[PDF] N° 1287 ASSEMBLÉE NATIONALE 28 nov. 2008 Audition de





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Droits des patients et fin de vie à domicile : mieux informer la

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N° 1287 ASSEMBLÉE NATIONALE

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du Sud-Toulon-Var. Boris Cyrulnik est un homme très engagé. Il est membre de l'ADMD Association pour le droit de mourir dans la dignité



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N° 1287

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2008.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT AU NOM DE LA MISSION D'ÉVALUATION DE LA LOI N° 2005-370 DU 22 AVRIL 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jean LEONETTI,

Député.

TOME II

AUDITIONS

- 3 -

TOME SECOND

SOMMAIRE DES AUDITIONS

Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la mission ? Audition de M. Axel Kahn, président de l'université Paris V et directeur de

recherches à l'INSERM (Procès-verbal de la séance du 16 avril 2008)..........................7

Audition de M. Patrick Baudry, professeur de sociologie à l'université Michel de

Montaigne - Bordeaux III (Procès-verbal de la séance du 16 avril 2008)......................19

Audition de M. Alain Grimfeld, président du Comité Consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (Procès-verbal de la séance du

30 avril 2008).....................................................................................................................29

Audition de M. Régis Aubry, président du Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l'accompagnement (Procès-verbal de la

séance du 30 avril 2008).....................................................................................................39

Audition de Mme Marie-Frédérique Bacqué, professeure des universités en

psychopathologie clinique (Procès-verbal de la séance du 30 avril 2008)......................49

Audition de M. Guy Benamozig, psychanalyste, docteur en anthropologie

(Procès-verbal de la séance du 30 avril 2008)...................................................................59

Audition de Mme Suzanne Rameix, professeur agrégé de philosophie, maître de conférences, département d'éthique médicale, faculté de médecine de Créteil

(Procès-verbal de la séance du 7 mai 2008).......................................................................67

Audition de proches d'un patient décédé (Unité mobile de soins palliatifs de Saint-

Quentin - Famille Coutant) (Procès-verbal de la séance du 7 mai 2008)........................89

Audition de proches d'un patient décédé d'une sclérose latérale amyotrophique

(SLA) (Procès-verbal de la séance du 22 mai 2008).......................................................95

Audition de M. Paul Pierra et Mme Danièle Pierra (Procès-verbal de la séance

du 28 mai 2008)..................................................................................................................109

Audition de Mme Marie de Hennezel psychologue, auteur du rapport " La France

palliative » (Procès-verbal de la séance du 28 mai 2008)................................................119

Audition de M. Jean-Luc Romero et de Mme Claudine Lassen, président et vice- présidente de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)

(Procès-verbal de la séance du 4 juin 2008)......................................................................131

Audition de Mme Laure Marmilloud, infirmière dans une unité de soins palliatifs

(Procès-verbal de la séance du 4 juin 2008)......................................................................147

Audition de proches d'un patient décédé d'une sclérose latérale amyotrophique

(SLA) (Procès-verbal de la séance du 11 juin 2008).......................................................155

- 4 - Audition du Professeur Umberto Simeoni, chef de service de médecine néonatale à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, président de la commission

éthique de la société française de néonatologie, et du Docteur Pierre Bétrémieux,

chef du service de réanimation pédiatrique et néonatale du CHU de Rennes

(Procès-verbal de la séance du 11 juin 2008)....................................................................165

Audition de l'épouse d'un patient décédé d'un cancer (Procès-verbal de la

séance du 18 juin 2008 ).....................................................................................................183

Audition de Mme Marie Humbert et de M. Vincent Léna, président de

l'association Faut qu'on s'active ! (Procès-verbal de la séance du 18 juin 2008)...........193

Audition du Professeur François Goldwasser, professeur en médecine à l'université de Paris V-René Descartes, chef de l'unité médicale d'oncologie du

groupe hospitalier Cochin (Procès-verbal de la séance du 24 juin 2008)..........................205

Audition du Docteur Édouard Ferrand praticien hospitalier au service de réanimation chirurgicale à l'hôpital Henri Mondor (Procès-verbal de la séance

du 25 juin 2008)..................................................................................................................217

Audition du Docteur Michèle Lévy-Soussan, responsable de l'unité mobile d'accompagnement et de soins palliatifs de l'hôpital La Pitié-Salpêtrière (Procès-

verbal de la séance du 25 juin 2008)..................................................................................227

Audition du Professeur Élie Azoulay, service de réanimation à l'hôpital Saint-

Louis (Procès-verbal de la séance du 25 juin 2008)........................................................239

Audition du Docteur Anne-Laure Boch, neurochirurgien à l'hôpital de la Pitié- Salpêtrière (Procès-verbal de la séance du 1 er juillet 2008).............................................249 Audition de Mme Nathalie Vandevelde, cadre supérieur infirmier, services de gastroentérologie et de chirurgie digestive, à l'hôpital Saint-Louis (Procès-verbal de la séance du 1 er

juillet 2008)..........................................................................................261

Audition du Docteur Stéphane Donnadieu, coordonnateur de l'unité d'évaluation et de traitement de la douleur de l'hôpital Georges Pompidou (Procès-verbal de

la séance du 2 juillet 2008).................................................................................................273

Audition de M. Claude Évin, ancien ministre, président de la Fédération

Hospitalière de France (FHF) (Procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008).................285

Audition du Docteur Sylvain Pourchet, responsable de l'unité fonctionnelle Soins

palliatifs à l'Hôpital Paul-Brousse (Procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008)..........295

Audition de Mme Monique Faure, présidente de l'Association d'entraide aux malades traumatisés crâniens et autres cérébro-lésés et aux familles (AEMTC)

(Procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008)...................................................................303

Audition du Docteur Véronique Fournier, directrice du Centre d'éthique clinique du Groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul (Procès-verbal de la séance

du 2 juillet 2008).................................................................................................................325

Audition du Docteur Anne Prud'homme, pneumologue, chef du service des maladies respiratoires au centre hospitalier de Bigorre, membre de la société de

pneumologie de langue française (Procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008)............339

Audition du Professeur Gérard de Pouvourville, titulaire de la chaire d'économie

de la santé à l'ESSEC (Procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008).............................345

Audition d'un proche d'un patient décédé (unité de soins palliatifs de l'hôpital

Jean-Minjoz à Besançon) (Procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008)........................355

- 5 - Audition de Mmes le Docteur Marie-Hélène Boucand, Sylvie Hulin et Geneviève Invernon, représentantes de l'Association Française des Syndromes d'Ehlers-

Danlos (Procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008).....................................................361

Audition du Professeur Emmanuel Hirsch, directeur de l'espace éthique AP-HP et du département de recherche éthique de l'université Paris Sud 11 (Procès-verbal

de la séance du 9 juillet 2008)............................................................................................373

Audition du Professeur Daniel Brasnu, chef de service ORL à l'Hôpital Européen

Georges-Pompidou (Procès-verbal de la séance du 15 juillet 2008)...............................389

Audition de Mme la Professeure Dominique Thouvenin, Université

Paris 7-Diderot (Procès-verbal de la séance du 15 juillet 2008).....................................401

Audition de M. Jean-Paul Guérin, président de la Commission de certification des établissements de santé et de M. Raymond Le Moign, directeur de l'amélioration

de la qualité et de la sécurité des soins à la Haute Autorité de santé (Procès-

verbal de la séance du 15 juillet 2008)...............................................................................411

Audition de Mme la Professeure Delphine Mitanchez, néonatologue à l'hôpital

Armand-Trousseau (Procès-verbal de la séance du 16 juillet 2008)................................421

Audition de Mme Paulette Le Lann, présidente de la Fédération JALMALV Jusqu'à la mort accompagner la vie (Procès-verbal de la séance du 16 juillet Audition de Mme Maryannick Pavageau et de M. Jacques Ricot, professeur agrégé

de philosophie (Procès-verbal de la séance du 16 juillet 2008).......................................451

Audition du Docteur Godefroy Hirsch, Président de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) (Procès-verbal de la séance du

9 septembre 2008)...............................................................................................................465

Audition de Mme Martine Nectoux, infirmière clinicienne (Procès-verbal de la

séance du 9 septembre 2008)..............................................................................................479

Audition de M. Michel Legmann, président du Conseil national de l'Ordre des

médecins (Procès-verbal de la séance du 9 septembre 2008)..........................................489

Audition de M. Alain Monnier, président de l'Association pour le développement des soins palliatif (ASP Fondatrice) et du Docteur Chantal Millot, présidente de l'ASP de l'hôpital Saint-Philibert de Lille (Procès-verbal de la séance du

9 septembre 2008)...............................................................................................................501

Audition de M. Didier Sicard, ancien Président du Comité Consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) (Procès-verbal de la

séance du 10 septembre 2008)............................................................................................511

Audition de M. Xavier Mirabel, médecin cancérologue, président de SOS fin de vie et de M. Olivier Jonquet, chef du service de réanimation du CHU de

Montpellier (Procès-verbal de la séance du 10 septembre 2008)....................................517

Audition de M. Christian Hervé, professeur à l'Université Paris V-Descartes

(Procès-verbal de la séance du 10 septembre 2008)..........................................................529

Audition du Docteur Martine Aoustin, directrice de la mission ministérielle

" Tarification à l'activité » (Procès-verbal de la séance du 10 septembre 2008).............543

Audition du Professeur Philippe Hubert, chef du service de réanimation pédiatrique, réanimation néonatale et soins intensifs à l'Hôpital Necker-Enfants - 6 - malades et du docteur Robin Cremer, Docteur en réanimation pédiatrique à

l'Hôpital Jeanne de Flandre (Procès-verbal de la séance du 10 septembre 2008)...........551

Audition du Docteur François Tasseau, directeur médical du Centre médical de

l'Argentière (Procès-verbal de la séance du 16 septembre 2008)....................................561

Audition de M. Robert Badinter, sénateur des Hauts-de-Seine, ancien président du Conseil constitutionnel, ancien Garde des sceaux (Procès-verbal de la séance du

16 septembre 2008).............................................................................................................569

Audition de Mme Isabelle Durand-Zaleski, chef du service de santé publique à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, professeure des universités et économiste de la

santé (Procès-verbal de la séance du 16 septembre 2008)...............................................583

Audition du Professeur Alain Prothais, professeur de droit pénal à l'Université de Lille II, directeur de l'Institut de criminologie (Procès-verbal de la séance du

23 septembre 2008).............................................................................................................589

Audition de Maître Émeric Guillermou, président de l'Union nationale des associations des familles de traumatisés crâniens (UNAFTC) (Procès-verbal de

la séance du 7 octobre 2008)..............................................................................................609

Audition de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation

(Procès-verbal de la séance du 7 octobre 2008)................................................................621

Audition de M. Jean-Marie Huet, Directeur des affaires criminelles et des grâces

(Procès-verbal de la séance du 7 octobre 2008)................................................................635

Audition du Professeur Louis Puybasset, professeur des universités, praticien hospitalier, département d'anesthésie-réanimation de l'hopital de la Pitié-

Salpétrière (Procès-verbal de la séance du 8 octobre 2008)............................................647

Audition de M. Bernard Beignier, Doyen de la faculté de droit de l'Université des sciences sociales de Toulouse, président de la section " droit privé et sciences criminelles » du Conseil national des universités (Procès-verbal de la séance du

8 octobre 2008)...................................................................................................................671

Audition de Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la justice (Procès-

verbal de la séance du 8 octobre 2008)..............................................................................681

Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des

sports et de la vie associative (Procès-verbal de la séance du 14 octobre 2008).............689

- 7 - Audition de M. Axel Kahn, président de l'université Paris V et directeur de recherches à l'INSERM (Procès-verbal de la séance du 16 avril 2008)

Présidence de M. Jean Leonetti, rapporteur

M. Jean Leonetti : Pour lancer nos débats, nous avons l'honneur de recevoir ce matin M. Axel Kahn, président de l'Université Paris V-René Descartes, directeur de recherches à l'INSERM. Monsieur Axel Kahn, vous avez su allier une longue expérience médicale et des recherches scientifiques de premier plan sur la génétique à une réflexion éthique approfondie ; vous avez publié divers ouvrages parmi lesquels " Et l'homme dans tout ça ? Plaidoyer pour un humanisme moderne », " Raisonnable et humain ? », " L'homme, le bien, le mal ». Vous nous êtes donc apparu, sans conteste, comme la personne la plus qualifiée pour inaugurer nos travaux et présenter au mieux l'état actuel de la question. Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte de cette mission. Le cas de Vincent Humbert, révélé en 2003, a conduit à mettre en place une mission, dont les travaux ont débouché sur la loi du 22 avril 2005, texte d'origine

parlementaire adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale et sans vote contre au Sénat.

Les décrets d'application sont rapidement sortis. Aujourd'hui, et à l'occasion d'une autre affaire médiatique qui a bouleversé la France, celle de Chantal Sébire, le président de l'Assemblée nationale m'a demandé d'évaluer l'application de cette loi, dont je fus le rapporteur. Parallèlement, le Premier ministre m'a adressé une lettre souhaitant que l'on essaie de comprendre pourquoi cette loi

avait pu être mal comprise et mal appliquée, afin d'en déceler les insuffisances éventuelles

et de formuler des propositions. Sur une question de société aussi grave, j'ai eu le souci de travailler dans le même esprit de pluralisme que celui qui avait caractérisé les travaux parlementaires ayant conduit au vote unanime de la loi du 22 avril 2005. Aussi trois collègues appartenant aux différents

groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale participent, à titre personnel, à cette

réflexion : Gaëtan Gorce du groupe socialiste, Michel Vaxès du groupe de la gauche démocrate et républicaine, et Olivier Jardé du groupe du Nouveau Centre, auxquels j'adresse mes remerciements. Après votre exposé, l'audition se poursuivra par un échange de questions et réponses. M. Axel Kahn : Merci beaucoup de m'avoir prié de m'exprimer sur ce sujet auquel

je réfléchis depuis longtemps, à différents titres. Comme beaucoup d'entre nous, j'ai été

confronté à la mort de proches que j'ai été, compte tenu de ma profession, amené à accompagner. Avant de me consacrer à la recherche, j'ai par ailleurs pratiqué des disciplines - 8 - où la question de l'arrêt de vie peut se poser - réanimation néonatale, cancérologie,

hématologie, réanimation polyvalente. J'y ai enfin beaucoup réfléchi en tant que moraliste.

Je voudrais résumer quelques points saillants de cette réflexion déjà ancienne. Il me paraît tout d'abord évident qu'il n'y a jamais aucune vertu à la souffrance. À

l'exception de cas rarissimes - je n'en ai rencontré qu'un seul au cours de ma carrière -, où

la souffrance est revendiquée, une souffrance subie, qui pourrait être calmée et ne l'est pas,

est un scandale. Par conséquent, toute souffrance doit être soulagée, qu'elle soit physique ou

morale. Un moment vient, dans l'évolution des maladies, où il n'est plus possible de guérir un malade. Pour autant, le médecin est loin d'en avoir terminé avec l'expression de sa responsabilité médicale. Totalement impliqué dans la relation thérapeutique avec son patient, il se doit encore de le soulager, et cette exigence l'emporte de loin sur celle de prolonger sa vie de quelques jours. À ce titre, j'ai applaudi la loi qui porte votre nom, Monsieur le rapporteur, parce qu'elle réalise un excellent compromis et qu'elle est, sans doute, la meilleure des pays européens. Il y a par ailleurs un lien évident entre le suicide et l'euthanasie car, en première analyse,, la seule euthanasie qui soit tolérable est celle qui est demandée. Ecartons immédiatement le sentiment de bienfaisance ou de toute puissance qui amène le médecin ou l'infirmière à envoyer vers la mort quelqu'un qui ne l'a pas réclamé. C'est un acte délictueux, même s'il peut être pardonné. La seule euthanasie que nous aborderons est la demande d'une personne qui prie un tiers, souvent un médecin, d'interrompre sa vie. Il s'agit bien de suicide assisté. Je ne parle pas de l'absence d'acharnement thérapeutique qui s'inscrit dans un contexte différent. Cette question du suicide assisté est vieille comme la philosophie. Cela renvoie à la

volonté de maîtriser son être, ses décisions, rester libre de soi jusqu'à sa mort. Dans cet

esprit est né l'idéal de l'ultime liberté : rester maître de soi, de mourir, et ne pas se laisser

aller à la décision de tiers. Néanmoins, d'un point de vue philosophique, cette liberté ultime

mérite toujours d'être questionnée. La caractéristique de l'ultime liberté est qu'elle reste

exceptionnellement une liberté. Par exemple, en sortant de cette réunion, qui se déroule dans

une salle agréable, dans un beau quartier, où je parle d'un sujet qui me passionne, je

pourrais, plutôt que de retourner à l'université et poursuivre une activité exaltante tout

autant, me jeter sous un bus. C'est une vraie liberté. J'ai en effet le choix entre ces deux voies. La demande de mourir, en revanche, ne se pose jamais dans ces circonstances. Au contraire, cette demande émane toujours d'une personne pour qui la vie est devenue insupportable, et qui estime qu'elle n'a d'autre choix que de l'interrompre. C'est tout à fait

le contraire d'une liberté, et il convient, une fois pour toutes, de tordre le cou à cette idée

selon laquelle la demande d'euthanasie serait de ces libertés glorieuses pour lesquelles on est prêt à se battre parce qu'elles sont un idéal de vie. Ce n'est jamais cela. Enfin, quand quelqu'un demande à mourir, il nous dit toujours quelque chose d'une

extraordinaire importance : compte tenu de ce qu'est la réalité de sa vie, ou l'appréhension

qu'il en a, ou de ce qu'elle sera demain, il vaut mieux quitter la scène. Soit il peut le faire

seul, soit il demande de l'aide. Une fois la question ainsi posée, il apparaît évident que la

solidarité impose en tout premier lieu de tenter par tous les moyens de rétablir les conditions

d'une vraie liberté. Ainsi, que la personne qui souffre ne souffre plus, que l'aide-soignante - 9 - revêche et brutale soit remplacée par une infirmière ou une auxiliaire de vie proche et compatissante, que l'aïeule ait encore envie de vivre un jour ou deux pour raconter à sa petite-fille qui le lui demande, sa rencontre avec son grand-père. La proximité de la mort n'est jamais une raison importante d'abréger la vie, dès lors que l'on peut recréer les conditions pour attendre quelque chose du lendemain, restaurer les termes d'une liberté. Cela étant, il existe des situations où la mort réclamée continue de l'être, alors même que la personne a été efficacement soulagée. C'est rarissime, mais cela existe, et

chacun des cas mérite d'être considéré. Je n'en ai pas rencontré dans ma vie. Quelle est alors

la bonne attitude ? La première consisterait à prévoir des dispositions particulières dans la

législation pour que, dans ces cas exceptionnels, avec son accord - personne ne peut le

forcer -, un médecin accède à la demande réitérée d'une personne d'en finir avec la vie.

Beaucoup de nos voisins se sont orientés dans cette voie. L'on peut aussi, comme votre loi, considérer qu'une souffrance morale peut

persister même si la douleur physique a été calmée, et que l'on peut, dans ces conditions,

permettre à la personne de s'endormir et de ne pas se réveiller. C'est d'ailleurs la manière

dont on meurt habituellement. Cette idée selon laquelle la seule mort acceptable serait celle

du condamné à mort que l'on fusille, de celui dont on coupe la tête, ou l'attaque brutale, ne

correspond pas à la plupart des morts. Il est enfin une troisième attitude. Lorsqu'une personne a demandé qu'on l'aide à

mourir, qu'une autre l'a entendue et a considéré qu'il était de son devoir d'accéder à sa

demande, qu'il l'a fait, il faut considérer que cette mort donnée est une transgression, qu'elle

mérite que soit engagée une procédure, mais que les circonstances atténuantes sont telles que

la procédure ne doit pas aller très loin. D'une certaine manière, nous serions dans la même

situation que le meurtre avec légitime défense. La loi ne pose aujourd'hui qu'une seule exception à l'interdiction de tuer, la guerre. Même la légitime défense n'est pas une

exception, elle ouvre droit à une procédure. Néanmoins, lorsqu'il est patent que la personne

était en situation de légitime défense, la procédure s'arrête et un non-lieu est délivré. Cette

attitude est de loin la plus humaine, celle qui permet le mieux de répondre à la totalité des

situations. En effet, notre société a profondément déresponsabilisé chacun d'entre nous.

Nous avons l'impression que nous sommes devenus incapables d'agir si un règlement ou une loi ne nous y autorise pas. Moi, je veux assumer ma liberté, et assumer d'aider un tiers à mourir, si c'est mon devoir, en sachant très bien par ailleurs que la justice humaine édicte

des règles qu'ensuite la jurisprudence adapte à la particularité des cas. Je préfère de loin ce

système à une législation qui entrerait dans le détail et se mettrait à énumérer de nouvelles

exceptions à l'interdiction de tuer. L'interdiction est une très bonne disposition qui ne mérite

pas qu'on y introduise des exceptions. Essayons à présent d'appliquer ces réflexions aux deux situations les plus emblématiques, celle qui a initialement motivé vos travaux, et l'autre, plus récente, à l'origine sans doute de la relecture de cette loi : les cas de Vincent Humbert et de Chantal

Sébire. Le premier pose problème car l'incertitude est réelle sur ce qu'était sa volonté. Les

médecins qui l'ont le plus étroitement suivi, ne sont pas totalement sûrs qu'il eût été en état

mental de quérir quoi que ce soit. Il n'empêche que, très clairement, la justice a eu raison de

ne pas poursuivre la maman et de délivrer un non-lieu pour le médecin. A-t-elle eu tort néanmoins de s'interroger ? Je n'en suis pas certain. - 10 - Dans le cas de Chantal Sébire, la situation est encore médicalement très singulière.

Chantal Sébire était atteinte d'une tumeur des fosses nasales, très rare, mais que l'on traite

dans plus de 80 % des cas, même si l'opération est risquée, car proche du cerveau. À ce

moment-là, Mme Chantal Sébire avait à ce point peur de la mort qu'elle a refusé d'être

opérée, ce qui était parfaitement son droit. La tumeur s'est développée jusqu'à devenir

clairement incurable et provoquer des souffrances considérables. Mme Chantal Sébire a alors refusé qu'on lui pose une pompe à morphine pour la soulager. Ses souffrances étaient

atroces, et elle a préféré demander que l'on mette fin à ses jours, elle-même à l'époque ne

désirant pas se suicider alors qu'elle en avait la possibilité. Je n'ai pas très bien compris la

manière dont on a présenté cette situation. Que les médias voulaient-ils qu'on l'on fît ? L'on

ne change pas une loi, en France, en trois jours. Mme Chantal Sébire souffrait, la loi permettait de la calmer, de l'endormir, sans aucun drame. Des solutions existaient, et les faits ont montré qu'elle a finalement choisi l'une d'entre elles. M. Jean Leonetti : Merci beaucoup, tout d'abord pour le bien que vous avez dit de la loi que les députés ont votée unanimement, mais surtout pour votre réflexion que nous allons poursuivre en vous posant quelques questions. Sans poser le terme d'exception d'euthanasie, vous avez envisagé la question,

comme le Comité consultatif national d'éthique l'avait fait : la loi est la loi, l'interdiction de

tuer existe, la transgression est possible. J'ai même cru comprendre qu'à titre exceptionnel et

personnel elle pouvait vous paraître morale, et qu'il fallait alors l'assumer, mais par une

procédure allégée. Pouvez-vous nous préciser votre pensée, étant donné que vous semblez

avoir écarté l'exception d'euthanasie autorisée par un comité après examen de la demande ?

S'agissant par ailleurs du double effet, vous avez repris notre idée selon laquelle, en

fin de vie, la qualité de vie prime sur la " quantité de vie ». Partant, l'objectif essentiel est de

supprimer toute souffrance morale ou physique fût-ce au prix d'abréger la vie. Bien que la proximité de la mort ne vous semble pas une raison pour abréger la vie, vous avez cependant écrit par ailleurs que lorsque le malade n'a pas du tout de vie relationnelle, il ne vous pas paraissait pas illicite d'augmenter les doses pour l'endormir. Dans l'action d'endormir, il y a pourtant celle d'accélérer la venue de la mort. M. Axel Kahn : S'agissant tout d'abord de l'exception d'euthanasie, j'ai été membre du Comité consultatif national d'éthique pendant douze ans, et j'ai donc très

activement participé aux discussions sur ce sujet. L'avis était ambigu, et il fut interprété très

différemment par les membres du comité. Pour certains, dont moi, le message était que donner la mort est toujours une transgression, mais qu'il est des cas exceptionnels où cette transgression doit être pardonnée. Pour d'autres, notamment M. Henri Caillavet, l'avis signifiait au contraire un pas vers la reconnaissance d'un droit positif à l'euthanasie. Beaucoup des membres du comité ont été malheureux de cette ambiguïté. La loi édicte des principes et la jurisprudence, avec humanité, détermine leurs conditions d'application. Donner la mort est toujours une transgression. Il n'y a pas à introduire de dispositions nouvelles dans le droit pour énumérer des exceptions, surtout que

depuis des années, personne n'a été condamné pour une euthanasie authentique. Qu'on aille

plus loin et qu'on indique, comme dans le cas du meurtre en état de légitime défense, qu'il y

a dans la procédure une clause de non-lieu, pour que la personne mise en cause n'aille pas

jusqu'aux assises, me paraît être la solution la plus intéressante. Elle permettrait en effet

d'instruire tous les cas individuellement, et sans acharnement juridique, comme cela arrive - 11 - parfois. Ainsi, pourquoi la justice a-t-elle fait autopsier Chantal Sébire ? Qu'elle se soit

suicidée, ou que quelqu'un lui ait donné des médicaments, aucune sanction juridique n'était

possible. Evitons de nous acharner juridiquement sur des personnes dont l'on sait très bien qu'elles seront acquittées. Quant au double effet, beaucoup pourraient me croire hypocrite : j'injecte de la

morphine, je mets les gens en coma léger, je ne les nourris plus, sachant très bien qu'ils vont

mourir en trois jours. Pourquoi ne pas injecter directement du chlorure de potassium en intraveineux ? Cette objection est recevable, mais je voudrais y répondre sur le plan de la

finalité de l'action, qui est très importante. Ainsi, si je fais dormir Chantal Sébire, c'est pour

l'empêcher de souffrir. Certes, si je la fais dormir et que je ne la nourris pas, elle va mourir

plus tôt, mais sa mort n'est pas mon objectif. En médecine, il est très fréquent qu'un acte

médical qui tend à soulager, au final tue. Nous avons l'habitude de ce double effet, mais il y a une différence fondamentale pour la Nation, pour le législateur, entre reconnaître qu'un médecin, parce qu'il n'a pas d'autre moyen de soulager des souffrances, peut prescrire des médicaments qui vont abréger la vie et introduire dans le droit positif l'autorisation d'interrompre la vie. Pour moi, il ne s'agit pas d'une simple querelle sémantique, mais d'une différence très importante. M. Jean Leonetti : Je me permets de prolonger la question pour vous faire préciser

la réponse. Je conçois bien le problème de l'intentionnalité, qui est d'ailleurs la base de notre

droit pénal. La mort donnée volontairement n'a rien à voir avec celle donnée

involontairement. Cependant, des dispositions avaient été prévues pour que le malade, à sa

demande, ou la collégialité médicale, quand le malade n'est pas en état d'exprimer sa volonté, puisse interrompre un traitement qui maintient artificiellement en vie. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de mettre fin à l'alimentation par sonde gastrique, la mort ne survient pas aussi rapidement qu'en cas d'arrêt d'un respirateur. Vous paraît-il alors licite de mettre parallèlement en place une sédation profonde, qui n'a alors pas pour but d'enlever la douleur du malade, souvent dans un coma dépassé, mais bien souvent d'alléger la peine de la famille ? Je pense ainsi au jeune Hervé Pierra, qui, une fois interrompus l'ensemble des traitements qui le maintenaient en vie (hydratation et alimentation), est mort, probablement sans souffrance, mais avec des convulsions qui ont duré six jours. Il me semble que, dans cette situation, la loi a été mal comprise et mal appliquée. M. Axel Kahn : Bien sûr, elle a été mal comprise et mal appliquée. L'attitude de

mes confrères fut, en l'espèce, très singulière. Sans doute ce jeune homme était-il dans un

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