. Europe pour le moins mêlée que celle-là ! 9 Thibaudet défend dans de nombreux articles des années 1920 l'idéal européen et la " mystique de la SDN », jusqu'aux désillusions du début des années 1930. Il est à

Francfort et Heidelberg pour " Le IV

e

Congrès des Unions intellectuelles » (sa

1933 avec l'OCI.

Certes, la culture littéraire se trouve bien au centre de ce mouvement humaniste

européen, mais l'une de ses raisons d'être est la méfiance à l'égard de la démocratie, du

cosmopolitisme et du pacifisme, la crainte de la montée d'une internationale de la culture de masse, même si cette expression n'a pas encore cours. D'où une certaine confusion : dans les forums de l'Europe littéraire, des radicaux-socialistes français côtoient les notables du fascisme italien. Hors des frontières, les repères idéologiques se troublent. Thibaudet définit ainsi l'idéal de ces rassemblements européens : " Grouper l'élite intellectuelle de tous les pays en dehors de toutes considérations politiques, afin de faciliter les échanges d'idées et les relations personnelles, et en vue d'établir une atmosphère favorable à la compréhension réciproque des nations. Tout en considérant les diverses valeurs nationales comme les richesses véritables de notre civilisation, la Fédération veut montrer, par son activité, leur universalité supernationale dans le domaine de l'esprit 9 L'Europe ainsi promue bien a une vocation aristocratique et conservatrice, par opposition à celle, plus démocratique, que défendent Henri Barbusse et Romain Rolland dans les mêmes années. Et Thibaudet n'est pas dupe : " Dans ces salons comme dans les salons parisiens, il y a évidemment quelques hommes de gauche, mais pas trop. On a son homme de gauche pour sauvegarder le principe d'universalité. » Ainsi, la délégation française qui se retrouve ainsi en 1927 à Francfort et Heidelberg avec Thibaudet est pour le moins oecuménique, à moins qu'elle ne soit hétéroclite : Émile Borel, mathématicien, ami de Blum et d'Herriot depuis l'École

normale supérieure, est député de l'Aveyron (1924-1936) et a été ministre de la Marine

en 1925 ; Lucien Lévy-Bruhl, professeur d'histoire de la philosophie moderne à la Sorbonne, à la retraite depuis 1926, sympathisant socialiste, a été un collaborateur d'Albert Thomas au ministère des Munitions durant la guerre ; Paul Painlevé est alors 9 " Le IV e

Congrès des Unions intellectuelles », Les Nouvelles littéraires, 29 octobre 1927, in Réflexions

sur la politique, Laffont, " Bouquins », 2007, p. 624-628. 10 ministre de la Guerre, également président du conseil d'adm inistration de l'Institut international de coopération intellectuelle ; quand au cardinal Dubois, c'est l'archevêque de Paris ; et le comte Louis de Blois est un sénateur du Maine-et-Loire de. Les réunit l'idée que l'Europe ne se fera pas avec des internationalistes, mais avec

des " représentants qualifiés, bien caractérisés, autochtones, de leur culture nationale.

Un Allemand francisé, un Français germanisé y tiendraient assez mal cette place ».

C'était la thèse de Gide sur Dosto•evski : celui-ci aurait été d'autant plus universaliste

qu'il était plus nationaliste. Suivant cette logique traditionaliste, on ne saurait être européen sans être d'abord patriote, et on peut être en même temps nationalise et européen ; on est même d'autant plus européen qu'on est attaché à sa nation, parcequotesdbs_dbs27.pdfusesText_33
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